Histoire de l’Antéchrist

D’APRÈS LA BIBLE ET LES SAINTS PÈRES

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

l’Abbé Constantin CHAUVIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRÉFACE

 

 

 

Que sait-on de l’Antéchrist et que peut-on en écrire ?

Presque rien, disent certains critiques ; – beaucoup de choses, répondent d’autres.

Ceux-ci et ceux-là exagèrent pareillement.

Sans doute il s’agit d’écrire une histoire avant la lettre, le personnage qui en est le héros n’étant pas né. Est-ce a dire que l’Antéchrist nous soit totalement inconnu ? Non. Ses origines, son caractère, quelques-uns de ses faits et gestes, son influence néfaste dans le monde, sa triste fin, nous n’ignorons point absolument tout cela. Un prophète de l’ancienne loi – Daniel ; deux écrivains inspirés de la nouvelle – saint Paul et saint jean ; – que dis-je ? Jésus-Christ lui-même, nous ont parlé, en termes couverts il est vrai, mais encore assez précis, de ces mystérieux évènements.

Les saints Pères ont ajouté aussi à la révélation biblique.

L’Écriture et la tradition seront nos sources.

Sur ces données la légende et les « apocryphes » des premiers siècles ont brodé à plaisir. Que d’histoires fantaisistes fabriquées sur l’Antéchrist ! Nous laisserons ces fables de côté. Si nous les citons quelquefois, ce ne sera que pour les réfuter et en montrer le ridicule. Des théologiens ont eu le tort, je l’avoue, d’attacher trop de créance à ce rêveries. Même quelques Pères s’y sont laissé prendre. On comprendra que nous ne les suivions point.

Bref, nous condamnerons ce qui est faux ; nous affirmerons ce qui est certain ; nous donnerons pour probable ce qui n’est que probable.

Mayenne,                         

Jeudi saint, 4 avril, 1901.             

 

 

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

LA PERSONNE DE L’ANTÉCHRIST

 

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§ 1. – S’il y aura un Antéchrist ?

 

 

Oui, il existera un Antéchrist. Personne n’en doute parmi les catholiques.

Mais les rationalistes et nombre de protestants modernes contestent cette vérité. À les entendre, l’Antéchrist ne serait qu’un mythe, une légende. « Mon opinion, affirme M. Bousset 1, est que dans la saga (!) de l’Antéchrist se cache un mythe primitif connexe aux mythes de la création, mais transformé en mythe eschatologique. Dans la croyance juive populaire persévéra l’idée de la rébellion d’un monstre marin, qui avait guerroyé contre Dieu au temps de la création, et qui, aux derniers jours du monde, devait se lever de nouveau contre lui pour une lutte suprême. On n’attendait pas précisément l’écrasement d’Israël par ce roi et son armée, mais plutôt une lutte de Satan et de Dieu, une lutte du Dragon et du Tout-Puissant assis dans le ciel. La légende de l’Antéchrist est pour moi simplement une incarnation du vieux mythe du Dragon ».

À noter que sous la plume des écrivains chrétiens l’Antéchrist s’est transformé en un « faux messie » qui guerroiera contre les « saints » de Dieu sur la terre, et contre les « deux témoins », puis sera lui-même exterminé par le Messie véritable. – Ainsi pensent MM. Sabatier 2, Luthardt 3 et bien d’autres critiques. Inutile de discuter avec eux s’il y aura un Antéchrist. Évidemment, un personnage qui n’est qu’une « idée », un « mythe », « un symbole », n’appartiendra jamais à l’histoire.

On prétend encore que le mot « Antéchrist » désigne une collectivité, et l’on s’autorise de saint Jean. Cet apôtre, dit-on, n’enseigne-t-il pas dans ses Épîtres que quiconque s’oppose à Jésus-Christ, ou à sa doctrine, mérite le nom d’Antéchrist ? « Il y a maintenant de nombreux Antéchrists », – lisons-nous dans I Joan., II, 18. – « Celui-là est un Antéchrist qui nie le Père et le Fils. » – « Tout esprit qui détruit Jésus n’est pas de Dieu ; et celui-là est Antéchrist dont vous avez entendu dire qu’il doit venir, et déjà il est dans le monde. » – « Beaucoup d’imposteurs ont paru qui ne confessent pas que Jésus-Christ est venu dans la chair ; ce sont des imposteurs et des Antéchrists 4. »

En ces passages, assurément, le mot Antéchrist est générique et synonyme d’antichrétien. Mais est-ce une raison de nier pour cela la personnalité d’un « Antéchrist » à venir, qui sera le plus grand et le dernier des adversaires de Dieu en ce monde ? Saint Jean ne l’entend pas ainsi. Quand il écrivait : « Mes petits enfants..... vous avez ouï dire que l’Antéchrist arrive..... Eh bien ! il en est déjà venu des antéchrists 5 », sa pensée se reportait, dans la première partie de sa phrase, soit à la doctrine – qui commençait alors à se répandre beaucoup – de la seconde Épître aux Thessaloniciens, soit à la théologie eschatologique qu’il avait prêchée lui-même et qu’on retrouve dans l’Apocalypse. C’est donc intentionnellement que saint Jean distingue ici l’« adversaire » personnel du Christ (ἀντίχριστοϛ au singulier 6) de ses autres adversaires (ἀντίχριστοι au pluriel), et qu’il annonce la venue plus ou moins prochaine du premier.

De son côté, saint Paul parle de l’avènement de l’Antéchrist. « Le jour du Seigneur, disait-il aux Thessaloniciens 7, n’arrivera que lorsque... se sera montré l’homme de péché, le fils de perdition, qui combat et s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu... L’impie paraîtra et le Seigneur Jésus le détruira d’un souffle de sa bouche. »

Notre-Seigneur, lui aussi, a fait plusieurs allusions discrètes à la venue de ce diabolique personnage et de ses suppôts 8.

Chose remarquable, l’Antéchrist a été préfiguré d’avance comme le fut Jésus, le Messie véritable 9. Beaucoup ont vu son image anticipée dans Antiochus Épiphane, dans Néron, dans Julien l’Apostat, voire même dans Mahomet 10. Saint Jean et saint Paul laissent du moins entendre 11 qu’il a été symbolisé et en quelque sorte ébauché par tous les persécuteurs de l’Église et les grands adversaires du nom chrétien. « Les persécuteurs sanglants, tels que les Césars, représentent sa future cruauté envers les fidèles ; les persécuteurs hypocrites, tels que Julien l’Apostat, sont l’image de sa dissimulation. Les hérétiques, les schismatiques, surtout les incrédules et les impies de nos jours, préludent à l’immense apostasie dans laquelle il fera tomber tant d’hommes. Enfin ceux qui s’adonnent à leurs passions et avalent l’iniquité comme l’eau, se forment à sa ressemblance. D’après cela, il est facile de comprendre comment saint Paul a pu écrire : « Le mystère d’iniquité commence déjà à s’opérer (cf. II Thess., II, 7) 12. »

Conclusion : Il y a, et il y aura toujours des Antéchrists, mais il viendra aussi un ANTÉCHRIST, dont ceux-là ne seront que les précurseurs, et qui résumera toute leur impiété, selon l’énergique expression de saint Irénée 13. La révélation écrite, les Pères, la théologie catholique, sont unanimes à cet égard. L’avènement futur de l’Antéchrist est donc une de ces vérités qui appartiennent à la foi divine 14.

 

 

§ 2. – Les différents noms de l’Antéchrist.

 

Le nom dont on se sert le plus souvent – le nom populaire – pour désigner le dernier « adversaire » de Dieu et de l’Église en ce monde, est celui d’ANTÉCHRIST 15. Le mot est de saint Jean, le seul écrivain inspiré de la nouvelle alliance qui en fasse usage.

Remarquons que ce nom d’« Antéchrist » n’est en réalité qu’un qualificatif, composé de deux mots grecs : ἀντί et χριστοϛ ; partant, il peut signifier soit l’adversaire du Christ, – si l’on prend anti (ἀντί) dans le sens de contre ; – soit un faux Christ, un rival du Christ, cherchant à le supplanter, – si l’on prend anti pour à la place de.

Ces deux significations sont plausibles.

Plus communément les exégètes protestants adoptent la seconde, parce qu’elle « caractériserait mieux la prétention de l’Antéchrist à se donner pour le grand roi attendu depuis longtemps, et qui doit gratifier l’humanité de l’âge d’or auquel elle aspire 16 ». Les interprètes catholiques préfèrent le premier sens, avec saint Jérôme : « Ipse est enim, observe l’illustre docteur, qui adversatur Christo ; ideo vocatur Antichristus 17. » Saint Paul désigne l’Antéchrist par un terme tout semblable : ό ἀντίχείμενοϛ = celui qui se dresse contre, qui fait opposition. N’est-ce pas justement dans le même sens que le démon est appelé SATAN 18, c’est-à-dire l’adversaire (de Dieu) ?

L’Antéchrist est appelé aussi l’homme de péché (ό ἄνθρωποϛ τηϛ ἀνομίαϛ) 19 : expression toute hébraïque pour signifier, d’après saint Jérôme, que ce sinistre personnage sera pour trop de fidèles un exemple et une occasion de crimes. Il séduira le monde et corrompra les cœurs. Saint Thomas a traduit homo peccati par homo omnium pessimus.

L’Antéchrist est appelé encore par saint Paul fils de perdition (ό υἱὸϛ τηϛ ἀνωλείαϛ) 20 : autre formule hébraïque pour dire un homme que ses iniquités voueront à une damnation inévitable. N’est-ce pas la formule dont Jésus lui-même se servit pour qualifier Judas 21 ? Les Orientaux aiment ces expressions figurées. Le « fils de la force », c’est pour eux le guerrier âpre au combat ; le « fils de la foudre », c’est l’aigle superbe, au regard perçant ; le « fils du tonnerre », c’est l’homme fougueux et emporté 22.

Dans saint Paul enfin l’Antéchrist est appelé l’homme sans loi (ό ἄνομοϛ) 23. Ce terme donne à entendre que l’« adversaire » de Dieu foulera aux pieds toute législation divine et humaine pour n’écouter que la voix de ses passions.

Nous croyons avec la tradition que c’est l’Antéchrist qui est désigné dans l’Apocalypse 24 sous le nom de « la Bête » (τὸ θηρίον). Il est probable que cette dénomination figurée fait antithèse à celle d’Agneau qui désigne Jésus-Christ. On croit que saint Jean l’a empruntée à Daniel 25.

Les Juifs de l’ancienne synagogue appelaient l’Antéchrist Armillus. Pourquoi ? Nous l’ignorons 26. – Aujourd’hui les Mahométans l’appellent Deggâl, c’est-à-dire imposteur, fourbe, menteur 27.

Mais quel sera le nom personnel de l’Ἀντίχριστοϛ ? L’auteur de l’Apocalypse indique un moyen de le connaître : « Voici le mystère, dit-il... Le nombre de la « Bête », c’est le nombre de l’homme, et ce nombre est 666 28. » Cette somme représente donc la valeur numérale des lettres qui composeront le nom de l’« homme de péché ». Malheureusement, une foule de noms réalisent le nombre 666. Saint Irénée propose les substantifs :

Ἐνάνθαϛ, Λατεἴνοϛ, Τεἴταν, – sans se décider pour aucun. Saint Hippolyte voit dans le nombre 666 une allusion au mot ἀρνοῠμαι, je nie. D’autres préfèrent ᾊρτενοϛ (qui n’est pas grec) lequel signifierait adversaire ; Οὐλπίοϛ, transcription grecque de Ulpius, un des prénoms de Trajan. On a pensé aussi à César Néron écrit en caractères hébraïques. Mais l’orthographe latine Cesar Nero (sans n) ne donne plus que 616 29. À vrai dire ces calculs ne précisent rien.

Un critique moderne, M. Bruston, a cru être plus heureux et trouver le nombre 666 en additionnant les lettres du nom du fondateur de Babylone : Nemrod ben Kush 30. Wölter penche pour Trajan Adrien, dont les lettres hébraïques font également 666.

Où s’arrêter en pareille voie ? Laissons plutôt ces hypothèses, et ayons la modestie d’avouer que le secret de saint Jean demeure impénétrable. Nous aurons beau chercher, le vrai nom de l’« homme de péché » nous échappera toujours. Ce qui est sûr néanmoins, c’est que l’Antéchrist sera un individu réel ; sa personnalité appartient, ce semble, comme le fait de son avènement futur, au dépôt des vérités révélées et de foi divine.

 

 

§ 3. – Les origines de l’Antéchrist.

 

D’anciens auteurs ont prétendu que l’Antéchrist serait un démon sorti de l’enfer et incarné dans une nature humaine.

Le « fils de perdition » singerait mieux ainsi le « fils de la Vierge », Notre-Seigneur, Dieu et Homme tout ensemble.

L’autorité de saint Hippolyte 31 et un texte mal compris de saint Jérôme 32 ont surtout contribué à accréditer cette opinion.

Cependant rien n’est plus faux 33. Car de deux choses l’une : ou cette incorporation d’un démon serait une incarnation véritable, analogue à celle du Verbe en Jésus-Christ ; ou bien elle ne serait qu’une incarnation apparente, comme l’ont pensé saint Cyrille de Jérusalem 34 et après lui d’autres Pères 35. Les deux hypothèses sont également inacceptables. L’incarnation telle qu’elle eut lieu pour Jésus-Christ est un miracle de tout premier ordre. Comment supposer que Dieu mette jamais son infinie puissance au service du démon ? Quant à une incarnation apparente de l’esprit mauvais, il n’y faut plus songer lorsqu’on a lu les textes où saint Paul parle de la personnalité de l’Antéchrist. Tout le monde sera témoin de ses sinistres exploits, de ses crimes, de sa mort.

Mais si l’Antéchrist doit être réellement un homme, en chair et en os, c’est une erreur de prétendre qu’il naîtra du commerce de Satan avec une vierge, comme Notre-Seigneur naquit de Marie par l’opération de l’Esprit-Saint. Telle semble avoir été l’opinion de Lactance et d’Hésychius de Jérusalem 36. Pas n’est besoin d’être profondément versé dans la théologie pour reconnaître l’absurdité d’une pareille hypothèse. Nous n’insistons pas.

Est-ce à dire que l’Antéchrist ne sera cependant point le fruit d’un commerce illicite ? Quelques Pères 37 affirment qu’il naîtra ex fornicatione...... ex spurcissima muliere. Ils ont raison probablement. Néanmoins l’Écriture ne dit rien de cette origine corrompue ; la tradition n’est pas non plus unanime à cet égard. L’opinion des Pères cités tout à l’heure ne dépasse donc point les limites de la simple probabilité.

Le grand « adversaire » de Jésus-Christ sortira-t-il, comme le prétendent nombre d’auteurs, du sein du paganisme ? Il semble que saint Paul l’enseigne, car il qualifie d’ἄνομοϛ l’« homme de péché » 38. En réalité ce sentiment n’est pas démontré. Nous croyons que l’Apôtre prend ici l’adjectif ἄνομοϛ dans un sens absolu. Il ne veut pas dire que l’Antéchrist sera l’homme sans loi (= païen), mais qu’il anéantira la loi en la méprisant, qu’il sera la négation vivante et consciente de la loi, parce qu’il sera la négation du bien.

« L’ensemble des deux Épîtres aux Thessaloniciens, écrit M. Sabatier 39, nous amène à penser qu’aux yeux de leur auteur, cet Antéchrist qui s’assoira comme dieu au temple de Jérusalem, à la place du vrai Messie, doit sortir du Judaïsme. Le peuple juif ne représentait-il pas déjà l’opposition la plus violente à l’Évangile ? Ceux dont l’Apôtre avait le plus à se plaindre 40 étaient des Juifs. Ce sont les Juifs enfin que Paul caractérisait comme hostiles au genre humain, multipliant sans cesse leurs péchés, arrivant à combler la mesure de leur corruption et prêts à être atteints par la colère divine 41..... L’Antéchrist sera donc le représentant de la révolution juive qui déjà fermente. »

Beaucoup de Pères 42 assurent qu’il sera de la tribu de Dan. –  Nous n’en savons rien, et Bossuet a raison de dire 43 que « c’est là une affaire non de dogme ni d’autorité, mais de conjecture ». Cette conjecture reposerait principalement sur un texte de Genèse, XLIX, 17, et sur ce fait que dans l’Apocalypse, VII, la tribu de Dan n’est point nommée parmi celles où l’ange marque au front les serviteurs de Dieu 44. – J’avoue que le peuple juif n’avait qu’une médiocre estime pour les Danites, mais cette réprobation, non plus que les textes cités ne constituent pas une preuve suffisante en faveur de l’opinion dont il s’agit. La prophétie de Jacob (Gen., XLIX, 17) s’applique à Samson et non à l’Antéchrist. Quant au silence de saint Jean (Apoc., VII), s’il est réel, il ne prouve rien, attendu que dans la plupart des énumérations il y a presque toujours quelque tribu omise. Ouvrons le Pentateuque, par exemple.

Ici c’est Lévi dont on ne parle pas (cf. Num., XIII) ; là c’est Siméon (cf. Deut., XXXIII). Du reste, il n’est pas certain que le silence de Apoc. VII, soit voulu 45 ; l’omission de la tribu de Dan pourrait bien n’être que le fait d’un copiste distrait 46.

Retenons seulement deux choses : 1o l’Antéchrist naîtra comme naissent tous les hommes, sans aucun miracle, – quoique très probablement d’une union illicite 47 ; – 2o il verra le jour au sein d’une famille d’Israël.

 

 

§ 4. – Où et quand naîtra l’Antéchrist ?

 

C’est une opinion assez générale parmi les Pères que l’Antéchrist naîtra à Babylone, parce que Babylone est désignée dans la Bible comme la cité du mal, de l’idolâtrie, de la corruption. Mais s’agit-il de la Babylone de Mésopotamie, ou de celle d’Égypte ? Les Pères ne précisent point. Il est possible qu’ils n’aient voulu parler ni de l’une ni de l’autre en réalité. N’entendaient-ils pas plutôt parler de Jérusalem ou de Rome ? Depuis le déicide, l’ancienne capitale de la Judée est demeurée une ville maudite ; présentement elle gémit sous le joug des infidèles ; ne deviendra-t-elle point à la fin des temps un foyer d’antichristianisme ? De là le nom symbolique de Babylone pour la désigner. En tout cas, c’est bien dans ce sens que saint Pierre 48 appelle aussi « Babylone » la capitale du monde romain.

Si donc l’Antéchrist doit naître à Babylone, il est permis de penser que son berceau sera soit Rome soit Jérusalem ?

Et la date de ce grave évènement, la connaît-on ? Non ; c’est le secret de Dieu. Saint Paul a là-dessus quelques lignes que l’avenir éclaircira sans doute, mais dont il est impossible aujourd’hui de pénétrer le mystère. « Vous savez, rappelait-il aux Thessaloniciens, ce qui empêche (τὸ χαθέχον) que l’Antéchrist ne se révèle... Que celui qui tient maintenant (ό χαθέχων) tienne toujours jusqu’à ce que paraisse l’impie que le Seigneur Jésus tuera d’un souffle de sa bouche 49. » Quel est cet obstacle qui retarde la venue de l’Antéchrist ? Saint Augustin avoue ne pouvoir le découvrir 50. Nombre de Pères, parmi lesquels saint Jérôme, Tertullien, Lactance, etc., ont cru qu’il s’agissait de la puissance romaine (τὸ χαθέχον) et de l’empereur romain (ό χαθέχων). Bossuet qualifie cette opinion d’« innocente erreur 51 ». De fait, il y a quinze siècles que la Rome des empereurs n’existe plus. Quant à soutenir que l’empire romain a survécu d’abord dans l’empire de Charlemagne, ensuite dans le saint empire allemand 52, et que la puissance de ce dernier constitue un obstacle permanent à l’apparition de l’Antéchrist, c’est tomber dans des subtilités toutes de fantaisie.

Beaucoup pensent avec plus de raison que « Saint Paul avait en vue non pas Rome païenne, mais l’empire spirituel qui a remplacé celui des Césars, l’Église romaine. La Papauté n’est-elle pas le rempart qui protège l’Église et le monde contre les envahissements de l’anticléricalisme 53 », partant contre l’Antéchrist, ce grand adversaire futur du royaume de Dieu ? Le texte de l’Épître ne confirme ni ne condamne cette explication. Avec saint Thomas 54 nous croyons plus probable d’admettre que les paroles de l’Apôtre s’entendent « de l’esprit chrétien dont la présence au sein des sociétés arrête l’Antéchrist, et dont la disparition permettra à ce fléau d’exercer ses ravages. Saint Paul ne dit-il pas que l’apostasie se produira d’abord, et qu’ensuite l’homme de péché arrivera 55 ? Nul doute que le mot ἀποστασία n’ait ici le sens de « défection religieuse 56 ». Notre-Seigneur a dit aussi qu’à la fin des temps la charité de beaucoup se refroidira et que l’erreur séduira les foules 57.

Est-il dès lors téméraire d’affirmer que ce travail de déchristianisation commence dans le monde, grâce surtout à la Franc-Maçonnerie qui prend de jour en jour plus d’empire et d’audace ? Ni autorité, ni maître, ni Dieu, ni morale, voilà son programme ; au lieu de la religion, elle proclame un vide panthéisme, elle prêche la théurgie spirite, le Dieu-humanité, bref, elle pousse au culte de Lucifer : « À moi, Satan, s’écriait Proudhon ; qui que tu sois, démon que la foi de mes pères opposa à Dieu et à l’Église, je porterai ta parole et je ne te demande rien... Tes œuvres donnent seules un sens à l’univers et l’empêchent d’être absurde... Toi seul animes et fécondes le travail, tu anoblis la richesse, tu sers d’excuse à l’autorité, tu mets le sceau à la vertu. Espère encore, proscrit ! »

Voilà donc Lucifer substitué au Christ et à Dieu ! Que cette religion-là vienne à triompher, l’Antéchrist sera proche.

 

 

§ 5. – Physionomie morale de l’Antéchrist.

 

L’Antéchrist puisera dans son éducation même les principes d’une vie perverse et impie. Les Pères croient qu’il sera confié dès son enfance à des magiciens, qui le pénétreront de leurs maximes et l’instruiront dans les sciences occultes. À l’instar de Jésus-Christ, il mènera une vie obscure jusqu’au moment de sa manifestation publique. C’est de lui que le prophète Daniel aurait écrit : « Il sera ignoré dans son pays ; personne ne lui rendra les honneurs royaux ; il viendra à la dérobée 58. »

Saint Paul, II Thess. II, 4, a esquissé sa physionomie morale : « S’insurger contre tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est honoré comme Dieu sur terre ; pousser l’audace jusqu’à s’asseoir dans le temple de la divinité, comme s’il était Dieu lui-même », telles seront ses folles prétentions.

L’Antéchrist sera donc avant tout un homme d’opposition : Qui adversatur ! Il se posera en « adversaire », en ennemi déclaré de Dieu, et principalement du Christ : son nom le dit. Par suite, il s’insurgera contre l’Église, qui est le royaume du Christ, contre le sacerdoce catholique et ses représentants, contre le Pape et les prêtres ; il soufflera l’esprit de révolte contre toute autorité religieuse.

D’après saint Paul encore l’Antéchrist sera l’orgueil incarné. Si nous comprenons bien la pensée de l’Apôtre 59, il ne suffira pas à cet ambitieux de se faire passer vaguement pour Dieu dans la crédulité des peuples, il réclamera, il exigera pour sa personne, partout et de tous, les honneurs divins. Toute religion devra se transformer dans la sienne, sous peine d’être combattue sans merci ni trêve ; s’il s’élève quelque part un temple ou un autel, ce devra être pour lui ; pour lui les sacrifices, pour lui le culte et l’encens. Cette folie d’orgueil dépassera vraiment toute limite et deviendra ridicule à force d’être éhontée.

À ce tableau les Pères ajoutent quelques traits qui le noircissent encore. « L’Antéchrist, dit saint Cyrille de Jérusalem 60, surpassera la malice de tous les impies et de tous les méchants qui l’auront précédé. » Saint Antonin va jusqu’à soutenir que « son ange gardien – lequel ne lui sera point enlevé par Dieu – ne pourra exercer sur lui aucune bonne influence, à cause de son obstination 61 ». Suarez rapporte, d’après certains théologiens, que le « fils de perdition » ne fera jamais un seul acte méritoire, comme Notre-Seigneur n’a jamais commis un seul acte mauvais. On pourrait donc appliquer à ce suppôt de l’enfer la parole de saint Jean 62 : « Il sera plongé tout entier dans le mal, totus in maligno positus 63. »

L’Antéchrist scandalisera le monde par ses débauches. C’est ce que Daniel aurait prédit en ces termes : « Il s’adonnera à la passion des femmes, erit in concupiscentiis fæminarum 64. » Mais ce texte, – si tant est qu’on doive l’entendre de l’Antéchrist, – a un tout autre sens dans l’original ; il désigne plutôt soit la cruauté et la tyrannie du futur Antéchrist 65, soit son irréligion et son impiété 66.

L’« homme de péché » aura une adresse merveilleuse pour cacher ses crimes, et se fera passer pour le plus vertueux des hommes 67 ; on le comblera d’honneurs, alors qu’il ne méritera en réalité que le plus profond mépris. À cette habileté consommée dans l’art de dissimuler, il joindra un génie naturel puissant, une entraînante éloquence. D’après saint Anselme, « sa sagesse étonnera tous ceux qui l’entendront ; il saura par cœur les Écritures, et tous les arts n’auront pas de secrets pour lui. »

Ces assertions ne sont pas de foi ; on peut néanmoins les regarder comme probables.

 

 

§ 6. – Fausses identifications de l’Antéchrist.

 

Ni saint Paul, ni les autres écrivains sacrés, ni même les Pères n’ont désigné l’Antéchrist par son vrai nom ; nous l’avons remarqué. Dès lors l’imagination des interprètes et des critiques s’est donné libre carrière à cet égard.

Un protestant du XVIIIe siècle, Grotius, s’autorisant de II Thess., II, 3-10, identifia l’Antéchrist avec l’empereur Caligula, « le premier César, dit Renan, qui voulut être adoré pendant sa vie ».

D’autres – Dollinger, Renan, Réville, etc., – ont cru que saint Paul (loc cit.) visait le cruel Néron, qui « fut adoré aussi de son vivant : ce qui était le signe de l’Antéchrist 68 ». Une tradition orientale prétendait que Néron, qu’on avait fait passer pour mort, devait revenir, persécuter l’Église et exterminer l’antique Rome. Les livres sibyllins accréditèrent cette légende 69, qu’on accepte d’autant mieux que le nombre 666 – nombre de la Bête d’après Apocalypse, XIII, 18 – représente précisément la valeur numérale des lettres dont se composent les deux mots César Néron 70.

Hilgenfeld et Bahnsen ont vu dans l’Antéchrist la personnification des hérétiques du second siècle – en particulier des gnostiques. Idée bizarre, mais qui n’est pas neuve, car on la retrouve sous la plume de plusieurs théologiens réformés bien antérieurs à Hilgenfeld.

Inutile de discuter longuement ces identifications. Elles ont toutes le grand tort de contredire les données de la révélation qui parle de l’Antéchrist comme devant venir 71.

Il est une opinion étrange que nos lecteurs nous pardonneront de rappeler, et qui consiste à voir l’Antéchrist dans le Pape de Rome ! Ce sont les prétendus réformateurs, – Luther, Mélanchton, Calvin, Jurieu, etc., – qui ont imaginé cette fantaisie. Et dire que beaucoup d’écrivains protestants et de manuels de théologie protestante cherchent encore aujourd’hui à accréditer ce mensonge ! De nos jours un trouve en Allemagne, en Suisse, et surtout en Angleterre et en Irlande, des pamphlets destinés à entretenir la superstition des protestants contre le « papisme ». Au cours des années 1835-1840, Gaussen a consacré de nombreuses pages pour prouver à un auditoire d’enfants que le Pape est l’Antéchrist, et que l’Église romaine est la prostituée dont parle saint Jean, la mère des fornicateurs, la source des abominations de la terre. En 1868, Brunn soutint encore cette thèse dans un livre qui a pour titre : Ist der Pabst der Antichrist 72 ? M. Grétillat 73 explique comment les docteurs de la Réforme ont été amenés à soutenir de telles absurdités. « Les Réformateurs, écrit-il, étaient exaspérés par les scandales que la Papauté donnait au monde... Comme toute constitution ecclésiastique dégénérée l’Église romaine contient un élément d’antichristianisme. » Pour son honneur, heureusement, le docte professeur de Neuchâtel ajoute qu’il ne partage pas le sentiment de ses pères dans la foi : « Après tant d’usurpations commises et d’erreurs proclamées (!!), il reste, dit-il, un caractère de l’Antéchrist qui a toujours manqué à la Papauté : elle n’a jamais formellement renié “Jésus-Christ venu en chair” ; elle ne s’est jamais formellement substituée à Dieu même 74. » Godet, Pétavel, Luthardt sont du même avis. Déjà, au XVIIe siècle, Grotius avait énergiquement repoussé la thèse du « Pape-Antéchrist ». En Angleterre, le Dr Pusey a réagi aussi récemment contre cette imposture odieuse. Un autre théologien très écouté des protestants, Auberlen, non seulement s’est gardé d’identifier l’Antéchrist avec le Pontife romain ; mais à propos de « Babylone la grande prostituée » il dit : « C’est bien à tort qu’on y a vu la ville de Rome ». Puis il ajoute, non sans quelque tristesse : « Nous avons, nous, protestants, bien des motifs de nous frapper la poitrine, lorsque nous considérons notre état 75. »

Pauvres protestants qui se scandalisent des désordres du « papisme » ! Une paille dans l’œil du voisin les choque, et ils ne voient pas la poutre qui est dans le leur 76.

 

 

 

 

 

 

SECONDE PARTIE

 

L’ACTIVITÉ DE L’ANTÉCHRIST

 

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§ 1. – Les moyens d’action de l’Antéchrist.

 

 

Saint Paul les résume en quelques lignes. « Son avènement se fera avec le secours de Satan ; il sera marqué par des coups de force, par des signes et toutes sortes de prodiges menteurs ; par toutes les séductions de l’iniquité qui tromperont ceux qui doivent périr. Dieu permettra que ces derniers deviennent victimes de l’erreur, et se laissent abuser par le mensonge 77. »

On le voit, l’« homme de péché » disposera d’une foule de moyens pour s’assurer le succès.

D’abord il pourra compter sur l’assistance de Satan avec qui il sera continuellement en rapports. Présentement, le chef des démons est enchaîné et ne peut exercer toute son infernale malice. Jésus-Christ le tient de force « au fond de l’abîme pour mille ans 78 », c’est-à-dire pour jusqu’à la fin du monde – d’après l’interprétation commune des exégètes 79. Mais quand viendront les derniers jours, « l’ange des ténèbres sera délié pour un peu de temps 80 ». Il lui sera permis alors de déployer contre l’Église toute sa puissance, tous ses artifices, toute sa méchanceté. Saint Jean Damascène affirme qu’il possédera l’Antéchrist, et s’en servira comme d’un instrument merveilleusement propre à séduire les peuples 81. Saint Paul paraît dire en effet que l’Antéchrist tiendra son pouvoir, son autorité de Satan lui-même : Cujus adventus secundum operationem Satanæ 82. Saint Jean est plus explicite encore : « Le dragon donnera la puissance à la Bête... Et la Bête recevra le pouvoir de faire la guerre pendant quarante-deux mois... aux saints du ciel et de les vaincre 83. »

Une autre ressource de l’Antéchrist sera l’imposture la plus éhontée. Mentir, tromper, séduire, voilà sa vie : ό ψεύστης,  ό πλάνος, telles sont les épithètes qui le caractérisent dans l’Écriture .84 Or, sa fourberie consistera à détacher les esprits et les cœurs de la religion du Christ. « Sa bouche dira des paroles orgueilleuses avec des blasphèmes... Et il jouira d’un puissant prestige sur toutes tribus, peuples, langues et nations 85. » Il affaiblira ainsi peu à peu et détruira chez un grand nombre la foi chrétienne. Après quoi il essaiera de rétablir la vieille religion de Moïse, et invitera les Juifs à reconstituer leur nationalité. Enfin il se déclarera le Messie, et beaucoup de Juifs le suivront 86.

Ajoutons que l’Antéchrist, pour briguer le succès, séduira les foules par l’appât des biens terrestres. À tort ou à raison on lui attribue ce verset de Daniel : « Il possédera en abondance l’or et l’argent et toutes les choses précieuses de l’Égypte 87. » Ce qui est certain, c’est que les moyens pécuniaires ne manqueront point au chef du mal. Saint Anselme va jusqu’à dire que « les démons lui manifesteront tout l’argent caché, lui découvriront où se trouvent les mines précieuses et les sources de l’or 88 ».

Mais son grand moyen d’action, ce sera le miracle. Notre-Seigneur et saint Paul l’affirment 89. Par ses prodiges la « Bête » séduira le monde et singera Jésus-Christ 90. L’Antéchrist poussera l’audace jusqu’à poser en ressuscité après s’être fait passer pour mort 91.

Toutefois, ces miracles si éclatants en apparence ne seront que mensonges. Saint Paul nous en prévient : in prodigiis mendacibus. Ce seront des prodiges « mensongers » dans leur origine, car ils auront pour auteur Satan, le père du mensonge 92 ; « mensongers » dans leur nature, car ils ne seront que de pures fantasmagories ; les hommes seront trompés par ce qu’ils verront, voilà tout. Si réellement quelques-uns de ces faux miracles dépassent les forces humaines, ils n’en seront pas plus véritables pour cela, tout vrai miracle ne pouvant être jamais que l’œuvre d’une cause supérieure incréée. L’Antéchrist ne fera donc point de miracles à proprement parler, mais il semblera en faire. « Ceux-là seulement seront séduits, écrit saint Paul, qui refuseront leur adhésion à la vérité et qui consentiront au mal 93 » ; « il n’y aura que les impies à ne pas comprendre 94 ».

 

 

§ 2. – Les apôtres et collaborateurs de l’Antéchrist.

 

L’Antéchrist n’agira point seul. Il aura ses apôtres, ses messagers qu’il enverra par le monde pour propager son culte et sa doctrine. Les Pères interprètent dans ce sens la prophétie du Sauveur dans l’Évangile : « Il s’élèvera de faux prophètes, de faux christs (ψευδόχριστοι) qui opéreront des prodiges étonnants et de nature à induire les élus en erreur si c’était possible ! Je vous en avertis d’avance. On vous dira : le Christ est ici ou là ; n’en croyez rien. – Il est dans le désert ; ne sortez pas 95. »

Saint Ambroise assure que parmi ces ψευδόχριστοι, ou satellites de l’Antéchrist, il s’en trouvera un plus illustre, plus puissant, ou plus actif que les autres. N’est-ce pas celui-là précisément que l’auteur de l’Apocalypse décrit en ces termes : « Et je vis monter de la terre une autre bête ; elle avait deux cornes semblables à celles de l’Agneau 96, et elle parlait comme le dragon. Elle exerçait toute la puissance de la première Bête en sa présence ; elle la fit adorer par la terre et ses habitants 97. »

On ne comprend guère, observe Drach, que des exégètes catholiques aient cherché à expliquer ces versets des philosophes païens en général. Il s’agit évidemment 98 d’une individualité, d’une personnalité déterminée et non d’une collectivité morale. Du reste, saint Jean ajoute : « L’autre Bête opéra d’extraordinaires prodiges ; on la vit faire descendre le feu du ciel en présence des hommes... elle donna même le mouvement et la vie à l’image de la Bête, qui se mit à parler, au grand étonnement de tous 99. » N’est-il pas clair que la « Bête » et son prophète chercheront ainsi à mimer le rôle de Jésus-Christ et de ses apôtres ? Hélas ! ils n’y réussiront que trop : « Ils séduiront, dit saint Jean, les habitants de la terre... à ce point que personne ne pourra acheter ni vendre, s’il ne porte sur lui l’image, le nom, ou le nombre du nom de la Bête 100. » Ces dernières paroles restent fort mystérieuses ; impossible d’en pénétrer tout le secret. On ne peut douter cependant qu’elles ne prédisent le futur despotisme de l’Antéchrist et de son prophète. Tous deux rêveront d’asservir l’humanité à leurs lois ; ils tyranniseront les consciences en même temps qu’ils supprimeront toute liberté. « Quelle leçon la justice divine ne donnera-t-elle pas ainsi au monde, en montrant le triste et final produit, le suprême aboutissant de tous les rêves d’indépendance de la raison humaine 101 ! »

 

 

§ 3. – La persécution de l’Antéchrist contre l’Église.

 

À plusieurs reprises les écrivains sacrés affirment que l’Antéchrist « fera la guerre aux saints ». Écoutons Daniel : « Et je m’arrêtais, écrit-il, à considérer la terrible Bête, ses dix cornes... surtout une onzième corne qui avait poussé soudain, lorsque trois des autres eurent disparu. Cette corne avait des yeux et une bouche qui prononçait des énormités ; elle s’élevait au-dessus des cornes d’à côté. Je la fixais, et je la vis déclarer la guerre aux saints, et elle l’emportait sur eux 102. » Un peu plus loin 103 le même prophète précise : « Voici qu’un roi s’élèvera, il proférera des blasphèmes contre le Seigneur, opprimera les saints du Très-Haut et voudra changer les temps et la loi. » Saint Jean tient un langage semblable : « Il fut donné à la “Bête” de déclarer la guerre aux saints et de les vaincre 104. »

Or, les « saints » ici, ce sont les adversaires de la puissance du mal, tous ceux qui porteront le caractère de l’Agneau, ce sont les fidèles de Jésus-Christ, les membres de son Église militante. C’est contre eux que guerroiera l’Antéchrist. Il combattra aussi contre les « deux témoins 105 » ; nous l’expliquerons bientôt.

Le prophète de l’Antéchrist imitera son maître. On lit dans l’Apocalypse : « L’autre “Bête” que je vis monter de la terre, exerçait toute la puissance de la première... et elle fit massacrer tous ceux qui n’adoraient pas l’image de la “Bête”, – sortie de la mer 106. » L’« homme de péché » sera donc aidé par son alter ego dans sa lutte contre les « saints » de Jésus-Christ. Tous deux se mettront à la tête de l’armée du mal et la conduiront à l’assaut de l’Église.

Écoutons saint jean : « Lorsque les mille ans seront écoulés (c’est-à-dire à la fin des temps), Satan sera délié et sortira de sa prison ; il séduira les peuples aux quatre coins du monde, Gog et Magog, et il les rassemblera pour la grande bataille : on les verra nombreux comme les grains de sable de la grève 107. »

Je ne disconviens pas que le sens de ces deux mots Gog et Magog soit assez obscur. On s’accorde à reconnaître cependant qu’ils répondent à des réalités historiques 108. Mais il est sûr aussi que sous la plume d’Ézéchiel et de l’auteur de l’Apocalypse ils ont un sens symbolique, et désignent d’une manière générale les persécuteurs et les nations ennemies du peuple de Dieu. Voilà pourquoi sans doute les traditions juives ont toujours vu l’Antéchrist dans le mystérieux Gog, et dans Magog les peuples que l’Antéchrist ameutera contre Israël. On prétend qu’à l’avènement du Messie ces peuples envahiront la Palestine et y feront un ravage tel que pendant sept ans les « saints de Dieu » – en d’autres termes les Juifs – seront obligés, pour faire du feu, de brûler les hampes des lances et les boucliers restés sur le champ de bataille. Mais ces calamités une fois passées, l’âge d’or régnera sur la terre 109. Saint Jérôme n’attache aucun crédit à cette interprétation talmudique et il a raison.

Nous préférons avec toute la tradition chrétienne voir dans le mystère « de Gog et de Magog » une prophétie symbolique de la lutte de l’Antéchrist contre l’Église. Magog qui, sous la plume d’Ézéchiel 110, désigne toujours une région, un peuple, un pays, représenterait ici l’armée du mal que commanderont le « fils de perdition » et son prophète 111. On s’explique dès lors le reste de la prophétie de saint Jean : « Ils (Gog et Magog) monteront et se répandront par toute la terre ; ils environneront le camp des saints et la cité chérie de Dieu 112. »

Le combat sera acharné, la lutte épouvantable ; car l’Antéchrist sera puissant : « La Bête que je vis, écrit l’auteur de l’Apocalypse, ressemblait à un léopard ; elle avait les pieds d’un ours et la gueule d’un lion. Le dragon (Satan) l’avait investie de toute sa force 113. » Le prophète de l’Antéchrist n’apparaîtra pas moins terrible ; la « Bête » lui communiquera sa puissance ; aussi parlera-t-il comme le dragon... et elle fera mourir quiconque ne voudra pas se prosterner devant son maître 114. Ce sera le règne du despotisme et de la terreur. Voilà pourquoi le Sauveur nous a prévenus que « la tribulation de ces temps-là sera telle qu’on n’en aura jamais vu de semblable, et que tous même péricliteraient dans la foi, si cet état de choses devait durer 115 ».

Heureusement « ces jours d’angoisses seront abrégés à cause des élus 116 ». Mais combien la terrible persécution durera-t-elle ? Daniel va nous l’apprendre : « À partir de la cessation du sacrifice perpétuel, – date initiale de la guerre contre les saints, – tout sera livré aux mains de l’impie pendant un temps, deux temps et la moitié d’un temps 117. » Ce que saint Jérôme traduit : un an, deux ans, la moitié d’un an. Donc la persécution de l’Antéchrist durera trois ans et demi. Aussi saint Jean écrit : « La cité sainte sera foulée aux pieds pendant 42 mois 118. » « Par la cité sainte, observe Drach 119, il faut entendre l’Église de Jésus-Christ. » Quarante-deux mois font juste trois ans et demi. Nous arrivons au même résultat en comparant Daniel à saint Jean. « Depuis que le sacrifice aura cessé, dit le prophète, et que l’abomination de la désolation se sera montrée, il s’écoulera 1290 jours 120 » – soit précisément trois ans et demi et quelques jours (exactement 30) en plus 121. Chose remarquable ! La persécution d’Antiochus Épiphane – un antitype de l’Antéchrist – dura, elle aussi, trois ans et demi. La lutte suprême des Juifs sous Vespasien et Titus eut une durée égale ; commencée en 67, elle finit en 71, et l’on sait que cette ruine préfigurait dans la pensée du Sauveur les tragiques évènements des derniers jours. Sous Adrien la guerre juive qui fut si sanglante se prolongea encore le même temps, de l’année 132 à l’année 136.

Ces rapprochements ne sont certes pas pour nous dissuader d’adopter l’interprétation commune, qui fixe à trois ans et demi la durée de la terrible épreuve finale, – période relativement courte, mais que Dieu, « à cause des élus, a voulu abréger ».

 

 

§ 4. – Le duel de l’Antéchrist et des « deux témoins ».

 

Un des épisodes qui marquera certainement le plus dans la guerre de l’Antéchrist contre l’Église sera son duel avec les « deux témoins ». Saint Jean décrit cette lutte au chapitre XI de l’Apocalypse 122 : « Et je donnerai mission – c’est Dieu qui parle – à mes deux témoins ; ils prophétiseront couverts de cilices pendant 1260 jours. Ce sont deux oliviers et deux flambeaux, en présence du Maître de la terre. Quand on voudra leur nuire, leur bouche lancera des flammes pour dévorer leurs ennemis ; quiconque essaiera de leur faire mal périra infailliblement. Ils ont le pouvoir de fermer le ciel pour empêcher la pluie de tomber, pendant le temps de leur ministère ; ils peuvent changer les eaux en sang, et frapper à leur gré les peuples de toutes sortes de fléaux. Et lorsqu’ils auront achevé leur ministère, la Bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre. »

Quels seront ces deux mystérieux « témoins » ? L’Apocalypse tait leurs noms, mais la tradition sans hésiter les révèle. L’un sera Élie de Thisbé. Pour le nommer, les Pères n’ont qu’une voix, depuis saint Justin et Tertullien jusqu’à saint Augustin et saint Grégoire le Grand. Cette identification concorde avec les données de l’Écriture. Élie en effet n’est pas mort. Un jour qu’il se promenait aux bords du Jourdain en compagnie d’Élisée son disciple, il fut enlevé au ciel sur un char de feu 123. Où fut-il transporté ? Nous l’ignorons 124. Ce qui est sûr, c’est qu’il reviendra parmi les hommes 125 à la fin des temps, pour prêcher la pénitence, apaiser la colère divine, réconcilier le cœur du père avec le fils, et reconstituer les tribus de Jacob 126.

L’autre « témoin », au dire de la tradition, sera le patriarche Hénoch, qui lui aussi n’est pas mort 127, et qui doit revenir « pour prêcher la pénitence aux nations », le prophète Élie étant réservé plus spécialement pour convertir Israël.

À ce sujet Bossuet écrit : « Il faut être plus que téméraire pour improuver la tradition de la venue d’Hénoch et d’Élie à la fin des siècles, puisqu’elle a été reconnue de tous ou presque tous les Pères 128. »

Nous croyons donc avec la majorité des interprètes que ces deux saints personnages seront les « témoins » dont parle l’Apocalypse, qu’ils lutteront contre l’« homme de péché », et vengeront la sainteté de l’Évangile.

Leur apostolat, selon saint Jean 129, durera 1260 jours, soit exactement trois ans, cinq mois et quinze jours. Faut-il faire coïncider cette période avec celle de la persécution violente de l’Antéchrist, qui se prolongera pendant un temps à peu près égal, soit pendant quarante-deux mois ? Les auteurs là-dessus sont très partagés 130. On adopte plus communément l’avis de Corneille Lapierre, d’Holzhauser, etc., qui identifient les 1260 jours de la mission des « témoins » avec les 1290 jours de la tyrannie du « fils de perdition ». Les prophètes de la vérité lutteront donc simultanément avec les prophètes du mal ; ils défendront pied à pied par leur enseignement, et au besoin par leurs miracles 131, la sainte Église du Christ, procurant par là consolation et encouragement aux fidèles, « dont les noms sont inscrits dans le livre de l’Agneau ». Mais comme la lutte sera chaude ! Pour un moment la victoire paraîtra même rester à l’Antéchrist, car « la Bête les vaincra 132 ». N’en fut-il pas de même pour Notre-Seigneur ? Pendant trois années la personne du Sauveur fut inviolable, « l’heure de la puissance des ténèbres n’étant pas venue 133 », mais un jour Dieu permit à l’enfer de triompher momentanément. Ainsi les « deux témoins » seront invulnérables pendant 1260 jours ; ensuite Dieu semblera les abandonner. Le prophète de Satan mettra alors la main sur eux et les martyrisera. Une pieuse légende prétend qu’ils mourront sur la croix, comme Jésus-Christ 134. Ce qui est certain, c’est que « leurs corps inanimés demeureront étendus sur la place publique de la grande ville où leur Maître aura été crucifié. Cette ville s’appelle mystiquement Sodome et Gomorrhe. Nombre d’hommes de toutes tribus, de toutes langues, de toutes nations, verront les corps des martyrs durant trois jours et demi, et ne permettront pas qu’on les ensevelisse. À ce spectacle, les habitants du pays se réjouiront, s’enverront des présents pour fêter la mort des deux prophètes, qui leur auront causé tant d’angoisses 135 ».

Selon toute probabilité la « grande ville » où seront martyrisés les « deux témoins » est Jérusalem. Il nous semble difficile de songer à une autre cité, quand on examine attentivement le texte de l’Apocalypse : ... Civitatis magnæ... ubi et Dominus eorum crucifixus est. Nous ne comprenons guère que plusieurs protestants s’entêtent encore à voir ici désignée la ville de Rome, siège des papes. Bossuet et D. Calmet ne se trompent pas moins en prétendant qu’il s’agirait de Rome, redevenue païenne sous l’empire futur de l’Antéchrist136. Si saint Jean avait voulu parler de cette ville, il l’aurait appelée Babylone, selon sa coutume 137 ; il n’aurait pas distingué non plus, comme il le fait (cf. XVI, 19), Babylone de la civitas magna. Jérusalem, du reste, porte quelquefois dans l’Ancien Testament le nom de « Sodome », à cause de ses infidélités et de ses crimes 138.

C’est donc Jérusalem qui sera le théâtre du duel sans merci ni trêve, où « pour un temps » les « témoins » de Dieu succomberont sous les coups de l’Antéchrist 139.

 

 

§ 5. – Si l’Antéchrist luttera aussi contre Moïse, Jérémie et l’évangéliste saint Jean.

 

Des Pères l’ont cru. À leur suite des théologiens l’ont répété. Mais que valent ces dires ?

Pour soutenir que Moïse, par exemple, reviendra à la fin des temps, saint Hilaire s’autorise de ce que, d’après la Bible 140, personne en Israël ne connaissait le tombeau du célèbre législateur ; d’où l’on conclut que vraisemblablement ce prophète n’était pas mort, mais que Dieu l’avait seulement dérobé sur le Phasga aux regards du peuple. D’ailleurs, ajoute Maldonat 141, c’est bien Moïse qui est visé dans ce texte apocalyptique : « Les témoins auront pouvoir sur les eaux ; ils les changeront en sang et frapperont la terre de toutes sortes de plaies 142. » Enfin puisque Moïse fut témoin au Thabor de la gloire du Christ, lors de son premier avènement, ne convient-il pas qu’il le soit encore lors de son avènement suprême ?

Ces raisons de convenance et ces rapprochements ne démontrent rien, et ne sauraient prévaloir contre les textes si clairs où l’historien du dernier chapitre du Deutéronome raconte la mort de Moïse. Ne dit-il pas que Moïse mourut, qu’il fut enseveli 143, et que tout Israël le pleura pendant trente jours, comme on pleurait les morts illustres 144 ?

Moise ne reviendra donc pas à la fin du monde.

Jérémie ne reviendra pas davantage. On a prétendu sans doute qu’il était vivant, parce que l’Écriture ne rapporte sa mort nulle part ; on affirme qu’il aura une destinée semblable à celle d’Hénoch et d’Élie, parce qu’il doit « prophétiser chez les Gentils 145 » : ce qu’il n’a point encore fait. – Il est facile de répondre « que Jérémie a prophétisé chez les Gentils en prêchant aux enfants d’Israël à Babylone et en Égypte. Si l’Écriture ne dit rien de sa mort, est-ce une raison pour qu’il vive encore ? La tradition affirme qu’il fut lapidé en Égypte, et que son tombeau était en grande vénération dans ce pays 146 ».

Quant au retour de saint Jean, plusieurs bonnes raisons semblent, au premier abord, en établir la probabilité. Le Christ un jour dit à saint Pierre (en parlant du disciple bien-aimé) : « Je veux qu’il reste jusqu’à mon retour ; que t’importe 147 ? » Et à saint Jean lui-même Jésus dit : « Vous boirez mon calice 148. » Donc cet apôtre qui n’a point été martyrisé reviendra pour subir le supplice de la croix, après avoir servi de témoin au Christ. Ainsi Dieu aura trois sortes de témoins : un témoin qui appartiendra à la loi de nature, Hénoch ; un autre qui appartiendra à la loi mosaïque, Élie ; un troisième qui appartiendra à la loi de grâce, Jean. À noter qu’on ne possède pas de reliques de ce dernier, et qu’on raconte des choses singulières sur sa fin. Il s’enferma vivant, dit-on, dans un tombeau et ordonna aux fidèles de se retirer. Quand ses disciples revinrent le lendemain, ils ne le retrouvèrent plus ; ce qui accrédita la légende de l’enlèvement de Jean au ciel 149, d’où il redescendra pour combattre l’Antéchrist.

Quoi qu’on dise, l’apôtre bien-aimé est certainement mort. Si actuellement nous n’avons plus de ses reliques, il faut en attribuer la perte au malheur des temps. Le concile œcuménique d’Éphèse, saint Jean Chrysostome, le pape saint Célestin, en avaient et ils en parlent. Si saint Jean n’a pas été crucifié comme Notre-Seigneur, il a bu cependant au calice de la douleur et du martyre, car il fut jeté à Rome dans une chaudière d’huile bouillante et n’échappa que par miracle à une mort certaine. Quant aux paroles que le Sauveur lui adressa un jour, elles n’annoncent point nécessairement que l’apôtre reparaîtra à la fin des siècles. Saint Jean Chrysostome et saint Cyrille les entendent conditionnellement : « Et quand même il me plairait que ce disciple restât jusqu’à mon dernier avènement, que t’importe à toi ? » Ou encore Jésus voulait peut-être déclarer son intention de laisser saint Jean demeurer tel, c’est-à-dire à l’abri d’une « mort violente », jusqu’à ce que lui-même vînt le visiter, c’est-à-dire jusqu’à son trépas. Tel est le sentiment de saint Augustin et de saint Thomas.

Quelque interprétation qu’on admette, il reste sûr que saint Jean ne doit pas plus revenir à la fin du monde que Moïse ou Jérémie. L’Antéchrist n’aura point à se mesurer avec ces trois saints personnages.

 

 

§ 6. – L’Antéchrist à l’apogée de sa gloire.

 

Quand les « deux témoins » – Hénoch et Élie – auront été vaincus, et que la foule verra leurs corps gisants à terre au milieu de « la grande ville », le « fils de perdition » chantera victoire. C’est à cette heure surtout qu’il « ouvrira la bouche, comme dit l’Apocalypse 150, pour blasphémer contre Dieu, maudire son nom, son tabernacle et les habitants du ciel ;... il régnera véritablement en maître sur toute tribu. Tous l’adoreront, ceux du moins dont les noms ne sont pas inscrits au livre de vie de l’Agneau ». De fait, « tout semblera réussir au gré de ce roi impie 151 » ;... il agira selon sa volonté et ses caprices ; il s’exaltera lui-même, se grandira au-dessus de toute divinité ; il insultera le Dieu des Dieux et il prospérera, jusqu’à ce que l’indignation soit consommée 152 ».

Un éclatant prodige contribuera à son triomphe. L’Antéchrist, après avoir été grièvement blessé – sera-ce lui ou l’un de ses prophètes (unum de capitibus suis quasi occisum in mortem 153) ? – dans sa latte contre l’Église, guérira subitement, et d’une manière absolument merveilleuse, grâce à la puissance extraordinaire du Dragon. Cette guérison surprenante contrastera avec la défaite des « témoins » de Dieu qui succomberont à leurs blessures. Alors les peuples seront dans la stupéfaction ; ils acclameront la « Bête » en disant : « Qui est semblable à la Bête ; qui peut la combattre et la vaincre 154 ? »

Combien de temps durera ce triomphe ? Nous ne saurions le dire au juste. Très probablement ce temps sera fort court. Si l’on admet que les quarante-deux mois (= 1290 jours) du règne de l’Antéchrist (cf. Apoc., XIII, 5) coïncideront avec les 1260 jours de l’apostolat des « deux témoins », il ne restera plus guère qu’une trentaine de jours, soit un mois à peine, à l’Antéchrist pour jouir pleinement de sa victoire et dominer sur Jérusalem et le monde.

À cause des élus Dieu abrégera encore les jours de ce triomphe. D’ailleurs la mesure de la colère divine sera comble 155.

 

 

 

 

 

ÉPILOGUE

 

 

TRISTE FIN DE L’ANTÉCHRIST

 

 

Un miracle opéré par Dieu en faveur de ses « témoins » massacrés, portera un premier coup au prestige de l’Antéchrist.

Lisons.

« Voici que trois jours et demi après leur martyre, écrit saint Jean, la vie est rentrée dans le corps des deux témoins ; ils se sont relevés sur leurs pieds, et une grande épouvante s’empare de ceux qui les regardent. Et l’on entend une voix puissante : Montez ici ! Et ils montent au ciel, sur une nuée, en présence de leurs ennemis. En même temps se produit un formidable tremblement de terre ; la dixième partie de la cité s’écroule ; sept mille hommes périssent. Ceux qui survivent rendent gloire à Dieu 156. »

D’aucuns ont soutenu que tout cela était une allégorie littéraire ; d’autres, que c’était une véritable prophétie. Ces derniers ont peut-être raison. Qu’on discute, si l’on veut, la portée de certains mots, nous l’admettons ; mais l’on aurait mauvaise grâce à nier que dans l’ensemble le texte offre un sens précis, susceptible d’une interprétation littérale. D’ailleurs c’est une loi incontestée d’herméneutique, qu’on prendra toujours à la lettre les phrases de l’Écriture, si l’on n’a pas de motif sérieux d’en agir autrement. Or, dans l’espèce rien n’autorise, évidemment du moins, l’allégorie ; au contraire, cette glorification anticipée des « deux témoins » convient parfaitement à la justice et à la bonté divine. Les fidèles abattus seront consolés. Quant à l’Antéchrist, il se sentira déjà profondément humilié.

Poursuivons.

« Et je vis la Bête, écrit saint Jean, avec les rois de la terre et leurs troupes assemblées pour faire la guerre à celui (le Verbe de Dieu) qui était monté sur le cheval blanc et à son armée. Mais la Bête fut prise, et avec elle le faux prophète, qui opérait en sa présence des prodiges par lesquels étaient séduits ceux qui avaient reçu le caractère de la Bête et qui avaient adoré son image ; tous deux furent précipités dans un étang de feu et de soufre 157. » « Là, ajoute plus loin l’Apocalypse, ils seront tourmentés jour et nuit pendant les siècles des siècles 158. » Leurs partisans seront aussi châtiés terriblement : « Un feu allumé par Dieu descendra du ciel et les dévorera 159. »

Qu’on interprète comme l’on voudra ces mystérieuses visions, il faut de nécessité y voir annoncé un fait à venir, c’est-à-dire la ruine future de l’Antéchrist et la destruction de son empire. Ainsi pensent les Pères. On sait que saint Paul a prédit semblablement la triste fin de l’« homme de péché » : « Le Seigneur Jésus, écrit-il aux Thessaloniciens 160, détruira l’impie (ἄνομοϛ) par le souffle de sa bouche, et il le perdra par l’éclat de son avènement ». La catastrophe sera donc aussi éclatante que de courte durée. Tout cela rappelle les vers du poète, traduisant le psalmiste :

 

         J’ai vu l’impie adoré sur la terre ;

         Pareil au cèdre il portait dans les cieux

                      Son front audacieux :

      Il semblait à son gré gouverner le tonnerre,

         Foulait aux pieds ses ennemis vaincus :

      Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus 161.

 

Le triomphe restera à Dieu et à son Christ.

 

*

*     *

 

Encore un mot. – La fin du monde suivra-t-elle immédiatement la disparition de la « Bête » ? Les Pères et les commentateurs ne le pensent pas. On admet plus communément qu’une période de 45 jours sera laissée aux hommes pour se convertir. Cette opinion s’autorise de Daniel, XII, 12 : « Heureux celui qui attend, et qui persévérera pendant 1335 jours. » La tradition interprète ce texte de l’attente du dernier avènement de Jésus-Christ 162. Entre la mort de l’Antéchrist et la venue du Sauveur il s’écoulera donc 45 jours. Malheureusement, comme au temps de Noé 163, les méchants ne cesseront pas de pécher, de se livrer à tous les plaisirs, à toutes les débauches, et ils seront surpris par un déluge de feu qui consumera et renouvellera les cieux et la terre 164. Les bons, au contraire, attendront avec confiance et répéteront avec l’apôtre bien-aimé 165 :

 

Ἀμήν, ἔρχου Κύριε Ἰησοῠ.

 

 

Abbé Constantin CHAUVIN,

Histoire de l’Antéchrist d’après la Bible et les saints pères,

Libraire Bloud et Barral, 1901.

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

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1 Dans son essai : Der Antechrist in der Ueberliefeung des Judenthums, des N. Test. u. der alten Kirche.

2 Cf. Encylopédie de LICHTENBERGER, t. I, pp. 355-357 ; L’Apôtre Paul, pp. 108-114.

3 Von den letzten Dingen, pp. 150, ss.

4 Cf. I Joan., II, 22 ; IV, 3 ; III Joan., 7.

5 Cf. I Joan., II, 18.

6 Des manuscrits ont l’article devant ντχριστοϛ. Si cette leçon est la vraie, l’intention de saint Jean de ne point désigner par ντχριστοϛ tous les ennemis du Christ, en général, n’en devient que plus manifeste ; car l’article sert en grec à déterminer individuellement les personnes.

7 Cf. II Thess., II, 3-7.

8 Cf. Matth., XXIV, 15, 24 ; Marc, XIII, 21 ; Luc, XVII, 23.

9 En théologie on désigne sous le nom de type préfiguratif une personne, une chose, etc., qui signifient dans le plan divin une réalité quelconque à venir et appartenant directement ou indirectement à l’économie de la Rédemption. Ces types n’ont comme tels leur raison d’être que dans la volonté libre de Dieu qui les dispose en vue d’un objet à prophétiser.

10 Cf. FABRE d’ENVIEU, Le livre du prophète Daniel, t. II, pp. 690-695.

11 Cf. II Joan., 7 ; II Thess., II, 7.

12 Cf. HUCHEDÉ, Histoire de l’Antéchrist, pp. 7, 8.

13 ναχεφαλωσιϛ γνεται πασήϛ διχαϛ, Adv. hæres., lib. V, cap. XXVIII, n. 2.

14 C’est l’opinion de Bellarmin, de Suarez, etc.

15 Beaucoup prononcent Antichrist. Ce sont les protestants surtout qui préfèrent cette lecture. Nous conserverons l’orthographe traditionnelle.

16 GODET, Études bibliques, t. II, p. 380, 5e éd.

17 Voir GOTTI, Theologia, t. XVI, p. 179, Bononiæ, 1735.

18 Cf. GESENIUS, Thesaurus, 1327.

19 Cf. II Thess., II, 3.

20 Ibid.

21 Cf. Joan., XVII, 12.

22 Cf. GESENIUS, op. cit., p. 217.

23 Cf. II Thess., II, 8.

24 Cf. Apoc., XI, 7 ; XIII-XX.

25 Cf. GODET, Études bibliques, t. II, p. 380.

26 Cf. BUXTORF, Lexicon talmud., col. 221, ss. ; BERTHOLD, Christologia, p. 71 ; STAPFER, Les idées religieuses en Palestine au temps de Jésus-Christ, p. 119.

27 Cf. KATSCHTHALER, Eschatologia, p. 404.

28 Cf. Apoc., XIII, 18.

29 Cf. FABRE D’ENVIEU, op. cit., t. II, p. 690.

30 Cf. BRUSTON, Études sur l’Apocalypse, pp. 6-12. Voir GODET, op. cit., t. II, pp. 349, ss.

31 De Antrechristo, 6, 14.

32 Comm. in Dan., VII, 3. Comp., In Is., XXIII.

33 Note de Biblisem. – N’en déplaise à notre auteur, la Vierge elle-même a donné raison en 1846 aux auteurs anciens dont il écarte le propos un peu trop vite : « L’Antéchrist naîtra d’une religieuse hébraïque, d’une fausse vierge qui aura communication avec le vieux serpent, le maître de l’impureté ; son père sera évêque ; en naissant, il vomira des blasphèmes, il aura des dents ; en un mot, ce sera le diable incarné ; il poussera des cris effrayants, il fera des prodiges, il ne se nourrira que d’impuretés. » On ne peut être plus clair... Mais on sait la fronde que le clergé français a opposée au secret de La Salette que Pie IX avait pourtant déclaré entièrement conforme au dogme catholique. Rien d’étonnant, donc, si l’abbé Chauvin fait ici comme s’il n’avait rien entendu des échos venus de la sainte montagne. Ce sont de tels refus d’entendre qui font que notre pauvre pensée théologique humaine s’engage parfois dans des voies d’égarement. Les anciens étaient bien davantage dans le vrai que notre abbé, qui aurait été mieux avisé d’écouter ce que la Reine des Cieux avait à lui apprendre.

34 Catech. XV, n. 14, 17.

35 Cf. KLÉE, Histoire des dogmes, t. II, p. 486. Trad. Mabire.

36 Cf. LACTANCE, Instit. div., VII, 17 ; HESYCHIUS, Quæst. XIX.

37 Cf. JEAN DAMASC., De orthod. fide, IV, 27 ; EPHREM, De Antichristo.

38 Cf. II Thess., II, 8. Les termes νομοϛ, νομα, désignent ordinairement sous sa plume le monde païen. Cf. SABATIER, L’Apôtre Paul, p. III, not. 1.

39 Op. cit., p. 110. M. Sabatier paraît rétracter son opinion dans une note de la 3e édition de cet ouvrage.

40 Cf. II Thess., III, 2.

41 Cf. II Thess. II, 15, 16.

42 Cf. KLÉE, op. cit., t. II, p. 486, not. 2.

43 Préface à l’Apocalypse, § 13. Opp., t. I, p. 280, éd. Berche.

44 On cite encore à l’appui Jérémie, VIII, 16. Mais ce texte est allégué à faux dans l’espèce. Voir les commentateurs.

45 Cf. Dictionn. de la Bible (Vigouroux), t. I, col. 660.

46 Cf. VERSCHRAEGE, Explicationes in Apoc., t. 1, pp. 304-305.

47 Des auteurs prétendent qu’il naîtra d’un juif et d’une musulmane. Pure conjecture !

48 Cf. I Ep., V, 13. – Comparez MONNIER, La 1re Épître de Pierre, p. 334.

49 Cf. II Thess., II, 6-8.

50 Cf. De civit. Dei, XX, 19.

51 Cf. Comm. sur l’Apocalypse, préf. § 22.

52 KATSCHTHALER, Eschatologia, p. 402.

53 Cf. THOMAS, Le règne du Christ, p. 263.

54 In. II Epist. ad Thess., cap. II, lect. 1.

55 II Thess., II, 3.

56 Comp. Act., XXI, 21 ; I Tim., IV.

57 Cf. Matt., XXIV, 12, 24.

58 Dan., XI, 21. – Le passage s’entend au sens littéral du roi Antiochus Épiphane. Voir KNABENBAUER, Commentarius in Dan., XI, 21, pp. 314-315.

59 Saint PAUL, II Thess., II, 4, écrit : περαιρμενοϛ π πντα λεγμενον θεν σέϐασμα.

60 Catech. XV.

61 S. ANTONIN, part. IV et XIII, cap. IV. § 3.

62 I Joan., V, 19.

63 Cf. KLÉE, op. cit., t. III, p. 486.

64 Cf. Dan., XI, 37.

65 KNABENBAUER in h, 1. p. 307.

66 FABRE D’ENVIEU, op. cit., t. II, p. 1412.

67 Cf. S. CYRILLE DE JÉRUSALEM. Catech. XV ; S. HIPPOLYTE, De consummat. mundi.

68 RENAN, L’Antéchrist, p. 421.

69 Comp. surtout les livres IV, V, VIII.

70 Voir plus haut, p. 14.

71 Voir plus haut, pp. 7-10.

72 FABRE D’ENVIEU, op. cit., t. II, p. 696.

73 Théologie systématique, t. II, p. 558.

74 Ibid.

75 AUBERLEN, Der prophet. Daniel, pp. 280, 303. Trad. de ROUGEMONT.

76 Comp. Luc, VI, 41.

77 Cf. II Thess., II. 9-11.

78 Cf. Apoc., XX, 2.

79 Quelques-uns cependant prennent plus à la lettre les mille anni de l’Apocalypse. Ils y voient la durée de la domination sociale de l’Église, laquelle commença avec Charlemagne et finit avec la Révolution. Dans cette hypothèse, Satan serait déchaîné depuis plus d’un siècle déjà.

80 Cf. Apoc., XX, 3, 7.

81 Cf. DAMASC., op. cit., lib. IV, cap. XXVII.

82 II Thess., II, 9.

83 Cf. Apoc., XIII, 1, 4, 5, 6, 7.

84 Cf. II Joan., VII ; Matt., XXIV, 4, 5, 24.

85 Cf. Apoc., XIII, 5, 7.

86 Cf. HUCHEDÉ, op. cit., p. 20.

87 Cf. Daniel, XI, 43.

88 S. Anselme cité par HUCHEDÉ, loc. cit.

89 Cf. Matt., XXIV, 24 ; II Thess., II, 9.

90 Lire des détails dans le pseudo-Clément, Recognitiones, lib. II ; dans S. HIPPPOLYTE, De consummat. mundi.

91 Cf. Apoc., XIII, 3, 4.

92 Cf. II Thess., II, 9.

93 Cf. Ibid., II, 10, 11.

94 Cf. Daniel, XII, 10.

95 Cf. Matt., XXIV, 11, 23, 24 ; Marc, XIII, 22.

96 L’Agneau désigne ici Jésus-Christ.

97 Cf. Apoc., XIII, 11, 12.

98 Comp. Apoc., XVI, 13 ; XIX, 20 ; XX, 10.

99 Ibid., XIII, 13-15.

100 Cf. Apoc., XIII, 14, 17.

101 CHAUFFARD, L’Apocalypse, t. II, p. 112.

102 Daniel, VII, 19-21.

103 Ibid., 24-25.

104 Apoc., XIII, 7.

105 Cf. Apoc., XI, 7.

106 Ibid., XIII, 11, 12, 15.

107 Apoc., XX, 7.

108 Voir Dictionnaire de la Bible, s. h. v.

109 Voir HUCHEDÉ, op. cit., p. 39.

110 Cf. Ezech., XXXVIII et XXXIX, passim.

111 Voir DRACH, in h. 1. ; VERSCHRAEGE, op. cit., t. II, p. 445.

112 Apoc., XX, 8.

113 Apoc., XIII, 2.

114 Cf. Apoc., XIII, 11, 12, 15.

115 Cf. Matt., XXIV, 21, 22.

116 Ibid.

117 Daniel, VII, 25.

118 Apoc., XI, 2 ; XIII, 5.

119 In. h. 1.

120 Cf. Daniel, XII, 11.

121 Voir dans M. FABRE D’ENVIEU, op. cit., t. II, p. 1873, comment les interprètes expliquent cet écart de 30 jours.

122 Apoc., XI, 2-7.

123 Cf. IV Rois, II, 11. Comp. Eccli., XLVIII, 13 ; I Mach., II, 58.

124 Voir là-dessus S. IRÉNÉE, Adv. hæres., IV, 30 ; HUCHEDÉ, op. cit., pp. 51-54.

125 Cf. Matt., XVII, 11.

126 Cf. Eccli., XLVIII, 10. Comp. Malach., IV, 6.

127 Cf. Gen., V, 24 ; Eccli., XLIV, 16 ; Heb., XI, 5.

128 BOSSUET, Explicat. de l’Apocal., préface.

129 Cf. Apoc., XI, 3.

130 Voir CHAUFFARD, op. cit., t. I, pp. 492, suiv.

131 Voir plus haut, pp. 39, suiv.

132 Apoc., XI, 7.

133 Luc., XXII, 53.

134 GOTTI, Theolog. schol.-dogm., t. XVI, p. 221.

135 Apoc., XI, 8-10.

136 Note de Biblisem: La révélation que la Vierge a donnée à La Salette vient ici aussi contredire notre auteur : « Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’Antéchrist. » Bossuet et Dom Calmet ne se trompaient donc pas.

137 Cf. Apoc., XIV, 8 ; XVI, 19 ; XVII, 5, 9 ; XVIII, 2, 10, 21.

138 Cf. Is., I, 10 ; III, 9 ; Ezech., XVI, 49.

139 Comp. MALVENDA, De Antichristo, p. 465.

140 Cf. Deut., XXXIV, 6.

141 Comm. in Matt., XVII, 3, 11.

142 Apoc., XI, 7. Comp. Exod., VII, 19.

143 Note de Biblisem : L’Écriture dit plus exactement : « Dieu lui-même l’enterra » (Deut. XXXIV, 6). N’est-ce pas singulier ? Le Deutéronome ajoute aussi ce curieux détail : « Jusqu’à ce jour, personne n’a jamais su où était son tombeau » (Deut. XXXIV, 6). La Bible ne nous donne-t-elle pas ici à entendre autre chose à mots couverts ? Car, enfin, si Dieu lui-même a « enterré » Moïse et si personne n’a jamais pu découvrir son tombeau, qui peut soutenir que Moïse soit vraiment mort ? Personne ne peut prétendre avoir vu Dieu enterrer Moïse, donc personne ne peut prétendre qu’il soit vraiment mort. Certes, l’auteur du Deutéronome affirme que Moïse est mort, mais il le dit d’une manière qui semble vouloir faire comprendre le contraire à ceux qui ont des oreilles pour entendre... Comme saint Hilaire, qui aurait donc bien eu ces « oreilles pour entendre » qui faisaient défaut à notre abbé professeur d’Écriture sainte... Encore une fois, on voit les anciens avoir raison contre les modernes...

144 Cf. Deut., XXXIV, 5, 6, 8. Comp. Nomb., XX, 29.

145 Cf. Jerem., I, 5.

146 HUCHEDÉ, op. cit., p. 57. Comp. CARPZOV, Introd. III, p. 130.

147 Cf. Joan., XXI, 22.

148 Matt., XX, 23.

149 Cf. MALVENDA, op. cit., pp. 467-470.

150 Apoc., XIII, 6-8.

151 Cf. Daniel, VIII, 12.

152 Ibid., XI, 36. Comp. II Thess., II, 3, 4.

153 Apoc., XIII, 3.

154 Apoc., XIII, 4.

155 Apoc.. XI, 11-13.

156 Apoc., XIX, 19-20.

157 Cf. Apoc., XXII, 20.

158 Ibid., XX, 9-10.

159 Ibid., XX, 9.

160 II Thess., II, 8.

161 RACINE, Esther, act. III, scène 9, d’après Ps. XXXV, 35, 36.

162 C’est exagérer cependant et se tromper que de rêver avec les millénaires un intervalle de mille ans entre le jugement dernier et la mort de l’Antéchrist. Cf. THOMAS, Le règne du Christ, pp. 278-292.

163 Cf. Matt., XXIV, 38 ; Luc., XVII, 26-30.

164 Cf. II Pet., III, 7, 12.

165 Cf. Apoc., XXII, 20.

 

 

 

 

 

 

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