La sibylle de Tibur

 

 

 

Octave-Auguste, arrivé à l’apogée de sa gloire, reçut du Sénat romain le titre de Dieu des nations. Puisqu’il était honoré au point de se voir élever des autels, il ne pouvait rien désirer de plus. Cependant, avant d’accepter cet hommage surhumain, il voulut consulter la Sibylle de Tibur, à laquelle il soumettait tous ses desseins.

Cette prophétesse habitait près de l’Empereur, sur le mont Palatin, un appartement dont le seuil ne s’ouvrait que devant lui. Auguste s’y rendit à minuit. Il lui demanda si, dans le cours des âges, il naîtrait un prince plus grand que lui ? Au moment où la Sibylle se livrait à des recherches dans les livres sacrés, un météore lumineux apparut dans le ciel et éclaira la pièce où se donnait la consultation.

« Regarde !... dit la Sibylle. Vois-tu dans ce cercle d’or embrasé la douce image d’une jeune femme qui tient en ses bras un petit enfant ?... C’est le signe de l’avenir, qu’un Dieu inconnu te révèle. À cette heure, un monde finit, un autre monde commence ; prosterne-toi et adore !... car cet enfant, dont tu vois le reflet dans les Cieux, vient de toucher la terre !... C’est le roi des siècles futurs, c’est le vrai Dieu des nations. Je le vois naître obscur, au milieu d’un petit peuple éloigné. Sa divinité se cache sous la faiblesse des hommes, et quand il prendra la parole pour se faire connaître, les hommes le persécuteront comme un imposteur. Il fera des prodiges de bonté, et on l’accusera de pactes avec les Génies malfaisants ; on lui rendra le mal pour le bien, et, après l’avoir comblé d’outrages, on lui ôtera la vie. Mais je le vois, plus loin, vainqueur de la mort, sortir du tombeau où ses meurtriers croiront l’avoir enfermé. Je le vois planer au-dessus de toutes les nations et les réunir à ses pieds comme des brebis. Adoré sur la terre et glorifié dans les Cieux, il tiendra l’Éternité dans sa main et fera le partage des élus et des maudits. Ceux qui auront crû en lui, quand il passait parmi eux sous les voiles de l’Humanité, ceux-là seront son peuple éternel et béni. Ceux qui ne le reconnaîtront qu’aux éclats du tonnerre s’humilieront trop tard ; il leur dira à son tour : « Je ne vous connais point !... »

Quand la Sibylle eut achevé sa Révélation, le brillant météore se divisa en trois étoiles qui s’écartèrent en forme de triangle.

On dit que l’empereur Auguste raconta cette vision au Sénat dès le lendemain. Les patriciens ordonnèrent le dépôt du récit impérial dans les archives de l’État, où il fut découvert plus tard par l’empereur Constantin.

Ce document a été catalogué dans les Antiquités de Muratori. Saint Jérôme, saint Justin, Lactance, saint Clément d’Alexandrie, Origène se prononcent en faveur de l’authenticité.

On raconte encore que l’empereur Auguste, ayant érigé un temple à la paix, consulta l’oracle à ce sujet. L’oracle répondit : « Cette paix subsistera jusqu’à ce qu’une vierge enfante sans cesser d’être vierge. »

Auguste, interprétant le sens de ces paroles comme une promesse de perpétuité, fit graver au fronton de l’édifice cette dédicace : la Paix éternelle (Templum Pacis aeternae).

Chose singulière, le monument bâti par Auguste à la paix éternelle s’écroula sans cause explicable au moment de la nativité du Christ.

 

 

 

Paru dans La Lumière en avril 1889.

 

 

 

 

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