Un témoin inconnu de la foi primitive

 

 

 

L’Épître à Diognète est, très certainement, avec la lettre de saint Ignace aux Romains et le Dialogue de Minucius Felix, un des premiers chefs-d’œuvre de l’ancienne littérature chrétienne.

Son auteur est inconnu. Diognète, son destinataire, est tout aussi ignoré. Elle a passé inaperçue pendant des siècles ; aucun Père n’en a parlé, à la fin du XVIe siècle, à l’éditeur Estienne. Sa date même est incertaine, puisque, au gré des critiques, elle varie de la fin du Ier siècle au début du IVe. En fait, le texte seul peut renseigner sur son origine : il révèle la nouveauté du christianisme et l’existence de persécutions. Antérieure donc à la paix constantinienne, la lettre peut, à la limite, être contemporaine des tribulations dont parle la première Épître de saint Pierre. Aucune hypothèse plus précise n’est si ingénieuse qu’elle éclipse toutes les autres.

Mais peu importe. Cette lettre nous révèle l’âme d’un de nos premiers frères dans la foi. Elle nous dit ce qu’il pensait des païens et des Juifs, le pourquoi de sa joie intime et de sa fierté chrétienne, l’objection aussi qui se présentait de l’apparition tardive de la vraie religion. Son argumentation du début, comparée à celle des Apologistes du IIe siècle, n’a rien de fort original ; peut-être qu’en parlant des Juifs elle exagère un peu, elle a tout de même le charme d’une conviction sincère, et quand on sait les scélératesses juives et les cruautés païennes, on admire sa sérénité. Pourtant, c’est la suite qui est plus admirable. Nous pensons que les exemples lointains, exposés ainsi sans phrases et avec un familier abandon, peuvent être pleins d’enseignements pour les chrétiens de nos jours. Et la réponse à l’objection finale ouvre de tels horizons à la contemplation que cela compense, semble-t-il, ce qu’elle aurait perdu d’actualité.

La traduction que l’on présente ici suit le texte grec de F.-X. Funk, Patres Apostoloci, Tubingue, 1901, t. I, pp. 390-411. On indique la numérotation des chapitres de cette édition, sans s’astreindre à garder absolument les divisions qu’elle suggère. On ne donne pas les nos 12-12, unanimement reconnu comme interpolés. Les sous-titres sont de nous.

On a tâché de traduire aussi littéralement que possible. On n’ignore pas que, sur ce point, les goûts sont partagés : il est, hélas ! certain que l’on ne retrouvera pas ainsi la pureté de style et l’élégance de l’original. Il semble cependant qu’on en garde mieux l’allant, la ferveur, la spontanéité des sentiments : toutes choses qui, ici, nous intéressent surtout.

 

fr. M.-A. GENEVOIS, O. P.

 

 

 

Texte de l’Épître à Diognète

 

 

1. Je vois, excellent Diognète, que tu t’occupes avec beaucoup d’empressement de connaître la religion des chrétiens et que tu t’informes avec grand soin et diligence à leur sujet, pour savoir à quel dieu donc ils se fient et comment ils le servent pour dédaigner, tous, le monde, mépriser la mort, ne pas tenir pour dieux ceux que les Grecs estiment tels, sans garder davantage la superstition des Juifs ; (tu veux savoir) aussi quelle tendresse ils ont les uns pour les autres et comment, enfin , cette nouvelle race, ce nouvel institut est venu à la vie maintenant et pas plus tôt : je te loue de ces désirs et je te demande à Dieu, qui guide pour nous le parler et l’entendre, de donner, à moi de prononcer des paroles telles que celui qui les entendra devienne meilleur, à toi de les écouler de telle sorte que celui qui t’aura parlé n’ait point à s’attrister.

 

 

Pourquoi pas païens ?

 

2. Va donc, purifie ta pensée des considérations qui te préoccupent, débarrasse-toi de la manière d’être qui te trompe et deviens un homme nouveau, radicalement, en te faisant l’auditeur, ainsi que tu en es d’accord, d’une doctrine nouvelle. Regarde, pas seulement par les yeux, mais par la pensée, quelle est l’essence et quelle est la forme de ceux que vous estimez des dieux.

Est-ce que l’un n’est pas une pierre, semblable à celle que l’on foule aux pieds, un autre du bronze, pas supérieur aux vases forgés pour notre usage, un autre du bois, même déjà pourri, celui-ci de l’argent, qui a besoin d’un gardien de peur qu’on ne le vole, celui-ci du fer rongé par la rouille et celui-là de terre cuite, en rien plus convenable que celle préparée à l’usage le plus méprisable ? Ne sont-ils pas tous de matière corruptible ? N’ont-ils pas été forgés par le fer et par le feu ? N’est-ce pas un tailleur de pierre qui a fait l’un, un forgeron l’autre, un argentier celui-ci, un potier celui-là ? N’étaient-ils pas, avant les travaux qui les ont façonnés, transformables, comme ils le sont encore, au gré d’un chacun ? Est-ce que les vases de la même matière, si des artisans les travaillent, ne leur deviendraient pas semblables ? Est-ce que, eux-mêmes, que vous adorez maintenant, ne pourraient pas de nouveau être faits par des hommes des vases comme les autres ? Ne sont-ils pas tous sourds, aveugles, sans âme, sans sensibilité, tous immobiles, tous putrescibles ?

Ce sont eux que vous appelez dieux, eux que vous servez, eux que vous adorez, c’est à eux-mêmes enfin que vous vous rendez semblables !... C’est pour cela que vous haïssez les chrétiens, parce qu’ils ne croient pas à ces dieux ! Et vous qui pensez et jugez les honorer, ne les méprisez-vous pas bien davantage ? Ne vous en moquez-vous pas, ne leur faites-vous pas bien plus injure en vénérant, sans les garder, ceux qui sont de pierre et de terre cuite, et en enfermant, la nuit, et faisant garder, le jour, pour qu’on ne les vole pas, ceux d’argent et d’or ? S’ils sont sensibles, vous les faites souffrir par les honneurs que vous croyez leur faire, s’ils sont privés de sens, c’est en les salissant de sang et de graisse que vous les honorez. Que l’un d’entre vous supporte cela ! Qu’il se résigne à ce qu’on le lui fasse ! Mais pas un homme doué de sens et de raison ne souffrirait de bon gré ce supplice : une pierre la supporte, elle ne sent rien…

Et j’aurais bien d’autres choses à dire sur ce refus des chrétiens de servir de pareils dieux : mais si cela ne suffit pas à quelqu’un, je crois qu’il serait vain d’en dire davantage.

 

 

Ni Juifs

 

3. Ensuite, je pense que tu entendrais volontiers traiter de la différence de leur religion et de celle des Juifs.

Les Juifs donc, s’ils s’abstiennent du culte dont je viens de parler, ont le droit de penser qu’ils vénèrent le Dieu unique et Maître de toutes choses ; mais s’ils le servent par des cérémonies semblables à celles que j’ai dites, ils se trompent. Car ce qu’il est un signe de sottise, pour les Grecs, de sacrifier à des êtes insensibles et sourds, ils doivent penser, eux, que c’est bien plutôt de la folie que de la piété de l’offrir à Dieu, comme s’il en avait besoin. Celui qui a fait le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, celui qui nous fournit tout ce qui nous est nécessaire, n’a besoin de rien de ce que lui offrent ceux qui pensent lui donner quelque chose. Ceux qui pensent lui faire des sacrifices par du sang, de la graisse et des holocaustes, et le glorifier par ces marques d’honneur, ne me semblent différer en rien de ceux qui marquent la même munificence à des êtres insensibles : les uns paraissent offrir à qui ne peut recevoir d’honneur, les autres à qui n’a besoin de rien.

 

4. Mais je ne pense pas avoir à t’apprendre quoi que ce soit sur leurs abstinences, leurs superstitions du sabbat, leur orgueil de la circoncision et leur simulation de jeûne et de néoménie : toutes choses ridicules et indignes qu’on en parle. N’est-il pas criminel, parmi les choses que Dieu a créées pour l’usage des hommes, d’en accepter certaines comme bien créées et de refuser les autres comme inutiles ou superflues ? N’est-il pas impie de calomnier Dieu, comme s’il avait interdit de faire du bien le jour du sabbat ? N’est-il pas digne de risée de se glorifier de la diminution de la chair comme d’un témoignage d’élection ? Enfin, qui n’estimerait beaucoup plus marque de folie que de piété de s’asseoir à côté de la lune et des étoiles, surveiller les mois et les jours, et distribuer à sa guise les économies divines et les vicissitudes du temps, les unes en jours de fête, les autres en jours de deuil.

 

 

Les Mœurs Chrétiennes

 

Je pense que tu as appris surabondamment que les chrétiens font bien de s’abstenir de l’inconsidération et de l’erreur commune, comme du zèle excessif et de la vantardise des Juifs. Quant au mystère de leur propre religion, n’espère pas qu’un homme puisse te l’enseigner.

 

5. Les chrétiens, en effet, ne se distinguent du reste des hommes ni par une terre, ni par une langue, ni par des coutumes. Ils n’habitent pas des villes qui soient propres, ils ne se servent pas d’un dialecte insolite, ils ne mènent pas une vie étrange. Leur science ne leur est pas venue de la réflexion ou de l’inquiétude d’hommes agités, et ils ne mettent pas en avant, comme plus d’un, une théorie humaine. Habitant des cités grecques ou barbares, selon leur sort divers, suivant les mœurs de leurs compatriotes dans le vêtement, la nourriture et le reste de l’existence, ils montrent une constitution de vie publique admirable et, d’un commun accord, extraordinaire. Ils habitent leurs propres patries, mais comme des voyageurs. Ils partagent avec tous comme des concitoyens et ils supportent tout comme des étrangers. L’étranger est leur patrie et leur patrie leur est étrangère. Ils se marient, procréent comme tout le monde, mais n’abandonnent pas leurs enfants. Leur table est commune, mais pas leur couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur temps sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois constituées, mais par leur propre vie ils sont vainqueurs des lois.

Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On les ignore et on les condamne. On les tue et ils sont vivifiés. Ils mendient et en enrichissent beaucoup. Ils out besoin de tout et ont tout en abondance. On les méprise et au milieu des mépris ils sont glorieux. On les diffame et ils sont justifiés. On les injurie et ils bénissent. On se moque d’eux et ils respectent. Ils font le bien et on les torture comme des méchants. Et tandis qu’on les torture, ils sont joyeux comme si on les vivifiait. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers et les Grecs les persécutent : et ceux qui les haïssent n’ont pas de raison à donner de leur haine.

 

6. Mais, pour le dire simplement, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est dispersée dans tous les membres du corps : les chrétiens dans toutes les villes du monde ; l’âme habite dans le corps, mais elle ne vient pas du corps : les chrétiens habitent dans le monde, ils ne sont pas du monde ; l’âme invisible est gardée par un corps visible : on voit les chrétiens dans le monde, mais leur religion demeure invisible. La chair hait l’âme et la combat, sans que celle-ci lui fasse tort, parce qu’elle interdit de jouir des voluptés ; l’âme aime la chair et les membres qui la haïssent, et les chrétiens aiment ceux qui les haïssent. L’âme est enfermée dans le corps, mais elle contient le corps : les chrétiens sont retenus dans le monde, comme dans une prison, mais eux-mêmes contiennent le monde. L’âme immortelle habite sous une tente mortelle : les chrétiens sont voyageurs parmi les choses corruptibles, en attendant l’incorruptibilité céleste. L’âme maltraitée dans le boire et le manger devient meilleure : les chrétiens mis au supplice deviennent chaque jour plus nombreux. Dieu les a placés à tel poste, qu’il serait criminel à eux de fuir.

 

 

Le Dieu des Chrétiens

 

7. Car, ainsi que je l’ai dit, ce n’est pas une invention terrestre qui leur a été transmise, et ils ne jugent pas que ce soit une pensée mortelle qu’ils ont à conserver, ni ils ne croient que ce soit une cérémonie de mystères humains. Mais Dieu lui-même, vraiment, le Tout-Puissant, le Tout-Créateur, l’Invisible, a établi du haut du ciel, parmi les hommes, la Vérité et la Parole sainte et incompréhensible. Il a envoyé aux hommes non pas, comme on le supposerait, un serviteur ou un messager, ou un prince, ou quelqu’un de ceux qui administrent les choses terrestres, ou l’un de ceux à qui sont confiés les gouvernements célestes, mais l’Artisan lui-même et le Démiurge de l’univers, Celui par qui Il a créé les cieux, par qui Il a enfermé la mer dans ses bornes, de qui les astres gardent fidèlement les mystères, de qui le soleil a reçu la mesure de sa course quotidienne, à qui obéit la lune lorsqu’il lui commande de luire la nuit, à qui obéissent les astres qui suivent la course de la lune ; par qui tout est disposé et limité, à qui tout est soumis, les cieux et ce qui est dans les cieux, la terre et ce qui est sur la terre, la mer et ce qui dans la mer, le feu, l’air, l’abîme, ce qui est en haut, ce qui est en bas et ce qui est au milieu : c’est Celui-là qu’Il leur a envoyé.

Serait-ce dont, comme un humain le pourrait penser, pour les frapper de crainte sous sa tyrannie ? Que non, mais Il l’a envoyé dans la clémence et dans la douceur, comme un roi envoie son fils roi, Il l’a envoyé comme Dieu, Il l’a envoyé comme homme parmi les hommes, Il l’a envoyé pour sauver, pour convaincre, non pour employer la violence – il n’y a pas de violence en Dieu ! – Il l’a envoyé pour appeler, non pour persécuter, Il l’a envoyé pour aimer, non pour juger. Il l’enverra, en effet, pour juger, et qui pourra soutenir sa venue ?... 1

… jetés aux bêtes pour renier leur Maître, mais pas vaincus. Ne vois-tu pas que plus on en met au supplice, plus il en vient d’autres ? Cela signifie une œuvre qui n’est pas humaine ; cela, c’est la force de Dieu, ce sont les preuves de sa venue.

 

8. Qui entre les hommes savait qui est Dieu, avant qu’Il ne vienne ? Approuverais-tu les paroles vaines et radoteuses de ces philosophes, dont les uns ont dit que Dieu était feu – c’est parce qu’ils doivent y aller qu’ils l’ont appelé dieu ! – les autres eux, les autres quelque autre des éléments créés par Dieu ? Mais s’il y avait dans ces discours quelque chose d’admissible, n’importe laquelle des autres créatures pourrait semblablement se présenter comme dieu. Ce sont des histoires et des divagations de charlatans.

Nul d’entre les hommes ne L’a vu, nul ne L’a connu, Lui-même s’est montré. Il s’est montré par la foi à qui seule est concédé de voir Dieu. Car le Maître et Démiurge de l’univers, Dieu, Celui qui a fait toutes choses et déterminé leur ordonnance, non seulement s’est fait philanthrope, mais patient…

 

 

Les secrets desseins de la Providence

 

Mais lui qui a toujours été, qui est et qui sera toujours tel : riche, bon, sans colère et véridique, qui seul est bon, quand il a conçu une pensée grande et ineffable, Il la communique à son unique Enfant. Tant qu’Il a gardé dans le mystère et le secret sa volonté sage, Il semblait nous négliger et ne pas penser à nous, mais depuis qu’Il a révélé par son Enfant chéri et qu’Il a dévoilé ce qu’Il avait préparé dès le commencement, Il nous a présenté tout à la fois : jouir de ses bienfaits, les voir, les comprendre, eux que qui d’entre nous aurait jamais attendus.

 

9. Ayant donc tout disposé déjà en Lui-même, avec son Enfant, Il nous a laissé, pendant le temps antérieur, être emportés selon notre volonté par des mouvements désordonnés et déviés par des voluptés et des désirs ; non pas qu’Il jouît en rien de nos péchés, mais Il les tolérait, ni qu’Il approuvât ce temps d’injustice, mais Il créait ce présent de justice, pour que, convaincus par nos propres œuvres de ce temps-là que nous sommes indignes de la vie, nous en soyons rendus dignes maintenant par la bonté de Dieu, et qu’après avoir fait la preuve par nous-mêmes de l’impossibilité où nous étions d’entrer dans le royaume de Dieu, la force de Dieu nous en donnât la possibilité.

Quand notre injustice a été bien pleine, quand fut parfaitement évident que son salaire, le supplice et la mort, approchait, alors vint le moment que Dieu avait préétabli de montrer sa bonté et sa force. Ô excessive philanthropie et charité de Dieu ! Il ne nous a pas haïs, Il ne nous a pas rejetés, Il ne nous a pas gardé rancune, mais il a été patient, Il a supporté, Il a pris en pitié Lui-même nos péchés, Il a donné son propre Fils, rançon pour nous, le Saint pour les pécheurs, le Sans-Malice pour les mauvais, le Juste pour les injustes, l’Incorruptible pour les corruptibles, l’Immortel pour les mortels. Quoi d’autre pouvait couvrir nos péchés, si ce n’est la justice ? En qui était-il possible de nous justifier, pécheurs et impies, si ce n’est en le seul Fils de Dieu ?

Ô doux échange, ô ininvestigable création, ô bienfaits inattendus : que l’iniquité de beaucoup soit couverte par un seul Juste, que la justice d’Un Seul justifie beaucoup d’iniques !...

Ayant donc fait la preuve par l’iniquité du temps antérieur de l’impossibilité pour notre nature d'atteindre la vie, nous ayant montré maintenant Quelqu’Un qui pût sauver ce qui ne pouvait l’être, Il a voulu par ces deux faits que nous croyions à sa bonté, que nous L’estimions Nourricier, Père, Maître, Conseiller, Médecin, Pensé, Lumière, Honneur, Gloire, Force, Vie… sans nous soucier du vêtement et de la nourriture !...

 

 

Conclusion

 

10. Si, toi aussi, tu réclames cette foi, tu recevras aussi d’abor la connaissance du Père…

Dieu, en effet, a aimé les hommes : pour eux Il a fait le monde, Il leur a donné la parole, la pensée, à eux seuls Il a donné de regarder en haut, vers Lui, Il leur a envoyé son Fils monogène, Il leur a promis un règne dans le Ciel et Il le donnera à ceux qui L’auront aimé.

Quand tu Le connaîtras, de quelle joie penses-tu devoir être rempli ?... Et comment L’aimeras-tu, Lui qui, d’abord, t’ai ainsi aimé ?... En l’aimant, tu seras l’imitateur de sa bonté…

Et ne t’étonne pas si un homme devient l’imitateur de Dieu : il le peut, s’il le veut. Le bonheur ne consiste pas à dominer son prochain, ni à vouloir posséder davantage que les faibles, ni à s’enrichir, ni à faire sentir sa force à des inférieurs : ce n’est pas en cela qu’on peut imiter Dieu, ces choses sont étrangères à sa majesté. Mais celui qui porte le fardeau de son prochain, qui par ce dont il abonde veut faire du bien à celui qui en a moins, qui, en pourvoyant les indigents de ce qu’il tient de Dieu, devient Dieu pour eux, celui-là est l’imitateur de Dieu.

Alors, tu comprendras, vivant sur terre, que Dieu règne dans le ciel. Alors, tu pourras dire les mystères de Dieu. Alors, tu aimeras et tu admireras ceux que l’on punit parce qu’ils refusent de renier Dieu. Alors, tu condamneras la tromperie et l’erreur du monde, quand tu auras appris à vivre vraiment au ciel, quand tu mépriseras la mort apparente d’ici-bas, quand tu craindras la véritable mort, réservée aux damnés à ce feu éternel qui suppliciera jusqu’à la fin ceux qui lui sont livrés… Alors tu admireras ceux qui pour la justice souffrent un feu temporaire, et tu les estimeras heureux, si tu connais ce feu…

 

 

Paru dans La Vie spirituelle en juin 1937.

 

 

 

 



1  Le texte comporte ici une lacune. À la reprise, l’auteur est en train de relier ce qu’il vient de dire avec le thème du no 5.

 

 

 

 

 

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