L  E  S

 

F  R  U  I  T  S

 

D E    L A

 

 

G  R  Â  C  E

 

OU

 

Opuscules spirituels de deux

amateurs de la Sagesse.

 

 

 

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Personne ne peut voir le royaume de Dieu,s’il ne naît de nouveau. Il faut naître encore une fois.

Jean, ch. 3, v. 3 et 7.

 

 

 

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M D C C X C.

 

 

 

 

 

 

Ne désirez qu’Un.

 

 

 

 

 

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IDÉES   DIVERSES

pour moi-même, jusqu’à ce qu’il

m’en soit donné des meilleures.

 

 

 

 

 

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DE LA TRÈS-SAINTE TRINITÉ.

 

 

DIEU LE PÈRE  est cet Être de tous les êtres, Principe premier de tout bien, et Père de toutes les Existences, qui n’a point commencé, qui a tout en Lui. C’est l’Éternité antérieure et postérieure, inaccessible à toute créature quelconque et incompréhensible à tout Esprit quelqu’élévé qu’il soit, hors celui de Dieu, de Lui-même.

 

DIEU LE FILS  est le même Dieu, la même Divinité, qui s’est manifestée par les créatures et pour les créatures, qui par la Miséricorde infinie DIVINEa, pour ainsi dire, adouci la splendeur de sa lumière, pour pouvoir être contemplé par ses créatures les plus élevées. Tout a été créé par lui, tout l’a été par sa bonté et son amour afin de répandre le bien et d’en communiquer la jouissance aux êtres créés, selon leurs degrés d’intelligence, de sensibilité et de pureté, qu’ils devaient conserver pour pouvoir jouir de ses jouissances suprêmes. Sa Miséricorde ne s’est jamais rebutée ni lassée de venir au secours de ses créatures ; puisqu’il est descendu jusqu’à se faire homme ; il s’est abaissé jusqu’à notre état dégradé actuel, pour nous retirer de nos égarements et de l’abîme affreux où nos crimes insensés nous ont précipités. Il a montré, étant homme, l’innocence et la bonté que nous devons suivre et pratiquer. Il s’est soumis à toutes les souffrances de notre malheureuse et faible nature actuelle, mais il a toujours été au dessus du péché, par sa pureté et sa sainteté. Il a donné l’exemple à suivre à tous les hommes, et a descendu jusqu’à leur nature pour les aider et soulager dans leur état présent honteux et misérable.

 

DIEU LE S.ESPRIT  est l’Esprit de Dieu, la Sagesse Éternelle, qui agit pour le bien possible des créatures, qui leur donne la Vie, ou le sentiment de leur être ; qui les inspire pour leur salut et bonheur, si elles ne repoussent point ses inspirations en se livrant aux crimes et aux vices, qui les dégradent et causent leur malheur et souffrance. La vraie sagesse ne peut être sans amour, bonté et miséricorde ; ainsi tout est un dans la Divinité, toute la Divinité est unie avec tous ses biens dans chacune de ces trois Personnes divines. Ce sont les bornes de notre intelligence qui les divisent, et qui n’en comprennent point l’unité. Laissons-nous pénétrer par les inspirations de cet Esprit Divin, et il nous guidera là où nous devons être chacun pour notre plus grand bonheur.

 

 

 

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LA PROVIDENCE.

 

 

La suprême Sagesse, qui savait seule et qui pouvait seule être créatrice de toutes les Existences, ne peut avoir rien fait d’inutile, encore moins de véritablement nuisible. Qui admettrait le contraire aurait des idées dégradantes de cette Sagesse suprême, que nous devons respecter et chérir avec la plus profonde vénération. Mais toute créature, par là même qu’elle l’est, sans l’Esprit vivifiant du Principe Créateur n’est non seulement qu’une chose bornée, mais même n’est qu’un parfait néant. Comment donc ce néant parfait peut-il exister, se mouvoir ou jouir du mouvement, agir, être, en un mot, sans un guide supérieur, sans une force suprême qui donne et régit le mouvement de toutes les créatures ? La créature n’ayant pu se créer elle-même, à quelque noblesse que le créateur l’a élevée, n’est rien par elle-même sans son créateur. Les simples lumières de la raison nous le font voir clairement. Or cette force ou faculté divine, qui régit tout jusqu’aux plus petites et moindres choses, est ce que nous nommons la Providence, qui est un avec l’Esprit vivifiant et Régisseur, ainsi qu’avec la Sagesse divine, parce que tout est un dans l’Unité suprême. La vérité est justice, la justice est sagesse, la sagesse est bonté, la bonté est miséricorde, et la miséricorde est amour. Une chose morte par elle-même, comme l’est toute créature, un néant en un mot, ne peut être ni exister un instant sans être pénétrée et mue par la force créatrice qui en est le principe. Toutes les créatures ne sont élevées, nobles et bonnes qu’à mesure que cette force agit en elles et qu’elles la reçoivent. Toutes les choses créées sont dans ce cas et ne peuvent être autrement, par conséquent tout se fait et arrive par les décrets ou la permission de la Providence. Nous pouvons nous former une idée de la nécessité de cette Providence et de la grande bonté qui nous est accordée par là, en nous représentant un Père de famille entouré d’une nombreuse postérité, dans laquelle il se trouve des aveugles, des imbéciles, des boiteux et des méchants mêmes. Que deviendraient-ils si ce Père de famille cessait un instant de veiller sur la plus petite et la moindre de leurs actions ? Ne faut-il pas pour le bien de cette malheureuse famille que son père donne le bras aux aveugles pour les empêcher de tomber, ou qu’il leur fasse faire des opérations douloureuses pour leur ôter les cataractes qui leur couvrent les yeux ? Ne faut-il pas qu’il apprenne ou fasse apprendre aux imbéciles la moindre des choses qu’ils doivent faire à tout instant ? Ne faut-il pas qu’il soutienne ou fasse soutenir les boiteux, qui ne pourraient marcher sans cela ? Et ne faut-il pas enfin qu’il enferme ou punisse les méchants à fin de les corriger, et pour qu’ils ne fassent plus toute sorte de mal, ce qui tournerait à leur plus grand préjudice, ainsi qu’à celui de toute la famille ? Ce que fait ce bon père de famille dans sa maison, la Providence le fait dans l’univers. Et ainsi que les vues de ce père de famille sont toutes à l’avantage de ses enfants, de même celles de la Providence sont toutes justes et dirigées au plus grand bien de tous les êtres. Mais pourquoi le péché ou le mal de toute espèce arrive-t-il ? Voyons encore dans cette même famille si nous n’en trouverons pas la raison : les enfants de ce bon Père, au lieu de suivre les sages instructions qu’il leur donnait, ont voulu faire leur propre volonté. Les uns, comme des fous, sont allés fourrer des torches allumées dans de la poudre, et y ayant mis le feu sans y penser, la poudre enflammée les a aveuglés en leur brûlant les yeux. D’autres, en se livrant aux excès de la débauche et du vin, en sont devenus imbéciles. D’autres, en grimpant comme des étourdis sur des arbres fort élevés, en sont tombés, se sont cassé les jambes, et sont devenus boiteux. D’autres enfin se sont mis à ôter à leurs frères tout ce qu’ils leur voyaient, en les battant et maltraitant en toute occasion et de toute manière, ce qui a obligé le père de famille de les enfermer et de les punir. Ce n’est pas le bon père qui a été la cause de tous ces malheurs, car il leur avait donné de sages instructions, mais c’est la volonté déréglée des enfants qui les y a précipités. Malgré tout cela, dira-t-on, pourquoi le bon père n’a-t-il pas usé de son pouvoir pour empêcher ses enfants de faire de pareilles extravagances et de tomber par là dans de tels malheurs ? C’est qu’il aurait fallu les enfermer, les priver de leur liberté, qui était un droit de leur naissance, et en faire des esclaves, qui ne se seraient abstenus du mal que par l’impuissance de le faire ; tandis qu’il était persuadé d’un autre coté que ses enfants redeviendraient sages par leur propre expérience, et que les méchants mêmes pourraient redevenir bons, après avoir éprouvé tous les maux que l’on souffre quand on est méchant. Ceci, ce me semble, explique la bonté infinie de notre bon Père commun, et la sagesse de la Providence. Car pour empêcher les hommes d’être mauvais, il aurait fallu les faire esclaves, les priver de la liberté, qui est un droit de leur naissance, et un droit inséparablement attaché à tout être intelligent. Il aurait fallu donc les priver de l’intelligence, et alors ils ne seraient plus des hommes mais purement des animaux. Car qui dit un être intelligent, dit un être libre : l’un ne peut être sans l’autre. Et qui dit un être libre, dit qu’il est le maître d’user de sa liberté comme il lui plaît, étant instruit par son intelligence des suites qui en résulteront. C’est donc une bonté de Dieu de ne nous avoir pas privés des droits de notre être, et la Sagesse de sa Providence s’exerce à tous instants à nous retirer des abîmes où nous nous plongeons par notre volonté. Car elle tire le bien du mal même dans lequel nous nous sommes précipités. Elle tire la vertu du vice même, en la faisant résister, combattre et triompher du vice. Elle tire par exemple la fermeté de l’oppression, la bienfaisance du besoin, la générosité de la pauvreté ; l’orgueil, la suffisance et la violence, par la sagesse de la Providence, donnent lieu à être humble, soumis et patient. Cette sagesse suprême fait servir le mal même d’aliment à la vertu à fin qu’elle s’exerce, qu’elle paraisse, et qu’elle nous retire de l’abîme où nous nous sommes plongés. Ne devons-nous pas par conséquent la remercier de ce qu’elle veille sur nous ? Ne devons-nous pas, étant aveugles à force de vices et de passions, nous abandonner à sa conduite et nous soumettre avec confiance à ses décrets ? Cette confiance doit ne point avoir de bornes, comme l’Être infini auquel nous la devons. Elle doit s’étendre sur ceux mêmes qui se sont soumis au mal et que la Providence laisse, pour ainsi dire, suivre cette voie de malheur en y consentant par sa volonté passive, pour ne pas empiéter par une force active sur les droits de leur liberté. Laissons-la agir en nous prosternant devant elle. Adorons-la et chérissons-la dans tout ce qu’elle fait. Dès qu’elle est la Sagesse suprême et qu’elle sait tirer le bien du mal même, croyons et soyons persuadés qu’elle saura remplir son œuvre en entier vis à vis de tout ce qui existe, sans que nous sachions comment ni ne le comprenions. Comment en effet est-il possible que la créature comprenne tous les faits et mystères de son créateur, et surtout une créature dégradée, dans la privation et l’obscurité d’une prison ténébreuse, qui par sa corruption se trouve, en elle-même, plus bas que toutes les autres créatures quelconques. L’Être suprême, la bonté et l’amour même nous a accordé par pure grâce la faculté d’êtres intelligents et vertueux ; mais la vertu ne peut être connue, ni même souhaitée, et encore moins pratiquée sans qu’elle-même en son Principe n’agisse déjà sur l’être qui la désire. De même, Dieu dans ses mystères ne peut être, sans sa propre action bienfaisante, connu et compris par des faibles mortels. C’est à sa volonté divine, réglée par sa sagesse et toujours dirigée au plus grand bien de tous les êtres, à éclairer autant qu’il est nécessaire ceux qui peuvent être utiles à ses desseins, pour le bien de tous ses enfants. Il communique sa lumière pour cette utilité, en la mesurant et la proportionnant aux facultés de ceux qui la reçoivent ; car elle ne peut être reçue que par cette mesure. Les ténèbres de la corruption, que nous augmentons par nos mauvaises œuvres, ne peuvent la comprendre ni s’unir avec elle. Et ce n’est que par la diminution graduelle de leur impureté qu’elle pénètre en nous. Mais quoique nous en soyons privés par notre propre souillure volontaire, quoique nous ne la comprenions même pas, nous devons être certains et convaincus qu’elle ne cesse d’agir pour notre plus grand bien à tous, mais nous n’en comprenons ni les moyens ni les voies, parce que nous sommes aveugles et sourds intérieurement. Et pourrions-nous cesser de l’être avant que de cesser d’être méchants sans que le désordre n’augmente encore ? Que ferions-nous au ciel avec notre volonté rebelle, directement opposée à celle du Principe infini de la paix éternelle qui y règne ? N’en serions-nous pas précipités ainsi que le principe du mal ? Parce que l’impur ne peut s’allier avec la pureté même. Notre confiance cependant dans les voies bienfaisantes de la Providence doit être d’autant plus grande que nous voyons, selon moi, clairement que le mal n’est pas essentiel 1 mais accidentel, parce qu’étant le contraire du bien ; il l’est aussi de la vérité et par là il n’est que mensonge ; et ce qui est mensonge est rien et néant. N’étant pas essentiel, il ne peut être éternel et doit finir. Étant rien, il est nul et impuissant dans l’ordre vrai et le serait à notre égard si notre volonté n’y adhérait librement. La Toute-puissance de l’être essentiellement bon se prouve à notre faible entendement par la création. Il n’y a que le bien et l’amour qui créent, tandis que le mal et la haine détruisent. Si le mal était essentiel et éternel, son action aurait empêché toute création ; s’il était puissant, il l’aurait détruite. Tout prouve donc qu’il n’est rien, et qu’il n’existe qu’accidentellement par la dégradation de sa volonté ; étant une créature intelligente et libre, qui a fait un mauvais usage de sa liberté. Son être vrai est bon 2 comme tout ce qui est sorti de la main bienfaisante de l’auteur de tous les êtres, mais l’abus qu’il a fait de ses facultés l’a rendu mauvais, et principe du mal, qui n’existait pas avant. Gardons-nous de vouloir pénétrer par notre faible entendement les décrets de la Providence à son égard. Ces recherches seraient inutiles, abusives et dangereuses. Mais gardons-nous aussi de croire que la sagesse suprême qui a éternellement tout prévu manque de moyens pour ramener tout au bien, qui est l’être des êtres et l’unique principe de toutes les existences. Prosternons-nous, chérissons, et adorons ses décrets. Soumettons-nous avec une entière confiance à sa Providence. Elle sait tout, elle peut tout et ne veut que le bien, tandis que nous ne savons ni ne pouvons rien, et ne voulons que le mal quand notre volonté n’est pas parfaitement soumise à la sienne. Que sa Volonté donc soit faite sur tout et à toute éternité. C’est mon seul vœu et ma seule prière. Dieu m’y soutienne à tout jamais, ainsi que tous ses Enfants.

 

On peut comparer la Providence aux effets de la lumière matérielle qui n’a qu’à se retirer de quelque part pour que les ténèbres y règnent, dans la même mesure et autant que la lumière en est retirée. C’est de même que tout mal agit sur nous en tant et dans la même mesure que le bien de Dieu se retire. Dieu donc ne punit personne, il n’a qu’à retirer son soutien et nous abandonner à nous-mêmes, et alors nous sommes soumis au mal proportionnellement à son abandon, parce que par nous-mêmes, nous ne sommes que néant et mal, vendus au mal et liés au mal. Dieu nous abandonne ainsi plus ou moins selon nos besoins, pour nous faire sentir nos dépravations ainsi que notre impuissance, et pour nous faire recourir à lui par notre volonté libre ; parce que c’est le seul moyen de corriger nos cœurs, comme de purifier et de revivifier nos âmes.

 

 

 

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JUSTICE.

 

 

Il y a une justice DIVINE. Insensé qui n’y croit pas, et qui croit pouvoir l’éviter en se flattant par les illusions de son imagination. Oui, insensé, et je le dis pour moi-même. Sans justice il n’y aurait point de vérité, et sans vérité il n’y aurait rien. Cette justice est parfaite et par conséquent infinie, ainsi que toutes les vertus du grand-Être. Tant que le mal durera, cette justice s’exercera ; car elle ne s’est manifestée et ne s’exerce que pour anéantir le mal. Un exemple de notre justice terrestre nous en fera voir la nécessité et l’objet ou le but. Un souverain doit punir un malfaiteur pour qu’il ne fasse plus le mal et pour que son impunité n’enhardisse les autres à suivre son exemple. Ces raisons ne sont-elles pas sans réplique, autant pour l’extirpation du mal que pour le bien-être de la société ? Il doit en un mot séparer le mal du bien, pour que le bien n’en soit invétéré et pour que son peuple par là vive dans le bonheur et dans la paix. La loi fait cette séparation parce qu’elle manifeste la justice, et sans justice, il n’y aurait point de loi. Arrêtons-nous et examinons. Notre loi est extérieure ici-bas, ainsi que notre justice, et ainsi que nos crimes, parce que nous ne voyons que l’extérieur. Mais la Justice intérieure et supérieure doit voir les crimes intérieurs, et doit séparer ce mal intérieur du bien intérieur, pour le bonheur et la paix de son bon peuple intérieur. Un souverain juste doit mesurer la punition aux délits, à plus forte raison la parfaite Justice fait de même et le dit nommément dans son Évangile, Math., Ch. 18, v. 34-35. Un bon souverain punit à regret et pour ainsi dire contre sa volonté radicale, simplement par nécessité et par amour pour le bonheur et la paix de son bon peuple, dans lequel il voit ses enfants. Et quand un prévaricateur reconnaît sa faute, marque un repentir sincère, et fait voir un vrai désir de n’y plus retomber et de réparer le mal qu’il a fait par le bien qu’il veut faire, alors le bon souverain lui pardonne et le rétablit, charmé d’avoir trouvé un moyen d’allier sa clémence avec sa justice, et d’avoir acquis un bon sujet de plus. De même le Roi des Rois, JÉSUS CHRIST qui est la véritable, parfaite Justice et parfaite miséricorde par essence, Homme-Dieu et vrai Dieu, et l’Amour même, reçoit avec une bonté infinie la sincère pénitence du pécheur criminel, le guide par sa sage providence dans la voie étroite de la purification, et le rétablit enfin dans sa grâce, s’il persévère à le suivre, en alliant sa miséricorde avec sa justice par les trésors infinis de sa Sagesse suprême, qui sait tirer le bien du mal même. Ô mon Dieu et sauveur ! ô mon unique refuge ! ce n’est que Vous, ce n’est que Vous seul qui êtes et qui devez être notre unique espoir à tous. Recevez-nous. Conduisez-nous. Punissez-nous pour nous purifier, sachant mieux que nous-mêmes ce qu’il nous faut, et agissez avec nous tous, partout, en tout et en toute occasion selon Votre sainte Volonté, qui ne veut que le salut de toutes vos créatures. Les souffrances que Vous nous imposez ne sont que des remèdes à nos maux. Plus le mal est extrême et plus le remède doit l’être. Votre Justice en connaît la mesure et la remplit. Votre Sagesse en retire le bien purifié et séparé du mal, ainsi que l’or pur est séparé de tout alliage étranger, et votre miséricorde s’unit à cet ouvrage de votre propre main, par les rayons sacrés de la chaleur divine, qui n’est que l’amour même dans son principe et dans ses effets, dans son centre comme dans sa circonférence. De sorte que votre Justice même, quelque terrible qu’elle soit pour vos créatures égarées, corrompues et impures, n’est cependant que sagesse, que vérité, qu’amour et que miséricorde. Encor une fois : conduisez-nous selon votre sainte Volonté, que nous devons respecter et chérir, partout, en tout et toujours, et détruisez en nous tout ce qui y est contraire, qui vient de notre propre volonté corrompue, seule cause première et continuelle de tous nos maux.

 

 

 

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DE LA JALOUSIE DE DIEU.

 

 

Quand on dit dans la Ste Écriture que nous avons un Dieu jaloux, il ne faut pas entendre ce mot dans la même acception qu’il a parmi les hommes. Dieu est jaloux du vrai bonheur de ses créatures intelligentes, parce qu’il n’y en a pas d’autre pour elles que leur union libre avec Lui, qui est la source, le principe et l’essence de tout véritable bien. C’est donc pour leur bien, et non pour le sien, qu’il les attire et les ramène à lui. Ce n’est point par un sentiment de privation ou de perte qu’il est un Dieu Jaloux : on lui supposerait par là des besoins, ainsi que des envies de conserver ses possessions avec les moyens de les perdre, ou le désir d’en acquérir de nouvelles ; ce qui ne peut être parce qu’il n’a besoin de rien ; il se suffit parfaitement à lui-même ; il ne peut avoir aucune privation, ni faire aucune perte, puisque tous les êtres quelconques n’existent qu’en Lui, par Lui, de Lui et par conséquent sont tous à Lui. Sa Jalousie donc n’est qu’un désir de notre véritable bien, un désir de sa bonté infinie pour ramener notre être vrai au principe dont il est descendu, qui seul peut le rendre vraiment heureux, parce qu’il est le seul vrai bien par essence. Mais comme le vrai bien est inséparable de la parfaite innocence et pureté, tout ce qui y est contraire doit être détruit dans l’homme avant qu’il puisse y être uni. C’est cette destruction du mal et du vice en nous, opérée par les moyens de la SAGESSE SUPRÊME, qui cause toutes nos souffrances d’ici-bas. Cependant n’ayant pas d’autre route pour arriver au vrai bien, c’est par bonté et miséricorde que Dieu nous y mène et nous y lave de nos souillures, à fin de nous faire parvenir au seul et unique vrai bien, qui est Lui-même, en nous rendant aussi purs et aussi innocents que cela est nécessaire pour pouvoir en jouir. Il n’y a donc en Dieu que Sagesse, Bonté, Miséricorde et Amour sans aucune autre Jalousie que celle de nous rendre parfaitement heureux. Tel est mon sentiment sur ce point. Je désire en ceci, comme en tout, d’être éclairé par la lumière supérieure, seule vraie, seule bonne, et seule sage.

 

 

 

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DES PUNITIONS DE DIEU.

 

 

Dieu étant le bien par essence et le principe de tout bien, ainsi que l’amour même, la colère ne peut exister en lui dans l’acception vulgaire de ce mot, et ses punitions, étant punitions pour nous qui souffrons, n’ont que des motifs bienfaisants de la part de Dieu. Cependant l’homme impur n’en souffrira pas moins selon ses œuvres et à proportion de leur impureté. Mais doit-on conter ces souffrances pour punitions quand on souffre pour être purifié et par conséquent pour être ramené au bien ? Un chirurgien habile ne couperait-il pas, avec de grandes souffrances pour le malade, un membre gangrené pour le guérir ? Ce qu’il ne fait sûrement pas par punition, quoique le malade est puni par les souffrances qu’il a dû supporter. C’est donc par bonté et miséricorde divine que l’homme sera obligé de souffrir, et qu’il souffre pour être purifié et élevé à son plus grand bien, qui exige une pureté parfaite. Notre Sauveur nous a tous sauvés. Son œuvre ne peut pas être imparfaite ni partielle. Étant infini et remplissant tout, il ne peut avoir agi que pour tous et pour tout. Tous nos péchés nous sont pardonnés en lui et par lui. La Divinité même a payé pour nous toutes nos dettes. L’innocence et la pureté s’est sacrifiée pour nous retirer de l’esclavage éternel du mal. Mais quoique tous nos péchés nous sont parfaitement pardonnés par cet acte de bienfaisance divine, qui a satisfait pleinement à la Justice et à la Vérité, cela n’empêche pas que l’homme souillé, dont le cœur se ferme à ce bienfait divin, ne doive être purifié pour entrer dans la région qui ne peut admettre aucune souillure ni impureté. Dieu, n’étant qu’amour et bonté, par là-même doit désirer le plus grand bien de toutes ses créatures, selon les facultés diverses qu’il leur a accordées. Il doit même désirer de les réunir tout à fait selon la même mesure ; parce que c’est en cela que consiste le caractère propre et distinctif de l’amour parfait. Mais pour atteindre à ce but désiré par la bonté suprême, il faut être pur comme l’est le parfait amour. Il faut donc être purifié, parce que nous sommes tous souillés. Et on ne peut être purifié sans que l’impureté, dont nous sommes pénétrés, ne nous soit arrachée ; ce qui ne peut s’opérer sans souffrances proportionnelles à nos souillures. Dieu donc ne nous punit pas, mais nous nous punissons nous-mêmes, parce que nous nous souillons volontairement, et que chaque faute, vice ou péché porte sa punition avec soi et en soi, comme nous le voyons même corporellement et spirituellement ici-bas. Et Dieu au contraire nous retire de nos abominations pour nous réunir à lui. Mais il ne peut le faire qu’en nous purifiant, et par conséquent en nous faisant souffrir ; parce que l’impur ne peut s’unir avec le pur, lui étant tout à fait contraire.

 

Prosternons-nous donc devant les décrets de l’Éternel. Il est toujours Bon ! il est toujours Juste ! il est la Sagesse même ! il agit toujours pour notre véritable et plus grand bien ! Mais nous ne le voyons, ni ne le comprenons, parce que les yeux de notre Intelligence sont obscurcis par nos souillures.

 

 

 

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L’Écriture dit que Dieu est un feu dévorant. Mais que dévore-t-il ? Il est le feu de l’amour, et il dévore la haine. Il est la pureté, et il dévore l’impureté. Il est la vérité, et il dévore le mensonge. En un mot il est le bien et il dévore le mal. Quelle en est la raison ? On la trouve dans la bonté et la miséricorde divine. Le bien est la vie, et le mal est la mort. L’Être suprême et bienfaisant veut tout arracher à la mort et tout réunir à la vie, et par conséquent au véritable bien. L’iniquité, la haine, le mensonge et la mort étant dévorés, nous existerons dans l’innocence, l’amour, la vérité et la vie. Quelles sont nos peines passagères vis-à-vis de ces biens éternels qui nous attendent ! Prosternons-nous devant les décrets de la Sagesse. Elle saura achever son ouvrage en tirant le bien du mal même, et l’amour divin sera toujours son guide. Celui seul qui s’opposera aux moyens qu’elle emploie se punira par là lui-même, et restera sous sa propre punition tant qu’il lui sera opposé ; parce qu’on ne peut qu’être insensé et dans la démence quand on est opposé à la Sagesse, ce qui est déjà, sans les suites funestes qui en résultent, un terrible tourment, comme tout mal en est un, de même que tout tourment est un mal ; et tout mal, comme il a été dit, devant être dévoré, c’est-à-dire entièrement détruit et anéanti par le bien, il s’ensuit que celui qui s’allie et s’unit au mal doit subir cette opération douloureuse, mais salutaire, dans toute sa mesure proportionnelle à la qualité et quantité du mal qu’il aura introduit en lui.

 

 

 

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DE L’ABANDON EN DIEU.

 

 

Les simples lumières de l’intelligence nous font voir que la manière la plus vraie et la plus parfaite d’aimer et d’honorer quelqu’un est de lui donner une confiance plénière, sans réserve et partage. Avec une confiance pareille, on croit sans le moindre doute et sans aucune réflexion tout ce que cet être nous dit, et on fait tout ce qu’il ordonne. C’est-à-dire qu’on suit exactement sa volonté n’en ayant point de propre. Intimement persuadé, tant que cette confiance dure, qu’il ne peut vouloir que notre bien et qu’il n’agit qu’en conséquence. Voilà comme je conçois l’Abandon en Dieu, qui est la même chose que la foi la plus épurée sans borne quelconque. Ou plutôt c’est la foi, l’espérance et l’amour, unies ensemble ; et l’effet de cet ensemble est ce qui se nomme l’Abandon en Dieu. Les qualités dessus énoncées me paraissent devoir montrer clairement en quoi consiste cet Abandon. Si elles manquent, l’Abandon n’y est pas ; si elles sont imparfaites, l’Abandon n’est pas parfait non plus. Car qui doute n’a plus de croyance ou de foi entière, et qui réfléchit pour choisir ce qui lui semblera préférable et suivre sa propre volonté, n’a plus de confiance plénière. Par conséquent, l’effet qui résulte de l’Abandon est proportionné aux gradations de la confiance ou de l’Abandon même. Ce même Abandon ne renfermerait-il pas la loi primitive et ne serait-ce pas ce qui nous est dit par l’arbre de la science du bien et du mal ? L’homme ne devait pas toucher à son fruit et devait rester pour son propre vrai bonheur dans la confiance plénière ou l’Abandon parfait à la Volonté de Dieu, qui est lui-même l’arbre de Vie ; parce que Dieu étant le bien et la sagesse par essence, qui ne suit parfaitement sa volonté s’éloigne de l’un et de l’autre, comme en s’éloignant de la lumière on se trouve dans les ténèbres. Mais l’homme a mangé de ce fruit défendu et a manqué à la confiance plénière qu’il devait à son Dieu, en voulant réfléchir sur son état et choisir par lui-même. De là est venu le doute qui a produit le flottement des idées, ainsi que leur désordre et l’amour de soi-même, ou l’Égoïsme. Le désordre des idées a engendré celui des sens, comme celui-ci a causé celui des actions (c’est-à-dire la consommation et la manifestation du crime), et l’Égoïsme a tout attiré à lui, devenant le but de toutes nos pensées, volontés et actions. De là est provenu ce choc des choses contraires, qui se croisent et qui causent nos peines actuelles. L’homme a tout renversé en voulant choisir et agir par lui-même, de même qu’il fait encore. Il a manqué à l’Harmonie générale et a introduit la Discordance et le désordre dans son être, ainsi que dans l’Élément où il devait exister, puisque celui-ci doit lui être analogue, ou il ne pourrait y exister. Il a rompu la proportion qui le liait à son principe et aux choses pures qui en émanent ; il s’est précipité dans tous ses maux par son manque de confiance. S’il veut en sortir, s’il veut être admis à l’Harmonie générale, s’il veut que sa proportion soit rétablie avec son principe, il doit détruire en soi tout ce qui l’éloigne de la confiance plénière qu’il doit à son Dieu. Il doit en un mot s’abandonner entièrement et parfaitement à LUI, ne désirant que ce qu’il désire, recevant de sa main avec reconnaissance tous les moyens dont sa providence se sert pour le purifier, se soumettant humblement à ses décrets et exécutant avec zèle tous les ordres qu’il lui donne. Alors se trouvant dans sa loi primitive et n’étant conduit que par la Sagesse, la vérité et la bonté même, il ne peut manquer de jouir de tous les biens que l’Être des êtres désire de lui accorder.

 

Mais comment parvenir à cet état d’Abandon ? en s’abandonnant à Dieu, en lui demandant de nous y conduire et perfectionner. Car tout bien ne vient que de Lui.

 

 

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DE LA CHARITÉ.

 

 

La Charité embrasse et renferme la Bonté, la Miséricorde et l’Amour. La douceur et la bienfaisance en sont aussi inséparables. Elle est exprimée par ce précepte de notre Seigneur, où il dit : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et qui vous font quelque tort. » C’est la première des vertus, et certainement la plus nécessaire au bonheur de l’humanité. Heureux celui qui la pratique ! C’est la foi et l’attachement aux prescriptions de l’Évangile qui nous rendent capables de la recevoir de la grâce de notre Sauveur. Ce n’est qu’un cœur disposé ainsi qui peut s’ouvrir aux impressions de cette vertu céleste. Notre Rédempteur, cette source intarissable de charité divine, nous l’offre à tous avec le désir de nous en voir pénétrés, mais il faut des cœurs préparés pour la goûter et s’en enflammer. Nous sommes si corrompus qu’il n’y a ordinairement que les grands malheurs qui nous y conduisent ; le bonheur au contraire nous gâte et nous fait oublier tout devoir et toute bonté. Nous nous oublions nous-mêmes dans notre orgueil et ne croyons plus être semblables aux autres hommes. De là viennent tous les maux dont le genre humain est accablé, que le Seigneur dans sa Sagesse tourne au profit de la Vertu, en nous rendant meilleurs par nos propres souffrances. Heureux ceux qui souffrent ici avec profit, comme heureux sont les malades qui guérissent après une opération douloureuse qui leur était nécessaire. Que l’humanité serait heureuse si tous ses membres étaient pénétrés de la charité. Tous les cœurs alors n’auraient d’autres sentiments que celui de l’amour pour l’Auteur de tout bien, dont nous tenons notre existence, et celui d’une tendresse fraternelle pour tous nos semblables. C’est alors que Dieu avec tous les trésors de sa bonté habiterait dans nos cœurs et que le Paradis serait partout où nous serions. L’Humanité entière alors serait autre qu’elle n’est à présent. Dieu nous y conduira tous par les trésors de sa miséricorde infinie. Attendons avec respect et confiance les effets de sa sagesse suprême. Prosternons-nous devant ses décrets. Soumettons-nous de cœur et d’âme et abandonnons-nous sans réserve quelconque à sa sainte Providence. Il saura sans faute nous mener au vrai bonheur. En attendant, aimons-le comme un Père tendre de tout notre pouvoir, et aimons nos semblables comme nous-mêmes. C’est par là que nous remplirons la seule et unique loi de notre Seigneur, qui veut nous sauver tous, et dont le sang a coulé pour chacun de nous.

 

 

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L’Économie universelle du grand Être, Créateur de tous les êtres et nécessaire à toutes les existences, ne peut être connue de la créature, à moins qu’elle ne soit pénétrée de la Lumière du Créateur, et alors ce n’est plus elle qui voit et connaît tout, mais la lumière divine, dont elle est pénétrée. Cette lumière ne peut pénétrer les êtres intelligents, et par conséquent libres, que d’après la mesure de l’être qui la reçoit, et chaque créature en a une propre.

Il a plu à notre Sauveur, en s’unissant à notre nature dégradée et en s’en revêtant, de découvrir à quelques Élus 3 cette Économie générale touchant l’homme, parce que c’est cette partie qui est nécessaire à l’homme, et qui doit le mener au suprême bien, s’il se laisse pénétrer par la sagesse divine. C’est d’après cette illumination que les Élus ont écrit et parlé aux autres hommes, pour les instruire des vérités nécessaires à leur Salut. Mais ils n’ont touché que faiblement, et pour ainsi dire en glissant, le point qui regarde les autres êtres corrompus, qui sont de même que nous dans la punition, et qui sont nos plus grands ennemis, comme ils le sont de tout bien et de la vérité même. Ils n’en ont parlé que pour nous prévenir que ces êtres corrompus existent réellement, et pour nous engager à nous défendre de leurs attaques, sans nous découvrir la partie de l’Économie universelle qui les regarde, comme apparemment inutile à notre salut, et peut-être dangereuse à connaître. La Vérité même, l’Homme-Dieu, notre unique refuge et Rédempteur, guidé comme il l’était par sa miséricorde et bonté infinie, n’aurait pas manqué de nous instruire en détail de cette partie, si cette connaissance nous était utile. Mais il n’en parle aussi que, pour ainsi dire, en termes généraux. Obéissons à sa volonté sacrée, et n’allons pas au delà. Gardons-nous seulement des attaques de ces êtres malfaisants, et reconnaissons qu’ils existent réellement, comme l’Écriture sainte nous le dit dans différents endroits.

 

Dès que nous ne pouvons douter que tout le matériel provient du spirituel, et qu’il n’en est que l’expression de même que l’enveloppe, nous ne pouvons non plus ne pas convenir que le mal matériel provient du mal spirituel. Quand ma main frappe quelqu’un, ce n’est pas elle qui frappe ; elle n’est qu’un organe mort dont se sert ma volonté, qui veut qu’elle frappe. Quand ma langue injurie, calomnie ou condamne quelqu’un, ce n’est pas elle qui le fait ; elle n’est que l’organe par lequel s’expriment ma pensée et ma volonté ; et ainsi du reste. Par conséquent, le matériel n’agit que comme un être mort, par la vie ou le mouvement que lui communique le spirituel. Concluons de là que, puisqu’il y a un mal physique, il y a aussi un mal moral ou spirituel, duquel provient l’existence du mal physique, comme provient toute semence visible de la force, vertu ou esprit invisible qui est en elle, qui la fait germer et produire l’arbre avec toutes ses parties. Si cela est ainsi, comme il n’y a pas à en douter, tous les maux que nous ressentons, de quelque sorte ou nature qu’ils soient, proviennent du mal spirituel, sans en excepter nos maladies ; et on voit par là combien l’Écriture sainte dit vrai en parlant des possédés par les mauvais Esprits. C’est parce que nous nous arrêtons, d’après notre absurde philosophie matérielle, aux résultats et aux dernières causes, sans remonter plus haut, que nous ne le voyons plus. Mais quelqu’un qui remonterait aux causes supérieures verrait que toutes les maladies généralement sont, plus ou moins médiatement, des possessions du mauvais Esprit. Personne n’en est exempt par ses propres forces. Nous nous sommes tous amalgamés avec le mal, et il demeure en nous tous. La Ste Écriture a donc raison de nous parler ainsi pour nous instruire et pour nous porter à nous préserver de l’abîme dans lequel nous nous plongeons avec notre orgueilleuse ignorance. Si on demande quel est donc le moyen de se préserver de ces maux, l’Écriture nous l’apprend aussi. Vidons-nous du Mal, et vivons du bien, car il se trouve en nous aussi, mais pour ainsi dire, comme étouffé et enveloppé par le mal, sans que nous lui donnions la moindre place pour se développer et paraître. Que chacun consulte son propre cœur, pour voir si cela est vrai. Il y trouvera le bien, s’il veut l’aimer, comme nous y trouvons le mal parce que nous l’aimons ; d’où dérivent tous nos maux, ainsi que tous ceux de l’humanité entière et, on pourrait dire, de tout l’Univers.

 

 

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La Ste Vierge doit être la plus pure de toutes les créatures, puisque le Verbe divin s’y est incarné, et que le saint Esprit l’a pénétrée de toute sa lumière. Le sujet qui a pu recevoir en soi toute la plénitude de la pureté divine doit y avoir été analogue par sa pureté. Elle est devenue l’organe par lequel la Divinité s’est unie à l’humanité dégradée, elle est donc le moyen naturel dont la Divinité s’est servie pour sauver l’humanité. Si elle a servi à cette opération bienfaisante dans le général, à plus forte raison y sert-elle encore dans le particulier. C’est la créature la plus rapprochée par sa pureté de la Pureté-principe, de l’Homme-Dieu, de l’humanité déifiée. C’est celle qui est la plus pénétrée de l’Esprit de Dieu. Nous lui devons des hommages et des respects. Elle a des sentiments maternels pour tous ceux qui vivent dans le bien, et de là elle s’intéresse à leur vrai bonheur. Nous devons être vivement et respectueusement reconnaissants pour la tendresse qu’elle porte à tous les malheureux mortels. Elle désire de nous voir sauvés et heureux. Ce désir est exaucé si le sujet qui en est l’objet peut servir de réceptacle à la lumière suprême. Tous les Sts Anges, tous les Saints, tous les Élus ont le même désir selon le degré de pureté d’un chacun ; car chacun a le sien. Et notre respect ainsi que notre reconnaissance doivent s’y rapporter. Par eux-mêmes, ils ne sont comme nous que néant, de même que toute créature l’est sans le soutien du Créateur. C’est l’Esprit de Dieu, dont ils sont les organes et les réceptacles, qui seul les sanctifie. Aussi c’est la Divinité seule dans la Ste Trinité qui doit être adorée, et comme notre Seigneur Jésus-Christ est la plénitude et la manifestation plénière de la Ste Trinité, nous lui portons toutes nos adorations, et nous ne faisons que respecter et aimer les moyens dont il se sert, comme créatures sanctifiées par lui.

 

 

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Comme la Venue de Jésus-Christ sur la terre et son union avec la nature de l’homme terrestre est le plus grand acte, à nous connu, de la Divinité, tant par lui-même, que par le motif d’une bienfaisance universelle qui en était le but, il me semble qu’il a dû permettre dans cet état où sa miséricorde l’a fait descendre, autant pour sa Justice que pour la plus grande gloire de son Père céleste, ainsi que pour manifester plus sensiblement qu’il est la vérité même, que la force ténébreuse emploie ses plus grandes puissances contre lui ; et d’après cette idée, que je présente avec crainte, il me paraît que Judas Ischarioth était véritablement et essentiellement un fils de perdition, c’est-à-dire une manifestation de toutes les mauvaises puissances de l’Esprit pervers, pour l’opposer et pour combattre par lui la manifestation de toutes les puissances et vertus réunies de la Divinité. J’y remarque encore qu’il a été disciple et serviteur de Jésus-Christ, comme le fut son père, jadis, du Père céleste de la Nature. J’y vois aussi qu’il a agi par trahison, ainsi que son père l’a fait contre le Père éternel de toutes les Existences ; et j’y vois enfin qu’il s’en est puni lui-même en s’étranglant, comme son père a fait en se précipitant dans l’abîme des ténèbres par sa volonté criminelle et absolument propre et libre. Judas a donc répété parfaitement dans la région visible ce même type ténébreux. Ce qui me fait encore penser que toutes les puissances du Démon ont été employées contre notre Seigneur, c’est qu’il a bien voulu permettre au Prince des démons de le tenter, ainsi que cela est dit dans l’Évangile, peut-être pour lui faire voir et concevoir d’une manière plus positive et plus rapprochée autant son impuissance que sa perdition. Tout est miséricorde dans celui qui s’est donné soi-même pour des êtres qui se sont dégradés et corrompus, qui se sont séparés de Lui, et qui ont eu la démence, la bassesse et l’orgueil insensé de devenir ses Ennemis.

 

 

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L’homme, étant créé pour commander à la nature visible et obéir immédiatement à l’Être suprême, a dû avoir des rapports ou, ce qui est la même chose, de l’analogie avec eux ainsi qu’avec les puissances intermédiaires, en étant une lui-même. Ce qui fait qu’il est composé de corps, d’âme et d’esprit. Tout son être était glorifié ou transpercé par la Lumière suprême ; ce qui le rendait, dans cet état primitif, l’image de Dieu, dont il était toujours pénétré. Le bien et la vertu paraissaient seuls en lui et enveloppaient pour ainsi dire et transperçaient tout son être.

 

L’homme dans la chute a dû manquer dans ces trois parties dont il est composé. Dans la première par son intelligence, en concevant une pensée coupable ; dans la seconde par sa volonté, en y adhérant, c’est-à-dire par le cœur, ou le sentiment ; dans la troisième par la signalation visible. Et comme c’est le comble du crime, il a dû y rester soumis ainsi que dominé par les forces des choses visibles et en être enveloppé.

 

 

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La nécessité de la Prière se démontre par là que nous ne pouvons manquer de nous occuper souvent des choses que nous aimons sincèrement. Or si nous aimons l’Être suprême, si nous sommes reconnaissants pour ses bontés sans nombre, si nous sentons que nous dépendons de lui et voulons dépendre de ce bon Père, Principe de tout bien, nous ne pouvons manquer d’en être occupés et d’être pénétrés de tous ces sentiments, dont l’expression fait la Prière. D’ailleurs, l’homme qui sent que la créature n’est rien sans son Créateur, qu’elle n’existe que de lui et qu’elle ne peut rien être sans recourir au principe de son Existence, doit par ses vœux et ses hommages ouvrir, pour ainsi dire, les canaux de son être intellectuel pour recevoir les influences salutaires de la vie et de la lumière divine, qui, quoique circulant toujours autour de lui, ne peuvent pénétrer en lui si son cœur et sa volonté leur sont fermés ; et ils ne peuvent s’ouvrir que par la Prière et par ses épanchements.

 

 

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Aucune règle ou clef humaine ne peut nous apprendre à voir d’une manière vivante la Divinité par tout et en tout. Il n’y a que la Divinité même, par ses rapports avec l’essence humaine dans la personne de notre Créateur et Sauveur, qui puisse faire couler en nous cette conviction salutaire. Lui seul nous donne cette conviction intime ; parce que lui seul peut vivifier notre sentiment, et que les vérités de sentiment ne peuvent ni être enseignées ni s’apprendre, mais elles doivent être senties. L’homme avec toutes ses règles et ses méthodes ne peut qu’enseigner, parce que l’enseignement exige des paroles ou signes physiques, que le Tout-puissant emploie par le moyen de l’homme pour l’enseignement. Mais faire sentir d’une manière vivante les vérités apprises appartient à l’effet de la seule miséricorde de notre Seigneur, parce que comme Dieu-Homme il pénètre dans l’intérieur de notre essence par son humanité éclairée de sa Divinité. Nous ne devons donc pas oser nous mêler de ce que Lui seul peut et doit faire.

 

 

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Toi, que mon âme conçoit sans te connaître,

Toi, dont elle émane, puisqu’elle pense ;

Accorde à ses vœux, à son impatience

Le bonheur de savoir ce qu’elle doit être.

 

                                *

 

Retenue, reléguée dans une sombre prison,

Éloignée du flambeau qui devait l’instruire,

Apprends-lui Grand Dieu à ne pas se nuire.

Que ta bonté soutienne, éclaire sa raison !

 

                                *

 

Que ce corps périssable et fragile

Ne lui inspire plus que pitié et mépris ;

Que sachant ce qu’il est, elle en connaisse le prix,

Et contemple sa perte avec un œil tranquille.

 

                                *

 

Élève ses idées à son Essence suprême,

Qu’elle sache ce qu’elle est et se respecte elle-même.

Fais-lui concevoir son Principe, sa naissance :

Détachée d’ici-bas, quelle fut sa puissance !

 

                                *

 

Qu’elle sache que l’univers lui appartenait,

Qu’elle le faisait aller, ou bien le retenait :

Que pure, dans la Lumière, elle avait son séjour,

Qu’en l’adorant sans cesse, elle la voyait toujours.

 

                                *

 

Qu’elle sache que l’univers était son patrimoine ;

Que dans sa pureté elle fut sa souveraine.

Que la Lumière était son séjour ;

Qu’en l’adorant, elle en jouissait toujours.

 

                                *

 

Tout ce qui fut, est et sera lui était connu,

Désirer et avoir était pour elle même chose ;

Sa force se mesurait sur sa volonté,

Tout était possible pour elle, tant qu’elle était pure.

 

                                *

 

Mais bientôt s’oubliant, une idée criminelle la perdit,

Cette volonté funeste par là se corrompit ;

La lumière, la pureté disparurent

Dès que sa volonté se souilla du crime,

Qui l’entraîna dans les ténèbres.

 

 

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Α  Ω.

 

 

Tout étant sorti d’I, tout doit rentrer dans I.

 

Tout doit être animé d’I. I doit être en tout, et tout doit être en I.

 

Tout doit être accordé par I. Tout doit être connu par I. Tout doit être mesuré par I. Tout doit être pesé par I. Tout doit être combiné par I.

 

I est le commencement de tout. I est la fin de tout.

 

Ne voyez que par I. Ne désirez qu’I : et votre cœur verra I.

 

Alors vous serez dans la parfaite HARMONIEqui est I. Et par là dans la plus grande félicité, c’est-à-dire dans I, et intimement uni avec I ; pas autrement que par

 

UN.

 

Luc. ch. 10. v. 42.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉVÉLATIONS

 

FAITES AU

 

Fr. C...

 

 

 

La Crèche et la Croix sont les deux monnaies avec lesquelles on achète le Royaume de Dieu.

 

 

I.

 

 

Un homme qui tâchait de devenir, selon son pouvoir, un sujet fidèle de son seigneur, fut séduit un jour par son ancienne paillarde (la chair) infamée, déshonorée et chassée du séjour de délices, qui lui présenta une action de larcin, et persuada, par ses mensonges malicieusement entortillés, que l’on pouvait monter par un autre endroit dans la Cour de la joie et de la paix, pour se trouver et acquérir un bien. Elle le persuada, dis-je, et lui en indiqua le chemin. Cet homme n’examina pas de qui venait cette voix, et l’esprit mû par elle s’en prit aux armes, et se mit en chemin. Sur ce chemin, par la Prière, et les autres exercices qui se rapportent aux différentes opérations spirituelles, et à la fin même par le murmure, il fit pencher et excita la Toute-Puissance et l’Amour à justifier ses décrets devant cette indigne créature et à la convaincre de témérité et d’erreur. On lui permit de s’approcher d’une enceinte d’une vue effrayante, par dessus laquelle, au moyen de quelques sauts ou vols bizarrement exécutés, il vit quelque chose qu’il ne connaissait point lui-même. – Mais ayant remarqué que ce qu’il apercevait ne faisait aucune impression 4 sur lui, et par là ne lui donnait pas à connaître ce que c’était, attribua tout cela à une illusion et une absurdité ; et à peine commença-t-il à s’abaisser jusqu’à la base de cette enceinte, qu’il entendit tout à coup cette voix effroyablement haute : Je suis la Porte ! Il s’élança après cette voix extrêmement vite, et ayant achevé sa course ensemble avec l’écho de cette voix, il vit effectivement une certaine porte ou, pour mieux dire, une fente fort basse, mais large, de façon que tous les hommes de ce monde auraient pu y passer à la fois, si leur grandeur ne les en empêchait, et s’ils pouvaient se débarrasser de leur épaisseur spirituelle ; et être pauvres d’esprit, afin de pouvoir s’élever jusques là. Toutes les choses regardaient cette porte de front, de manière qu’il paraît que si quelqu’un y serait entré, elles auraient commencé à se couler dans lui d’une manière sensible, et il les aurait comprises, non comme celui qui les avait vu de coté, d’une façon non permise, mais il les aurait comprises et connues par leur esprit et leur odeur. Cependant cet homme s’approcha de cette porte. Mais hélas ! il se tenait devant elle de même qu’un géant devant la porte des Lilliputiens, et dans le temps qu’il ne savait pas, et pensait à ce qu’il avait à faire de sa taille, et comment passer par là, il vit au-dessus de sa tête une aile qui se faisait voir par dessus l’enceinte, sur laquelle était représentée en tableau toute la procédure de la vie de la croix de Jésus, et le dernier était le tableau de sa crucification. Dès qu’il eut remarqué toutes ces apparitions, il entendit derechef une voix qui disait : C’est de la Crèche qu’est frayé le chemin jusqu’ici ! Et alors s’ouvrit en lui une conception non figurée, mais quelqu’autre de tout cela, par laquelle il fit un retour sur soi-même et, ayant remarqué son erreur et son sacrilège, aperçut à la fin aussi combien équitables étaient les jugements de Dieu qui ne nous laissent point approcher, n’étant point préparés, du séjour où nous, étant éclairés dans notre état de corruption par l’illumination de ce séjour, nous serions devenus à l’instant comme Satan, et serions péris pour l’éternité ; il devînt plus circonspect, et apprit que la croix seule était de tous les chemins le plus sûr ; et que la vie de Jésus, qui n’est aussi autre chose qu’une croix, est la porte de ce sanctuaire. Son humilité et son extrême abnégation de soi-même sont réellement une sente basse et très utile pour notre orgueil et notre amour propre, que l’on ne peut abaisser par un autre chemin que celui qui est pratiqué de la crèche dans le saint des saints.

 

 

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II.

 

GRAND DIEU ! INSTRUISEZ-MOI VOUS-MÊME, ET ENSEIGNEZ-MOI COMMENT DOIS-JE PARLER DE VOTRE ILLUMINATION, ET DONNEZ-MOI D’ABONDER EN JUSTICE.

 

 

Il est impossible de compter, de connaître et d’exprimer combien il y a de demeures des saints. Elles comprennent une étendue immense, et forment comme des lignes élevées les unes au-dessus des autres, et cela comme par nuances. Ce n’est que de leur centre, qui est le royaume de la lumière-d’amour, et vers lequel elles sont tournées, d’où elles sont animées, devant lequel elles sont à découvert et à nu, qu’on peut les voir véritablement et sans fausseté, qu’on peut parler de la beauté de leur figure, et dire dans un transport non illusoire : Combien merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur ! et celui qui les honore, c’est-à-dire celui qui les a vues dans ta lumière, et qui a pénétré leur éclat et leur beauté, trouve la seule joie. D’ailleurs et outre cela, on peut les voir aussi périsériellement, comme de côté ou en glissant dessus, et dans une beauté merveilleuse. On peut en avoir une certaine connaissance corrompue, ou pour ainsi dire défigurée, contraire à la connaissance centrale. On peut les décrire et assurer de les avoir vues, ce qui ne sera pas faux : car de cette manière les voit aussi Satan, et c’est de cette connaissance N.B. périsérielle qu’il s’est fait une sagesse (science) à soi et une lumière particulière, par lesquelles (sagesse) science (et lumière), il peut même nous découvrir à nous (Dieu nous en préserve) les plus grands mystères dans la nature, la sainte Écriture, et même les mystères concernant Dieu, le Christ et la sainte Trinité. Quoiqu’il ne puisse pas le faire de la même manière, comme tout cela se trouve dans la Révélation de la lumière d’amour, mais comme il les voit, de son propre point de vue. C’est de cette haute et finement fausse lumière et sagesse que doivent naître les faux prophètes, les faux apôtres, les faux interprètes de Christ, et même les martyrs et les Thaumaturges, et composer l’église antichrétienne. Plusieurs en seront séduits, et seront comme enchantés par la Doctrine et la Révélation de plusieurs mystères, par quoi ils s’éloigneront du véritable pauvre, né dans la crèche, craché, tourmenté, crucifié, et mort sur la croix, c’est-à-dire du vrai Christ (à ces mots parut l’aile avec la représentation de toute la passion et de la mort de Christ) et de son Église, et s’attacheront à un autre Christ, une autre église, et d’autres écritures, lesquelles, quoiqu’elles seront remplies de la sainte écriture, de la plus subtile doctrine et interprétation de la Trinité, de Christ et de son Église, seront, malgré cela, fausses et écrites, hélas ! par l’esprit de Satan même. – Ces antiprophètes et antiapôtres seront cependant déchus d’entre les vrais enfants de l’Église de Christ, et même de ceux qui sont appelés au royaume de la lumière-d’amour pour être oints. Ils seront trop zélés pour leur illumination contemplative et plus que pour le succès réel dans la croix de Jésus. Dans cet état, ils passeront à travers plusieurs habitations de saints, et verront ce que l’œil n’a point vu, et ce que l’oreille n’a point ouïe, mais avec tout cela pas ce qui n’est point entré dans le cœur de l’homme : parce que cette connaissance est centrale, et qu’ils verront encore tout cela non du centre de la lumière-d’amour (laquelle connaissance N.B. ne consiste point dans la vue et l’ouïe, mais dans la vertu), mais périsériellement et en passant. C’est là que se découvrira en eux l’immaturité de la croix, c’est-à-dire l’ipsaïté, qui n’a pas été bien mortifiée (tuée) et, n’ayant pas été desséchée sur la croix de l’abnégation de soi-même, dans tous ses atomes de vie, jusqu’aux plus petits, elle revivra, et s’arrêtant dans soi-même, elle entraînera dans son centre l’amour, qui jusqu’alors avait été dirigé dans le centre de la lumière-d’amour. L’Ipsaïté reste d’abord, pendant quelque temps, comme hors d’elle-même, après cela elle commence à se mouvoir soi-même. De ce mouvement de l’ipsaïté proviendra dans eux une sphère d’une certaine illumination périsérielle, laquelle augmente ou diminue dans eux, à mesure d’une forte ou faible irritation, ou, pour ainsi dire, d’un frottement de leur partie intelligente par une lumière créaturale de côté, ou de leur beauté de construction extérieure. Grand Dieu ! vous voyez vous-même que mon esprit vigilant par votre force a une chair impuissante et que ni sa langue ni sa main ne peuvent pas même représenter pas même la centième partie de ce que vous m’avez fait voir ; mais accomplissez toujours votre force dans la faiblesse de votre indigne serviteur, pour la gloire de votre nom et la conservation de votre peuple des filets diaboliques. Et comme l’ipsaïté humaine est une greffe entée sur l’arbre de l’ipsaïté du premier ennemi de Dieu (Lucifer), cela fait que dès qu’elle pousse un jet dans eux ou, comme il a été dit, qu’elle renaît, dès le même instant elle se nourrit de lui, croît en lui, s’étend et apporte plusieurs fruits de l’esprit ennemi, de l’esprit de séduction, desquels fruits plusieurs ont à se nourrir et à devenir (comme qui dirait) spirituellement spirals ou spirituellement frisés, c’est-à-dire qu’ils perdront en tout la simplicité et l’humilité, et par cette spiralité ou frisure ils ne parviendront plus après dans la véritable, simple, basse, méprisée par le monde et folle porte du royaume de Dieu. N.B. J’ai vu cette entortillure, frisure dans l’esprit, très visiblement, et j’ai entendu ces paroles (après un certain redressement ou développement de moi-même) : Que les Enfants soient vos meilleurs livres. Et il est étonnant que cela se fasse d’une façon si subtilement spirituelle que ceux qui portent de pareils fruits entortillés ne savent aucunement de quel esprit ils sont, et même abjurent le diable, font extrêmement pour les bonnes œuvres, vont à l’église, prient Dieu, participent aux saints sacrements, lisent la sainte écriture, écrivent et parlent de hauts mystères et de leur illumination, et cependant tout cela ne sont pas des œuvres de l’esprit de Dieu, lesquelles sont seules vraies et agréables à Dieu, et qui se font uniquement dans ceux qui se sont abandonnés et qui n’ont plus d’ipsaïté en rien, en un mot dans les enfants de Dieu, qui n’ont rien, ni dans le terrestre, ni dans le céleste. – C’est au moyen de cette greffe, que Satan a fait, fait encore et fera le singe dans les œuvres de Dieu, lesquelles Dieu a faites, qu’il fait et qu’il fera pour le salut et la rédemption du genre humain. Et c’est pour cela qu’il n’y a ni culte, ni prière, ni dévotion, ni jeune, ni prodigation du bien aux pauvres, ni prophétie, ni foi, ni connaissance des plus hauts mystères, il n’y a pas même de Martyre, tant corporel que spirituel, où l’homme ne soit en tout cela trompé par ce singe, si son ipsaïté n’est pas entièrement tuée à l’exemple de Jésus, et même desséchée sur la croix, car c’est de la crèche qu’est pratiqué le chemin dans le saint des saints, et c’est là le seul et dernier état, c’est-à-dire l’humilité et l’abnégation de soi-même, dans lequel et par lequel s’élèvent sans danger, sur les ailes de la foi et de l’amour, le peu d’élus du grand nombre des appelés, jusqu’au centre de la lumière-d’amour, où il leur est ajouté, découvert et donné tout le reste, ainsi que cela est, et où ils sont oints pour les véritables œuvres de Dieu (pour le service de Dieu) comme pour la prédication de la parole de Dieu et des Mystères du royaume céleste, pour l’enseignement (ou l’instruction) dans la parole de Dieu, et pour la conserver et l’épurer de l’ivraie du diable, qu’il sème et sèmera par ses prophètes et ses apôtres, ainsi que pour la conservation de son peuple. En un mot, où ils sont oints pour être Prêtres et Rois. – Enfin, il est dit que le centre se trouve aussi dans la parole de Dieu. Celui qui la lit pour elle (parce qu’elle est la parole de Dieu), celui qui l’aime pour elle (parce qu’elle est une émanation du centre de l’amour, et le centre de l’amour même  qui appelle, qui chérit et qui sauve le genre humain) et celui qui se purifie et s’éclaire par elle, pour elle (parce que les ténèbres n’ont rien de commun avec la lumière), celui-là seul peut atteindre uniquement son centre et y apercevoir le merveilleux, le beau, et l’inexprimablement abondant en amour, et le doux de Dieu. En un mot, celui qui lit ou qui chemine vers son centre de lumière de vie, perdu par l’homme à la chute du premier pécheur, entièrement et tout chastement sans ipsaïté, celui-là seul parviendra jusques à lui (Dieu) ; il comprendra les mystères du royaume de Dieu, et le trouvera ensemble, avec l’addition de tout le reste. Quant à celui qui, n’étant pas parvenu à cause de son ipsaïté jusques à la lumière centrale dans laquelle seule l’on peut voir sans fausseté toute la sagesse et le merveilleux de la parole de Dieu, commencera à pénétrer dans la profondeur des mystères par la partie intelligente qui précède la pureté (dont il y eu et il y a encore beaucoup de funestes et tristes exemples), untel ne pourra pas les pénétrer véritablement et centralement, mais ne les pénétrera que périsériellement, et non comme elles sont, mais comme il les voit du propre foyer de sa conception chaotique. C’est de là que leurs écrits sont faux et n’appartiennent pas aux vrais écrits de l’Église de Christ, et c’est de toute cette ivraie, malicieusement semée par l’ennemi de Dieu (Lucifer) au moyen de l’ipsaïté de ses serviteurs, qui le servent et édifient son église, que doivent épurer et défendre la parole de Dieu et l’Église de Christ ceux qui sont oints pour être Prêtres et Rois.

Grand Dieu ! Instruisez vous-même le Lecteur et donnez-lui d’apercevoir cette vérité non comme je la fais voir, mais comme vous me l’avez montrée.

 

 

 

III.

 

 

Souviens-toi, et ne t’applique à rien tant qu’à être entièrement sans le moi, dans ton esprit, ton âme et ton corps. Après cela, souviens-toi que la crèche et la croix sont les deux monnaies avec lesquelles on achète le royaume de Dieu. N.B. On a besoin encore d’une vigilance extrême afin que l’image de Christ soit empreinte sur ces monnaies : car j’ai vu, et je ne mens point, que plusieurs ont été et seront rejetés avec ces fausses monnaies, sur lesquelles était empreinte leur propre image et non celle de Christ ; et lesquels avaient eu beaucoup de vie de la croix durant leur vie, et les œuvres d’humilité avaient été à ce qui paraissait toujours leurs œuvres. C’est pourquoi il nous faut dire souvent avec ardeur et larmes : Seigneur, donnez-nous de voir la lumière dans votre lumière ! Et cela afin qu’il nous donne une santé de corps, une pureté d’âme, et une humilité d’esprit. Que celui qui ne possède pas ces trois dons ne prenne point la plume pour décrire les choses spirituelles, quand même elles lui auraient été montrées quelques fois. C’est par là que Swedenborg a dit des erreurs. Et pourquoi est-ce que les écrits d’un certain auteur......... sentent tant l’hommacité dans plusieurs endroits ? Assurément parce qu’il n’a pas été affermi dans ces trois dons sur lesquels seuls l’esprit de Dieu repose, et qui nous font intérieurement semblables à ces animaux abondants en yeux et tout-faces qui ont été montrés figurément au serviteur de Dieu Ézéchiel.

 

 

 

IV.

 

 

Souviens-toi toujours de la Noce Évangélique. Trois états de l’Âme d’une grande importance y sont figurés : 1) L’Appel ou l’invitation. 2) L’Ornement. 3) La Célébration. L’Inversion a aussi trois degrés. Le premier est l’appel, lorsque l’âme commence à s’examiner par la vertu de Dieu Esprit qui opère en elle, et, concevant de l’aversion pour soi, commence à prier, et à désirer sa purification. Ce degré amène une telle âme au second degré. Le second degré s’appelle l’actif, et selon l’Évangile le degré d’ornement (de parure) : ici l’âme doit changer sa prière vocale en prière active et le désir en l’œuvre même ; et lorsque l’âme s’ornera (se parera) dans ce plus haut et grand degré, c’est-à-dire qu’elle se transformera dans la vraie image de Christ, et, après l’épreuve que Dieu emploiera pour elle, paraîtra réellement transformée (transmutée, transsubstantiée), non devant soi, mais devant Dieu, et, selon l’Évangile, qu’elle se trouvera habillée de la robe nuptiale, alors, n’ayant plus besoin ni de prier ni de penser aux vertus, pas même de se faire des efforts pour toute bonne œuvre, ou de s’occuper de soi, car une telle âme les transforme non seulement en ses œuvres, pensées, désirs et paroles, mais même dans sa respiration, dans sa nature, alors elle passe au dernier et au plus élevé degré de l’introversion, et, selon l’Évangile, de célébration, où sans aucun effort ni aucune habitude, dans l’inaction (la privation de la parole) (l’immobilité) mais par l’attiration de Dieu même, l’âme se coule en lui avec une facilité inconcevable et une extase ravissante ; elle s’unit à lui et célèbre en lui d’une manière qui est au-dessus des sens et de la conception. Plusieurs âmes s’appliquent à cette importante et mystérieuse introversion d’une manière violente et étudiée, ne s’étant pas perfectionnées et n’ayant pas été réellement dans le second degré. Elles ne font que dissiper le temps en se faisant une science de cela, et s’empêchent à elles-mêmes d’avoir soin de l’Habit Nuptial, c’est-à-dire, de la Mansuétude, de l’Amour, de la Patience, et de la profonde Abnégation chrétienne. Quoiqu’il leur soit donné quelquefois du succès, mais seulement afin de subir le sort de celui qu’on a chassé des Noces.

À vous soit Gloire, Jésus ! qui avez fait voir cela par votre Grâce, Amen, Amen, Amen !

 

 

Fin des Opuscules.

 

 

 

 

 

ADDITIONS.

 

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Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres (francs).

Jean, ch. 8. v. 36.

 

 

 

 

 

 

 

QUELQUES AVIS HISTORIQUES

SUR LES F. M.

 

Personne de ceux qui croient en Dieu et en sa sainte Parole n’aura aucun doute de ce qu’Adam, notre père commun, n’ait reçu immédiatement de Dieu la plus haute sagesse et la connaissance de Dieu, de la Nature et de toutes les choses créées. L’Écriture sainte, qui est pour le croyant un témoignage non mensonger, le persuadera de tout cela, comme aussi de ce qu’Adam, d’après sa parfaite connaissance de toute la Nature et de tous les êtres, sut donner à chaque créature un tel nom qui tenait parfaitement avec toutes leurs qualités extérieures et intérieures. Et quoiqu’après la funeste chute cette connaissance se soit beaucoup affaiblie, Dieu cependant se servit des saints Anges pour la renouveler en lui, afin qu’elle ne puisse se détruire entièrement. Ce sont ces esprits bienfaisants qui furent ses curateurs, ainsi qu’un certain fameux écrivain les appelle avec beaucoup de raison 5. Il n’est pas moins digne de foi que ce Patriarche n’ait enseigné à ses enfants ces hautes connaissances reçues de Dieu, perdues pour la plupart par la chute, et enseignées de nouveau par ces esprits purs. On connaît les colonnes de Sethos, sur lesquelles il a représenté les sciences qu’il avait apprises de son Père. L’historien Josèphe 6 raconte qu’il a vu encor une de ces colonnes. Et cela n’est point aussi incertain que le pensent quelques savants, qui s’imaginent que les lettres n’étaient pas encore inventées dans ce temps-là, ce qui est une pure fausseté, ainsi que le prouvent des hommes très savants, lesquels attribuent cet art et son invention à Adam même 7. Énoch, qui fut aussi un héritier de l’Érudition patriarcale, fut nommé par les Arabes Adris, c’est-à-dire, Maître en sciences occultes ; on le prend communément pour le premier Hermès, parce que ce nom signifie la même chose en grec.

Le secret de la pierre 8 fut donc communiqué par Adam à ses enfants ; et c’est par le moyen de cette médecine universelle que les premiers hommes parvinrent à un âge aussi avancé ; mais ayant abusé de ce don du Très-haut, Noé ne le communiqua qu’à l’un de ces fils, et bientôt cette science ne fut plus connue que d’un petit nombre d’hommes, que l’on appela Sages : ceux-ci gardèrent de grandes précautions par rapport à ceux qu’ils s’associèrent. L’on appelait cette association, initiation, chez les Égyptiens : c’était pour décrire les mystères de cette science qu’ils employaient les hiéroglyphes ; et c’était pour s’en instruire que les sages venaient en Égypte de toutes les parties du monde : les serments les plus solennels étaient les garants du secret de ces sages, qui ne craignaient point de perdre la vie plutôt que de les violer. Mais tous ne tirèrent pas un usage salutaire de leurs lumières ; plus d’un Orphée, après avoir pénétré les profondeurs de cette science, perdirent Eurydice, pour l’avoir voulu retirer des enfers par une autre méthode que celle que leur avait donnée les maîtres figurés par Pluton. Salomon est un de ceux qui aient le mieux connu notre art, et de son temps il y eut beaucoup de philosophes en Judée. Ils firent entre eux une association sur le modèle de celle d’Égypte, et ils figurèrent l’œuvre par la construction du Temple de Salomon : cette association s’est perpétuée jusqu’à nous sous le nom de Francs-Maçons ; c’est avec justice qu’ils se vantent de tirer leur origine du temps de la construction du temple.

Dans leur origine, tous les Francs-Maçons furent philosophes ; examinez la fin qui leur était proposée ; une union dont le but était le bien public et l’exercice de la charité : ils n’en ont pas d’autres. Mais les choses ont bien changé depuis leur origine ; leurs maîtres, reconnaissant avec douleur qu’en augmentant leur nombre ils ne multipliaient pas les sages, résolurent de se renfermer dans des bornes plus étroites. On laissa aux Francs-Maçons leurs signes et leurs cérémonies mystérieuses, mais on cessa peu à peu de leur en donner la clef : et bientôt tout le corps entier ne connut plus ce que signifiaient leurs usages, qu’ils ont pourtant toujours conservés ; et l’expérience a fait voir combien leurs pères ont agi sagement en retirant ce secret. Ces assemblées, qui dans leur origine se tenaient pour se communiquer mutuellement leurs lumières et agiter de quelle manière on pouvait procurer le bien public, sont devenues des orgies ; on a reçu sans choix, et souvent par des vues sordides, les hommes les plus dépravés, et souvent l’on n’a d’autre vue, en se faisant Franc-Maçon, qu’une curiosité puérile. Quoi qu’il en soit, il est encore de vrais Francs-Maçons ; mais le nombre en est fort petit, parce qu’il se trouve peu d’hommes dignes de l’être.

 

*

*     *

 

Il y a certainement une Confraternité qui n’est point connue et qui se tient cachée, parce que la foule n’est point jugée digne de la connaître. Ces frères se trouvent plantés dans une certaine partie de ce monde visible comme dans un Paradis extérieur, où ils font et achèvent de grandes et étonnantes merveilles ; car ils sont les maîtres des Trésors du Règne minéral. Ces merveilles se conservent pour une Grande Œuvre qui sera manifestée dans son temps et son heure, ce qui arrivera lorsqu’il s’élèvera une race qui est née pour une partie plus épurée ou plus élevée de la philosophie divine, et laquelle croît et s’enseigne dans l’École du St Esprit dans la foi spirituelle ou dans la foi de l’Esprit, laquelle (foi) est le grain ou la semence duquel peut naître ce corps spirituel, semblable à la similitude de Christ, exprimée dans son apparition après la Résurrection.

 

 

 

 

 

 

EXTRAIT

 

d e

 

L’Épître pastorale aux vrais et loyals F. M. de l’ancien Système. 5785.

 

Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre !

 

Jésus est Dieu – ces trois mots composent notre épître pastorale. La lumière du monde intérieur est la splendeur (réverbération) de Jésus, de même que Jésus est la splendeur du père de toutes choses. Le monde intérieur a engendré l’extérieur. Par conséquent leur analogie est intime et grande. Le passage de l’intérieur au supérieur se fait par les substances moyennes. L’humanité glorifiée de Jésus est la première de ces substances à compter d’en haut, de même que la lumière de la Nature à commencer d’en bas. La réunion des deux, suivie du Règne de l’esprit de Dieu, est le but de la régénération, et celle-ci est le chemin pour acquérir le joyau de la Nature extérieure. –

 

 

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Là, où Jésus n’est point la base, la pierre angulaire, le fondement, le but, l’A et l’O, le premier et le dernier de toute la science ; où l’on ne cherche en premier lieu à acquérir le royaume de Dieu ; où l’on ne compte point avec Paul pour l’amour de Jésus, tout ce qui n’est point Jésus, quand cela serait le plus grand trésor de la Nature, pour de la boue ; bref ! où tout n’est point animé, ne commence, ne continue et n’est point achevé par l’esprit du crucifié, l’esprit du fondateur de L’ÉCOLE DE LA CROIX, là il n’y a point de véritable Ordre de Jésus, et vous pouvez croire fermement que vous vous trouvez sur le chemin de l’erreur, que vous voguez parmi de dangereux rochers (cachés sous l’eau), et que vous n’atteindrez jamais le port du repos et de l’accomplissement. Au contraire, quelle douceur, quelle félicité se conserve pour vous dans la véritable contrée promise ! Combien tranquilles, comme elles respirent la paix, combien claires et pures sont les eaux dans le port ! Dans quelle douceur, avec quel agrément et quelle tranquillité, en se prenant par les mains, les pèlerins qui y sont arrivés passent-ils leurs derniers jours, enrichis des biens de la Nature et de la Grâce ! Combien excellentes, aimables, combien ravissantes sont les joies de l’Éden rendues de ce séjour paradisique de jouissance que le péché nous avait fermé jadis. Ah ! quel mortel pourra exprimer l’agrément, la richesse et la surabondance de la lumière, de la vérité et de la vie qui sont renfermées dans l’intérieur de ce sanctuaire ? C’est ici, ô enfants, c’est ici que sont entrés déjà, conduits par la main de Jésus, les pères qui vous aiment ; c’est d’ici qu’ils vous tendent leurs bras tremblants, qu’ils ouvrent devant vous leur sein paternel, et qu’ils travaillent infatigablement à votre bien-être. Ce sont eux (qui sont ceux) que le Chimiste Supérieur a choisis pour être des canaux, des teintures moyennes, par lesquelles, comme Chef de son Église invisible, il veut répandre même sur vous son royaume intérieur de lumière, et avant que l’âge d’or ne commence à luire dans l’extérieur, il veut le rétablir intérieurement, dans son petit peuple élu, afin de délivrer de la malédiction le royaume même de la Nature et le ramener dans le point de soleil. Chers frères, ici nous venons de vous dire encore inopinément un mystère que l’on ne devait pas confier au papier sans voile. Mais de quoi l’amour paternel n’est-il point capable, si le bien de ses fils bien-aimés l’exige ?

 

 

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Sans doute que Jésus a aussi, outre l’Ordre, des moyens d’augmenter son troupeau secret de quelques brebis fatiguées et chargées, ainsi que nous le voyons journellement à notre sincère contentement, que, dans toutes les parties de la religion chrétienne, et même parmi toutes sortes de races d’hommes, il se trouve des gens que le Seigneur sépare pour soi et les rassemble dans sa bergerie. Cependant, excepté ceci, que l’éternel architecte a de grands et mystérieux desseins avec l’ordre, les dignes membres de cet ordre jouissent de privilèges infinis en comparaison de la foule des profanes ; ils jouissent d’un tel privilège principal que, par le moyen de la doctrine secrète de l’ordre, ils acquièrent des preuves sensitives des mystères, que ceux qui ne sont point dans l’ordre ne peuvent voir que des yeux de la foi ; ils acquièrent des démonstrations qui s’étendent sur toute (la nature) et par toute la nature ; et sont tellement palpables, qu’elles ne paraissent point claires et nécessiteuses seulement pour ceux que Dieu a livrés à un sens dépravé. Combien grande est déjà pour vous la charité Divine, même dans cela, qu’en menant par la main les pères, il vous donne à vous le pouvoir de réparer jusques dans la nature corporelle la malédiction qui est provenue par la chute ; de retourner le mystère caché dans l’intérieur, de produire la lumière des ténèbres, et de préparer par le moyen de la régénération Philosophale une substance parfaitement paradisique, laquelle, par cela même qu’elle est paradisique, possède la vertu de conserver le corps animal dans une santé perpétuelle, et de la lui rendre, s’il venait à la perdre ; une substance qui a la capacité de délivrer du fardeau de la pauvreté extérieure, qui sert d’obstacle à plusieurs âmes qui ont de la bonne volonté. Cette charité, cette prérogative sont d’une dignité presqu’inappréciable, de manière qu’étant entre les mains de plusieurs profanes qui marchent déjà à la lisière de la Grâce, elles leur auraient apportées souvent un grand bien.

 

 

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Ou mourir avec Christ et ressusciter en lui, ou bien être rejeté dans les ténèbres extérieures : l’un des deux est notre sort immanquable. Il n’y a pas, entre ces deux états, ni de troisième ni de moyen. Tout ou rien, la vie ou la mort, la lumière ou les ténèbres sont deux extrémités présentées à notre choix. Quoiqu’il se trouve sans contredit dans les contrées de l’éternité des degrés de purification au moyen desquels sont frayés (pratiqués) des voies de l’une à l’autre des extrémités, cependant ces degrés ne serviront qu’à nous affermir dans l’une de ces extrémités pour de longues éternités. Ce que nous ne sentirons pas en nous des mérites de Jésus substantiellement, ce que nous n’éprouverons point dans nos propres âmes, tout cela ne nous appartient pas, tout cela est une chose qui se passe hors de nous, étrangère à notre cœur. L’Esprit de Jésus lui-même doit prononcer en nous substantiellement ces paroles consolantes : Ose, enfant ! tes péchés te sont remis. Ce n’est qu’alors, chers frères, ce n’est qu’alors que nous commençons à être chrétiens, et que nous nous approchons avec d’autant plus de courage de Jésus, afin d’en jouir. Le seul savoir sans l’accomplissement, aussi élevé qu’il soit, n’aide en rien ; car celui qui se croit être quelque chose à cause de ses connaissances, n’étant en effet rien, Gal. VI, 3, ne sait pas encore comment il doit savoir. Sans doute qu’il faut que ce savoir ouvre la voie ; cependant il sert uniquement à nous enseigner ce que nous devons faire et accomplir. Il est incontestable que Satan en sait plus que tous les hommes ensemble qui ne sont point regénérés, cependant tout cela ne lui rend pas son état d’ange. C’est ici qu’a lieu ce qui a été dit quelque part par l’apôtre : Aimer le Christ, c’est-à-dire, non seulement le connaître, mais le tenir fermement avec la magie de son âme ou son désir, l’embrasser, et en jouir substantiellement, vaut mieux que tout savoir. Voilà l’unique leçon, l’unique savoir, l’unique nécessaire pour nos âmes éloignées de la vie de Dieu, c’est-à-dire, le Christ en nous. Il n’y a aussi qu’une seule voie vers ce but, sans contredit étroit, mais vrai, non trompeur, savoir la mort et l’abnégation de tout ce qui n’est point Christ. Mais si nous possédons déjà le Christ, alors les plus hautes connaissances même ne seront que des jeux et des amusements.

 

 

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CE QUE C’EST QU’ETRE CHRÉTIEN ET APPARTENIR À L’ÉGLISE OU L’ÉPOUSE DE L’AGNEAU.

 

 

D. Qu’est-ce qu’être Chrétien ?

R. C’est être enfant de Dieu.

D. À quoi distingue-t-on les Enfants de Dieu ?

R. C’est que ceux qui sont Enfants de Dieu sont mus et poussés par son Esprit.

D. Comment cet Esprit les pousse-t-il ?

R. C’est qu’il habite en eux.

D. Comment habite-t-il en eux ?

R. C’est qu’ils sont séparés de tout ce qui n’est pas Dieu : et lorsqu’ils sont renoncés et vides de tout le créé, Dieu habite en eux.

D. Quel est le moyen dont Dieu se sert et celui qui est le plus prochain ?

R. C’est la désappropriation.

D. Qu’est-ce que la désappropriation ?

R. C’est soumettre son esprit par une foi simple, et perdre sa volonté dans celle de Dieu.

D. Comment me prouverez-vous que le S. Esprit habite dans celui qui n’a plus de volonté propre ?

R. Qui n’a plus de volonté fait toujours la volonté de Dieu.

D. Cela ne dit pas que Dieu habite dans l’âme qui fait sa volonté ?

R. Jésus-Christ n’a-t-il pas dit : Si quelqu’un fait ma volonté 9, mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, nous habiterons en lui ? Or celui en qui Dieu habite est mû par l’esprit de Dieu.

D. Pourquoi cela ?

R. Parce qu’étant Dieu, il faut qu’il commande en Souverain dans un cœur où il habite.

D. N’habite-t-il pas également dans tous les hommes ?

R. Il y habite par son essence ; mais il n’y commande pas il n’y règne point par son amour.

D. Pourquoi ?

R. C’est que les hommes étant libres et voulant disposer de leur liberté, ils la révoltent contre Dieu, loin de la lui soumettre ; et Dieu n’y peut habiter par son amour.

D. Dieu demeure donc partout où il trouve son amour ?

R. Oui. Car 10 celui qui est en charité, demeure en Dieu, et Dieu en lui.

D. L’amour de Dieu est donc absolument nécessaire ?

R. Oui : et c’est cet Unique Nécessaire.

D. Comment ?

R. C’est que c’est le plus grand commandement, et qui renferme tous les autres.

D. Expliquez-vous.

R. N’est-il pas dit d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, etc. ? C’est là l’aimer à l’exclusion de tout le reste.

D. Ne faut-il pas nous aimer ?

R. Non : il faut nous haïr, selon Jésus-Christ, aimant Dieu à l’exclusion du moi : et c’est accomplir la Loi et les Prophètes.

D. N’y a-t-il pas une seconde partie dans ce commandement de la charité ?

R. Oui : c’est d’aimer le prochain comme soi-même. Celui qui demeure en charité aime son frère.

D. Comment ?

R. Si nous étions tous en charité, nous serions en Dieu : Dieu en un Être qui rappelle et réunit toutes choses en soi.

D. Qu’est-ce qu’aimer Dieu de tout son cœur ?

R. C’est donner tout notre cœur à Dieu, et le donner si totalement que nous n’en réservions rien pour nous-mêmes ni pour aucune créature. Si l’on dit qu’il faut aimer le prochain, c’est en Dieu et pour Dieu, et de cet amour que Dieu opère lui-même dans les cœurs où il habite.

Aimer Dieu DE TOUTE SON ÂME, c’est l’aimer de toute la totalité de nous-mêmes sans retour sur soi, lui abandonnant notre âme pour en faire ce qu’il lui plaira pour le temps et pour l’éternité.

L’aimer DE TOUT NOTRE ESPRIT, c’est soumettre notre Raison et toutes les lumières de notre esprit à la foi en Dieu, Auteur et Modérateur de notre esprit.

L’aimer DE TOUTES NOS FORCES, c’est réunir toutes les forces de notre âme en Dieu par un recueillement d’unité.

D. Pourquoi y a-t-il tant de divisions dans le monde ?

R. C’est que ceux qui sont du monde ne sont pas en charité.

D. À quoi connaît-on cela ?

R. À la motion intérieure. Ceux qui sont mus de Dieu sont enfants de Dieu 11.

D. Mais ceux qui ne sont point poussés de Dieu, de quel esprit sont-ils poussés ?

R. De celui du Démon, qui leur fait faire avec empire tout ce qu’il lui plaît, et les entraîne dans la corruption : au lieu que ceux qui sont mus de Dieu sont mus pour toute sorte de biens ; c’est, selon l’Écriture 12, une race choisie, une nation sainte, qui n’est qu’obéissance et qu’amour. Ainsi vous voyez que la perte de la volonté en Dieu, qui opère l’amour, est la source de tous biens ; au lieu que la propre volonté est la source de tous maux, puisque le Diable en est le moteur.

D. Qu’est-ce que l’Église ?

R. C’est l’assemblée de tous les fidèles Chrétiens.

D. Je vois cependant dans les Églises des personnes impies et criminelles. Composent-elles l’Église ?

R. Non : elles sont dans l’Église 13, sans appartenir à l’Église.

D. Comment ?

R. C’est que pour être enfants de l’Église, il faut être poussé comme elle par le S. Esprit. Celui qui ne se laisse pas mouvoir à l’Esprit Saint dégénère de la qualité d’enfant de Dieu et de l’Église, qui ne doit agir que par le S. Esprit.

D. L’Église n’est donc pas ce tumulte effroyable de Gens qui se défruitent et se combattent les uns les autres ?

R. Nullement. L’Église 14 est une, sainte, tranquille, composée d’âmes simples, qui écoutent, comme leur mère, en silence la motion du S. Esprit, afin de suivre sa sainte volonté en toutes choses.

 

 

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NOTE DU FR. C...

 

Concernant la pièce No 1 de ses opuscules, qui n’a pas pu être imprimée avant.

 

En prenant le mot extase (transport) dans le sens que l’homme se trouve dans ce moment comme arraché du dedans de soi-même, et enlevé dans l’empyrée, je ne peux pas dire qu’il en ait été ainsi avec moi dans la visitation de l’esprit Divin (S. Esprit), lorsqu’elle arriva ; car elle se passa de la manière suivante : je me lève communément le matin dans le temps que personne dans ma maison ne se lève encore point : cela se fait deux heures avant le lever du soleil. Un jour, précisément dans le temps que je faisais ma prière, quelqu’un m’excita à essayer, par mes différents mouvements spirituels et leur direction dans la foi sur des sujets invisibles des mondes intérieurs, si je ne pouvais pas voir en Effet les mêmes choses que j’avais vues çà et là dans les seules descriptions décrites par la plume d’un auteur. Je reçus cette idée comme la plus aimable convive, et dès le même instant, me trouvant dans le plus profond état sabbatique, je commençai à faire des mouvements convulsifs. Les cieux sanglotaient en me voyant dans cet état ! Lequel se termina après une demi-heure de temps par une blessure que je fis à ma conscience, avec un péché nouveau et digne de mes larmes comme de celles de mes frères. Il ne faisait pas encore jour lorsqu’après cela je me jetai sur un canapé, et commençai à me repentir avec larmes de ce que je faisais. Dans cette repentance je me représentai mon ignominie, et me reprochais d’avoir osé chercher à obtenir une chose sainte (sainteté) qu’il est défendu de jeter aux chiens. Plus j’apercevais mon extrême impureté, plus je m’humiliais, me repentais, et m’exposais aux punitions de la conscience, plus je commençais à sentir tout à coup qu’il descendait sur moi une chaleur bonne, débonnaire, paisible, et indiciblement douce : à mesure de son augmentation elle produisait en moi un certain redressement spirituel, et plus je me redressais, m’humiliais et m’étendais, ou comme je descendais de ma spiralité ou de ma tordure, plus je me sentais réchaussé. À la fin il me semble que je m’étendis entièrement jusqu’à la simplicité d’un enfant, dans laquelle je ne sentis du tout plus ni de repentir, ni d’horreur pour moi, en un mot, je ne sentais plus rien que la plus sublime simplicité et humilité, qui ne peuvent être rendues par aucune expression. Dans cet état, cette chaleur se répandit sur moi d’une telle façon que, me trouvant dans un parfait éveil, je sentais très vivement comment elle attira en soi la chaleur de la vie corporelle, l’engloutit, et la rendit sensible, vivante et vigilante en soi et de soi. Ici mon discours doit cesser : car il est impossible de décrire dans quelle situation harmonieuse et l’on peut dire immortelle de mon corps je me trouvais, car il paraît que dans une pareil état l’on ne peut ni mourir, ni être endommagé ; je dirais seulement que par là il m’a été montré, par la plus sublime révélation spirituelle, comment la mort est engloutie par la vie et les ténèbres par la lumière, et comment la corruption se revêt de l’incorruptibilité ; au reste, que le Seigneur donne l’entendement au lecteur. Après avoir balbutié ainsi sur l’état corporel et sur sa chaleur, que dirais-je et que dois-je dire de mon esprit : lequel, par sa pénétration, sa connaissance vivante de certaines choses, etc., etc., surpasse mon savoir à le représenter ? C’est dans cet état, qui me parut être un demi-éveil, que se passa tout ce qui a été dit dans la pièce No 1, et lorsque j’étais devant la porte et l’aile, il se faisait en mon esprit comme une gravure des vérités dont, par mon impureté, je n’ai pu montrer qu’une ombre. Amen !

 

Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus.

 

 

 

 

  I   N.

 

 

 

 

 



1 C’est-à-dire qu’il n’y a point d’essence mauvaise essentiellement, car tout est produit par le même et du même bon principe, unique créateur de toutes les existences.

2 C’est-à-dire que l’essence dont il est fait est bonne puisqu’elle est vraie et sortie de la main de la vérité.

3 C’est-à-dire à ceux qui, en s’abandonnant avec une entière confiance Dieu, sont devenus assez purs pour recevoir sa Lumière selon le degré d’un chacun.

4 Ainsi qu’un soleil peint sur un tableau, lequel, quoique vous le voyez, mais ne participant pas à son influation balsamique, vous ne pouvez pas dire ce qu’il est par sa vertu ; et il paraît que là on connaît les choses, non par ce qu’elles paraissent être, mais par ce qu’elles sont réellement.

5 Philalèthe, dans son antiquité de la Magie.

6 Lib I. antiq. Judaicar.

7  Vid. Reimanus Hist. leterat. ante. deluv. Sect. I. N. 35. pag. 29.

8 Il n’y a que celui qui jouit de ce joyau avec les sentiments et les mœurs de Jésus sans lesquelles N.B. cette jouissance ne se donne point qui peut être appelé même en cette vie un véritable homme, semblable par ses connaissances et ses vertus à Adam dans le Paradis : car ce n’est que par une Régénération Philosophale que s’opère une substance parfaitement paradisique, qui donne les connaissances et les vertus du Paradis. Note de l’Éditeur.

9 Jean 14, v. 27.

10 I Jean, 4, v. 16.

11 Rom. 8, v. 14.

12 I Pier. 2, v. 9. Eccli. 3, v. 1.

13 Dans cette Église de laquelle il est dit dans Évangile : Beaucoup sont appelés, Matth. 20, v. 16.

14 De celle dont il est dit : Peu sont élus ; à savoir ceux qui correspondent fidèlement à leur appel ; et à qui S. Paul donne le nom d’Église des premiers-nés qui sont écrits dans le ciel : ECCLESIAMprimitivorum, qui conscripti sunt in caelis. Hébr. 12, v. 23.

 

 

 

 

 

 

 

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