Bernadette – Jeanne d’Arc

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Prosper-Gustave BOISSARIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’histoire de Bernadette, sa vie, sa mission providentielle, le bruit qui s’est fait autour de son nom, tout confond, tout surprend dans ce récit merveilleux, qui sort des conditions de la vie réelle.

Son exemple pourtant n’est pas sans précédent dans notre histoire.

« Il y a plus de trois siècles, une jeune fille âgée de seize ans, ne sachant de son propre aveu ni A ni B, occupée, dès son bas âge, à coudre, à filer, à mener paître son troupeau, affirme qu’elle est envoyée de Dieu pour sauver le royaume de France. Son affirmation ne rencontre que l’incrédulité dans sa famille, le dédain parmi les hommes d’épée, la défiance chez les gens d’Église. Elle triomphe de tout... Étrangère à l’art de la guerre, auquel elle n’entend rien, elle fait lever le siège d’une grande ville à des généraux expérimentés, elle fait reculer une armée toujours victorieuse jusque là. Elle ramène enfin la victoire sous nos drapeaux.

« Quelques années après, il ne restait plus un étranger sur le sol de la patrie, la France était libre, indépendante, et, de cette lutte de tout un siècle, il ne restait que le souvenir d’un drame gigantesque, dénoué par la main d’une enfant 1. »

Comme Jeanne d’Arc, Bernadette, à peine âgée de quatorze ans, ignorante, timide, sans aucune instruction, occupée jusque-là à la garde des troupeaux, devient la messagère choisie par Dieu pour faire entendre au monde les plus graves enseignements. Elle nous convie à la pénitence, à la prière ; elle proclame le dogme à peine connu de l’Immaculée Conception. Elle soulève des élans de foi dignes des premiers âges de l’Église ; elle couvre la terre de Lourdes d’une végétation d’édifices sacrés et de maisons religieuses. Il n’y a pas un peuple dans l’univers qui ne connaisse, ne bénisse et n’implore la Vierge dont elle nous a laissé la ravissante image.

Michelet, en écrivant la vie de Jeanne d’Arc, fait une réflexion bien profonde :

« Ce qui m’a le plus frappé chez cette jeune fille, c’est son rare bon sens. »

Alors que tout le monde avait perdu la tête, que le roi doutait de lui-même et de sa mission, que les généraux n’avaient plus confiance, Jeanne remit toutes choses en place ; elle rendit le courage à l’armée, l’espérance au roi, et trouva pour chacun le langage qui lui convenait.

La timide enfant de Lourdes, en présence des savants et des incrédules, avait aussi des éclairs de bon sens qui réduisaient au silence tous ses contradicteurs.

Ni Jeanne, ni Bernadette ne purent s’imposer à la foi comme à l’admiration de leurs contemporains.

Les simples se rendirent vite ; ces surprenantes apparitions leur semblaient venues du ciel ; tant de pureté unie à tant de simplicité les subjuguait. Mais les grands personnages, les docteurs se tenaient sur la réserve, les théologiens eux-mêmes délibérèrent longtemps.

Pour expliquer leurs deux vies, on aura beau multiplier les hypothèses, il y aura toujours du merveilleux dans leur histoire.

Le curé de Domrémy, cité en témoignage dans le procès de révision, disait en parlant de Jeanne : « Je ne connus jamais sa pareille. »

L’abbé Peyramale, curé de Lourdes, a dépensé toutes les énergies de sa vie pour défendre et protéger son humble bergère.

Voilà donc deux bergères qui jouent un rôle bien surprenant dans notre histoire. L’une délivre la France et termine la guerre de Cent ans ; l’autre, au milieu d’une société qui semble vouloir retourner au paganisme, qui nie le Christ et ses Apôtres, qui, depuis un siècle, divinise la raison, l’autre, disons-nous, fait fléchir le genou à tout un monde et semble mettre le ciel en communication avec toute la terre.

Jeanne meurt sur le bûcher, méconnue, trahie. Mais, après plus de trois siècles, sa mémoire excite parmi nous un enthousiasme général et tout un peuple se retourne vers elle. Son nom devient un cri d’espérance, et le souvenir de cette gloire nationale se réveille à la fois dans tous les esprits.

Bernadette a connu l’épreuve. Les murmures de la contradiction, les sarcasmes de l’impiété sont arrivés jusqu’à elle, mais l’outrage ne l’a pas abattue. La science l’a combattue par tous les moyens. On a déclaré qu’elle était menteuse, folle, hallucinée, mais les médecins qui l’ont connue ont proclamé sa sagesse et sa raison ; ils ont rendu un public hommage à toutes ses qualités : modestie, simplicité, désintéressement.

De son vivant, elle a vu ses prédictions réalisées, comme des ordres venus du ciel. Elle a vu les foules se presser sur les bords du Gave, et les guérisons les plus éclatantes nous ont donné la preuve de sa mission surnaturelle.

C’est une page bien surprenante pour notre âge que celle qui s’écrit depuis plus de trente ans à Lourdes ! Il faut remonter jusqu’à l’histoire du peuple de Dieu pour trouver des pages comparables à celle-là.

Jeanne d’Arc, Bernadette, nous rappellent les grandes figures des femmes de la Bible : messagères choisies par Dieu pour manifester plus ouvertement sa puissance, pour converser plus familièrement avec nous, pour nous transmettre ses ordres ou ses enseignements.

 

  

 

Prosper-Gustave BOISSARIE,

Lourdes depuis 1858

jusqu’à nos jours, p. 81-84.

 

Recueilli dans

Anthologie des meilleurs écrivains de Lourdes,

par Louis de Bonnières, 1922.

 

 

 

 

 



1 Discours de Mgr Turinaz, évêque de Nancy.

 

 

 

 

 

 

 

 

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