Sous le régime des Soviets

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

l’adjudant Matti PAJONEN, de l’armée finlandaise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DE mon métier, je suis professeur. Fin novembre 1939, je revenais de vacances, car la rentrée des classes devait commencer prochainement. Et ce, bien que tous nous eussions conscience de l’imminence du danger et de la situation désespérée de notre village en cas de guerre. Depuis quelques mois, nous vivions comme sur un volcan. Les dignes acolytes des dirigeants bolchevistes avaient pénétré jusque dans les forêts de Hyrsylae. Enlèvements, meurtres et autres atrocités s’étaient produits, dont on peut à peine se faire une idée dans le centre de la Finlande.

Nos appréhensions, auxquelles nous opposions toujours notre volonté de travail paisible, se réalisèrent malheureusement trop tôt. Le 29 novembre, la guerre éclata. Il ne fallait pas songer à défendre notre paroisse que sa situation rendait indéfendable. Plus de 1.400 des nôtres tombèrent aux mains des bolchevistes ; la soldatesque soviétique se rua au pillage, et notre bétail, notre blé, tous nos instruments de travail quotidien furent ravagés.

Les habitants furent rassemblés dans la cour de l’école pour être entassés ensuite dans un grand chariot. Les scènes de bestialité inouïe auxquelles les soldats de l’Est ont assisté se renouvelèrent alors ici : des malades et des vieillards furent frappés sans pitié, une femme et ses cinq enfants restèrent en arrière. Son frère avait été autrefois victime des bandes criminelles organisées dans la région frontalière. Lorsque les hommes du G. P. U. voulurent se saisir d’elle, elle se mit à frapper désespérément autour d’elle. Personne n’a plus entendu parler d’elle ni de ses enfants.

La randonnée de la mort commença. Par un froid de 40°, on nous fit voyager pendant trente heures dans une voiture ouverte, à travers la neige et la glace. Des enfants de quelques semaines moururent de froid. Rien n’avait pu les secourir, même pas les efforts désespérés de leurs mères qui les avaient pressés contre leur sein nu pour les réchauffer. Enfin, on nous fit entrer dans un ancien couvent.

Alors commença une vie d’exil sans merci. Pour notre travail de forçats, nous recevions juste de quoi acheter du pain fait avec de la farine d’escourgeon. De l’eau, du pain et du seigle, c’était là notre seule nourriture. Le corps enflait d’une façon terrible et beaucoup moururent de faim. Pourtant, on ne pouvait dire ce qui était pire, la lutte contre la faim ou la lutte contre la saleté et la vermine. Les poux du cloître avaient au moins deux centimètres et demi de long. Pour les tuer, il fallait se servir d’une pierre ou d’un objet dur.

L’intention des Soviets étaient de nous faire mourir en silence. On ne se souciait nullement de ce que nous faisions entre nous. C’est ainsi que, bien que n’étant pas prêtre, j’eus le réconfort de bénir ceux que la faim avait ravis à l’existence et de baptiser quatorze enfants nés en captivité. Chaque jour, nous nous rassemblions pendant quelques minutes de recueillement et de réflexion.

Nous étions tous étreints par l’incertitude du sort réservé à notre patrie. Néanmoins, nous n’avions pas perdu courage : le grondement de l’artillerie lourde finlandaise dans l’île Mantsi, sur le lac Ladoga, nous annonçait que la Finlande résistait. Puis la paix se rétablit. Ce fut seulement quelques mois plus tard que nous rejoignîmes notre pays natal. Quelques-uns seulement étaient restés en vie et, parmi ceux d’entre nous qui eurent la joie de revoir leur pays, beaucoup succombèrent encore par suite des mauvais traitements subis.

 

 

Matti PAJONEN, dans Des soldats européens

vous parlent de la Russie soviétique, s. d.

 

 

 

 

 

 

 

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