Véracité des prophéties

 

 

LES PROPHÉTIES CONFIRMÉES PAR LES DÉCOUVERTES

DES VOYAGEURS MODERNES LES PLUS CÉLÈBRES.

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Alexander KEITH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Premier article.

 

 

 

 

 

 

Un auteur anglais vient d’entreprendre de prouver la vérité de la religion chrétienne, par l’accomplissement littéral des prophéties, tel qu’il est démontré par l’histoire des Juifs et par les découvertes des voyageurs modernes 1. En passant en revue les prophéties relatives à Babylone, à Ninive, à Tyr, à l’Égypte, à la Judée et à toutes les contrées adjacentes, le savant auteur, appuyé sur le témoignage, non seulement des Seetzen 2, des Burckhardt 3, des Porter 4, des Rich 5 et d’autres voyageurs aussi célèbres, mais encore sur celui d’incrédules bien connus, tels que Volney, démontre que ces prophéties ont été accomplies de la manière la plus exacte et la plus complète, et il en déduit la preuve que les auteurs étaient divinement inspirés. Nous nous proposons de citer quelques passages de ce livre vraiment intéressant, qui n’est que l’abrégé d’un ouvrage plus étendu que l’auteur doit publier incessamment. Les prophéties relatives à Ninive, à Babylone et à Tyr ayant déjà été examinées dans les Annales 6, nous passerons de suite au chapitre dans lequel l’auteur anglais, les saintes Écritures d’une part, et Volney de l’autre, confronte l’état actuel de la Judée et des contrées adjacentes, avec les prophéties qui les concernent, et fait jaillir de cette comparaison la preuve la plus incontestable de la vérité de la parole divine 7.

 

 

1. Prophéties concernant la Judée et les contrées adjacentes.

 

Tandis que les Juifs, errant parmi les nations, attestent dans tout l’univers l’exécution des terribles jugements prononcés contre eux pour leurs iniquités, il est encore d’autres contrées de la terre qui furent le sujet des prophéties de l’Écriture, et qui offrent aujourd’hui des preuves frappantes de l’inspiration des prophètes hébreux ; des preuves sur lesquelles on ne saurait se méprendre, et qui sont à la portée de tous les esprits. Les faits qui, de nos jours, démontrent l’accomplissement de ces prédictions sont du domaine de l’observation ; l’existence en est établie par des témoins dont la déposition est aussi sûre pour nous que l’identité des livres des prophéties dont les Juifs ont été les gardiens et les conservateurs.

Non seulement les prophètes prédirent quelle devait être la destinée d’un peuple pendant la durée d’une infinité de générations, dont les premières ne devaient naître que plusieurs siècles après l’époque que le scepticisme lui-même assignerait à leurs prédictions ; mais, au temps même où l’abondance régnait dans la Judée, où une population innombrable remplissait ses cités, ils annoncent sa longue et épouvantable désolation, « la désolation d’un grand nombre de générations ». Le pays lui-même est donc un témoin irrécusable, non moins que la nation. Il suffit de comparer les prédictions avec les preuves de leur accomplissement, fournies par les païens et par les infidèles eux-mêmes.

L’antique opulence et la désolation actuelle de la Judée sont des faits incontestables.

« La Syrie, dit Volney, réunit sous un même ciel des climats différents, et rassemble dans une enceinte étroite des jouissances que la nature a dispersées ailleurs à de grandes distances de temps et de lieux. Chez nous, par exemple, elle a séparé les saisons par des mois ; là, on peut dire qu’elles ne le sont que par des heures 8. À ce premier avantage, qui perpétue les jouissances par leur succession, la Syrie en joint un second, celui de les multiplier par la variété de ses productions 9. Avec ces avantages nombreux de climat et de sol, il n’est pas étonnant que la Syrie ait passé de tout temps pour un pays délicieux, et que les Grecs et les Romains l’aient mise au rang de leurs plus belles provinces, à l’égal même de l’Égypte 10. D’après le tableau assez bien constaté de la Judée, au temps de Titus, cette contrée devait contenir quatre millions d’âmes 11. Cette Syrie, me disais-je, aujourd’hui presque dépeuplée, comptait alors cent villes puissantes. Ses campagnes étaient couvertes de villages, de bourgs et de hameaux ; de toutes parts l’on ne voyait que champs cultivés, que chemins fréquentés, qu’habitations pressées 12. »

Non seulement Josèphe et Strabon, mais Tacite, Pline, Florus et Ammien Marcellin, attestent le grand nombre de villes et villages dont le territoire de la Judée était couvert ; l’importance de plusieurs de ces cités, l’excellence de son climat, la fertilité de son terroir, l’abondance de ses fruits qui rivalisaient avec ceux de l’Italie, son agriculture poussée à un tel point de perfection que les Grecs eux-mêmes l’appelaient le Jardin. Telle était la haute opinion qu’on avait de la beauté et de la fertilité de la Judée plusieurs années après l’émission des prophéties, qui lui annonçaient une désolation dont le terme était inconnu.

La terre appartient au Seigneur ; après que l’homme eut péché contre lui, elle fut maudite à cause de l’homme. Ainsi la Judée fut maudite, et dut rester désolée, en punition des péchés du peuple à qui Dieu l’avait donnée, et à qui néanmoins elle doit être rendue, quand il retournera au dieu de ses pères. Il était prédit que les calamités d’Israël augmenteraient graduellement avec ses iniquités ; la ruine de son pays, son exil de la terre de ses aïeux, étaient les châtiments prononcés contre lui. Plusieurs prophéties, celles qui étaient les plus frappantes par leur clarté et par leur précision, ont reçu leur accomplissement. « Je changerai vos villes en solitude, je ruinerai vos sanctuaires, et je détruirai tellement votre pays que vos ennemis qui y habiteront en seront étonnés ; votre terre sera désolée et vos villes détruites. Alors la terre se réjouira dans les jours de son repos, pendant tout le temps qu’elle demeurera déserte 13. » On trouve dans d’autres prophéties une description circonstanciée de la désolation de la Judée 14, parfaitement d’accord, dans les plus petits détails, avec ce qu’en rapportent les voyageurs modernes. La vision des prophètes était aussi claire que la vue même de ceux qui lisent aujourd’hui l’histoire, ou peuvent promener leurs regards sur le pays ; les traces nombreuses d’une ancienne culture, les ruines qu’on rencontre à chaque pas, les restes d’édifices et de voies romaines, la richesse naturelle du sol, encore entière dans beaucoup d’endroits, s’accordent avec l’histoire, en attestant que, pendant plusieurs siècles après l’ère des prophètes, la Judée fut tout autre qu’elle n’est aujourd’hui, et dans un état très différent de celui où l’on était bien éloigné de supposer quelle pût jamais tomber.

« Le pays devait être désolé, et la terre se réjouir de son repos pendant tout le temps qu’elle demeurerait déserte » ; et tant que les enfants d’Israël seraient dispersés dans les terres de leurs ennemis, leur terre devait rester désolée. Or il y a près de dix-huit siècles qu’ils sont épars dans les pays de leurs ennemis, et leur propre pays est encore dans la désolation. Le glaive a été tiré contre eux ; la persécution les a suivis partout, et le soc de la charrue est resté oisif dans la Judée. Plusieurs des plaines les plus fertiles sont absolument en friche, et couvertes de chardons et de ronces de toute espèce. Des tribus rebelles d’Arabes parcourent la contrée en tout sens, et y font en liberté paître leurs troupeaux. Quelques montagnes sont à peine accessibles, à cause des épais buissons d’épines qui les couvrent de toutes parts ; souvent le voyageur se voit arrêté au milieu d’une plaine par les plantes sauvages et les herbes dans lesquelles ses pieds s’embarrassent ; et telle est l’exubérance et la vigueur de cette triste végétation, qu’un cheval même a peine à s’y frayer un chemin ; tout le canton de Tibériade, entre autres, au rapport du célèbre voyageur Burckhardt, n’est qu’un vaste buisson de ronces. La terre se repose et demeure inculte. « Sur la terre de mon peuple, dit le Seigneur, pousseront les épines et les ronces. »

Les villes aussi devaient être détruites et réduites en désert. D’après le témoignage unanime de tous les voyageurs, on peut appeler la Judée un immense champ de ruines ; quoique inhabitable en général, ces ruines conservent les noms des anciennes villes dont elles occupent la place. Des monceaux de décombres sont tout ce qui reste de Césarée, de Zabulon, de Capharnaüm, de Bethsaïde, de Gadara, de Tarichée et de Chorazin, ces citée qui furent jadis honorées de la présence et des prédications du Christ et de ses Apôtres. On ne rencontre de toutes parts que colonnes enterrées sous des débris, qu’amas informes de ruines qui, dans plusieurs endroits, couvrent un terrain considérable.

« Les restes d’Arimathie font voir, dit Volney, que cette ville a dû avoir environ deux lieues de tour. » Les ruines de Djerash (Gerasa), suivant la description qu’en ont donnée différents voyageurs, l’emportent en magnificence sur celles de Palmyre. Mais parmi les villes de Palestine, jadis fameuses, il en est dont à peine quelques vestiges peuvent indiquer la place, tant leur destruction a été complète. La Judée a été visitée et décrite par beaucoup de voyageurs 15, qui s’accordent à en dépeindre l’affreuse désolation, comme présentant le contraste le plus étonnant avec sa fertilité et son opulence d’autrefois. Il serait impossible d’opposer à l’incrédule le plus entêté un témoin plus irréfragable que l’auteur des Ruines, pour les faits qui viennent à l’appui de l’inspiration des Écritures. Non seulement il atteste les faits qui constituent l’accomplissement littéral de ces nombreuses prophéties : mais il décrit les traits caractéristiques de cette désolation avec autant de précision et de détail que s’il n’avait fait que copier le texte même des prophètes, au lieu de rapporter les évènements qu’ils avaient prédits, ou que si son dessein eût été de prouver que leurs prophéties avaient été accomplies jusqu’à un iota.

L’état de la Judée et la condition de ses habitants sont décrits dans diverses prophéties, de la vérité desquelles on peut se convaincre aujourd’hui, en les mettant en regard, sans commentaire aucun, avec les paroles mêmes d’un ennemi du Christianisme.

 

 

 

JUDÉE.

 

 

LES PROPHÉTIES : « Alors la terre se réjouira dans les jours de son repos pendant tout le temps qu’elle demeurera déserte ; et quand vous serez dans une terre ennemie, elle se reposera et trouvera son repos, étant seule abandonnée. » (Lévit. XXVI, 34.-35.)

VOLNEY : « Chaque jour je trouvais sur ma route des champs abandonnés. » (Les Ruines, ch. I.) « Pourquoi ces terres sont-elles privées des bienfaits anciens (troupeau nombreux, champs fertiles, moissons abondantes) ? Pourquoi en sont-ils comme bannis et transférés, depuis tant de siècles, à d’autres nations, à d’autres pays ?... » (Ibid., ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Les étrangers dévoreront votre pays sous vos yeux ; il sera désolé comme le champ que l’ennemi a dévasté. » (Isaïe, I, 7.)

VOLNEY : « Depuis 2 500 ans, l’on peut compter dix invasions qui ont introduit et fait succéder des peuples étrangers. » (Voyage en Syrie, ch. XXII.)

 

LES PROPHÉTIES : « La ruine a été appelée après la ruine, et toute la terre a été dévastée. (Jérémie, c. IV, v. 20.) Et je la livrerai à la main des étrangers ; elle deviendra la proie des impies de la terre qui la profaneront (Ézéchiel, VII, 21) ; et j’amènerai les plus cruels d’entre les peuples ; ils s’empareront de leurs maisons : ils verront venir épouvante sur épouvante, calamité sur calamité (Ibid., VII, 24, 26). Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que le temps des nations soit accompli. (S. Luc, XXI, 24). »

VOLNEY : « L’an 622 (636), les tribus de l’Arabie, rassemblées sous l’étendard de Mahomet, vinrent la posséder ou plutôt la dévaster. Depuis ce temps, déchirée par les guerres civiles des Fatimides et des Omeyades, soustraits aux califes par leurs lieutenants rebelles, ravie à ceux-ci par les milices turkmènes, disputée par les Européens croisés, reprise par les Mamlouks d’Égypte, ravagée par Tamerlan et ses Tartares, elle est enfin restée aux mains des Turcs Ottomans. » (Ibid., p. 352.)

 

LES PROPHÉTIES : « Vos chemins seront déserts. » (S. Luc. XXVI, 22.)

VOLNEY : « Dans l’intérieur, il n’y a ni grandes routes, ni canaux, pas même de ponts, etc. – Les chemins dans les montagnes sont très pénibles. – Il est remarquable que dans toute la Syrie l’on ne voit pas un chariot ni une charrette. » (Ibid., ch. XXXVIII.)

 

 

LES PROPHÉTIES : « Le voyageur ne passe plus par les sentiers, où le voyageur n’est plus en sûreté. » (Isaïe, XXXIII, 8).

VOLNEY : « Il n’y a de ville à ville ni peste ni messagerie. Personne ne voyage seul, vu le peu de sûreté habituelle des routes. Il faut attendre que plusieurs voyageurs veuillent aller au même endroit, ou profiter du passage de quelque grand, qui se fait protecteur et souvent oppresseur de la caravane. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Sur toutes les voies du désert sont venus les destructeurs. » (Jérém. XII, 12.)

VOLNEY : « Ces précautions sont surtout nécessaires dans les pays ouverts aux Arabes, tels que la Palestine et toute la frontière du Désert. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Vous serez frustrés de vos revenus. » (Ibid., XII, 13.)

VOLNEY : « La somme annuelle que la Syrie verse au kasné ou trésor du sultan se monte à 2 345 bourses, savoir :

            Pour Alep,                    800 b.

            Pour Tripoli,                 750

            Pour Damas,                   45

            Pour Acre,                    750

            Et pour la Palestine,         0

            Total.                         2 345 b.

qui font 2 931 250 livres de notre monnaie. » (Ibid., c. XXXII.)

 

LES PROPHÉTIES : « Voici ce que dit le Seigneur Dieu à ceux qui habitent Jérusalem, dans la terre Israël : ils mangeront leur pain dans l’inquiétude, et ils boiront leur eau dans la désolation ; et cette terre sera dépouillée de son abondance, à cause de l’iniquité de tous ceux qui l’habitent. » (Ézéch., XII, 19.)

VOLNEY : « Le marchand vit dans des alarmes perpétuelles, etc. La même crainte règne dans les villages, où chaque paysan redoute d’exciter l’envie de ses égaux, et la cupidité de l’agha et des gens de guerre. » (Ibid.) « La condition des paysans doit être misérable. Partout ils sont réduits au petit pain plat d’orge ou de doura, aux oignons, aux lentilles et à l’eau. L’art de la culture y est dans un état déplorable. L’on ne sème qu’autant qu’il faut pour vivre. » (Ibid., ch. XXXVII et XXXVIII.)

 

LES PROPHÉTIES : « La terre a été souillée par les habitants. » (Isaïe, XXIV, 5.)

VOLNEY : « La corruption est habituelle, générale. » (Ibid., c. XXXIX.)

 

LES PROPHÉTIES : « Le son bruyant des tambours a cessé ; la lyre aux sons si doux est muette. » (Ibid., 8.)

VOLNEY : « Toute leur musique est vocale ; ils ne connaissent ni n’estiment l’exécution des instruments. » (Ibid., c. XXXIX.)

 

LES PROPHÉTIES : « Tous ceux qui avaient le cœur joyeux soupirent. » (Ibid., 9.)

VOLNEY : « Leur expression est accompagnée de soupirs, etc. On peut dire qu’ils excellent dans le genre mélancolique. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Le vin n’accompagne plus les chants. » (Ibid., 9.)

VOLNEY : « La bonne chère attirerait une avanie, et le vin une punition corporelle. » (Ibid., ch. XL.)

 

LES PROPHÉTIES : « La voix des hommes de plaisir n’est plus entendue ; plus d’allégresse ; toute la joie de la terre a disparu. » (Ibid., 8 et 11.)

VOLNEY : « Ils ont l’air grave et flegmatique dans tout ce qu’ils font et dans tout ce qu’ils disent. Au lieu de ce visage ouvert et gai que chez nous l’on porte ou l’on affecte, ils ont un visage sérieux, austère et mélancolique ; rarement ils rient : et l’enjouement de nos Français leur paraît un accès de délire. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Ses habitants sont dans la désolation. » (Isaïe, ch. XXIV, v. 6.)

VOLNEY : « Le gouvernement des Turcs en Syrie est un pur despotisme militaire, c’est-à-dire que la foule des habitants y est soumise aux volontés d’une faction d’hommes armés qui disposent de tout selon leur intérêt et leur gré. » (Ibid., ch. XXXIII.)

 

LES PROPHÉTIES : « Je détruirai tellement votre pays, que vos ennemis qui y habiteront en seront étonnés. » (Lévit., XXVI, 32.) « Tous ceux qui passeront à travers cette terre en seront étonnés. » (Jérém., XVIII, 16.)

VOLNEY : « On a droit de s’étonner d’un rapport si faible dans un pays aussi excellent ; mais on s’étonnera davantage si l’on compare à cet état la population des temps anciens. » (Ibid., ch. XXXII.)

 

LES PROPHÉTIES : « Vos villes seront la proie des flammes. » (Isaïe, I, 7.)

VOLNEY : « L’aspect d’un lieu où l’ennemi et le feu viennent de passer est précisément celui du village de Loudd, Jadis Lydda, et Diospolis. – Cette ville (Arimathie) est presque aussi ruinée que Loudd même. » (Ibid., ch. XXXI.)

 

LES PROPHÉTIES : « Les forteresses seront autant de cavernes à jamais. » (Ibid., XXXII, 14.) « La ville aux fortes murailles sera désolée. Ces lieux si beaux seront quittés et abandonnés comme un désert. » (Ibid., XXVII, 10.)

VOLNEY : « À chaque pas l’on y rencontre des ruines de tours, de donjons, de châteaux avec des fossés ; – ils sont abandonnés aux chacals, aux hiboux et aux scorpions. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Quand les branches seront sèches, elles seront brisées, et les femmes y venant en allumeront du feu. » (Isaïe, XXVII, 10.)

VOLNEY : « Au-delà (de Jaffa), la campagne était remplie d’oliviers grands comme des noyers ; mais les Mamlouks ayant tout coupé, pour le plaisir de couper ou pour se chauffer, Jaffa a perdu la plupart de ses avantages. – La campagne aux environs (d’Arimathie) est plantée d’oliviers superbes ; mais journellement ils dépérissent par vétusté, par les ravages publics, et même par des délits secrets. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Car ce peuple n’a pas d’intelligence. » (Isaïe, XXVII, 10.)

VOLNEY : « Un peuple où les arts les plus simples sont dans la barbarie, où les sciences sont entièrement inconnues. La barbarie est complète dans la Syrie. » (Ibid., chap. XXXIX.) « L’on peut dire qu’il n’existe aucune instruction. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Ils ont changé l’héritage que mon cœur avait choisi en une affreuse solitude. » (Jérém., XII, 10.)

VOLNEY : « J’ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude. » (Ruines, ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Toute cette terre ne sera que désolation. » (Jérém., IV, 27.)

VOLNEY : « Ce n’est plus que solitude et stérilité. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Toutefois, je ne la détruirai pas entièrement. » (Jérém., IV, 27.) « Il arrivera en ce jour que la gloire de Jacob sera obscurcie. – Au milieu même de la terre, à peine voit-on quelques hommes semblables aux olives restées sur l’olivier après la récolte, aux grappes de raisin après la vendange. » (Isaïe, XVII, 4, XXIV, 13.)

VOLNEY : « J’ai cherché les anciens peuples et leurs ouvrages, et je n’en ai vu que la trace, semblable à celle que le pied du passant laisse sur la poussière. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Ils ont semé du blé, et ils moissonneront des épines ; ils ont reçu un héritage, et il ne leur servira pas. » (Jérém., XII, 13.)

VOLNEY : « L’homme sème dans l’angoisse, et ne recueille que des larmes et des soucis. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Nulle paix pour toute chair. » (Ibid., 12.)

VOLNEY : « La guerre, la famine, la peste, l’assaillent tour à tour. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Les ronces et les épines couvriront la terre de mon peuple. » (Isaïe, XXXII, 13.)

VOLNEY : « La terre ne produit que des ronces et des absinthes. » (Ibid.)

 

LES PROPHÉTIES : « Je détruirai vos hauts lieux, je ruinerai vos tabernacles, je rendrai déserts vos sanctuaires. » (Lévit., XXVI, 30, 31.)

VOLNEY : « Les temples se sont écroulés… » (Ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Ces palais seront renversés. » (Isaïe, XXXII, 14.)

VOLNEY : « ... les palais sont renversés… » (Ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Je perdrai le reste de leurs ports de mer. » (Ézéch., XXV, 16.)

VOLNEY : « ... les ports sont comblés… » (Ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Je changerai vos villes en solitude. » (Lévit., XXVI, 31.) « J’ai regardé, et toutes les villes ont été détruites. » (Jérém., IV, 26.) « Toutes les villes sont abandonnées, et l’homme n’y habite plus. » (Ibid., 29.)

VOLNEY : « ... les villes sont détruites, et la terre nue d’habitants. » (Ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « Les habitants seront livrés aux flammes ; à peine un petit nombre pourra-t-il échapper. » (Is., XXIV, 6.)

VOLNEY : « Les seuls territoires de Yamnia et de Yoppé en Palestine, dit le géographe philosophe Strabon, furent jadis si peuplée qu’ils pouvaient entre eux armer quarante mille homme. À peine aujourd’hui en fourniraient-ils trois mille. » (Voyage en Syrie, ch. XXXII.)

 

LES PROPHÉTIES : « Les villes qui sont maintenant habitées deviendront une solitude. » (Ézéch., XII, 20.)

VOLNEY : « Chaque jour je trouvais des villages désertés. » (Ruines, ch. I.)

 

LES PROPHÉTIES : « Et les étrangers qui seront venus de loin, quand ils verront les plaies de ce pays et les langueurs dont le Seigneur l’aura affligé : et même toutes les nations diront, voyant ces choses : Pourquoi l’Éternel a-t-il donc ainsi traité ce pays ? quelle est la cause de cette grande colère ? » (Deutér., XXIX, 22-24.)

VOLNEY : « Je l’ai parcourue, cette terre ravagée ! Grand Dieu ! d’où viennent d’aussi funestes révolutions ? par quels motifs la fortune de ces contrées a-t-elle si fort changé ? pourquoi tant de villes se sont-elles détruites ? pourquoi cette ancienne population ne s’est-elle point reproduite et perpétuée ? pourquoi ces terres sont-elles privées des bienfaits anciens ? » (Ibid., ch. II.)

 

LES PROPHÉTIES : « C’est pourquoi la fureur du Seigneur s’est allumée contre cette terre, et il a amené sur eux toutes les malédictions qui sont écrites dans ce livre. » (Ibid., 27.) « La terre a été souillée par ses habitants, parce qu’ils ont violé la loi ; Ils ont perverti la justice, ils ont profané l’alliance éternelle. » (I., XXIV, 5.)

VOLNEY : « Un Dieu mystérieux exerce ses jugements incompréhensibles ! Sans doute il a porté contre cette terre un anathème secret. – En quoi consistent ces anathèmes célestes sur ces contrées ? où est cette malédiction divine qui perpétue l’abandon de ces campagnes ? » (Ibid.)

 

 

Donnons à ce témoignage de Volney toute l’autorité qui lui appartient. Quel témoin plus irrécusable que lui ? Quelle preuve plus complète que sa déposition ? – On peut ajouter toutefois que les Écritures assignent prophétiquement les causes aussi bien qu’elles détaillent les circonstances d’une si étonnante désolation. « Parce qu’ils ont violé la loi, ils ont perverti la justice, ils ont profané l’alliance éternelle ; la malédiction a dévoré le pays, et les habitons ont été mis en désolation 16. » Ce ne fut pas par l’influence de la religion, mais au contraire, à raison même de l’absence de toute religion, que la malédiction dont les hommes étaient les instruments, fondit sur le pays et sur les habitants. Le pays est désolé, parce que les habitants le saccagent et le dévastent. Volney atteste cet excès de barbarie, et Burckhardt rapporte que si l’on mettait tout d’un coup en vigueur dans ce pays les lois pénales anglaises, il s’y trouverait à peine, au bout de six mois, un seul individu dans les fonctions publiques, ou en relation avec d’autres pour des affaires d’intérêt, qui ne fût passible de la déportation 17.

L’exception à cette désolation générale n’est pas le trait le moins remarquable de cette peinture de la Judée, ni la moins merveilleuse des prophéties qui la concernent ; elle est comme le dernier coup de pinceau du peintre, et complète le tableau.

« Il arrivera qu’au milieu de cette terre, à peine verra-t-on quelques hommes. Il en sera d’eux comme des olives qui restent sur l’olivier après la récolte, ou des grappes de raisin après la vendange. La gloire de Jacob sera obscurcie, et il en arrivera comme quand le moissonneur cueille les blés et laisse aux glaneurs quelques épis 18. » Ces paroles signifient qu’un faible reste devait échapper à la désolation ; que, bien que la Judée dût devenir pauvre comme un champ qui a été moissonné, on comme une vigne dépouillée de ses fruits, on y apercevrait encore quelques vestiges de son ancienne richesse, et comme une lueur de son antique gloire. – C’est ce qui arrive en effet. Partout où un terrain est désigné pour être la résidence d’un Agha turc ou d’un Scheik arabe, ou saisi comme leur propriété, il ne demande qu’un peu de culture ; il n’a besoin que d’un peu de protection, pour qu’on y voie bientôt reparaître la fécondité et la beauté de la terre de Canaan. – Le jardin de Geddin, si abondant en olives, en amandes, en figues, en pêches et en abricots ; Naplouse, l’ancienne Sichem, « comme ensevelie au milieu des bosquets les plus délicieux et les plus odoriférants, et à moitié cachée par de riches jardins et des arbres magnifiques ; » la vallée de Zabulon ; les belles forêts des montagnes de Giléad ; la vallée de Saint-Jean, près de Jérusalem, couronnée d’oliviers et de vignes, et où l’on recueille les figues les plus douces et les meilleures amandes, apparaissent au milieu des terres incultes qui les environnent comme autant d’Édens dans un désert : ce sont des épis échappés au moissonneur, après que la moisson a été faite ; c’est un petit nombre d’olives qui restent sur l’arbre, après qu’on l’a secoué. Mais qui eût jamais pu penser que la même cause dût produire des effets si opposés, et que ces olives qu’on aperçoit encore au bout des plus hautes branches, y seraient conservées par la même main qui devait ébranler l’olivier par de si terribles secousses ?

Voici l’arrêt prononcé contre SAMARIE, capitale des dix tribus du royaume d’Israël : « Je ferai de Samarie un monceau de pierres élevé dans un champ, lorsqu’on plante une vigne. Je ferai rouler les maisons dans la vallée, et je mettrai ses fondements à nu 19. » Hérode-le-Grand agrandit et embellit Samarie. Elle fut pendant plusieurs siècles le siège d’un évêque, et l’on conserve encore quelques-unes de ses médailles et de ses monnaies. Tels sont les seuls monismes d’une cité qui a cessé d’exister depuis longtemps. Les maisons ont été roulées dans la vallée. Un des premiers voyageurs modernes nous la représente comme couverte de jardins ; d’autres, qui l’ont vue plus récemment, parlent aussi de la colline où fut jadis Samarie ; tous disent qu’on n’a qu’à lire les menaces prononcées contre elle par Michée, pour se faire une idée de l’aspect qu’elle offre aujourd’hui 20.

JÉRUSALEM devait être « foulée aux pieds par les nations, jusqu’à ce que le temps des nations fût accompli ». Dix-huit siècles après cet arrêt prononcé par le fondateur de la religion chrétienne, nous pouvons dire que les temps des nations ne sont pas encore accomplis ; car aujourd’hui encore Jérusalem est foulée par les nations. Dans les premiers temps qui ont suivi leur dispersion, les Juifs firent, pour recouvrer cette ville, des tentatives où ils déployèrent tout le courage du plus furieux désespoir, mais qui furent sans succès. La puissance romaine, qui les avait arrachés de leur patrie, sut toujours les empêcher d’y reprendre racine. Et lorsque, sous l’empereur Julien, qui croyait que le maître de Rome pouvait mépriser des prédictions prononcées quelques siècles auparavant par un prophète qu’on avait crucifié ; lorsque la puissance romaine, réunie à celle des Juifs, essaya de rebâtir leur ville et leur temple, et de les rétablir dans la Judée ; cette tentative, ainsi que le rapporte un historien païen et d’autres auteurs, fut complètement déjouée, malgré tous les efforts des soldats romains. Des tourbillons de flammes sortirent de terre et brûlaient les travailleurs, qui, ne pouvant plus lutter contre ce terrible élément, furent forcés d’abandonner leurs travaux.

Ce qu’il y a d’incontestable, et ce que Dieu seul pouvait savoir, c’est que jusqu’à ce jour les Juifs n’ont pu être rétablis dans la Judée, et que toujours, depuis cette époque, Jérusalem a été foulée par les nations. Romains, Grecs, Perses, Sarrazins, Tartares, Mamluks, Turcs, Égyptiens, Arabes, et Turcs encore une fois, l’ont foulée tour à tour et de siècle en siècle 21. Seuls, de tant de nations, les Juifs, qui chérissent jusqu’à la poussière de ce sol, n’ont jamais pu le reconquérir ; et la vérité de cette déclaration sortie de la bouche de Jésus, que leurs pères ont crucifié, est une preuve irrécusable que sa religion vient de Dieu, preuve infiniment plus forte que tout ce qu’a jamais pu dire l’auteur d’une fausse religion, pour en accréditer la doctrine.

Qu’on se représente donc, d’un côté, les Juifs vivant en sûreté dans leur pays, au fond d’une profonde paix, chaque homme sous sa vigne ou son figuier, et, de l’autre, ces mêmes Juifs dispersés parmi les nations, et traînant leur pénible existence sous le poids de leurs iniquités, et dans la terre de leurs ennemis ; qu’on se représente la Judée, qui n’était jadis qu’un vaste jardin entouré de collines charmantes, cette Judée aujourd’hui transformée en un désert sauvage, d’où toute joie a été bannie ; et qu’on apprenne combien grande est la différence entre les promesses et les menaces du Seigneur ; entre jouir de ses grâces et s’attirer son courroux...

 

 

 

 

CONTRÉES VOISINES DE LA JUDÉE.

 

Indépendamment de la Judée, il est d’autres contrées par lesquelles la désolation a passé ; et plusieurs nations ennemies des Juifs ont péri, tandis que les Juifs eux-mêmes, quoique atteints par les plus terribles châtiments, n’ont pas été retranchés.

Trois pays bordaient la Terre-Sainte : Ammon à l’est, Moab au sud d’Ammon, et la Philistie, on pays des Philistins, au sud-ouest et sur les bords de la Méditerranée, appelée la Grande-Mer dans l’Ancien-Testament 22. Dans le Psaume LXXXIII, il est parlé de ces trois pays : « Ils ont dit : venez, et exterminons-les du milieu de ces peuples, en sorte qu’ils ne soient plus une nation et qu’on ne se souvienne plus à l’avenir du nom d’Israël. On a vu conspirer ensemble et faire alliance contre vous les tentes des Iduméens et des Ismaélites ; Moab, les Agaréniens, Gébal, et Ammon, et Amalec, et les Philistins sont aussi venus avec eux, etc. 23... »

Tous ces pays jouissaient d’une grande fertilité naturelle, et ils abondaient en richesses et en population, longtemps avant l’ère chrétienne. Mais Ammon devait être la proie des Païens ; il devait subir une désolation perpétuelle, on du moins d’une longue durée ; sa capitale devait être transformée en un monceau de ruines, en une étable de chameaux ou en un parc de bestiaux, et les Ammonites devaient être retranchés et effacés de la liste des nations et de la mémoire des hommes. – Moab devait prendre la fuite ; tontes ses villes devaient être renversées sans qu’il y restât un seul citoyen ; ceux qui y demeuraient devaient s’enfuir, pour aller habiter dans les rochers, et être semblables à la colombe qui fait son nid aux côtés de l’entrée des cavernes. Les cités d’Aroer devaient être la retraite des troupeaux qui s’y reposeraient, sans que personne les épouvantât. Moab devait être en dérision, et ses filles, au gué de l’Arnon, comme des oiseaux égarés qu’on a jetés hors du nid. – La terre des Philistins devait aussi être saccagée ; il était dit que les côtes de la mer deviendraient des habitations de bergers et des parcs pour les troupeaux ; qu’on ôterait à Gaza son roi, ses richesses et ses fortifications ; que les habitants d’Ashdod seraient retranchés ; qu’il n’en resterait pas un seul à Ascalon désolé, et qu’Ekron serait arraché de ses fondements. – Quant au Liban, il était prédit que ses branches tomberaient, que ses cèdres seraient dévorés, et (quoique, huit cents ans après la prophétie, il fut encore couvert de cèdres) que les arbres de cette forêt seraient en si petit nombre qu’un enfant pourrait les compter. En un mot, on peut dire que, quelques merveilleuses que fussent toutes ces prophéties, les preuves les plus multipliées prouvent qu’elles sont aujourd’hui accomplies à la lettre. Nous allons maintenant rapporter un certain nombre de passages de ces prophéties, relatifs à Ammon, à Moab, à la Philistie et au Liban.

 

 

AMMON.

 

Ammon fut pendant plusieurs siècles une des plus populeuses et des plus fertiles contrées de cette partie de l’Asie. Les Ammonites faisaient de fréquentes invasions sur les terres d’Israël, et, s’étant alliés une fois avec les Moabites, ils tinrent pendant dix-huit ans les Israélites sous leur joug. Dans la suite, Ammon continua d’être un pays très peuplé et d’un riche produit ; ce fut dans cet état que le trouvèrent les Romains quand ils en firent la conquête. Plusieurs de ces dix villes dont se composait la Décapole étaient renfermées dans ses limites. À une époque encore moins éloignée et plusieurs siècles après Jésus-Christ, les historiens nous disent que cette contrée tirait de grandes richesses de son commerce, qu’elle était défendue par une ligne de forteresses, et possédait plusieurs cités fortes et populeuses. – Volney dit que, dans les immenses plaines de l’Hauran, on rencontre des ruines presque à chaque pas, et que ce qu’on dit de sa fertilité s’accorde parfaitement avec l’idée qu’en donnent les litres hébreux, c’est-à-dire l’Ancien Testament. – Son ancienne fécondité est attestée par tous les voyageurs qui l’ont visitée ; et Burckhardt, qui y était il n’y a que quelques années, observe qu’il fallait bien que dans ce pays l’agriculture fût poussée à un haut point de perfection, pour qu’on y pût nourrir les habitants de tant de villes dont aujourd’hui on ne voit plus que les débris. – Un autre voyageur aussi judicieux que digne de confiance, Seetzen, assure que, dans quelque sens que l’on parcoure ce pays, on y rencontre des ruines.

Malgré cette grande prospérité, il était prédit, dans la prophétie qui concerne Ammon, que Rabba, capitale du pays, « serait la demeure des chameaux et la retraite des brebis. – J’ai étendu ma main sur toi, je te livrerai en proie aux nations, et je t’effacerai du nombre des peuples ; je t’exterminerai de dessus la terre et je te livrerai aux peuples de l’Orient, afin que tu deviennes leur héritage 24 ». « Rabba, capitale des enfants d’Ammon, sera réduite en un monceau de ruines 25. » « La terre des enfants d’Ammon sera à jamais, comme Gomorrhe, un amas d’épines sèches, de monceaux de sel et une vaste solitude 26. »

Des voyageurs modernes, qui n’exploraient la Syrie que pour en étudier les antiquités et la géographie, et qui ne pensaient nullement à y chercher de quoi confirmer ou expliquer les Écritures, nous ont fourni les preuves les plus claires et les plus concluantes de l’accomplissement de ces prophéties.

« Toute cette contrée, dit Seetzen, autrefois si peuplée et si florissante, est changée aujourd’hui en un vaste désert. La plus grande partie en est entièrement inhabitée ; on n’y rencontre que des Arabes vagabonds, et les villes et les villages ne sont que des monceaux de ruines. » Ce célèbre voyageur dit encore « que le pays est partagé entre les Turcs et les Arabes ; que ces derniers en ont la partie la plus considérable, et que les extorsions des uns et les brigandages des autres le tiennent dans une désolation permanente, et en font la proie des païens ». – « À chaque pas, dit Burckhardt, on rencontre des vestiges d’anciennes villes, des restes de temples, d’édifices publics et d’églises grecques. Un grand nombre de ces ruines n’offrent rien d’intéressant. Ce sont des murs d’habitations particulières, des tas de pierres, des fondations d’édifices publics et quelques citernes comblées. On n’y trouve rien d’entier ; mais, à en juger par les pierres énormes dont se composent ces débris, il paraît que le mode de construction alors en usage était d’une grande solidité. Dans le voisinage d’Ammon est une plaine fertile, semée de petites éminences dont la plupart sont couvertes de ruines 27. »

Tandis que le pays est ainsi nu et désolé, on y trouve çà et là quelques vallées verdoyantes qui servent de retraites aux Bédouins, et où ils font paître leurs chameaux et leurs moutons. M. Buckingham, à qui nous empruntons ce fait, rapporte aussi qu’il coucha au milieu des troupeaux de brebis et de chèvres, tout près des ruines d’Ammon, et que, pendant la nuit, il put à peine prendre un instant de sommeil à cause des bêlements des moutons. « Sur toute la route que nous suivîmes, dit Seetzen, nous vîmes des villages ruinés, et nous rencontrâmes nombre d’Arabes avec leurs chameaux, etc. » Burckhardt atteste aussi ce fait, qui est l’accomplissement d’une prophétie prononcée à l’époque où Rabba était une ville florissante et populeuse.

« On ne se souviendra plus des enfants d’Ammon parmi les nations », dit la prophétie. Les Juifs, quoique dispersés parmi toutes les nations, en sont aussi distincts et aussi séparés que jamais : partout on peut les reconnaître, tandis qu’il ne reste aucune trace des enfants d’Ammon. Un ancien auteur chrétien nous apprend qu’ils conservaient leur nom, et formaient encore un peuple nombreux plus de cent ans après la mort du Sauveur. Mais, cinq cent quatre-vingts ans avant la naissance de Jésus-Christ, leur destruction avait été prédite par le prophète Ézéchiel. Et aujourd’hui « Ammon a été effacé du nombre des peuples ; il a disparu de la terre ; il est détruit. » Aucun peuple n’est attaché à son sol ; aucun people ne le regarde comme sa patrie, ou ne porte son nom : ce sont des tribus errantes, d’une autre origine et d’un autre nom, qui l’occupent en passant.

Six cents ans avant Jésus-Christ, Jérémie avait écrit : « Rabba sera réduite en un monceau de ruines. » Il y avait alors plusieurs siècles qu’elle existait, défendue par son assiette naturelle, fortifiée par l’art, située sur les bords d’une grande rivière, et au milieu d’une contrée fertile, sans que rien annonçât encore une ruine prochaine.

Nous sommes assurément bien éloignés de supposer aujourd’hui que Londres et Paris doivent de sitôt être changés en deux monceaux de ruines, habités seulement par les bêtes sauvages, et que, sur les emplacements de leurs rues, de leurs églises et de leurs monuments, transformés en vastes champs découverts, viennent paître avant peu les chèvres et les brebis. Les Ammonites n’imaginaient pas davantage que leurs forteresses et leurs opulentes cités dussent être jamais ce qu’elles sont aujourd’hui. – « Les Arabes, dit Burckhardt, conservent encore l’ancien nom de Rabba, et la place qu’elle occupait est couverte des débris des habitations particulières, dont il ne reste que les fondations et quelques jambages de portes. Toutes les parties d’édifices exposés à l’action de l’atmosphère sont en ruines. » – « Quoique Rabba soit détruite et abandonnée depuis plusieurs siècles, dit Seetzen, j’y ai trouvé encore quelques ruines remarquables qui attestent son ancienne splendeur : Je citerai 1° un édifice carré, dont les ornements sont d’une richesse extraordinaire, et qui a peut-être été un mausolée ou un lieu de sépulture ; 2° un grand palais ; 3° un magnifique amphithéâtre ; 4° deux temples d’idoles, avec de très belles colonnes ; 5° une grande église, bâtie par les chrétiens, longtemps après la venue du Sauveur, et qui prouve que la ville n’était pas encore détruite à cette époque ; 6° quelques portions des anciennes murailles et plusieurs autres édifices. » – Burckhardt décrit avec plus de détails ce qu’il a vu sur l’emplacement de Rabba ; il donne un plan de ses ruines, et parle des restes de plusieurs temples, d’une église très spacieuse, d’un mur circulaire ; d’un pont dont les arches sont très élevées ; des bords et du lit d’une rivière, encore pavés dans quelques endroits ; d’un vaste théâtre ; de majestueuses colonnades ; d’un château très ancien et jadis très fort ; de plusieurs citernes et voûtes ; et d’une plaine jonchée de ruines d’édifices particuliers : monuments de grandeur qui s’élèvent au milieu d’un monceau de ruines.

Ainsi donc, se sont accomplies d’une manière merveilleuse les prophéties qui concernaient Ammon ! Et, quand nous lisons ces choses, ne pourrions-nous nous écrier avec Isaïe 28 : « Seigneur, vous êtes mon Dieu ; je vous glorifierai et je bénirai votre nom, parce que vous avez fait des prodiges, et que vous avez fait voir la vérité de vos desseins éternels ; car vous avez réduit la ville en un tombeau, et la forteresse en un monceau de ruines. Vous en avez fait la demeure des étrangers, afin qu’elle ne soit jamais rebâtie 29. »

 

 

 

 

Alexander KEITH.

 

Paru dans les Annales de philosophie

chrétienne en 1832.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



1 Évidence des prophéties ; par A. Keith ; chez J. Risler. Broch. In-18 de 184 p. 1830. 

2 Ulric Jasper Seetzen, célèbre voyageur allemand, commença ses voyages en 1802. Il visita la Syrie, le Liban, l’Anti-Liban ; s’aventura dans les pays à l’est du Jourdain, où aucun voyageur européen n’avait encore porté ses pas, et revint par le sud de la mer Morte où il fut bien dédommagé de ses peines et de ses périls par l’aspect des ruines d’édifices magnifiques et inconnues aux peuples d’occident. Il visita Jérusalem, rechercha les traces de la célèbre Décapolis ou des dix villes alliées. Il passa ensuite dans la Perse, où on croit qu’il est mort vers 1811. 

3 Jean-Louis Burckhardt, né en Suisse, est un des voyageurs les plus habiles et les plus courageux de ce siècle. Il parcourut la Perse, la Syrie et l’Arable, visita les ruines de Pétra, près desquelles on lui montra le tombeau d’Aaron ; fit en 1813 et 1814 deux voyages en Nubie, vit le mont Sinaï et l’Égypte, où il est mort de la dysenterie en 1817. – Voir une magnifique vue du tombeau d’Aaron dans la gravure du N° 52, t. IX, p. 314. 

4 Sir Robert Ker-Porter est un des peintres les plus distingués de l’Angleterre. Il a publié plusieurs voyages. Celui fait en 1817, 18, 19 et 20, dans la Géorgie, l’Arménie, la Perse et l’ancienne Babylonie, imprimé à Londres en 1821, jouit d’une grande réputation. Sir Porter a acquis une aussi grande réputation par ses productions littéraires que par ses travaux comme peintre. 

5 Cl. J. Rich, résident anglais à Bagdad, y est mort en 1821 du Choléra-Morbus. Il a publié un Mémoire très estimé sur les ruines de Babylone. Nous en avons donné un extrait dans les Annales, No 5, t. I, p. 316. – Voir dans le No 61, t. XI, p. 71, la description complète de ces ruines. 

6 Voir le No 5, t. I, p. 316 ; le No 13, t. III, p. 65, et le No 23, t. IV, page 359. 

7 Voir Évidence des prophéties, etc., p. 60. 

8 Voyage en Syrie et en Égypte, tom. I, ch. XX, § 8. 

9 Ibid. 

10 Ibid. 

11 Voyage en Syrie, tom. II, ch. XXXII. 

12 Les Ruines, ch. IX. 

13 Lévit., XXVI, 34-35. 

14 Isaïe, I, 7 ; XXIV, 1-13 ; XXXII, 9-15 ; XXVII, 10. – Jérém., IV, 20, 26-28 ; XII, 7-14. – Ézéch., XII, 19-20. 

15 Voyez dans le No 8, tome II des Annales, p. 106, la description de la Judée, par MM. de Chateaubriand et de Forbin. 

16 Isaïe, XXIV, 5-6. 

17 Voyage en Syrie, p. 89. 

18 Isaïe, XXIV, 13 ; XVII, 4-6. 

19 Mich., I, 6. 

20 Voir les Voyages de Seetzen et de Burckhardt. 

21 « Les perfides vignerons, disait S. Jérôme, témoin de désastres de Jérusalem, après avoir tué les serviteurs, et même le Fils de Dieu, sont exclus de la vigne : un seul jour dans l’année, ils achètent la liberté de venir pleurer sur leurs ruines, comme ils avaient acheté autrefois le sang de Jésus-Christ. Chassés de leurs foyers, privés de leurs champs, courbés par les années, couverts de haillons, ils portent les marques terribles de la colère de Dieu. Tandis que la croix brille sur le Calvaire, ce peuple aveugle ne déplore que la ruine de son temple. Un farouche soldat vient interrompre leurs cris, les menace, les frappe, et leur demande un nouveau salaire s’ils veulent obtenir la permission de verser plus longtemps des larmes stériles. 

22 Nombres, XXXIV, 6. Josué, XV, 12. 

23 Les passages de l’Ancien Testament, indiqués ci-après, contiennent de plus amples notions sur ces trois peuples. Exode, XIII, 17. Nombres, XXII-XXV. Josué, XIII, 1-2. Juges, III, X ; XI, XIII, XVI. 1 Samuel, IV-VII, XI, XIII, XIV, XVII, XVIII, XXVIII, XXXI. 2 Samuel, V, VIII, X-XII, XXI. 1 Rois, XI, 7. 2 Rois, I, III, XXIII, 13. XXIV, 2. 2 Parali., XX, XXVI, 1-8 ; XXVIII, 18. Jér., XXVII, 1-11. 

24 Ézéch., XXV, 4, 5, 7, 10. 

25 Jérém., XLIX, 2. 

26 Sophron., II, 9. 

27 Voyage en Nubie et en Syrie. 

28 Isaïe, XXV, 1-2. 

29 Voir le 2e article dans le N° 26 ci-après, p. 95.

 

 

 

 

 

 

 

 

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