Jeanne-Marie Guyon

(1648-1717)

 

Notice biographique extraite de  :

Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.

 

 

 

 

Jeanne-Marie Guyon naquit à Montargis, d’un père maître des requêtes, Claude Bouvier, seigneur de la Motte Vergonville. À quinze ans, on la maria à Jacques Guyon. De cette union, qui fut peu réussie, elle eut cinq enfants dont trois survécurent. Accablée par de tels malheurs et défigurée par la petite vérole, on comprend que Mme Guyon se soit réfugiée de bonne heure dans l’étude des ouvrages pieux.

Quiétiste, elle appartient à la lignée des spirituels du XVIIe siècle qui, sous l’influence de Saint François de Sales, de Malaval et de Molinos, s’opposent à la conception d’une Église traditionnelle et hiérarchisée. Ses traités – Le Moyen court, Le Cantique des cantiques et Les Torrents spirituels – enseignent la haine de la propriété, une vive méfiance à l’égard de la science, de la théologie abstraite et des dogmes tout faits. Par contre, ils prônent « l’amour pur », c’est-à-dire l’abandon total de soi à Dieu au point de supprimer le raisonnement et la prière. Humilité, passivité, sont les moyens d’accéder à la contemplation du visage divin dans la quiétude.

Dès 1671, Mme Guyon répand ses idées au cours de conférences données à Marseille, à Gênes et à Turin. Mais la police ne tarde pas à la faire enfermer au couvent de la Visitation. Sa rencontre avec Fénelon, qui subira fortement son ascendant, eut lieu en 1688. « Leur sublime s’amalgama », comme le dit plaisamment Saint-Simon. Mais leur amitié devait être mise à rude épreuve au cours des nombreuses attaques dont Mme Guyon sera l’objet. Ses écrits lui paraissent tellement irréprochables qu’elle les soumet de bonne foi au jugement de Bossuet. Celui-ci les examine dès 1694, au cours des conférences d’Issy, et en profite pour charger leur auteur de toutes les erreurs du quiétisme. Fénelon prend aussitôt fait et cause pour son amie. Ainsi débute la grande querelle qui met aux prises l’évêque de Meaux et l’archevêque de Cambrai et qui se termine par la défaite de ce dernier en 1699, date à laquelle Rome condamne les Maximes des Saints.

Pendant ce temps, Mme Guyon ne cesse d’être poursuivie ou enfermée : à Vincennes, au couvent de Vaugirard, et enfin à la Bastille, dont elle ne sortira qu’en 1702.

Pour exhorter ses disciples, la « Mère de la petite Église » a composé des oraisons en vers, poèmes qui allient bizarrement la ferveur religieuse à une phraséologie quasi amoureuse, assez proche de celle des béguines du XIIIe siècle.

Le fréquent appel au « petit amant », la fanatique volonté d’être châtiée et brûlée par son feu régénérateur, finissent par créer une atmosphère mystico-charnelle dont la violence ne laisse pas de troubler. Sellière n’a peut-être pas tort de voir en Mme Guyon « l’ancêtre de la morale moderne érotico-affective ». Pareil état d’esprit n’incite guère l’auteur à la recherche de l’harmonie et à l’épuration du style. Mais au moment où l’extase devant Dieu se mue en inspiration, elle donne parfois naissance à des strophes incandescentes ou cristallines.

En raison de leur caractère, les quatre tomes des Poésies et Cantiques spirituels de Mme Guyon ont été publiés en Allemagne. Comme il est pratiquement impossible de se les procurer en France, il est intéressant de reproduire certains poèmes qui m’ont frappée et ceux qu’a choisis Jean Rousset pour son excellente Anthologie de la poésie baroque en France.

 

OEUVRES : Poésies et cantiques spirituels sur divers sujets qui regardent la vie spirituelle ou l’esprit du vrai christianisme, Cologne, J. de la Pierre, 1722, 4 t. en 2 vol. Œuvres complètes de Madame Guyon, publiées par Du Toit-Mambrini, s.l.n.é., 1790, 40 vol.; in Anthologie de la poésie baroque en France, par Jean Rousset, Paris, Colin, 1961.

 

 

 

 

 

 

 

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