L’abbé Jumel

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

G. LENÔTRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE bonhomme Mercier, explorant Paris au temps de Louis XVI, découvrit, dans une ruelle de la montagne Sainte-Geneviève, une boutique étrange, « la plus étrange, dit-il, qui soit en Europe ». C’était celle d’un parcheminier. Dans une vaste armoire cet homme singulier avait réuni les manuscrits de deux ou trois mille sermons ramassés au hasard. Les jeunes prédicateurs en pénurie d’inspiration se glissaient dans cette échoppe, à la nuit tombée. « – Que voulez-vous, monsieur l’abbé ? Voici quinze petits carêmes, une douzaine d’avents... choisissez. – Non, c’est un pardon des injures qu’il me faut. – Un pardon des injures ! Ce n’est pas si commun que le reste. – Je voudrais, de plus, un discours sur la vaine gloire... – Je vous entends ; c’est ce qu’il y a de plus rare ; je ne puis vous céder cela qu’à huit livres pièce ; si vous vouliez des épiphanies ou des jugements derniers, je vous les donnerais à cinquante sols. » L’acheteur ne marchandait guère, emportait sous son manteau une liasse de brochures, y glanait les morceaux qui lui semblaient le plus édifiants et composait ainsi une homélie dont il tirait honneur.

L’abbé Jumel, orateur en renom à cette époque, se fournissait-il, par ce moyen, d’éloquence au rabais ? C’est ce qu’insinuaient ses envieux, racontant qu’après certain sermon très apprécié, prononcé par ledit abbé en l’église des Feuillants, un père de ce monastère avait, non sans surprise, retrouvé tout le discours dans un ancien recueil de la bibliothèque ; d’autres assuraient qu’en dépit de ses plagiats, il était affilié à la secte des endormeurs 1 ; mais ces méchants bruits se colportaient au début de février 1782, juste au moment où l’abbé Jumel était désigné pour prêcher le carême à MM. les élèves de l’École royale militaire ; cette aubaine, comme on peut croire, suscitait bien des jalousies et des malveillants propos, un carême à l’école rapportant trois cent cinquante livres 2 et beaucoup de considération. L’abbé Jumel s’acquitta de cette tâche délicate avec grand succès. Ses sermons, à vrai dire, avaient moins pour effet d’exciter à la vertu ses jeunes auditeurs que de servir à son propre avancement. Il prit habilement pour thème cette maxime : « Craignez Dieu, respectez le roi », et l’amplifia avec une opportune emphase. « Anathème, s’écriait-il, à ceux qui vous diraient que les rois ne doivent leur élévation qu’au hasard !... Nous devons leur obéir comme à des êtres privilégiés qui représentent Dieu lui-même. » Le sixième discours, celui du dimanche des Rameaux, sur l’obéissance et l’amour qu’on doit aux rois, fut particulièrement chaleureux ; l’orateur prophétisa que les enfants pressés autour de sa chaire « formeraient un jour le bouclier des augustes fils du monarque qui règne aujourd’hui » ; et il conclut par cette leçon qui résumait toute sa thèse : « C’est manquer à Dieu lui-même que de résister aux volontés des rois, que de censurer leur conduite. » La station terminée, le prédicateur dédia humblement à Monsieur, frère du roi, son petit carême, qui fut imprimé 3 et bien des gens pensèrent qu’une si courtisanesque profession de foi l’acheminait à grands pas vers la mitre.

L’abbé Jean-Charles Jumel était alors, à trente et un ans, attaché à l’église royale, collégiale et paroissiale de Sainte-Opportune, l’une des plus riches de Paris. Sa carrière s’annonçait brillante. Quoiqu’il ne fût pas « né », étant fils d’un modeste bonnetier établi sur la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il avait pris ses grades en droit avant d’entrer au séminaire. Souple, avisé, écrivain facile, orateur abondant et complimentateur, très goûté des auditoires féminins, il s’était poussé en écrivant un Éloge de l’impératrice Marie-Thérèse, mère de la reine, et un Panégyrique de saint Louis qui lui valurent un canonicat, et un peu plus tard la cure d’une paroisse voisine d’Argenteuil 4. Il se trouvait donc en bonne situation d’obtenir une belle prébende, un évêché peut-être.

L’abbé Jumel est ambitieux, mais beaucoup plus des avantages temporels que du martyre, auquel il n’a jamais songé. Et pourquoi y songerait-il ? La religion est inébranlablement triomphante ; il est de ces ecclésiastiques, nombreux à Paris vers la fin du dix-huitième siècle, dont la vie est confortable, honorée, laborieuse, agréable. Bon latiniste, rimant adroitement les vers, aimant les beaux livres, les meubles douillets, admis et fêté dans les assemblées de la meilleure compagnie, recherché comme prédicateur, assuré de l’avenir, il possède tout ce qui satisfait l’esprit, le goût du bien-être et la vanité.

Et soudain l’édifice s’écroule ; la Révolution a surgi ; l’Assemblée constituante improvise un ordre nouveau ; l’Église de France est laïcisée ; les prêtres seront des fonctionnaires élus, chargés d’enseigner aux hommes « l’art d’être honnêtes et heureux » et modelés sur le Vicaire savoyard de Rousseau ou le Théotime de Voltaire, dont sont imbus les législateurs. Le clergé est bouleversé ; le roi équivoque ; le pape temporise, et les prêtres, sans guides, sont acculés à la nécessité de prêter ou de refuser sans délai le serment, hérétique peut-être, à la Constitution civile. L’abbé Jumel n’hésite pas : soucieux de ses prétentions, enfiévré de convoitises, il déserte le navire en perdition et se rallie aux réformateurs. Comme il cherchait toutes les occasions de se mettre en scène et d’établir son civisme, on l’avait déjà vu, lors de la première fédération, au nombre des deux cents ecclésiastiques nationaux assistant l’évêque d’Autun, sur l’autel de la patrie, et vêtus d’aubes blanches que coupaient des écharpes tricolores. Aumônier d’un bataillon de la garde nationale 5, il avait prononcé à Saint-Laurent et à Saint-Lazare de patriotiques discours, obséquieux hommages à l’« auguste Assemblée » et palinodies effrontées de son petit carême sur « l’amour et l’obéissance qu’on doit aux rois ». Nul ne s’étonna donc quand, le 9 janvier 1791, il se présenta à Notre-Dame, avec quarante aumôniers de bataillons, ses confrères, pour y prêter le serment 6. Devant la chapelle de la Vierge était élevé pour la circonstance un autel à l’antique, décoré de couronnes civiques, de massues symboliques et de bonnets de la Liberté, décoration fournie par les Menus-Plaisirs et fort semblable à celle qui, d’ordinaire, servait aux représentations d’Iphigénie.

Ces gages donnés au régime nouveau valurent à Jumel un emploi de vicaire constitutionnel à la paroisse Notre-Dame-de-Lorette, fonctions qu’il cumulait avec celles de secrétaire de la section Poissonnière. En outre il rédigeait un journal n’ayant rien d’évangélique et portant pour titre : Je suis le véritable Père Duchesne, moi, f...! Cette fade concurrence à la feuille d’Hébert s’imprimait rue du Vieux-Colombier 7 ; Jumel y déversait sa bile contre les « non-jureurs » ; la plupart de ces fascicules houspillaient « les rebelles calotins » et « les sacrées dévotes » ; ou bien c’étaient des fausses nouvelles, des bourdes énormes dont l’immanquable effet était d’exalter les colères du peuple, encore immensément crédule à cette époque : l’annonce, par exemple, que l’impératrice de Russie avait « passé au fil de l’épée trente-cinq mille Turcs commandés par plusieurs bons patriotes français » – ou l’arrivée à Paris de « quinze mille jésuites, venus pour massacrer les représentants de la nation, mettre la ville au pillage et s’emparer du trône » ! Parfois aussi, il se targuait d’avanies personnelles dues à son civisme bien connu ; racontait comment, s’étant présenté à la chapelle des Tuileries, il avait dû soutenir un « grand combat » contre les aumôniers de la reine accourus en masse pour l’expulser. Autre « grand combat » à quelque temps de là et « grande victoire du Père Duchesne, attaqué à six heures du soir, au jardin du Luxembourg, par des rebelles calotins et autres aristocrates ». L’abbé Jumel tournait au spadassin.

Tout à coup il disparut. À la recommandation de l’abbé Grégoire, qui peut-être espérait, en l’éloignant de Paris, remettre dans la bonne voie ce confrère embourbé, le Père Duchesne de la rue du Vieux-Colombier venait d’être nommé vicaire épiscopal de la Corrèze.

 

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Joseph Brival, l’évêque constitutionnel de Tulle, était charitable, modéré et pusillanime. Curé de Lapleaux, il devait son élection épiscopale à l’influence de son neveu, le procureur-syndic Jacques Brival, député plus tard à la Convention. Dès son intronisation, en mars 1791, et pour témoigner sa reconnaissance aux jacobins de l’endroit, l’évêque s’était présenté à la Société des amis de la Constitution qui, sans local assuré, se voyaient réduits à siéger dans la prison de la ville. Brival offrit une salle de son évêché au club, dont il fut aussitôt nommé président. De ce jour-là les orthodoxes perdirent toute illusion sur leur nouveau pasteur et désertèrent la cathédrale. Brival n’avait pour troupeau que des mécréants, des athées, ou tout au moins des indifférents, très empressés à ses prônes, non par pitié, mais en manière de protestation contre « l’évêque de Rome ». Le pape, en effet, avait déclaré sacrilège la Constitution civile et interdit l’exercice du culte aux prêtres jureurs. Brival, torturé de scrupules, mais redoutant les colères célestes moins que celles des jacobins, ses ouailles tyranniques, se frappa la poitrine mais garda son siège ; ses partisans, d’ailleurs, le jugeaient tiède : n’assurait-on pas que l’évêque, bien qu’il ne touchât pas régulièrement son traitement, faisait l’aumône aux ecclésiastiques réfractaires, plus pauvres que lui encore ; et puis il n’officiait pas, comme certains de ses collègues, en bonnet rouge et la pique à la main. Pour les catholiques, au contraire, il était l’intrus, le maudit ; ceux-ci, parlant de lui, ne disaient pas l’évêque de la Corrèze, qui est une jolie rivière, aux eaux fraîches et pures ; mais faisant allusion au ruisseau stagnant du faubourg, sorte d’égout envasé d’immondices, ils appelaient dédaigneusement Brival, du nom de ce dépotoir, l’évêque de la Soulane 8. Telle était la situation quand débarqua à Tulle, en octobre 1791, Jumel le vicaire épiscopal.

L’activité de ce Parisien beau parleur contrasta tout de suite avec la mollesse du prélat hésitant. Jumel reconnut dès le premier jour que toute tentative de conciliation religieuse serait vaine. Il ne voyait à ses prônes que des manifestants et pas un fidèle ; les nobles, les bourgeois du Trech – le quartier aristocratique de la ville – suivaient l’office des insermentés à la chapelle du Puy-Saint-Clair ou à la Visitation. Les jureurs étaient fuis, bafoués, mis en quarantaine, et le vicaire épiscopal dut subir ces affronts, qu’envenimaient encore le sentiment inavoué de sa déchéance, le mécompte de sa vanité, et – qui sait ? – une secrète envie peut-être des confrères plus humbles, proscrits mais estimés. L’homme ne se libère qu’en apparence du façonnement imposé par une longue éducation, et Jumel, à qui l’ambition déçue donnait une âme d’inquisiteur, fit appel au bras séculier – au club.

Là seulement il trouvera des soutiens. Pour les amadouer, il cache sa tonsure sous le bonnet rouge. Tulle possède un comité de surveillance révolutionnaire et un comité de salut public 9 : Jumel y pérore, ainsi qu’à la Société populaire, et partout il est acclamé. Il préside 10. En moins d’un an il devient le héros de la sans-culotterie ; mais ses applaudisseurs sont exigeants ; pour ne point lasser leur attention, il faut s’évertuer et que le tour exécuté chaque jour surpasse en drôlerie celui de la veille. Aussi quel labeur ! On le voit partout, sa trique patriotique sous le bras ; il ameute les ouvriers des faubourgs, il les harangue, conduit par la ville des farandoles sur l’air entraînant du Ça ira ; quand, en septembre 1793, pour les débuts de la guillotine, sur la place de l’Aubarède, deux prêtres réfractaires sont exécutés 11, le vicaire épiscopal est là, et afin de jeter un peu d’entrain, il danse la Carmagnole autour de l’échafaud 12. Commissaire révolutionnaire à Brive, à Uzerche, à Meymac, partout où il passe le bourreau a du travail, et à cette époque les Corréziens consternés voient circuler sur les routes une charrette que trainent deux chevaux étiques et sur laquelle sont entassés des bois de charpente peints en rouge. Un homme dirige l’attelage ; une femme, assise sur le chargement, maintient en équilibre les poutres ébranlées par les cahots. C’est l’exécuteur Foussard et son épouse qui se rendent à la besogne.

Jumel soigne comme une gloire son abjecte popularité : il rédige un journal, l’Observateur montagnard, où, sous les rubriques de « Grande colère » ou « Grande joie du Père Duchesne », il conte ses ribotes et évangélise en termes orduriers. – « Allons, f... ! qu’on nous apporte du vin et du meilleur, et donnons-nous des piles. Le Père Duchesne n’est pas f... pour faire le j...-f... quand il est avec ses bons amis... Ah ! f... ! Jamais le vin ne m’a paru si bon ! Les sacrés gosiers des aristocrates n’ont jamais eu tant de plaisir à pomper leurs liqueurs muscadines que j’en ai aujourd’hui à boire à plein verre le vin du pays... Ah ! f... ! Comme voilà des glouglous bien agréables. Mille millions de tonnerre ! Qu’on dise à présent qu’il y a un autre paradis que la compagnie des vrais sans-culottes ; c’est f... de la morale calotine ; elle a fait capot. Buvons un coup là-dessus : f..., et f... les verres et les bouteilles par les fenêtres... Clic ! Clic ! Clic ! Voilà la vraie musique de la sans-culotterie. À présent, f... ! que le Père Duchesne a le ventre bien rond et qu’il voit double lumière, parlons d’affaires, mes bons bougres... » 13. Ainsi prêche l’abbé Jumel. En écrivant ces choses sur la table de quelque bruyant cabaret, son bâton posé à côté de son verre, ne revoit-il pas la chapelle de l’École militaire, toute de pierre blanche, où flottaient les parfums de l’encens et des fleurs, alors qu’en aube de dentelle, devant son auditoire recueilli, il associait dans le même culte, en phrases attifées, la religion et la royauté ? Mais Jumel ne se souvient pas ; il ne pense plus ; il délire. Chaque jour accroît sa frénésie ; aussi enivré du dégoût qu’il inspire aux honnêtes gens que des bravos de la populace, il se fait le pitre de la canaille. Le 16 novembre, il abjure et déchire ses lettres de prêtrise ; trois jours plus tard il est élu administrateur du district ; le 28, avec une bande de « cyclopes » – ainsi désigne-t-on, en beau langage, les ouvriers de la manufacture d’armes, – il envahit la cathédrale, se rue, l’un des premiers, sur l’autel, arrache et brise les ornements sacrés qui sont passés de mains en mains ; il organise le pillage de la sacristie, distribue les chapes, les surplis, les dalmatiques, les étoles dont ses hommes s’affublent grotesquement, et il lance par les rues cette procession sacrilège 14. Durant trois heures la ville ébahie vit se bousculer le cortège, muni de cierges, d’encensoirs, de bannières, de crucifix portés la tête en bas ; un homme dirigeait la marche tumultueuse, avec des gestes furieux, donnant le ton aux chants obscènes, psalmodiant des airs d’église... C’était M. le grand vicaire constitutionnel, le Père Duchesne de la Corrèze, l’ex-adulateur de Monsieur, frère du roi. Il conduisit sa mascarade dans les faubourgs, sur les promenades escarpées qui dominent la ville, ne l’arrêtant, en manière de reposoirs, que pour jeter bas les croix dressées au bord du chemin, ou pour briser, à coups de sa trique, les statues de saints nichées dans les murailles 15.

Et comme le jour même arrivaient à Tulle six charrettes amenant de Limoges cinquante suspects prisonniers, Jumel mena sa bande à leur rencontre. Pour faire accueil à ces malheureux depuis cinq jours en route, exténués et transis, il les salua d’un requiescant in pace prometteur ; on entonna des chants funèbres ; puis la procession les escorta jusqu’à l’Aubarède et les arrêta devant l’échafaud que faisaient manœuvrer « à vide » des hommes au visage noirci, couverts de dalmatiques d’enterrement, parodiant les prières des morts, en coupant chaque verset de ce répons lugubre : « À la guillotine ! Demain la viande sera à bon compte... » Jamais Jumel n’avait tant ri. L’épouvante de « ces descendants de M. de Pourceaugnac » l’égayait beaucoup ; il se proposait de « les mitonner jusqu’au grand jour où ils recevront les tendresses amoureuses de la guillotine », et pour aviver sa joie, il se saoula... On retrouva le grand vicaire endormi sur une table, dans un cabaret 16.

Le lendemain, banquet civique à la ci-devant église des Récollets ; chacun des convives apporta sa pitance ; les mets et le vin furent mis en commun, fraternellement, ce qui dut produire une singulière macédoine. Pour clore la fête, Jumel alla brûler le calvaire vénéré du cimetière, dansa là une dernière Carmagnole et rédigea de ces deux belles journées un compte rendu enthousiaste qu’il adressa à la Convention.

 

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Ses admirateurs le croyaient parvenu à son apogée révolutionnaire. Mais Jumel rêvait plus fort encore : depuis quelque temps, il cherchait femme.

Il porta d’abord ses vues sur une ci-devant nonne emprisonnée ; nul doute que cette fille ne fût heureuse d’une telle préférence, qui lui valait à la fois un mari et la liberté. Mais la décloîtrée refusa net : elle préférait la prison. Jumel, un peu penaud, se mit en quête d’une autre compagne. Ses amis du comité de salut public d’Uzerche lui signalèrent une citoyenne riche, bien née, qui, détenue comme femme d’émigré, avait été relaxée sous la condition qu’elle divorcerait ; engagement qu’elle ne se hâtait pas de tenir. Jumel, avant de se déclarer, voulait voir la personne sans être connu d’elle. De tradition immémoriale, ces délicates entrevues sont discrètement ménagées par quelque ami des deux futurs. En 1793, les choses se passaient avec moins de façons : on lança tout simplement un mandat d’arrêt contre la dame, qui fut amenée entre deux gendarmes au comité révolutionnaire d’Uzerche, où l’ex-grand vicaire se trouvait incognito. Le président interroge la prévenue : « A-t-elle fait choix d’un mari ? – Pas encore. – Épouserait-elle le Père Duchesne ? Il n’est pas là, lui dit-on, mais elle pourra faire sa connaissance chez Pommier, à l’auberge des Trois-Marchands. – Elle préfère que la rencontre ait lieu chez un oncle qu’elle a, au village de Faugeras. » On la décide cependant à se rendre chez Pommier. Jumel s’offre à l’y accompagner. Elle ne l’a jamais vu ; il ne se nomme pas ; mais à son ton de galanterie, elle le devine. En passant devant la maison Lamase, transformée en prison des femmes, elle prétexte un malaise, entre dans la geôle, y reste et fait dire au Père Duchesne, planté en faction devant la porte, qu’elle aime mieux demeurer là et qu’il peut s’en aller 17.

Jumel, dépité, revint à Tulle, où se préparait la fête de la Raison. Sur l’annonce de la cérémonie, l’évêque Brival s’était enfui, écœuré, repentant et inutile. Pour personnifier la divinité laïque, les autorités avaient élu une belle fille du peuple, âgée de vingt ans, Jeanne Peuch. Son père était un petit marchand du faubourg de la Barussie, bien noté par les jacobins ; deux des frères de Jeanne s’étaient enrôlés ; le troisième, « cyclope », travaillait dans les ateliers d’armes « à forger des instruments de carnage contre les tyrans ».

Jumel avait trouvé sa femme ! Puisque la jolie Jeanne Peuch consentait à figurer l’idole, elle était certainement libérée de préjugés. Et puis un apostat épouser la déesse Raison, quelle gloire, quelle réclame, quelle leçon pour les deux pimbêches qui l’avaient refusé, quel coup porté à la superstition, quel titre à l’admiration de la postérité ! Jumel fit sa demande et fut agréé ; six jours avant la fête, les bancs étaient publiés, et le 30 décembre, jour de décadi, la fiancée triomphante, le bonnet rouge en tête et le faisceau symbolique à la main, entrait dans la cathédrale dévastée. Pour la circonstance, on avait raccroché le battant de la grosse cloche, depuis longtemps muette, et qui ce jour-là sonnait à toute volée 18. Sous la nef, sévère et profonde, les sans-culottes se groupaient, égayés, parlant haut, le chapeau sur la tête, le sabre au côté ou le bâton sous le bras ; les femmes tricotaient ; des musiciens amateurs offrirent un concert ; toute l’assistance entonna la Marseillaise. À une heure, le mariage fut célébré 19 ; le neveu de l’évêque, le conventionnel Brival, revenu la veille de Limoges pour servir de témoin à Jumel, monta dans la chaire de son oncle et prononça un discours. Il compara le nouvel époux à Hercule et à Nestor, constata que « l’aigle guerrière n’enfante jamais la timide colombe » et révéla que la ci-devant religieuse à laquelle Jumel avait offert sa main et son cœur expirait du remords de les avoir rebutés. Le repas de noces fut servi dans l’église des Récollets ; une promenade civique occupa la fin de l’après-midi ; et le soir venu, tandis que la ville s’illuminait, le Père Duchesne, avec sa femme, passa les ponts et regagna la petite place Saint-Martin, où il demeurait.

 

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Le but de ses lointaines ambitions était dépassé : il ne coiffait pas la mitre, que jadis il avait rêvée, mais il était le mari d’une déesse.

Cette cohabitation inespérée ne lui procura pas peut-être les délices qu’il était en droit d’en attendre. À ce vaniteux, ce lettré, qui si récemment encore avait vécu parmi des confrères distingués et groupé autour de sa chaire les élégantes Parisiennes, cette fille du peuple, dont il venait de s’encombrer, devait paraître bien inculte et vulgaire. La fréquentation des beaux-parents, les petits marchands du faubourg, voire celle du « cyclope », le beau-frère, n’étaient pas un dédommagement. À vrai dire, ce mariage éteignit les ardeurs révolutionnaires de Jumel. Pendant les vingt décades que dura encore la Terreur, il parada moins ; il engraissait 20. Au culte de la Raison avait très tôt succédé le culte de l’Être suprême ; il crut devoir bouder cette déloyale concurrence qui reléguait sa compagne au rang de simple mortelle, et sans doute présageait-il qu’un fatal revirement était proche. Le jour où Tulle apprit la mort de Robespierre, une messe fut célébrée dans la chapelle du collège et les gens s’y portèrent en foule ; le soir, les détenues entassées au séminaire donnèrent un bal auquel ne dédaignèrent pas d’assister les jacobins les plus fameux 21. Dans les semaines qui suivirent, à mesure que la sécurité et la confiance de jour en jour renaissaient, Jumel se montrait plus sombre et plus ombrageux. Cet égaré, qui jamais plus ne retrouvera le droit chemin, reste, l’ivresse passée, chancelant et désorienté.

Avec les terroristes, ses compères, il est emprisonné ; mais le régime des maisons d’arrêt s’est bien adouci depuis qu’il n’y préside plus : c’est une demi-liberté 22. Jumel reçoit quarante sous par jour ; il obtient facilement la permission de voir sa femme ; en septembre 1794, il est père d’une petite fille et impose à la nouveau-née le prénom d’Égalité 23 ; un second enfant, un fils, survient le 15 juillet 1795 : celui-ci s’appellera Gabriel. Mais tout ce qui est joie pour les autres est d’avance, pour Jumel, frelaté et terni. Libre, il n’essaye plus de fanfaronner ; il est sans argent, sans espoir d’en gagner : qui l’emploierait ? On s’écarte de lui ; ses amis des jours de bombance révolutionnaire ont disparu ou ne se compromettent pas à le reconnaître. Va-t-il donc passer sa vie, oisif et déclassé, dans la pauvre boutique de son beau-père, parmi la marmaille, et n’ayant pour société que les rares chalands, grossiers ouvriers du faubourg ? Dans l’isolement, sa détresse est certainement plus affreuse encore : le masque jeté, aux prises avec leur conscience, de tels hommes doivent se sentir pareils à des ruines hantées de fantômes. Peut-on savoir quels ouragans grondent dans ces cœurs-là, gorgés d’orgueil aigri et d’ambitions avortées, devant l’évidence du désastre, piteux résultat de tant de bassesses et peut-être de tant de remords ?

Quelqu’un prit en pitié la misère de Jumel, et quand, au mois de janvier 1798, s’ouvrit à Tulle l’école centrale de la Corrèze, la chaire de belles-lettres fut attribuée à l’ancien grand-vicaire. Mais son professorat ne dura pas longtemps : le ministre de l’Intérieur, François de Neufchâteau, bien renseigné, invita les administrateurs de l’école « à ne choisir que des maîtres dignes de la confiance publique », et l’apostat fut congédié 24. Pendant trois ans encore il demeura à Tulle, puis en 1802 il déguerpit ; sans doute espérait-il, en s’éloignant, secouer le poids du mépris unanime dont il était écrasé. On le retrouve, en 1804, à Compiègne, professant la grammaire au Prytanée des arts et métiers et rimant à la gloire de l’empereur une ode dithyrambique :

 

Fais éclater ta joie, ô France magnanime ;

Le grand Napoléon règne sur les enfants !... 25

 

Il sollicitait la place de bibliothécaire au château impérial ; de nouveau déçu dans cette prétention, sachant que le maître qu’il voulait servir ne tolérait ni l’irrégularité, ni l’indiscipline, il se soumit enfin et adressa une supplique au cardinal légat – la lettre est du 11 mars 1805. L’ex-abbé Jumel, « prêtre ex-bénéficier, vicaire épiscopal et protonotaire apostolique », expose que pendant les orages de la Révolution il a contracté mariage ; ayant obtenu un emploi à Compiègne et redoutant que « la présence de sa femme nuisît à son renseignement », il l’a, depuis trois ans, laissée à Tulle, où « il espère la rejoindre dans la suite, car il n’existe aucun motif de mécontentement entre elle et lui ». Aussi, « comme le divorce répugne à l’homme qui pense », il croit « devoir mettre le sceau de l’Église à son union 26 ». Le cardinal Caprara accorda l’autorisation ; Jumel était donc canoniquement délié de ses engagements sacerdotaux. Il pouvait rallier ses enfants et sa femme ; mais il ne se hâta point ; Jeanne Peuch y mettait aussi peu d’empressement. S’il faut en croire la tradition tulloise, l’ex-déesse Raison était pieuse, et il lui répugnait d’épouser religieusement un ancien ecclésiastique. Sans doute, l’âge aidant, et mûrie par la maternité, avait-elle jugé l’homme auquel on l’avait unie : et les deux époux restèrent séparés.

Jumel vivait à Paris. N’ayant pas usé de l’autorisation du légat, il restait prêtre ; il avait repris la soutane, professait, dit-on, dans un collège et publiait des « ouvrages moraux à l’usage de la jeunesse », tels que les Ornements du cœur humain ou la Galerie des enfants, dans lesquels il exaltait, avec un pieux attendrissement, la douceur qu’une âme sensible et haute puise dans l’exercice de toutes les vertus théologales et cardinales, la charité, la tempérance, la justice, la chasteté... Même, en homme d’expérience, qui se souvenait d’avoir battu des entrechats devant la guillotine, mettait-il ses jeunes lectrices en garde contre les inconvénients de la danse 27.

À la Restauration, redoutant les représailles, il crut prudent de se terrer. Aucun asile, à cette époque, n’égalait en sécurité un presbytère, ce qui décida Jumel à rentrer dans les ordres. Soit que mensongèrement il se prétendît veuf, soit que la pénurie de prêtres eût rendu les évêques peu exigeants, le Père Duchesne fut nommé, le 30 juin 1818, curé de Saint-Léger-de-Fourcheret, dans le diocèse de Troyes ; pour dépister les curiosités, il modifiait l’un de ses prénoms et ajoutait à son nom celui de sa mère 28. Mais quoique abondant théoricien, la pratique des vertus ecclésiastiques n’était décidément pas son fort : moins d’un an plus tard, le 13 avril 1819, alors qu’il avait soixante-huit ans, il fut interdit, propter vivendi rationem sacerdote Christi indignam 29. Comment parvint-il à rentrer en grâce auprès de ses supérieurs ? je ne sais pas : mais, en dépit de cette interdiction, il continua de diriger la paroisse de Saint-Léger-de-Fourcheret 30. C’est là qu’il mourut, le 21 juin 1823 31.

À ses pieuses obsèques assistèrent les curés des paroisses voisines et le plus grand nombre de ses paroissiens. On n’ignorait pas dans le pays que, à l’époque de la Révolution, l’abbé Jumel « avait oublié ses engagements sacrés 32 » ; mais on ne connaissait rien des répugnantes profanations de Tulle ; et, en voyant, derrière le cercueil, le neveu du défunt, Gabriel Jumel, seul membre présent de sa famille, les bonnes gens de Saint-Léger-de-Fourcheret eussent été bien surpris d’apprendre que ce nom était celui d’un fils issu du mariage de leur pasteur avec la déesse Raison.

 

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Jeanne Peuch ne quitta jamais Tulle. Courageusement elle affronta la réprobation de ses concitoyens qui tous savaient son histoire : ils l’appelaient « la Père Duchesne ». Il s’en trouva même un assez téméraire et assez galant pour offrir ses vœux à l’ex-déesse Raison, qui consentit à s’humaniser : de cette condescendance naquit, le 14 mars 1814, un troisième enfant, qui fut baptisé Pierre 33. Jeanne Peuch avait, à cette époque, quarante et un ans. Elle parvint à élever ses deux fils 34 : le dernier, Pierre Peuch, – il ne portait que le nom de sa mère, quoique, légalement, il eût droit à celui de Jumel, le mariage de l’ex-prêtre n’ayant jamais été dissous, – Pierre Peuch devint typographe à l’imprimerie Drappeau. C’était un homme doux, mélancolique, aimant passionnément les fleurs et le jardinage ; il mourut en 1852 35. Son frère aîné, Gabriel, partit pour Paris, afin d’y étudier la statuaire ; non sans talent, assure-t-on, mais, dénué de ressources, il dut rentrer à Tulle, et sa mère le recueillit dans la basse maison qu’elle occupait, en face du porche de la cathédrale 36. Gabriel devint fou. La Père Duchesne le garda chez elle aussi longtemps que cela fut possible ; mais aux approches de la quarantaine, le malheureux fut secoué de crises furieuses : il fallut l’enfermer à la maison d’aliénés de la Cellette, d’où il ne sortit jamais 37.

L’ex-déesse Raison vécut ses dernières années isolée, concentrée, silencieuse. Elle subsistait misérablement d’un petit commerce de mercerie et de clouterie. Chaque matin, elle ouvrait son échoppe, étalait son éventaire de sébiles en bois, remplies de clous, et s’installait sur le seuil, le front bas, l’air grave, tricotant toute la journée sans lever les yeux, indifférente même quand, dans le haut clocher de pierre au pied duquel était sa maison, s’ébranlait aux jours de fête la grosse cloche dont les volées jadis avaient salué sa déification et son mariage. Un chat, de couleur fauve, compagnon de sa solitude, s’installait auprès de la vieille, dans l’une des sébiles, et se tenait là, immobile, la guettant de ses prunelles vertes. Les passants jetaient un coup d’œil au matou et à la marchande 38. Depuis longtemps, le grand âge de celle-ci, sa pauvreté, sa dignité même avaient désarmé les sarcasmes, et nul n’apostrophait la Père Duchesne ; le chat inquiétait davantage : les bonnes femmes ne l’approchaient pas sans une sorte de crainte, et les plus simples assuraient en toute sincérité qu’il était le diable.

Le 10 décembre 1857, la veuve Jumel commençait sa quatre-vingt-cinquième année. Elle habitait à cette époque une antique maison à balcon de bois, située à l’angle des rues de la Beylie et de la Tour-de-Maïsse. Un matin, le 4 mars 1858, les voisins ne la virent pas sortir à l’heure habituelle ; la porte de son logement restait close ; dès qu’on l’eut ouverte, le chat bondit hors de la chambre, se coula dans l’escalier et s’enfuit. La Père Duchesne était étendue sur son lit, morte 39, étouffée pendant son sommeil, racontait-on, par l’infernal matou qui, sa mission ainsi accomplie, ne fut jamais revu.

 

 

G. LENÔTRE, Bleus, blancs et rouges, Perrin, 1960.

 

 

 

 

 

 

 

 



1Journal intime de l’abbé Mulot, publié par M. Maurice Tourneux. Mémoires de la société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. XXIX.

2Archives du ministre de la Guerre. École militaire.

3Voir sur les différentes œuvres imprimées de Jumel, Bibliographie de l’histoire de Paris pendant la Révolution, par M. Maurice Tourneux, et la précieuse note ajoutée par lui, sur le même personnage, au Journal intime de l’abbé Mulot.

4L’abbé Jumel fut curé de Houilles depuis la fin de janvier 1785, jusqu’au premier janvier 1788. C’est à Houilles que mourut son père qui fut inhumé dans l’église du village le 21 octobre 1785. En inscrivant sur le registre l’acte d’inhumation de « Charles Jumel, ancien marchand bonnetier de Paris, décédé l’avant-veille à l’âge de 73 ans », l’abbé Jumel note en marge la déclaration que voici : – « Mon père ayant été enterré dans le chœur de l’église comme croyant pouvoir lui céder mon droit, je renonce à y être enterré. » Notes pour servir à l’histoire de Houilles. Le Courrier, organe des communes du canton d’Argenteuil, 30 juillet 1911. Communications de M. Bocquillet.

5L’Église de Paris pendant la Révolution, par M. l’abbé Delarc, I, 386, et renseignements fournis par M. le chanoine Pisani.

6Idem, 1, 370.

7Sur le Père Duchesne de Jumel, voir Tourneux, Bibliographie de l’histoire de Paris pendant la Révolution, no 11 510.

8Comte Victor de Seilhac. Scènes et portraits de la Révolution en Bas-Limousin, 1873.

9Seilhac, ouvrage cité p. 237.

10Idem, p. 704.

11Pierre Labrue, 59 ans, curé de Champagne et Gabriel Bouin, 51 ans, curé de Saint-Palavi.

12Seilhac. Scènes et portraits de la Révolution en Bas-Limousin, p. 522.

13M. le comte de Seilhac a publié de longs extraits de la feuille de Jumel. Scènes et portraits de la Révolution en Bas-Limousin.

14« On vit des premiers sur l’autel un Jumel, ci-devant vicaire à Paris, devenu vicaire épiscopal, arrachant, jetant, brisant tout et animant par ses blasphèmes et son impiété ses trop fidèles satellites. Ornements sacerdotaux, chapes, chasubles, manteaux, etc., furent endossés. On sort, portant en main, et sur soi, quelque preuve de la part qu’on a prise aux profanations... etc. » Note de l’évêque Brival, citée par M. René Fage. Le diocèse de la Corrèze pendant la Révolution, p. 50.

15Seilhac. Scènes et portraits.

16Le récit de cette journée a été écrit par Jumel lui-même. Voir Seilhac, Arrivée à Tulle des prisonniers de Limoges. Voir aussi René Fage, La rue à Tulle pendant la Révolution.

17Seilhac. Scènes et portraits, p. 513.

18René Fage. La rue à Tulle pendant la Révolution, p. 82.

19– « Aujourd’hui, décadi, sixième jour de nivôse, l’an II de la République française Une et Indivisible, à une heure après midy, sont comparus en cette commune pour contracter mariage : d’une part, Jean-Charles Jumel, majeur, natif de la commune de Paris, administrateur du district de Tulle, domicilié en cette commune depuis aux environs de dix-huit mois, y habitant, petite place Saint-Martin, fils légitime de feu Charles Jumel, bonnetier et de feue Marie-Françoise Brotier ; – d’autre part, Jeanne Peuch, mineure, fille légitime de Gabriel-Paul, marchand et de Toinette Baluze, habitant cette commune, lesquels futurs conjoints étaient accompagnés de Jacques Brival, représentant du peuple, de Sauveur Vialle, agent national près le district de Tulle, de Jean-Baptiste Juyè, administrateur du district de Tulle et président de la Société populaire, et de Malapeyre, vice-président du département de la Corrèze... etc. » Archives de l’état civil de Tulle. J’exprime ma vive reconnaissance à M. J. Baluze, contrôleur d’armes en retraite, à Tulle, qui, avec une inlassable complaisance, m’a communiqué les copies d’actes et les renseignements qu’il possède touchant l’histoire de Tulle pendant la Révolution.

20René Fage. La rue à Tulle pendant la Révolution, p. 86.

21Seilhac. Ouvrage cité, p. 634.

22Jumel est en prison le 17 ventôse an III (7 mars 1795). Le 11 mars il obtient la permission de communiquer avec sa femme et son beau-père. Seilhac, p. 637.

23La naissance d’Égalité Jumel est du 10 septembre 1794. Le 15 juillet 1795 voit le jour Gabriel ; mais l’acte constatant sa naissance est soigneusement raturé sur le registre de l’état civil et remplacé par un autre acte daté du 22 septembre 1798. V. Clément Simon. Le Père Duchesne de la Corrèze.

24Lorsqu’une École Centrale fut créée à Tulle, en exécution de la loi du 3 brumaire an IV, le Jury d’instruction, chargé de nommer les professeurs, donna la chaire de belles-lettres au citoyen Jumel, et la chaire de grammaire générale au citoyen Fougères. Le 30 frimaire an VII, le ministre de l’Intérieur écrivit aux administrateurs du Collège pour les blâmer d’avoir donné une chaire à Jumel et les inviter à ne choisir que des professeurs dignes de la confiance publique.

Voici ce que Brival écrit, dans les Réponses, sur ces deux professeurs :

« Est bien à plaindre le petit nombre des disciples des deux prêtres apostats et mariés, dont l’un Fougères n’a pas voulu que son enfant fût baptisé, et traite de fables toute l’écriture sainte ; l’autre Jumel a fait sa profession publique d’athéisme. La faim qui les dévore les réduit à ce métier, n’ayant pas d’autre ressource, le premier surtout Fougères, dont la femme, sa servante, n’a que de faibles bras pour le nourrir. La femme du deuxième Jumel est une petite marchande qui a père, mère, frères et sœurs. » René Fage. Le diocèse de la Corrèze.

25C. de la Chanonie. L’abbé Jumel. Compiègne, 1891.

26Archives nationales, AF IV, 1916.

27C. de la Chanonie. L’abbé Jumel. Compiègne 1891.

28Dans les registres du personnel ecclésiastique conservés à l’évêché de Troyes, il est inscrit Jean-Claude.

29Archives de l’évêché de Troyes.

30Depuis 1868, Saint-Léger-de-Fourcheret (Yonne) a pris le nom de Saint-Léger-Vauban.

31« Cejourd’hui, 22 juin 1823, M. Jean-Charles Jumel-Brotier, desservant de cette paroisse, décédé la veille, âgé d’environ soixante-douze ans, a été inhumé dans le cimetière de cette église, par moi, curé de Quarré-les-Tombes, soussigné, en présence de Pierre-Jean Delacoste, desservant de Sainte-Magnance, de Charles Vosgien, desservant de Saint-Brancher, de Gabriel Jumel son neveu, de M. Tripied, maire de la commune, de M. Simon Tripied, propriétaire dans la dite paroisse, de M. Simon Guyard, juge de paix dans le canton de Quarré et de majeure partie des paroissiens qui ont signé avec nous. » Communication de M. l’abbé Gaudin, curé de Saint-Léger-Vauban.

32Histoire du canton de Quarré-les-Tombes, par M. le chanoine Henry, 1876. M. le chanoine Henry note que l’abbé Jumel « passait pour un homme d’esprit ».

33« Acte de naissance de Pierre, né le 14 du courant, à une heure du matin, de Jeanne Peuch, marchande, épouse de Jean-Charles Jumel, absent, résidant à Paris. Témoins Jean Eymard, tailleur d’habits, soixante-quinze ans, et Pierre Pinardel, quarante-six ans. » Archives de l’état civil de Tulle. La naissance de Pierre Peuch m’a été signalée par M. F. Richard, de Tulle, qui prépare sur Jumel une étude historique.

34J’ignore cc que devint la fille, Égalité Jumel.

35Le 24 décembre : l’acte inscrit à l’état civil constate le décès « du sieur Pierre, né à Tulle, le 14 mars 1814, fils de Jeanne Peuch marchande, épouse et VEUVE de Jean-Charles Jumel ».

36Seilhac. Scènes et portraits.

37Il mourut le 30 mai 1860, à la maison de santé de la Cellette, où il était hospitalisé depuis près de vingt-sept ans. État civil de la commune de Monestier-Merlines, Corrèze.

38Seilhac. Scènes et portraits de la Révolution en Bas-Limousin.

39« L’an 1858, et le 4 du mois de mars, à huit heures du matin..., sont comparus les sieurs Vialle, Jean-Baptiste, gardien en chef de la prison, âgé de quarante ans, et Decauch Louis, employé, âgé de trente-six ans, lesquels ont déclaré que, cejourd’hui, à six heures du matin, la nommée Marie Peuch, née à Tulle, âgée de quatre-vingt-six ans, veuve de Jean-Charles Jumel, demeurant à Tulle, rue de la Beylie, est décédée en sa maison d’habitation... » Archives de l’état civil de Tulle.

Les obsèques de la Père Duchesne furent religieuses, la mention de son inhumation fut inscrite sur les registres de la paroisse Notre-Dame.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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