Sainte Jeanne de France

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Mgr GILLET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La variété des saints et des saintes au Martyrologe semble infinie. Il y en a de tout pays, de tout âge, de toute condition ; des jeunes et des vieux ; des pauvres et des riches ; des intellectuels et des illettrés ; des ouvriers et des paysans ; de simples citoyens et des rois.

Si, parmi les saintes, on compte beaucoup de vierges, il ne manque pas non plus de veuves, ni de femmes mariées, telle Jeanne de France. Mais ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que, parmi tant de différences qui les séparent d’un siècle à l’autre ou d’un pays à l’autre, les saints ou saintes d’un même pays se ressemblent, je veux dire par là qu’ils ont des traits communs qui sont précisément les traits généraux de la nation à laquelle ils appartiennent.

Je n’ai pas à rappeler ici sous quelles influences et de quelle manière s’acquièrent et se transmettent, de génération en génération, ces traits caractéristiques. Mais le fait est indéniable et vaut d’être rappelé au début de cet article où j’ai à retracer la physionomie spirituelle de sainte Jeanne de France.

Car il permet d’affirmer sans crainte qu’à côté d’autres manières authentiques de devenir des saints, selon les pays où ils sont nés, où ils ont été élevés et ont mené leur vie personnelle, il existe une sainteté française, autrement dit une manière française d’être un saint ou une sainte qui les ferait reconnaître entre mille.

Cette sorte de spécialisation de la sainteté ne saurait étonner ou scandaliser que ceux qui ignorent ou ont oublié que la grâce, loin de détruire la nature, la perfectionne en l’adaptant à ses fins surnaturelles et en utilisant pour cela de son mieux ses ressources naturelles. Non seulement cela n’est pas choquant, mais cela rend la sainteté, si j’ose dire, plus humaine, sans rien lui enlever de son essence ou de sa valeur divine. Cela rapproche aussi davantage de nous les saints au lieu de les en éloigner par une sorte de sainteté abstraite, conventionnelle, inaccessible, conçue en dehors du temps et de l’espace. Enfin cela explique en partie l’ascendant exercé par certains saints ou certaines saintes, de préférence à d’autres, même plus saints qu’eux peut-être, mais qui n’ont pas ce je ne sais quoi de « naturel » qui fait qu’ils nous ressemblent, qu’ils sont de chez nous, et qui nous les rend à la fois plus compréhensibles et plus sympathiques.

Tels sont, entre autres, un saint Louis, un saint Vincent de Paul, le saint curé d’Ars ; telles aussi une sainte Jeanne d’Arc, une sainte Bernadette, une sainte Thérèse de l’enfant Jésus et celle dont nous chantons aujourd’hui les louanges, sainte Jeanne de France.

Dieu sait s’ils sont différents les uns des autres, ces saints et ces saintes, et à quel point il est impossible de les confondre ! Cependant il ne faut pas une forte dose d’esprit de finesse pour reconnaître, à quelques traits particuliers de leur physionomie spirituelle, qu’ils sont français.

Dans les situations les plus diverses, sur des plans d’activité opposés, en face de difficultés très spéciales dues aux circonstances ou à des causes différentes, ils ont tous une même façon d’être, de parler, de sentir ou d’agir, qui ne trompe pas. On retrouve dans leur langage, dans la pratique des vertus quotidiennes, ou à certaines heures plus pathétiques de leur vie, et jusque dans leur amour de Dieu et du prochain, dans leur ascèse et leur mystique, voire leurs extases ou leurs visions, ce sens de la mesure, de l’équilibre, de l’humour, et en même temps cette sorte de luminosité, de vibration joyeuse, d’entrain qui caractérise le tempérament français.

À une époque comme la nôtre où ces qualités de notre race tendent de plus en plus à disparaître du fait de l’abandon de notre culture traditionnelle et des coups que leur porte chaque jour une civilisation exclusivement moderne, imprégnée de matérialisme, avec tout ce qu’elle comporte de contraire au génie français, c’est-à-dire d’excessif, de violent, de désordonné et, pour tout dire, d’inhumain, on comprendra que j’aie saisi au vol cette occasion de montrer une fois de plus, dans une sainte française, fille, sœur et femme de rois, qu’il a plu à Sa Sainteté Pie XII de placer sur les autels, ces qualités foncières de notre race.

Tant de simplicité et de grandeur se dégage de sa vie, comme de celle des saints et saintes que j’évoquais il y a un instant, qu’à la voir, à l’entendre, à la suivre de près, aux moments les plus marquants de sa vie, on avisera mieux que par des raisonnements tout ce que nous perdons à rompre avec la tradition française, à nous familiariser de plus en plus avec une certaine façon médiocre de penser et une médiocrité certaine de sentiments et de vie.

Jeanne de France, c’est ainsi qu’elle-même signait toujours, naquit à Nogent-le-Roi, le 23 avril 1464. Le roi Louis XI, son père, qui avait déjà perdu trois enfants, rêvait alors d’un héritier. Sa déception fut grande lorsqu’il apprit que c’était une fille et plus grande encore lorsqu’il s’aperçut qu’elle n’était pas belle. Aussi lui en voulut-il de l’avoir ainsi déçu doublement, et la pauvre enfant, qui n’était en rien responsable de cette double disgrâce, en subira toute sa vie les fâcheuses conséquences. Elle fut vraiment marquée, dès son berceau, du signe de la croix.

À peine quelques jours après sa naissance, le roi convint avec le duc Charles d’Orléans, le poète, petit-fils de Charles V, que sa fille Jeanne épouserait le fils aîné du duc, Louis, âgé lui-même de deux ans, mais héritier éventuel de la couronne.

Les fiançailles eurent lieu le 29 octobre 1473, et le mariage deux ans plus tard, en 1475. Jeanne avait alors douze ans et Louis d’Orléans, quatorze. Entre temps, c’est-à-dire en 1470, Louis XI avait eu un fils, le futur Charles VIII, qui succéda à son père en 1483.

Ce mariage forcé fut l’œuvre exclusive de Louis XI. Ni Jeanne ni Louis ne furent consultés. Le roi, en leur imposant de se marier, n’obéit qu’à des considérations politiques. Il crut voir là un excellent moyen de rattacher un jour le duché d’Orléans à la France, dont seule la grandeur l’obsédait. Le reste, c’est-à-dire la joie ou le déplaisir des époux, ne comptait pour rien à ses yeux et il le leur fit bien voir.

Cependant Louis XI était religieux ? Oui, mais comme on l’était en ce temps-là où les superstitions tenaient souvent lieu de religion, où le culte des saints remplaçait le culte de Dieu. On priait des lèvres, on faisait des offrandes généreuses aux églises, on s’inclinait au besoin devant la Majesté du Tout-Puissant ; en un mot, on croyait, mais on ne vivait pas sa foi. Si la tête restait bonne, le cœur était gâté et les mœurs dissolues.

Charlotte de Savoie, femme de Louis XI et reine de France, en fit, elle aussi, la douloureuse expérience. Délaissée par le roi, elle vécut à Amboise, mais comme une recluse, sans même avoir la permission de garder auprès d’elle sa petite fille Jeanne, tandis que l’aînée de ses filles, Anne – la future régente, – la préférée de Louis XI, jouissait à la cour de toutes les libertés.

Jeanne n’avait que cinq ans lorsqu’elle dut quitter Amboise par ordre du roi et fut confiée à la châtelaine de Lignières. À coup sûr, on ne pouvait la mettre en meilleures mains, ni choisir un plus agréable séjour. Mais ce n’en était pas moins l’exil, avec tout ce qu’il comporte d’abandon et d’isolement.

Physiquement, Jeanne était assez contrefaite ; son père, qui lui en voulait d’être une fille, et non un garçon, prétendait qu’elle était laide. Disons qu’elle n’était pas belle ; mais elle ne manquait pas de charme. Elle avait un beau visage, éclairé par deux yeux où se reflétait son âme virginale, transparente même à force de droiture et de bonté. Modeste, réservée, pieuse, elle ne manquait pas d’intelligence, ni surtout de bon sens. Mais, avant tout, elle était bonne, généreuse, pitoyable à toutes les infortunes. On aura bientôt l’occasion de voir à l’œuvre sa bonté rayonnante, même à l’égard d’un mari qui, pendant les vingt-deux ans que dura leur mariage, n’afficha guère vis-à-vis d’elle que mépris et cruauté.

Mais, pour achever ce portrait de Jeanne de France, exilée à Lignières où l’on nous dit que, comme Jésus à Nazareth, elle croissait en âge et en sagesse, il nous faut caractériser d’un mot sa piété. Car, au contraire de ses contemporains, dont la piété était tout extérieure et s’épuisait en dévotions utilitaires, Jeanne avait une foi vive. Sa religion était surtout intérieure, et sa dévotion profonde. Avant tout elle aimait Dieu et voulait ressembler à Jésus-Christ, et c’est dans cet amour divin, dans cette charité ardente, qu’elle a toute sa vie puisé la force de supporter, sans se plaindre, les souffrances et les épreuves dont elle fut comblée.

Louis XI, qui ne manquait pas de finesse, avait de bonne heure deviné cette tendance de sa fille à la dévotion et son attrait pour les choses spirituelles. Lorsqu’il la confia à la châtelaine de Lignières, il recommanda vivement à celle-ci de combattre dans sa fille cette tendance et cet attrait.

Un jour que Jeanne invitait la bonne dame à la suivre dans la galerie qui menait du château à la chapelle seigneuriale attenante à l’église même, afin d’y prier avec elle la reine du ciel :

– Non, non, répondit la baronne, il n’y faut pas aller, car vous vous appliquez trop, et cela vous fait mal.

– Ah ! je vous assure, repartit Jeanne, qu’au contraire je m’en porte mieux.

– Et ne savez-vous pas, riposta la baronne, que le roi vous a défendu d’être si dévote ?

– Le roi est trop juste, répliqua l’enfant, pour me défendre cela tout de bon ; et d’ailleurs le voudrait-il, je ne crois pas qu’il le puisse, car Dieu est un plus grand maître que lui.

Il y a de tout dans cette réponse : du respect, de l’affection, du bon sens, avec une charmante pointe d’ironie. Nous retrouverons toutes ces qualités de Jeanne au cours du procès en annulation de mariage que Louis d’Orléans, devenu Louis XII, intentera en cour de Rome en 1498. Ce sera pour Jeanne de France l’époque la plus douloureuse de sa vie, à laquelle cependant elle fut miraculeusement préparée.

Ses historiens, en effet, nous racontent qu’un peu avant son mariage, dans la chapelle de Lignières, où elle passait le plus clair de son temps, elle reçut du ciel deux avertissements : l’un de la Vierge Marie, l’autre de Notre-Seigneur.

Un jour qu’elle priait la reine du ciel de lui faire comprendre comment elle pourrait le mieux l’honorer et la servir, elle entendit dans son cœur : « Ma chère fille Jeanne, avant que de mourir, tu fonderas une religion en mon honneur, qui sera le plus grand plaisir qu’on puisse faire à mon fils et à moi. »

Mais comment cela se ferait-il ? Jésus lui-même le lui indiqua. En effet, un autre jour qu’elle priait devant le crucifix, tout à coup son visage s’éclaira ; les yeux fixés sur Jésus en croix, il lui sembla que le crucifix s’animait, et elle entendit de nouveau dans son cœur ces paroles mémorables : « Ma chère épouse, si tu veux être aimée de la mère, prends les plaies du fils. »

La voilà donc en deux mots – l’un de la mère, l’autre du fils –renseignée sur son avenir. Elle fondera, avant de mourir, une congrégation, mais ce ne sera qu’à travers mille épreuves, en parcourant avec Jésus-Christ, jusqu’au Calvaire, le chemin de la croix. C’est alors qu’elle résolut de quitter le monde. Mais son heure n’était pas encore venue.

Quand elle eut douze ans, Louis XI la fit venir à la cour pour lui signifier son mariage avec Louis d’Orléans, qui en avait quatorze. Prise d’abord de stupeur, Jeanne se ressaisit et osa lui dire qu’elle avait résolu de quitter le monde et d’entrer en religion.

Mais cela n’arrangeait pas les affaires du roi.

– Eh quoi ! reprit brusquement celui-ci, auriez-vous donc pris quelque résolution sans mon consentement ? Vous épouserez le prince que je vous destine. Je le veux, vous m’entendez, pas de réplique.

L’argument était décisif. La pauvre Jeanne de France s’inclina. Elle avait déjà beaucoup souffert jusque-là de mille choses qui contrariaient sa nature et ses inclinations personnelles. Mais à cet instant seulement commencèrent les rudes épreuves de sa vie qui lui viendraient en grande partie de cet enfant de quatorze ans auquel on liait de force sa destinée, et qui était bien le dernier des maris qu’on dût raisonnablement lui imposer.

Louis d’Orléans, en effet, dès ses fiançailles – il n’avait que deux ans, – fut confié à la garde de Guillaume de Grunelé, dont les qualités d’éducateur, du moins si l’on s’en tient aux résultats, ne furent pas brillantes. Dès que l’enfant eut atteint l’âge de raison, il se montra déraisonnable à souhait, plus préoccupé de s’amuser avec les enfants de son âge, de s’initier à leurs jeux et à leurs farces que d’étudier ou de prier.

Cependant le jour vint où, sur la volonté expresse du roi, il dut prendre Jeanne de France pour épouse. Le mariage eut lieu le 8 septembre 1475, sur l’ordre du roi, dans la chapelle du château de Montrichard. Le roi n’y assista pas. Ce fut l’évêque d’Orléans qui bénit le mariage, après avoir conversé un instant avec les fiancés. Jeanne ne fit aucune réflexion ; c’était la volonté de son père ; elle s’inclinait. Louis, au contraire, fit remarquer à l’évêque qu’il ne se mariait que contraint et dans l’impossibilité de se soustraire à la volonté du roi. Alors on procéda au mariage des deux fiancés dont l’un avait quatorze ans et l’autre douze.

Quand le célébrant leur demanda s’ils voulaient s’unir par les liens sacrés du mariage, tous deux répondirent oui, mais Louis du bout des lèvres seulement, et Jeanne sans aucune réticence. Durant le repas de noces qui suivit, le duc, fort triste, ne mangea pas et pleura. Ce jour-là commença le calvaire de Jeanne, son mystère douloureux.

 

 

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Après un déjeuner très bref à Blois, au lendemain du mariage, Louis XI, ne voulant pas que sa fille prît part à la vie libertine qu’on menait à la cour et en subît l’influence dissolvante, lui ordonna de rentrer à Lignières.

Le duc, au contraire, demeura à Blois et s’étourdit dans les plaisirs de la cour. Toute sa vie, il portera le poids d’une jeunesse flétrie avant l’âge, livrée qu’elle fut à toutes les passions. Il faut dire à sa décharge que personne autour de lui ne se soucia de le détourner de cette voie : ni le roi, qui n’avait de pensée que pour la France ; ni son père, Charles d’Orléans, le poète, qui lui donnait au contraire l’exemple de la dissipation la plus folle ; ni même sa mère, Marie de Clèves, qui l’avait fait instruire dans les lettres par des maîtres habiles, mais dont l’autorité fut nulle sur le cœur de son fils.

Les historiens nous disent – et notre regret n’en est que plus amer – qu’il était très beau, voire intelligent, le meilleur cavalier de la cour, et qu’à dix-sept ans il ne lui manquait, pour avoir la majesté d’un roi, que d’en porter le titre.

En attendant que ce jour vînt, il ne prit pas plus attention à Jeanne, son épouse, que si elle n’existait pas. Au fond, il la détestait et ne perdait pas une occasion, fût-ce en public, de lui manifester son mépris.

Jeanne, au contraire, aimait réellement ce jeune prince. « Pure, avide de dévouement, elle s’attachait sans retour au premier être à qui il lui était permis de se donner. Son imagination prêtait à Louis toute la beauté et toute la bonté idéales dont elle croyait capables les créatures 1. »

Du moins dans cette illusion puisa-t-elle quelque joie ; mais elle y rencontra plus encore de souffrances. Il nous est impossible de suivre pas à pas, sur son chemin de croix, cette jeune femme qui était la bonté et le dévouement mêmes, mais à qui son mari volage interdisait l’emploi de ces dons. Nous voudrions surtout montrer jusqu’à quelle hauteur spirituelle elle sut s’élever le jour où, sans s’y attendre, elle apprit que son mari demandait à Rome l’annulation de son mariage. Sans son esprit de foi, sa piété profonde et cet appel à la vie religieuse que, de la bouche même de la Vierge Marie, elle entendit jadis dans son cœur, elle n’aurait pu, humainement parlant, porter cette croix.

Car elle ne pouvait imaginer dans la simplicité de son âme qu’un homme, qui, le jour de son mariage, devant l’évêque qui lui demandait s’il voulait prendre pour épouse Jeanne de France, avait comme elle répondu oui à haute voix, pouvait on même temps avoir dit non dans son cœur, trompant ainsi sa femme et désobéissant au roi.

Son âme était trop simple, je le répète à dessein, et sa conscience trop droite pour concevoir et admettre une telle duplicité.

Cependant que penser du procès de Tours qui devait aboutir à l’annulation de son mariage et qui fut d’un bout à l’autre, pour l’âme virginale de Jeanne, une vraie torture ?

Voici d’abord les faits. Au moment de son mariage, Louis d’Orléans, on le sait, ne cacha pas sa répugnance à prendre Jeanne pour épouse. Nous savons aussi qu’il ne manqua pas de dire et de répéter qu’à la mort de Louis XI il ferait recours à Rome pour que ce mariage forcé fût annulé. Mais alors pourquoi ne l’a-t-il pas fait à ce moment-là ? Peut-être par égard pour Charles VIII, qui le prit en amitié ? Mais cette amitié ne dura pas. Deux fois au moins, d’accord avec le duc de Bretagne, François II, il s’insurgea contre le roi, qui le battit et le fit enfermer une première fois au donjon de Beaugency, et une seconde fois dans la tour de Lusignan. Pas plus à ce moment-là qu’à la mort de Louis XI, il ne parla de faire annuler son mariage.

Bien au contraire. À la suite de l’aventure de Beaugency, il accompagna le roi à Rouen et, là, il lui demanda la permission de prendre congé de lui pour aller voir sa femme, madame Jeanne, qui était au château de Montrichard, où il demeura plusieurs jours en sa compagnie.

Quand, deux ans après, Louis se révolta de nouveau contre Charles VIII et que, battu de nouveau, il fut enfermé dans la tour de Lusignan, il accepta que sa femme vînt le voir et cohabiter avec lui. Jeanne, n’écoutant que son cœur, s’y rendit et lui donna tous ses soins.

Elle le suivit ensuite à la grosse tour de Bourges, où Louis, par ordre du roi, fut transféré. Elle était heureuse d’être ainsi avec son époux, de lui donner tous ses soins. Et cela dura deux ans, coupés de multiples voyages à la cour, où Jeanne essayait de fléchir le roi, la régente surtout, en faveur de son prisonnier. Non seulement Louis d’Orléans ne lui témoigna plus son mépris, mais, touché peut-être par tant de zèle et privé de chercher ailleurs des compensations, ils vécurent ensemble, de l’aveu de Jeanne, comme de véritables époux.

Tels sont les faits. Il y avait vingt-deux ans qu’ils étaient mariés, et, si les débuts avaient été orageux, le calme avait fini par s’établir. Sans la mort accidentelle de Charles VIII, en 1498, qui permit à Louis d’Orléans de monter sur le trône de France sous le nom de Louis XII, il est probable qu’il n’aurait plus jamais été question de faire annuler le mariage. Sur ce point du moins, le roi de France n’oublia pas les griefs du duc d’Orléans et, à peine sur le trône, demanda à Rome l’annulation.

À ce moment-là, Alexandre VI, qui gouvernait l’Église, ne l’édifiait guère. Sans doute on ne peut rien lui reprocher sous le rapport de la foi, mais sa conduite n’était pas, hélas ! sans reproche. Père de César Borgia, il rêvait pour son fils d’une situation brillante. Entre le roi de France et lui, il y eut alors une sorte d’échange tacite. Alexandre VI envoya les bulles par lesquelles il instituait deux commissions chargées d’informer et de procéder juridiquement. Ce que voyant, Louis XII fit don à César Borgia du duché de Valentinois.

C’est dans ces conditions plutôt humiliantes de part et d’autre que s’ouvrit, contre Jeanne de France, le procès de Tours, où siégeait un tribunal ecclésiastique.

On n’a pas l’intention de rouvrir ce procès plutôt pénible. Mais on ne peut s’empêcher d’évoquer ici un autre procès du même genre ouvert contre une autre Jeanne à Rouen, environ cinquante ans plus tôt, en 1441, également devant un tribunal ecclésiastique.

Si l’on peut regretter dans les deux cas l’attitude des juges à l’égard de leurs victimes, et plus encore celle des faux témoins déposant contre elles pour plaire aux puissants du jour, on ne peut qu’admirer, en revanche, la façon dont Jeanne de France, après Jeanne d’Arc et à son exemple, sut tenir tête à cette meute déchaînée contre elle et rétablir la vérité à force de calme, de bon sens et de sincérité.

Au fond, ce que les juges exigeaient de Jeanne de France – comme jadis de Jeanne d’Arc, – c’était de renier publiquement devant le tribunal ce qui, à ses yeux, était la raison d’être de sa vie.

À Jeanne d’Arc, on avait demandé de renier sa mission divine qui était de chasser les Anglais de France et de faire sacrer Charles VII à Reims. « Confesse toutes tes fautes indistinctement, lui disaient sournoisement ses juges. C’est à nous de définir tes fautes, à nous qui représentons l’Église, non à toi. – Je ferai acte de contrition pour mes péchés et de grand cœur, répondit-elle, mais non point pour avoir obéi aux révélations que j’ai eues et délivré Orléans et battu les ennemis de mon dauphin et de mon peuple. Car rien de cela n’est péché, et je craindrais que Dieu ne me damne si je disais avoir péché en faisant ce que j’ai fait par son commandement. »

À Jeanne de France, les juges demandèrent de reconnaître publiquement la nullité de son mariage avec le duc d’Orléans, qui n’avait accepté, disaient-ils, d’être son époux que contraint par le roi et sous de terribles menaces.

– Je ne le crois pas, répondit-elle, et je ne l’ai pas entendu dire.

– Est-il vrai, repartit le procureur, que le roi actuel se soit plaint de ces choses à vous-même et vous les ait contées plusieurs fois ?

– Non, répondit-elle, le roi ne m’a jamais parlé de cela.

Voilà qui est net et réduit à néant bien des bavardages.

Mais Jeanne de France ne s’en tient pas là. Effarée d’entendre toutes les sottises que la tourbe des flatteurs du roi viennent débiter contre elle et ses rapports avec son mari, elle leur rappelle d’une voix calme mais cinglante qu’un faux témoin, s’il garde tant soit peu de conscience, devrait se souvenir, avant de porter au prétoire ses faux témoignages, « qu’il nuit à trois personnes : à Dieu qu’il offense, au juge qu’il trompe, à la partie qu’il mystifie ».

Pour une femme qu’on voulait faire passer pour inintelligente et faible d’esprit, cette réponse est plutôt pertinente et d’un assez grand style.

Cependant il y a encore mieux. À force de s’entendre reprocher par les juges qu’elle est mal conformée, impropre au mariage, incapable d’avoir des enfants : « Je crois, répond-elle, c’est-à-dire, en termes juridiques, j’affirme que c’est tout le contraire. » Puis, regardant droit dans les yeux de ses juges, elle élève un peu le ton et déclare : « Je suis femme légitime du Sérénissime prince et seigneur monseigneur Louis XII, roi de France, et par conséquent reine de France. »

Convenons que, pour avoir osé, contre l’avis de tous, dans une atmosphère lourde de suspicions, d’intrigues et de faux témoignages, revendiquer ses droits souverains, cette femme ne manquait ni de grandeur, ni de malice, ni de courage.

Comme Jeanne d’Arc à Rouen, Jeanne de France ne se laisse intimider par personne. Forte de sa conscience et de ses droits, elle ne se laisse pas non plus égarer par ses juges, ni détourner de son chemin. Elle sait son devoir de dire la vérité, rien que la vérité, et n’ignore pas ses droits. Alors sans éclat, mais avec fermeté ; sans paroles inutiles, mais d’un mot précis, souligné parfois d’une fine ironie ; toujours avec clarté, avec mesure, avec bon sens, c’est-à-dire à la française, elle réduit en poussière tous les faux témoignages accumulés contre elle ; tout l’échafaudage artificiel des juges alliés aux faux témoins ; tous les pièges tendus à sa timidité de femme et à la droiture de sa conscience.

C’est déjà une sainte qui parle, et nous nous réjouissons de constater qu’à tous égards, comme Jeanne d’Arc et avec elle, cette sainte est décidément une sainte française.

Cependant, comme c’était à prévoir, le mariage fut annulé. Le tribunal de Tours ne fut pas plus équitable que celui de Rouen. Il ne condamna pas Jeanne de France à être brûlée vive, comme Jeanne d’Arc ; mais les tortures morales qui lui furent infligées au cours de ce procès infâme où l’on ne tint aucun compte ni de sa pudeur de femme, ni de ses droits d’épouse, ni de sa fierté de reine ; où l’intimité de sa vie conjugale fut profanée au grand jour ; où sa conscience chrétienne fut constamment blessée par l’étalage des mensonges les plus éhontés et la grossièreté de langage des témoins, ces tortures morales, au cours des semaines que dura le procès, la firent autant souffrir, et plus encore peut-être, que les flammes d’un bûcher.

Donc elle ne fut pas brûlée vive. Mais, comme si Dieu eût voulu que, jusqu’au bout, la ressemblance entre les deux Jeanne éclatât à tous les yeux, il arriva un jour, cent ans après la mort de Jeanne de France, que les Huguenots découvrirent son corps à Paris, le brûlèrent et jetèrent ses cendres aux quatre vents, comme les Anglais, un demi-siècle plus tôt, après avoir brûlé Jeanne d’Arc, avaient jeté ses cendres dans la Seine.

Mais c’est assez sur cet aspect douloureux de la vie de Jeanne de France. Laissons au roi Louis XII et aux juges de Tours la responsabilité de leur machiavélisme et à Dieu le soin de les juger.

Il nous faut rejoindre désormais dans sa solitude spirituelle Jeanne de France, nommée duchesse de Berry après l’annulation de son mariage, et voir comment cette âme loyale, fière et forte, loin de se laisser abattre par l’épreuve, la surmonta en prenant courageusement le chemin de la sainteté.

 

 

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Maintenant que l’Église l’a placée sur les autels et proposée en exemple à tous les chrétiens, nous n’en pouvons douter. Mais déjà de son temps, ceux qui l’ont connue et approchée d’un peu près la tenaient pour une sainte.

Qu’est-ce à dire, une sainte ? C’est-à-dire une âme dont la charité est inépuisable, le désintéressement absolu et l’attachement à ses devoirs à la fois si exigeant et si universel qu’il confine à l’héroïsme, et tout cela sous l’irradiation dans le regard et le rayonnement dans tous ses actes d’une force intérieure mystérieuse, faite de foi et d’amour divin.

Les païens ne soupçonnaient pas qu’il pût y avoir des saints de ce genre. Ils ne connaissaient que les héros, qui, tout en revêtant à leurs yeux un caractère sacré, s’imposaient à l’admiration par leurs actions d’éclat et leur grandeur d’âme.

Aujourd’hui que la grandeur d’âme n’intéresse plus les masses et que les mots les plus beaux, fussent-ils consacrés par un usage séculaire, ont changé de sens, il suffit pour être un héros de faire soit sur le champ de bataille, soit sur le terrain des sports, quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Il s’en faut de peu, aux yeux de la foule qui fréquente les stades, que tous les champions ne soient des héros. C’est probablement sous l’influence de cet état d’esprit moderne, fortement teinté de matérialisme, que les saints préférés du grand public sont surtout ceux dont la vie comporte des évènements extraordinaires, et dont la sainteté explose en miracles, visions ou extases.

Il y a là, du point de vue chrétien, une erreur d’optique contre laquelle on ne saurait trop réagir. En vérité, si les héros même les plus fameux de l’antiquité n’ont pas été nécessairement des saints, on ne peut être un saint, chrétiennement parlant, sans être un héros.

Telle est du moins la pensée de l’Église en vertu de laquelle la Sacrée Congrégation des Rites, lorsqu’elle instruit le procès d’un serviteur ou d’une servante de Dieu, en vue de sa canonisation, s’efforce avant tout, c’est-à-dire avant de s’occuper de ses miracles, de ses visions, de ses extases, d’établir ce qu’elle appelle l’héroïcité de ses vertus, autrement dit la volonté avec laquelle ce saint ou cette sainte, en toutes circonstances et quelles que fussent les difficultés intérieures ou extérieures à surmonter, a, par amour de Dieu et avec le désintéressement le plus absolu, accompli son devoir quotidien et conformé en toutes choses sa volonté à la volonté divine. « Ce ne sont pas, a proclamé Jésus-Christ, ceux qui disent : Seigneur, Seigneur ! qui entreront dans le royaume des Cieux, mais ceux-là seulement qui font la volonté de mon Père 2. »

Voilà le véritable héroïsme, et il n’y a de sainteté qu’à ce prix.

C’est pourquoi Jeanne de France, dont la vie chrétienne fut, humainement parlant, obscure et sans éclat, s’imposait déjà à ceux ou celles qui la voyaient de près et vivaient dans le rayonnement de ses vertus comme une sainte authentique.

Elle était si exigeante pour elle-même, si désintéressée, si attachée à ses devoirs, même dans les petites choses, et en même temps si bonne, si généreuse, en un mot si charitable, qu’on n’échappait pas à sa puissance d’attraction. On le vit bien quand, nommée duchesse de Berry, elle se rendit à Bourges pour prendre le gouvernement de son petit royaume. Cette femme qui, physiquement, n’en imposait à personne, tant elle était disgraciée par la nature, trouva dans sa charité inlassable et son amour intransigeant du devoir poussé jusqu’à l’héroïsme le moyen le plus clair et le plus sûr d’être à la hauteur de sa tâche et d’acquérir les qualités véritables d’un chef, dont la première est de choisir des collaborateurs capables et consciencieux, tout en se réservant l’autorité et les responsabilités personnelles du pouvoir, et la seconde d’ajouter à l’autorité du chef qui commande au nom du bien commun dont il a la charge celle de l’exemple d’une vie personnelle consacrée tout entière à assurer parmi ses sujets le règne de la justice à force de charité.

Mais le gouvernement du duché de Berry n’était dans les desseins de Dieu qu’une étape par où il voulut qu’elle passât pour se préparer à un gouvernement d’un autre ordre, beaucoup plus difficile et plus délicat, celui des âmes.

On se souvient qu’un jour, au château de Lignières, avant ses épousailles, Jeanne entendit dans son cœur la Sainte Vierge qui lui disait : « Ma chère fille Jeanne, avant que de mourir, tu fonderas une religion en mon honneur, qui sera le plus grand plaisir qu’on puisse faire à mon fils et à moi. » Et, peu de temps après, elle apprit de Jésus lui-même, un jour qu’elle priait devant le crucifix, que le chemin à parcourir pour en arriver là serait celui que lui-même avait suivi, le chemin de la croix.

Il nous reste à montrer brièvement de quelle façon providentielle Jeanne l’a pleinement réalisé à la fois dans la souffrance et dans la joie.

Alors que Jeanne semblait uniquement préoccupée de bien gouverner et administrer le duché de Berry, et s’en tirait à merveille, Dieu lui envoya un collaborateur inattendu, son directeur spirituel, le Père Gabriel-Marie, un franciscain bien connu par sa sagesse et sa sainteté. C’est le Pape Léon X lui-même qui, au cours d’une audience qu’il lui accorda à Rome, avait donné à ce saint religieux ce nom de Gabriel-Marie, qui lui semblait le mieux adapté à sa mission auprès des âmes d’élite, parce qu’il rappelait celle de l’ange Gabriel auprès de Marie. Ce fut vrai, en tout cas, de ses rapports avec Jeanne de France, puisque finalement il l’aida à fonder l’Annonciade.

Lorsque le Père Gabriel-Marie devint, à trente-six ans, son directeur, Jeanne se laissa conduire par ce moine intelligent, pieux et dévoué ; elle ne fit rien, dans l’ordre spirituel et temporel, sans en référer à lui. Mais, en revanche, elle exigea de lui qu’il fût entièrement à sa disposition. De cette manière, notre sainte fit rapidement de grands progrès dans la voie de la sainteté, mais avec cette note de mesure et d’équilibre, jusque dans le choix de ses mortifications corporelles, qui révèle tout ensemble la sagesse de son directeur et la docilité de sa fille spirituelle.

Un jour, cependant, ces deux âmes, avides l’une et l’autre de perfection, se heurtèrent si violemment que la pauvre Jeanne faillit en mourir.

Elle n’avait jamais osé s’ouvrir à son directeur de la demande que la sainte Vierge lui avait faite, vingt ans plus tôt, de fonder un ordre religieux en son honneur. Cependant, au milieu de toutes les occupations que lui imposaient les devoirs de sa charge et le souci de se sanctifier, elle demeurait comme hantée par cet appel d’en haut. Elle y pensait jour et nuit, si bien qu’un jour, n’y pouvant plus, elle rompit ses habitudes de silence et déclara net son dessein au Père Gabriel.

Mal lui en prit. Le Père crut prudent de la détourner de son projet et, au lieu de l’aider à fonder un nouvel ordre religieux, l’engagea au contraire à rentrer de plus en plus en elle-même, à vivre dans la cellule intérieure de son âme, à y faire chaque jour davantage, dans le plus profond mépris d’elle-même, la place entière à Dieu et ainsi à s’avancer à son insu dans les voies de la plus haute contemplation.

Mais, dans ce combat de Jeanne contre l’Ange, ce fut Jeanne, ou plutôt ce fut la Vierge Marie qui l’emporta.

Le refus de son directeur de prendre au sérieux son projet et l’impossibilité dans laquelle il la mettait de répondre au vœu de la Vierge Marie eurent d’abord pour résultat d’ébranler profondément et même de compromettre gravement la santé de Jeanne. Elle se sentit comme écartelée entre l’obéissance qu’elle devait à son directeur et l’inspiration qui intérieurement la poussait à réaliser la fondation demandée par la sainte Vierge. Au bout de quelques mois, cette lutte la conduisit aux portes de la mort ; tel fut du moins l’avis des médecins.

Alors Jeanne fit appeler son directeur, devenu gardien du couvent d’Amboise. « Mon Père, lui dit-elle, je crois que je vais mourir, et c’est vous qui êtes la cause de ma mort. » Le Père Gabriel-Marie, étonné, la pria de s’expliquer. Alors Jeanne, revenant sur le passé, lui ouvrit pour la première fois son âme au sujet de sa vocation. « Il fallait dire cela plus tôt », répliqua-t-il, et sur-le-champ promit de se donner lui aussi tout entier à cette grande œuvre. « Mon Père, répondit Jeanne, j’en serai la fondatrice, mais vous en serez aussi le fondateur et le père. Je veux que cet ordre nouveau soit gouverné par vous et par vos frères de l’observance de saint François. »

C’est ainsi que fut fondée l’Annonciade.

Certes il fallut faire bien des démarches et résoudre bien des difficultés avant que la fondation ne fût réalisée. Le Père Gabriel-Marie rédigea lui-même la Règle des dix Vertus ou Plaisirs de la sainte Vierge ; c’est lui qui se rendit en personne à Rome pour obtenir d’Alexandre VI l’approbation de cette règle. On recruta avec beaucoup de soin les premières novices, dont la bonne Mère Jeanne elle-même fit la première éducation, en collaboration avec le Père Gabriel-Marie. Enfin il fallut construire le premier monastère...

Tout cela demanda beaucoup d’efforts et entraîna une multitude d’épreuves que je n’ai pas à raconter ici.

Ce qu’il faut noter cependant, c’est que cette fondation consacrée à la Vierge Marie eut lieu au moment où Luther déchaînait contre l’Église l’offensive que l’on sait, s’insurgeait en particulier contre la dévotion à la Mère de Dieu et présidait à la ruine de tant de monastères dédiés à son culte.

Jusqu’à sa mort, qui eut lieu le 4 du mois de février 1505, la bonne duchesse se dévoua tout entière à l’Annonciade. Tout en restant duchesse de Berry, elle voulut appartenir à son ordre et fit profession entre les mains du Père Gabriel-Marie le jour de la Pentecôte 1504. On laisse à penser tout le soin qu’elle apporta à vivre comme une sainte religieuse, tout en continuant de gouverner avec sagesse son duché. Les historiens de l’époque ne se lassent pas d’exalter sa sainteté, et c’est justement parce qu’elle a pratiqué les devoirs de son état de façon héroïque, jusqu’à son dernier soupir, que l’Église l’a proclamée sainte et lui a accordé les honneurs de la canonisation. Il n’y a pas un Français digne de ce nom qui n’en soit fier et ne s’en réjouisse.

 

 

 

Mgr GILLET.

 

Paru dans Hommes et Mondes en juin 1950.

 

 

 

 

 



1 Mgr CAGNAC, La Bienheureuse Jeanne de Valois, 3e édition, page 25.

2 MATTHIEU, VII, 21.

 

 

 

 

 

 

 

 

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