Le Paradis de la Reine sibylle

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Gaston PARIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est une figure singulière, intéressante et, par plus d’un côté, assez énigmatique que celle d’Antoine de la Sale, l’auteur aujourd’hui reconnu, non seulement de Jehan de Saintré, mais des Quinze joies de mariage et des Cent nouvelles nouvelles. Les contrastes abondent dans sa vie et dans son œuvre. Ce Provençal, un des premiers méridionaux qui se soient introduits dans la littérature française, a manié notre langue avec plus d’aisance que la plupart de ses contemporains : on jurerait que ses ouvrages appartiennent à la pure veine « gauloise » ; on y trouve même cet esprit « parisien », mélange d’observation acérée, d’ironie indulgente et d’expérience sceptique, qu’on voit se manifester à travers les siècles dans une série ininterrompue d’œuvres légères de forme, amères de fond. Cet homme grave, qui fut commandant militaire de Capoue, viguier d’Arles et premier maître d’hôtel de Philippe le Bon, qui remplit des ambassades et fit des éducations princières, a écrit des contes où la licence des détails égale l’ordinaire immoralité des thèmes. Ce commensal habituel des rois et des ducs a peint la vie bourgeoise avec une minutie, une exactitude et un relief surprenants. Ce célibataire a observé les dessous les plus intimes et les plus familiers de la vie conjugale avec une pénétration malicieuse qui ne peut se comparer qu’à celle d’un Balzac. Enfin, pour comble de contradiction, après avoir écrit dans son âge mûr, et sans doute dès sa jeunesse, des ouvrages d’un caractère sérieux et pédagogique où il n’a montré que fort peu de personnalité et de talent, il s’est mis, à plus de soixante ans, à composer des livres badins où il s’est révélé soudain comme un écrivain merveilleux et un impitoyable railleur, et c’est à soixante-quatorze ans, au moment de mourir, que, suivant toute apparence, il a terminé ce joyeux recueil des Cent nouvelles nouvelles, si longtemps, et bien à tort, attribué au roi Louis XI.

Ce n’est pas ici le lieu d’écrire une biographie d’Antoine de la Sale et une appréciation de son œuvre, tâche attrayante qui, je l’espère, trouvera bientôt quelqu’un pour la mener à bonne fin 1. C’est à un simple épisode de l’une et de l’autre que je veux m’attacher. Sans parler de son intérêt propre, cet épisode nous permet de relier le La Sale septuagénaire et jovial au La Sale plus jeune et plus sérieux. Si dans Jehan de Saintré on trouve un long intermède de caractère pédagogique qui nous rappelle assez ennuyeusement le gouverneur de princes qu’était l’auteur, on rencontre avec une surprise plus agréable dans la Salade une parenthèse qui nous fait pressentir, bien qu’il s’y montre moins alerte et beaucoup plus réservé, le conteur facétieux des derniers jours. Le Paradis de la reine Sibylle – jusqu’à ces derniers temps resté à peu près inconnu – nous montre même La Sale sous un nouvel aspect, celui du touriste en quête d’impressions rares et observateur attentif de la nature, et soulève en même temps des questions fort curieuses au sujet d’une des plus belles légendes du Moyen Âge, légende rajeunie en notre siècle, comme celles de Tristan, du Chevalier au cygne et de Perceval, par l’imitation créatrice de Wagner.

 

 

I

 

Antoine de la Sale écrivit la Salade entre 1438 et 1442. Il a composé ce livre pour l’éducation du jeune prince dont il était alors gouverneur et auquel il l’a dédié, Jean de Calabre, fils du roi René. C’est un ouvrage moral et historique, une sorte de compilation sans ordre et sans originalité 2, assez lourdement écrite. Le titre bizarre est une allusion au nom de l’auteur (il a écrit un livre du même genre qu’il a appelé la Salle), et en indique en même temps le caractère, « pour ce que en la salade se mettent plusieurs bonnes herbes ». La Salade est divisée en trente « livres », pour la plupart fort courts. Le quatrième, qui tranche par le ton avec les autres, est intitulé Du mont de la Sibylle et de son lac et des choses que j’y ai vues et ouï dire aux gens du pays  3. Nous n’avons à nous occuper que de celui-là.

Antoine de la Sale était âgé de trente-cinq ans, et depuis assez longtemps établi en Italie, quand il eut l’idée, au mois de mai 1420, d’aller visiter ce fameux mont et ce lac, dont il avait, « dès sa jeunesse, ouï parler en plusieurs manières ». On appelle encore aujourd’hui Monte della Sibilla un des sommets de l’Apennin central, et tout le petit groupe qui l’entoure, qui forme une sorte de promontoire dirigé de l’ouest à l’est, et dont le Vettore est la plus haute cime, en a reçu le nom de Monte Sibillini : le Monte della Sibilla est entre Norcia, sur le versant méditerranéen, et Ascoli, sur le versant adriatique, mais sensiblement plus près de Norcia. Non loin de là se trouve également le « lac de Pilate », qui n’attirait pas moins Antoine de la Sale, et dont il parle fort longuement. Le nom de ce lac se rattache aussi à une légende curieuse, mais entièrement étrangère à celle dont je m’occupe ici. Je ne parlerai pas non plus de la tradition, longtemps persistante, d’après laquelle les sorciers allaient faire consacrer leurs grimoires dans une « îlette » située au milieu de ce lac. Ni Pilate ni les nécromants n’ont rien à faire avec leur voisine la Sibylle. C’est d’elle seule que je veux présentement parler ; je ne prendrai, dans le récit d’Antoine de la Sale, que ce qui se rapporte à elle.

Antoine s’est tellement intéressé à son excursion qu’il en a dressé une carte et l’a jointe à son livre 4. On y voit le chemin qui, sur le mont escarpé en forme de pain de sucre, serpente depuis la base, en se bifurquant au milieu, jusqu’à la « couronne du mont », où se trouve l’entrée de la « cave » ; on y voit marqués, au pied et sur les flancs de la montagne, la petite ville fortifiée de Montemonaco et le village de Colino (lisez Collina). Quand on veut, comme l’a fait La Sale, gravir le mont par le versant adriatique, on passe en effet par Montemonaco et Collina. « Ce mont, dit notre voyageur, est très maigre et très pierreux du pied jusqu’environ la moitié, et de la moitié en haut sont tous prés les plus beaux et plaisants qu’on puisse imaginer, car tant y sont herbes et fleurs de toutes couleurs et étranges manières et si odorantes que c’est un très grand plaisir. » La Sale fit son ascension le 18 mai (qui correspondait à peu près à notre 1er juin) : c’est en effet le moment où dans les prairies alpestres s’épanouit par centaines cette merveilleuse flore qui fait un des plus grands enchantements de la montagne. Elle n’a pas seulement charmé les yeux du voyageur ; elle a éveillé en lui une curiosité presque scientifique : il décrit minutieusement deux fleurs, le centofoglie et le poliastro, que « les gens du pays serrent en leurs coffres à linge, et font sécher en poudre pour mettre en hiver dans leurs aliments en guise d’épices ». Il a même dessiné ces deux fleurs, et il a joint leur « pourtrait » à celui de la montagne elle-même. Chose singulière, ni les gens du pays, ni les botanistes les mieux renseignés sur la flore de cette région ne connaissent aujourd’hui le centofoglie, ni le poliastro, ni aucune fleur qui ressemble aux deux dessins du vieux livre 5. Il est cependant probable que La Sale, ici comme ailleurs, a été exact ; et d’autre part, comment ces fleurs indigènes ont-elles disparu de leur habitat ?

Des deux sentiers qui, encore aujourd’hui, mènent au haut du mont, Antoine prit celui de droite, plus long, mais plus aisé, et le suivit à pied, bien qu’à la rigueur un cheval eût pu le gravir (aujourd’hui les mulets y montent sans peine). Ce sentier atteint la crête du mont à « environ deux milles, qui sont deux tiers de lieue » ; la distance parut longue au bon La Sale, car elle n’est guère que d’un millier de pas ; mais il n’était pas à son aise : il n’avait certainement pas le pied montagnard ni l’oeil aguerri contre le vertige. « Si vous certifie, dit-il, qu’il ne faut point qu’il fasse vent, car on serait en très grand danger, et même sans vent fait-il grande hideur à voir la vallée de tous côtés, et souverainement à la main droite, car elle est si hideuse de raideur et de profondeur que c’est forte chose à croire. » Enfin il atteignit la « couronne du mont », qui est « entaillée » d’un côté, tout le reste, « à la hauteur de dix milles ou plus » (en réalité 2 175 mètres), étant « aussi droit comme un mur... En cette couronne sont deux passages pour monter au-dessus où est l’entrée de la cave, et je vous certifie que le meilleur de ces deux passages est suffisant à mettre peur au cœur qui peut avoir peur, et surtout à la descente, car si par malheur le pied échappait, aucune puissance que celle de Dieu ne vous pourrait empêcher d’être mis en cent mille pièces. Et de voir seulement la très grande hideur profonde il n’est cœur qui ne soit craintif. »

Cette « couronne du mont » a environ « vingt-cinq à trente toises de haut », et là est l’entrée de la caverne, « en forme d’un écu, aiguë dessus et large dessous. » On ne peut y entrer qu’à quatre pieds et à reculons. On arrive ainsi à une chambre qui a environ douze pieds en hauteur, et qui est entourée de bancs taillés dans le rocher. Cette chambre est faiblement éclairée par un trou rond qui se trouve au-dessus (à droite d’après le « pourtrait »).

Toutes ces observations doivent être justes, comme celles que l’on peut encore vérifier ; mais elles ne concordent plus avec l’état actuel des lieux. On entre aujourd’hui dans la « chambre » plus aisément ; le sol s’en est élevé, en sorte qu’elle a beaucoup moins de douze pieds de haut ; les bancs ont disparu, sans doute enfouis sous la terre ; le trou rond s’est bouché.

Antoine de la Salle n’alla pas plus loin ; il nous l’affirme à plusieurs reprises et ne veut pas surtout qu’on croie qu’il a pénétré dans le souterrain mystérieux dont il parle ensuite. Il s’est contenté d’écrire sur une des parois de la chambre sa devise avec son nom : il convient. DE LA SALE. On voudrait les y retrouver ; malheureusement la « moiteur de la roche », qui déjà de son temps avait « couvert » beaucoup de noms écrits avant le sien, a effacé aussi son inscription : en éclairant la chambre au magnésium, on ne lit sur les parois que quelques noms de visiteurs modernes, sauf un qui paraît remonter au XVIIe siècle.

Mais si La Sale s’est abstenu de pousser plus loin ses investigations, il nous a redit ce que les gens du pays lui racontèrent sur le prolongement de la « cave », et c’est la partie de son récit qui a le plus d’intérêt pour nous. À droite, dans la chambre en question se trouve l’entrée d’un couloir, entrée fort étroite, qu’on ne peut franchir qu’en se couchant et en se poussant les pieds les premiers. Où mène ce couloir ? Les gens de Montemonaco en racontent bien des choses ; « les uns s’en moquent, et autres y ajoutent foi, par l’ancien parler de la commune gent ».

Pour la première partie du voyage souterrain, il semble qu’on ait un témoignage assez digne de confiance. Peu avant l’arrivée de La Sale, cinq jeunes gens de Montemonaco, « par bonne compagnie, devisant des aventures de cette cave », s’engagèrent dans le couloir, munis de provisions, de lanternes et de cordes ; Antoine vit deux d’entre eux, qui lui rapportèrent que l’étroit couloir s’élargissait après « environ un bon trait d’arbalète », et qu’on y pouvait marcher debout et même deux ou trois de front. Après avoir descendu ainsi environ trois milles, ils trouvèrent « une veine de terre traversant la cave dont issait un vent si horrible et merveilleux qu’il n’y eut celui qui osât aller plus avant », et qu’ils revinrent sur leurs pas, renonçant à l’expédition qu’ils avaient entreprise « comme jeunesse fait souventes fois entreprendre les gens oiseux ».

Mais il y avait à Montemonaco un prêtre, « nommé Don Anton Fumato, c’est-à-dire Messire Antoine Fumé », qui assurait avoir poussé plus loin. Il disait que cette terrible « veine de vent » ne dure que quinze toises et n’est redoutable qu’en apparence. Après l’avoir franchie, on se trouve bientôt devant un pont très long, qui semble n’avoir pas un pied de large, et sous lequel, à une très grande profondeur, un torrent fait un si grand fracas qu’il semble que tout s’écroule. Mais dès qu’on a mis les deux pieds sur le pont, il se trouve assez large, et plus on avance, plus il s’élargit et plus le bruit de l’eau s’apaise. Au sortir du pont le chemin est large et uni ; après un peu de marche on voit des deux côtés du chemin deux dragons qui semblent en vie et dont les yeux jettent des flammes ; mais ils sont faits « artificialement » et inoffensifs. Quand on les a passés, on arrive sur « une petite placette carrée », devant deux portes de métal qui « jour et nuit battent sans cesse », si bien qu’il semble qu’on n’y pourrait passer sans être saisi et mis en morceaux. Don Anton Fumato n’alla pas plus loin. Quand il revint, il parla de l’entrée et de la « veine de vent » tout comme les premiers explorateurs, « ce qui donnait plus de foi dans les autres choses qu’il disait ». Malheureusement Don Anton Fumato « par lunaisons n’était mie en son bon sens, et en sa maladie allait et venait en plusieurs lieux et disait de merveilleuses choses », et cela nuisait un peu à l’autorité de son témoignage ; « toutefois l’affirmait-il quand il était dans son bon sens, et autrement il était prudhomme et de bonne conversation ». Il racontait même qu’il avait guidé un jour dans le souterrain deux Allemands, et que ceux-ci, arrivés aux portes de métal, jugeant que ce péril n'était pas plus réel que les autres, lui avaient dit de les attendre et qu’ils essaieraient de passer ; qu’ils avaient passé en effet sans encombre, mais qu’ils n’étaient pas revenus, en sorte que « de nulle chose qui soit au delà des portes de métal ne se trouve nul qui le sache, fors par commune renommée et par voix générale des gens du pays, qui en devisent à leurs volontés, et en disent des choses qui sont assez fors à croire, bien que je les aie entendu raconter en d’autres pays, mais non avec autant de détail ».

Voici donc ce que racontaient les gens du pays.

Il y eut jadis un chevalier, venu aussi des parties de l’Allemagne, « qui sont gens grandement voyageurs et cherchant les choses merveilleuses autant ou plus que nulles autres gens du monde », qui, ayant entendu parler des merveilles du mont de la Sibylle, résolut de les voir. Il entra donc avec son écuyer. – Ayant franchi les portes de métal, ils se trouvèrent devant une grande porte de cristal. Ils appelèrent, et on leur demanda qui ils étaient. Sur leur réponse, on alla prévenir « la reine », et bientôt on leur ouvrit la porte ; on leur fit d’abord changer leurs vêtements pour d’autres très riches ; puis, au son des instruments et des mélodies, on les conduisit, à travers des chambres, des salles, des jardins, plus beaux les uns que les autres et pleins de dames et de demoiselles, de chevaliers et d’écuyers noblement vêtus, jusqu’à la reine, qui les reçut assise sur un trône magnifique et leur fit le meilleur accueil, dans leur langue maternelle, – car la reine et tous les habitants du lieu, quand ils y ont passé trois cent trente jours, parlent toutes les langues du monde ; quand ils y ont passé neuf jours, ils les comprennent sans les parler.

Après avoir entendu le chevalier exprimer son admiration pour tout ce qu’il voyait, la reine lui dit :

« Il y a plus encore, c’est que nous serons en l’état où vous nous voyez tant que le monde durera.

– Et quand le monde finira, madame, que deviendrez-vous ?

– Nous deviendrons ce qui est ordonné ; n’essayez pas d’en rien savoir. »

Puis elle lui fit connaître les coutumes du pays : il pouvait rester huit jours et sortir le neuvième ; s’il ne sortait pas le neuvième, il lui faudrait attendre le trentième, puis le trois cent trentième, et s’il ne sortait pas au trois cent trentième, il ne sortirait jamais. Il devait, en outre, ainsi que son écuyer, – « qui de ce fut très content » – choisir une compagne parmi les dames qu’il voyait sans compagnon. Le chevalier prit le terme des neuf jours, mais ensuite il le prorogea au trentième, et ensuite au trois cent trentième, « car les plaisirs qu’il avait sans cesse étaient tels qu’un jour ne lui semblait pas une heure ». En effet, les habitants de ce « paradis » ne vieillissent pas et ne savent ce qu’est la douleur ; « chacun est servi de nourriture à l’appétit de son cœur ; ils ont des richesses en abondance, des plaisirs à souhait ; ils ne souffrent ni du froid ni du chaud ; enfin toutes les délices mondaines y sont telles que cœur ne saurait les imaginer ni langue les dire ».

Il y avait cependant à cette félicité une petite ombre. Tous les vendredis à minuit chacune des dames se levait d’auprès de son compagnon et se rendait auprès de la reine, et toutes ensemble allaient s’enfermer dans des chambres disposées pour cela, où elles étaient jusqu’après la minuit de samedi « en état de couleuvres et de serpents ». Il est vrai que le jour suivant « elles semblaient plus belles que jamais elles n’avaient été ». Mais cette transformation hebdomadaire donna fort à réfléchir à notre chevalier : « Il s’aperçut bien qu’il était certainement chez le diable », et se dit avec terreur qu’il vivait dans un horrible péché. Il en était au trois centième jour quand Dieu lui envoya cette salutaire pensée, et dès lors il ne songea plus qu’à s’en aller, et « ainsi comme auparavant un jour ne lui semblait pas une heure, maintenant une heure lui semblait dix jours ».

Il parla de ses remords à son écuyer, qui, lui, trouvait les plaisirs où il vivait « très durs à laisser », mais qui cependant ne voulut pas abandonner son maître, « en espérance d’y retourner quand il aurait conduit le chevalier en son hôtel ». Donc, le trois cent trentième jour venu, ils prirent congé de la reine, et, après avoir repris leurs vêtements, ils partirent, au milieu du grand deuil de tous les habitants du paradis et surtout de leurs « compagnes 6 ». On leur remit pour les éclairer dans leur route souterraine deux cierges allumés : ces cierges s’éteignirent dès que les voyageurs furent remontés au jour, « ni jamais plus ne les put-on allumer ».

Le chevalier s’en alla droit à Rome, ayant hâte de confesser son péché. Mais le pénitencier auquel il s’adressa lui déclara qu’il n’avait pas le pouvoir de l’absoudre d’une faute aussi abominable, et le renvoya au pape, qui était alors, selon les uns, le pape Innocent (VI), de l’an 1352, suivant les autres, le pape Urbain (V), de l’an 1362, ou encore le pape Urbain (VII), de l’an 1377. Le pape, ayant entendu la terrible histoire du chevalier, fut très joyeux de son repentir et se promit bien de lui accorder quelque jour son pardon ; mais, pour donner un exemple à tous, il feignit de trouver le péché irrémissible, et, montrant un grand courroux au pénitent, « il le chassa, comme homme perdu, de sa présence ».

Le pauvre chevalier se désolait ; un cardinal prit pitié de lui et lui promit de fléchir le pape. Mais les jours passaient, et l’absolution ne venait pas. Pendant ce temps, l’écuyer « ne cessait jour et nuit de regretter les grands biens qu’il avait laissés », et s’efforçait de décider son maître à retourner au « paradis » perdu. Enfin, il s’avisa d’une grande malice : il fit croire au chevalier qu’on avait secrètement instruit leur procès et qu’on les cherchait tous deux pour les faire mourir. Alors le chevalier, désespéré, retourna droit à la caverne ; avant d’y entrer, il dit à des pâtres qui gardaient leurs troupeaux sur le mont : « Mes amis, si vous entendez parler de gens qui cherchent un chevalier qui se repentait de son péché et auquel le pape n’a pas voulu pardonner, parce qu’il avait été dans cette cave de la reine Sibylle, dites que c’est moi, que, n’ayant pu recouvrer la vie de l’âme, je n’ai pas voulu perdre celle du corps, et que, si l’on veut me trouver, on me trouvera en la compagnie de cette reine. » Il leur remit une lettre, d’un contenu semblable, pour le capitaine de Montemonaco, et, tout pleurant, suivi de son écuyer qui ne pleurait pas, il entra dans la caverne, et jamais, depuis, on n’eut de leurs nouvelles.

Cependant le pape avait résolu d’accorder au chevalier l’absolution tant attendue. Quand il sut qu’il était parti de Rome, il fut très inquiet, « car s’il était parti, c’était par désespération, dont il se sentait très coupable ». Il envoya de tous côtés, notamment au Mont de la Sibylle, des messagers porteurs de lettres d’absolution ; mais ils ne purent qu’entendre le récit des pâtres et lire la lettre adressée au capitaine 7. Le pape « fut de cela si dolent qu’à peine se pourrait croire, car il en sentait sa conscience très grandement grevée, mais le repentir venait trop tard 8 ».

Parmi les noms de visiteurs écrits sur les parois de la chambre d’entrée, Antoine de la Sale remarqua celui d’un Allemand, « qui est écrit dans la roche comme ci-dessous est :

 

            Her Hans Wanbranbourg 9

            Intravit.

 

Mais, remarque La Sale, s’il dit qu’il est entré, il ne dit pas qu’il soit sorti ; « c’est pourquoi je crois que c’est le chevalier susdit ». Et au-dessous est « le nom d’un autre, qui me semble des parties de France ou d’Angleterre, selon le langage de son nom, qui s’appelle Thomin de Pons ou de Pous : je ne sais si la lettre à deux jambages est une n ou un u. Celui-là ne dit pas qu’il soit ni entré ni sorti ; personne ne sait si c’est l’écuyer du chevalier ou un autre. »

La Sale raconte encore l’histoire d’un seigneur gascon 10 qui, en 1380, était venu là-haut savoir des nouvelles de son frère, qu’il croyait avoir pénétré chez la Sibylle. Il nous rapporte ensuite qu’étant à Rome en 1422 il fut interrogé fort curieusement, par plusieurs seigneurs lorrains et bourguignons qui se trouvaient là, sur la caverne de la Sibylle, où ils s’imaginaient à tort qu’il avait pénétré. L’un d’eux, Gaucher de Ruppes, lui jura « sur sa bonne foi et l’ordre de chevalerie » qu’un oncle de son père affirmait y avoir été, et que dans la famille on était convaincu qu’il y était retourné : Antoine pourrait sans doute lui en donner de sûres nouvelles. « Auquel je répondis, et je répondrais à tous ceux qui soutiendraient telles choses, qu’il était mal informé ; et que ce n’était que fausse croyance à tous ceux qui y ajoutent foi, et qu’ils abandonnent le chemin de la vérité, et en ce je veux vivre et finir mes jours. »

La Sale justifie doctement son incrédulité en montrant que « toutes les écritures saintes, tant grecques que latines », ne parlent que de dix sibylles, et qu’aucune d’elles ne peut habiter la fameuse montagne. C’est le diable qui a mis cette fable en crédit « pour décevoir les simples gens » ; tout bon chrétien doit se garder de se laisser prendre à cette fausse croyance et surtout d’aller se « mettre en ce péril ».

Après cette protestation, – qui ne laisse pas de surprendre un peu chez le narrateur minutieux de l’aventure du chevalier allemand, – Antoine de la Sale termine d’un ton plus léger son livre du Paradis de la reine Sibylle :

« J’ai mis tout cela en écrit, mon très redouté seigneur, pour rire et passer le temps, et je vous l’envoie afin que, si c’est votre plaisir, quelque jour, disant vos heures, en attendant le dîner ou le souper, vous y alliez pour vous divertir, et je vous promets que la reine et toutes ses dames vous feront bon accueil et vous festoieront en très grande joie. »

 

 

II

 

Antoine de la Sale n’est pas le premier qui ait écrit sur les merveilles du Monte della Sibilla, mais il ne connaissait pas son prédécesseur.

En 1391, Andrea da Barberino composait l’étrange roman en prose intitulé Guerino il Meschino, œuvre dont le succès, qui nous étonne, n’a pas cessé, jusqu’à nos jours, d’être immense dans le peuple italien. L’auteur de ce roman a été le plus fécond « adaptateur » qui ait jamais existé : presque tout ce qui nous reste, imprimé ou encore inédit, d’histoires italiennes en prose empruntées plus ou moins directement à nos vieux poèmes français est sorti de son infatigable main. Le Guerino a-t-il aussi une source française ? On n’en a retrouvé aucune trace ; et je suis porté à croire que, pour cette fois, Andrea s’est essayé à voler de ses propres ailes, non sans les garnir de plumes empruntées de toutes parts : son roman, fort ennuyeux d’ailleurs, diffère beaucoup de ses autres écrits et présente des caractères qui semblent bien italiens. N’en retenons, et brièvement, que ce qui concerne notre sujet.

Guerino est, comme bien d’autres héros, à commencer par Télémaque, à la recherche de son père : on lui a dit que la Sibylle de Cumes, « qui ne doit mourir qu’à la fin du monde et qui sait toutes les choses présentes et passées », – c’est un souvenir évident de Virgile et des légendes antiques sur une sibylle immortelle, – pourrait lui en donner des nouvelles. Il apprend qu’elle fait depuis longtemps son séjour dans l’Apennin, et, pour aller chez elle, il se rend à Norcia : il prend donc le chemin opposé à celui que devait prendre Antoine de la Sale, le versant méditerranéen au lieu du versant adriatique. Les habitants de Norcia essaient de le dissuader de la redoutable aventure, en lui racontant, – notez ce trait, – que, « selon une écriture », un certain messire Lionel de France avait tâché de pénétrer dans la caverne, mais en avait été repoussé par un vent terrible (cela rappelle la « veine de vent » que n’osèrent pas franchir les explorateurs venus de Montemonaco) ; on parlait d’un autre homme qui y était allé, et n’était jamais revenu. Il persiste, s'engage dans la montagne, et, après avoir fait halte dans un château situé au pied du mont (c’est Castelluccio), arrive chez des ermites qui lui donnent de sages conseils. Il gravit des roches terribles, au-dessus de gouffres béants, en s’aidant plus des mains que des pieds, et parvient enfin à une caverne dans laquelle quatre ouvertures donnent accès. Il s’y enfonce, une chandelle à la main 11, et suit le souterrain jusqu’à une porte de métal, portant sur chacun de ses battants un démon peint qui paraît vivant, et qui tient une tablette avec cette inscription : « Qui entre par cette porte et ne sort pas au bout d’un an vivra jusqu’au jugement dernier, et alors sera damné. » Guerino frappe, et est admis auprès de la Sibylle et de ses demoiselles, qui attendaient son arrivée. Elle lui montre son palais et ses trésors, et son jardin, « pareil à un paradis », où sont mûrs ensemble les fruits de toutes les saisons, – preuve évidente pour Guerino qu’il s’agit là d’un sortilège. Ce qui est plus grave encore, c’est ce qu’il constate bientôt : le samedi, tous les habitants de cet empire prennent des formes de bêtes, de serpents ou de scorpions, et les gardent jusqu’au lundi à l’heure où le pape, à Rome, a terminé sa messe.

La Sibylle raconte à Guerino qu’elle est bien la Sibylle de Cumes, et qu’elle vivra jusqu’à la fin du monde ; mais elle ne l’éclaire pas sur l’origine et le caractère de sa puissance surnaturelle. Pendant un an, Guerino lutte d’adresse avec la Sibylle, celle-ci voulant l’amener à céder à ses désirs, lui, averti par les ermites, s’y refusant, et cherchant à lui arracher le secret dont la poursuite l’avait attiré chez elle. Ils échouent l’un et l’autre, et, le dernier jour de l’année, Guerino prend congé, reçoit les vêtements qu’il avait dépouillés à l’arrivée, et rentre dans le monde des humains. Il va remercier les ermites, repasse à Norcia, et s’empresse d’aller à Rome, où le pape l’absout de sa témérité en considération du but de son voyage et de sa résistance à la tentation.

Ce récit, visiblement arrangé dans un sens édifiant, a certainement pour base un conte plus ancien, qui est aussi le fondement de celui d’Antoine de la Sale. On y voit, comme le fait très bien remarquer M. Söderhjelm, la transition entre l’ancienne conception de la Sibylle et la transformation qu’elle a subie : la Sibylle est encore ici avant tout une voyante qui connaît les choses cachées, et c’était là sans doute la forme la plus ancienne de la légende, car cette légende n’est qu’une adaptation de l’épisode bien connu de l’Énéide, adaptation érudite 12, qui a fait transporter à cet endroit de l’Apennin la grotte de la Sibylle parce qu’on y voyait, – non loin d’un lac, – une caverne avec un prolongement mystérieux, comme celui qu’on montre encore au lac Averne. De là le nom de Monte della Sibilla, dont on ne peut malheureusement pas déterminer l’antiquité. Mais l’antre de la Sibylle semble être en même temps, dans Virgile 13, l’accès du monde souterrain : or, une croyance fort répandue, – était-elle italienne d’origine ? c’est ce qui reste à examiner, – plaçait sous terre, et spécialement dans une montagne, le royaume d’une déesse ou d’une fée, où ceux qui pouvaient y pénétrer jouissaient de toutes les délices. La Sibylle devint la reine d’un de ces « paradis », tout en restant d’abord avant tout la prophétesse qu’elle était ; puis peu à peu elle perdit cette qualité primitive et ne fut plus qu’une de ces créatures de séduction et de volupté dont l’image, depuis Calypso jusqu’à la Dame du lac, a rempli d’épouvante et d’enchantement les rêves des mortels.

On ne parle plus guère ensuite de notre « paradis ». Il faut cependant que la réputation s’en fût répandue en Allemagne, – on a vu que c’étaient surtout des Allemands qui passaient pour y avoir pénétré, – car on voit pendant le XVe siècle plus d’un Allemand s’en enquérir. Enea Silvio Piccolomini – le futur Pie II – fut un jour consulté par un Allemand, médecin du roi de Saxe, sur l’existence en Italie d’un « mont de Vénus » où l’on enseignait les arts magiques ; il répondit qu’il ne connaissait, en fait de mont dédié à Vénus, que le mont Éryx en Sicile ; quant à l’enseignement de la magie, il se rappelait qu’il y avait près de Norcia une caverne, où, disait-on, on pouvait converser avec les démons et se faire instruire dans la nécromancie. Enea ne dit pas que cet endroit s’appelât le mont de Vénus et ne paraît même pas connaître la légende de la Sibylle. Ce nom de « mont de Vénus » est, en effet, propre aux Allemands, qui le transportaient au mont de la Sibylle d’après une forme de la tradition que l’Italie n’a pas connue. En 1497, Arnold de Harff, patricien de Cologne, allant de Rome à Venise, se détournait de son chemin et entraînait ses compagnons de route à le suivre « parce que, dit-il, j’avais entendu parler d’un de ces monts de Vénus dont, dans notre pays, on raconte tant de merveilles ». Quand il exposa au châtelain de Castelluccio son désir de visiter « le mont de Vénus, dont en Allemagne on dit tant de choses étranges », le châtelain se mit à rire, mais voulut bien le lendemain conduire les Allemands dans la montagne, où ils explorèrent plusieurs grottes, sans rien y voir de merveilleux. Après quoi ils visitèrent le lac voisin et recueillirent quelques souvenirs des anciennes pratiques de magie dont il avait été le théâtre. C’étaient eux, on le voit, qui avaient introduit le nom de « mont de Vénus » dans le récit qu’on leur avait sans doute fait du royaume souterrain de la Sibylle.

En Italie même, on ne parle guère de Norcia qu’à cause de ce lac et des prodiges qui s’y faisaient. Pulci y était allé pour apprendre la magie, et Benvenuto Cellini, sur le conseil d’un nécromant sicilien, s’était proposé de faire le même voyage. Plusieurs auteurs du XVe et du XVIe siècle y font allusion, mais ne parlent pas de la Sibylle 14. Nous la retrouvons toutefois, et de la façon la plus intéressante, – car ce qui en est dit ne provient ni du Guerino ni d’Antoine de la Sale, – dans l’ouvrage célèbre de fra Leandro Alberti, la Description de toute l’Italie, paru à Bologne en 1550. En parlant de la « Treizième région », ou Marche d’Ancône, Alberti écrit : « On voit dans ce pays les montagnes les plus hautes de l’Apennin, sur l’une desquelles est construit le château de Santa Maria in Gallo. Non loin de là se trouve la large, horrible, épouvantable caverne nommée caverne de la Sibylle ; la renommée (ou plutôt une fable insensée) prétend que c’est l’entrée pour arriver à la Sibylle, qui demeure dans un beau royaume orné de grands et magnifiques palais, habités par des hommes nombreux et de belles demoiselles, qui prennent ensemble les plaisirs de l’amour. Il en est ainsi dans le jour ; la nuit tous, tant hommes que femmes, deviennent d’affreux serpents, ainsi que la Sibylle elle-même ; et tous ceux qui veulent entrer là, il leur faut d’abord subir les caresses de ces repoussants reptiles 15. Et nul n’est contraint de rester passé la fin de l’année, si ce n’est que, chaque année, il faut qu’il en reste un de ceux qui y sont entrés. Et ceux qui y seront entrés et en seront ressortis reçoivent de la Sibylle tant de grâces et de privilèges qu’ils passent ensuite dans la félicité tout le restant de leurs jours. Ces fables et d’autres semblables se racontent dans le vulgaire, et je me rappelle les avoir entendu conter aux femmes, par manière de plaisir et de divertissement, quand j’étais encore enfant, dans la maison de mon père 16. »

Depuis lors on n’a plus parlé du paradis de l’Apennin 17 : il s’est évanoui comme tant d’autres, et le mont de la Sibylle n’est plus visité que par quelques alpinistes, par les pâtres qui y mènent leurs troupeaux, et par les chasseurs de la montagne, suivis de leurs meutes de grands chiens noirs et roux.

 

 

III

 

La Sibylle a pourtant récemment revu des pèlerins. Il y a bien trente ans que, ayant lu le livre d’Antoine de la Sale, j’avais été frappé de la ressemblance que présente l’aventure de son chevalier avec celle que la légende, en Allemagne, attribue au Tannhäuser. Je m’étais promis dès lors d’aller visiter la grotte mystérieuse, non sans quelque espoir de retrouver sur les murs du vestibule le nom d’Antoine de la Sale et peut-être celui de Hans van Bramburg avec la prestigieuse mention : intravit, et, qui sait ? de pénétrer dans le souterrain et d’arriver jusqu’au « paradis ». Je voulais surtout savoir s’il restait dans la mémoire du peuple des alentours quelque vestige des anciennes croyances, si la Sibylle exerçait encore sur les âmes sa fascination mêlée de terreur et de désir.

J’ai réalisé ce projet en juin 1897 ; mais, hélas ! comme jadis messire Lionel de France, j’ai été, – et moins près encore du but, – « repoussé par le vent ». La Sibylle, craignant sans doute une investigation indiscrète, s’est enveloppée de brume et s’est défendue par un souffle glacé. Cependant ce voyage, dont le but principal a été manqué, n’a pas été dénué de tout intérêt, et j’en veux rappeler quelques impressions, en signalant ce qui pourra être utile à des recherches futures sur cet attrayant sujet.

Je dois dire à l’avance que tout ce qui, dans ce récit, a quelque valeur pour l’étude des lieux ou de la légende est dû à mon excellent ami le professeur Pio Rajna, de Florence, l’auteur bien connu de ces deux beaux livres qui s’appellent les Sources du Roland furieux et les Origines de l’épopée française. Mis au courant de mon projet de pèlerinage, il le prit tout de suite à cœur et voulut s’y associer : on ne pouvait souhaiter un compagnon de route à la fois plus agréable et plus précieux. C’est grâce à lui que nous avons pu trouver, dans ce pays peu accessible, une aide et une hospitalité sans lesquelles nous aurions eu peine à faire même ce que nous avons fait. Il a, seul, pénétré une première fois dans la « chambre » où Antoine de la Sale s’était jadis arrêté ; enfin, reprenant l’ascension d’un autre côté et dans des conditions plus favorables, il a pu faire des observations de tout genre, dont je ne donnerai qu’un bref résumé, et il a ainsi posé les jalons d’une investigation plus complète, qui, je l’espère bien, sera un jour reprise et menée à bonne fin.

Le premier avantage que j’ai retiré de mon expédition a été de voir Spolète, la station où l’on quitte le chemin de fer. C’est une ville que les touristes visitent peu et qui vaut la peine d’un arrêt. Sous son vieux nom français d’Espolice, elle m’était, depuis longtemps, familière. Nos chansons de geste mentionnent souvent cette vieille cité lombarde, siège d’un puissant duché, dont un titulaire, Gui, se fit même empereur au IXe siècle et, d’après un de nos poèmes, fut vaincu par un Guillaume d’orange.

Spolète a conservé un beau souvenir de son antique puissance dans le grandiose viaduc, – le Ponte delle Torri, – jeté sur un ravin sauvage au VIIe siècle, par le duc Theudelapius. Elle a beaucoup d’autres monuments dignes d’être vus, de l’époque romaine, du haut Moyen Âge et de la Renaissance. Sa cathédrale présente les styles les plus divers. Le portail principal montre au cintre une grande mosaïque de 1207 et, dans les jambages, d’admirables et bizarres ornements du XIe siècle, signés du nom de Gregorius Meliorantius. Le chœur est illuminé par les fresques de Filippo Lippi, les dernières qu’il ait peintes. Il y a surtout un couronnement de la Vierge, malheureusement endommagé, où la Vierge, adorablement belle, vêtue d’un manteau blanc tout brodé d’or, est entourée d’un délicieux pullulement d’anges. Et ce qui rend ces suaves peintures plus chères encore, c’est qu’on voit tout près du chœur, au-dessus d’une arcade, le tombeau du peintre, qui mourut à Spolète avant d’avoir achevé son œuvre. Ce tombeau, que Laurent le Magnifique voulut, de si loin, consacrer à son ami, a toute l’élégance florentine : au-dessus d’un sarcophage un médaillon porte l’image délicatement modelée de Filippo, et sur le sarcophage se lisent deux gracieux distiques d’Ange Politien. Dans cette église rude et un peu barbare ces fresques et ce monument apportent comme un sourire, comme un rayon de beauté venu d’un ciel plus doux.

Cinq heures de voiture mènent de Spolète à Norcia par une des plus belles routes qui se puissent voir, remontant d’abord le Nera 18, puis le Corno ou Cornia, passant d’une rive à l’autre quand le rocher la serre de trop près, changeant à chaque instant d’aspect et de points de vue. Sur les hauteurs sont perchés de vieilles tours écroulées, des villages qui ont l’air de forteresses, comme Poncianello, célèbre par ses belles filles, ou de vraies villes, comme Cerreto. Aux flancs des montagnes, des grottes profondes font des trous noirs dans la verdure ensoleillée des prairies ; les pentes plus hautes éclatent de l’or éblouissant des genêts. Bientôt les oliviers disparaissent, mais longtemps encore les grands chênes enfoncent leurs puissantes racines dans le roc. Le Nera verdit au fond du ravin avec des franges d’écume ; il est doux maintenant entre ses saules argentés, mais souvent, au printemps ou à l’automne, il devient furieux, s’enfle démesurément, et précipite à travers l’Ombrie ses flots qui viennent à Orte faire déborder le Tibre. « Le Nera donne à boire au Tibre, mais souvent il l’enivre », c’est le dicton populaire. À Triponzo, « les trois ponts », on passe dans la vallée du Cornia, plus étroite et hérissée de rochers plus droits : elle a, comme tant d’autres, son « pont du diable » suspendu sur le gouffre. On rencontre des pâtres farouches, les jambes dans des culottes de peau de chèvre, qui mènent aux montagnes des troupeaux de moutons s’allongeant à perte de vue : tel de ces troupeaux compte dix mille bêtes, que les bergers poussent devant eux à grand renfort de chiens... On sent déjà l’air se rafraîchir ; on approche de la frigida Nursia de Virgile.

Norcia était autrefois si diffamée par le voisinage du lac aux sortilèges que Norcino était devenu synonyme de sorcier, – ce qui paraît injuste, car dans tous les récits ce sont des étrangers qui viennent faire consacrer au lac leurs livres damnables. Elle est, d’autre part, sanctifiée pour avoir vu naître saint Benoît, le fondateur du Mont-Cassin, l’auteur de la règle des moines d’Occident, dont la statue s’élève sur la place publique et qui aurait dû préserver sa ville natale d’un si mauvais renom. Là, grâce à la prévoyance de notre ami, nous sommes l’objet des plus aimables attentions de la part de l’avocat Laurento Laurenti, qui traite pour nous avec les muletiers et complète fort utilement notre bagage. Nous partons de Norcia, où il n’y a rien à voir, à trois heures, et en quatre heures nos mulets nous amènent à Castelluccio.

Le sentier que nous suivons serpente d’abord sur les collines, entre des buissons chargés d’églantines roses, puis franchit des rochers abrupts ; assez difficile par endroits, il est en somme praticable. Mais le froid augmente à mesure que nous nous élevons, et les nuages sont si bas que nous n’apercevons pas, même près du but, les cimes du Vettore et de la Sibilla dont hier, à Spolète, nous voyions étinceler au soleil les plaques de neige. Nous franchissons un col appelé à bon droit la Ventosola, où nous sommes assiégés par une bise glaciale ; elle s’adoucit un peu, mais sans lâcher prise, pendant que nous traversons lentement le piano grande qui fait l’orgueil de Castellucclo. C’est une immense prairie, qui a conservé l’égalité de surface, bien rare à cette altitude, du lac qu’elle était jadis et qu’elle redevient à la fonte des neiges ; elle est couverte d’un épais tapis de velours vert qui, sous les nuages gris de ce jour, apparaît mat et foncé, mais qui prend au soleil les transparences d’émeraude pâle des gazons alpestres. Tout au bout de cette vaste plaine se dresse le rocher, en forme de sabot renversé, dont Castelluccio occupe le haut. Ce « mauvais petit château » (c’est le sens propre de Castelluccio), jadis forteresse papale, est aujourd’hui un pauvre village. Nous y arrivons tout transis, et nous sommes heureux de nous réchauffer dans la cuisine de la maison hospitalière que M. Calabresi, le grand propriétaire du pays, a bien voulu, – toujours grâce aux soins vigilants de notre ami Rajna, – mettre à notre disposition.

Puis on délibère avec les muletiers et les habitants sur l’ascension du lendemain. Tous hochent la tête et la déclarent impossible. La nuit sera glaciale et la journée enveloppée d’un épais brouillard. La course est de sept heures environ : autant pour revenir et au moins deux heures de repos là-haut, c’est-à-dire qu’il faudrait partir à quatre heures du matin pour être rentrés à huit heures du soir, et passer les seize heures dans la brume. Ils se refusent à nous fournir des mulets et des guides. Notre ami, alpiniste aguerri, finit pourtant par décider un jeune homme à l’accompagner, et part à pied au milieu de la nuit. La prévision des gens du pays était juste : il fut toute la journée dans le brouillard, et perdit plus d’une fois son chemin ; il arriva cependant jusqu’à la « chambre » décrite par Antoine de la Sale et y fit des constatations qu’il devait compléter par la suite et que j’ai utilisées plus haut. Pour nous, après avoir passé à Castelluccio une journée morose, et n’espérant plus que le temps se rassérénât, nous nous résignâmes à repartir, d’autant plus que le froid et le vent duraient toujours et qu’on nous les disait plus âpres encore sur les hauteurs. Nous reprîmes donc, le lendemain matin, le chemin de Norcia, souhaitant de renouveler quelque jour notre visite, et de trouver la Sibylle, en ce moment si revêche, plus accueillante une autre fois.

Ce qui me consolait un peu de ma déconvenue, c’est ce que notre ami nous avait rapporté : l’entrée du couloir souterrain est aujourd’hui fermée par une énorme pierre, placée là, nous dirent les naturels du pays, pour empêcher les fées de sortir. Souvent, en effet, surtout par les belles matinées ou soirées d’été, quand le soleil levant ou la lune éclairent dans les vallons les vapeurs légères et mouvantes, on voyait les fées danser sur les prairies, et ces apparitions, toutes gracieuses qu’elles fussent, jetaient dans l’âme une vague terreur ; parfois même, – mais cela était douteux, – on avait vu les fées se mêler aux salterelli que les villageois des montagnes mènent le soir aux sons des zampogne. On avait donc voulu leur fermer l’issue ; « en quoi, disait Hajna à ceux qui nous racontaient cela, vous avez fait une sottise ; car les fées se font aussi petites qu’elles veulent, et vous n’avez pu ne pas laisser quelque fente par où elles auront su se glisser ». Et ils avouaient en effet que les apparitions dansantes avaient été revues même après la clôture du souterrain.

Cette croyance est tout ce que j’ai recueilli dans le pays qui puisse rappeler l’ancienne légende, et, comme on voit, elle ne la rappelle que de très loin elle se rattache plutôt aux traditions antiques sur les danses des nymphes et se retrouve telle quelle dans beaucoup de pays où l’on ne connaît pas d’histoire de paradis souterrain. On nous a bien parlé de la « fontaine du Meschino » et de l’ermitage où habitaient les bons solitaires qui le conseillèrent si sagement ; on savait aussi que Guerino était allé consulter « la fée Alcine » ; mais ce n’étaient là que des réminiscences littéraires : tous ces villageois ont lu ou entendu lire le roman d’Andrea da Barberino dans sa forme modernisée, où la Sibylle, sans doute par suite d’un scrupule religieux, a été remplacée par la fée Alcine, empruntée à l'Arioste. La pauvre Sibylle est oubliée sur la montagne même dont son royaume occupe les fondements ; l’accès de son empire est fermé, et nous n’aurions pu, même si le temps nous avait favorisés, arriver au pont fantastique, aux dragons, aux portes de métal qui battent toujours, et à la porte de cristal derrière laquelle est le paradis plein de délices pour le corps et de péril pour l’âme.

Ainsi, en vue du port, j’abandonnais le projet qui m’avait fait venir de si loin. Mais Rajna, quelques semaines plus tard, recommença l’épreuve avec un peu plus de succès. Cette fois, au lieu de prendre l’itinéraire de Guerino, il prit celui d’Antoine de la Sale, bien préférable, à ce qu’il parait. Il fit, de Montemonaco, deux visites à la Sibylle, et constata la parfaite exactitude, sauf les changements survenus depuis, des renseignements d’Antoine de la Sale ; mais il ne put, cette fois encore, pénétrer dans le couloir souterrain. L’entrée est tellement obstruée qu’il faudrait d’assez longs travaux pour la dégager. La section d’Ascoli du Club alpin, qui a déjà fait une visite au Mont et rendu le vestibule plus accessible, voudra peut-être s’en charger, et quelque jour de hardis explorateurs, munis de vivres, de lumières et de cordes, entreprendront la descente que les jeunes gens de Montemonaco ont jadis poussée jusqu’à la fameuse « veine de vent ». Je serai heureux, quant à moi, si j’ai pu contribuer à éveiller la curiosité pour notre légende et pour les lieux que cette légende a jadis entourés d’un si fascinant mystère.

Ce mystère, comme je l’ai déjà dit, m’avait rappelé, il y a longtemps, celui qui enveloppe en Allemagne la légende du Tannhäuser et du Venusberg. Je ne savais pas que j’avais été précédé dans ce rapprochement. Quand j’en parlai, à Pise, en 1872, à mon ami A. d’Ancona, il me dit qu’il venait d’être fait par Alfred de Reumont, le célèbre historien allemand qui habita si longtemps Florence et était presque devenu un Florentin 19. Il est singulier qu’en Allemagne, où on a tant écrit sur l’histoire poétique du Tannhäuser, on n’ait tenu presque aucun compte de ce parallélisme. Il soulève des questions que j’essaierai de traiter dans une autre étude. Je n’ai pas voulu les mêler à l’exposé de la légende italienne telle que la font connaître les témoignages d’Andrea da Barberino, d’Antoine de la Sale et de fra Leandro Alberti. Ces témoignages nous prouvent que dès le XIVe siècle au moins on croyait que la Sibylle habitait l’intérieur de la montagne qui porte son nom, et qu’elle y régnait sur un « paradis » souterrain, où l’on pouvait pénétrer, mais d’où l’on avait grand-peine à sortir, et où l’on rentrait parfois, malgré l’énormité du péché, tant étaient grandes les voluptés dont on y avait joui. C’est un mythe qui se retrouve ailleurs avec d’innombrables variantes, une des formes que la pauvre humanité a données à son éternel rêve de bonheur. À ce titre, il est intéressant même pour le philosophe ; Wagner l’a compris à sa façon, et, s’en emparant, lui a donné, selon son habitude, une signification et une portée nouvelles.

Notre voyageur du XVe siècle n’y entendait pas tant de mystère : il nous a simplement redit ce que les gens du pays de la Sibylle lui avaient raconté. Il y croyait peut-être plus qu’il ne l’avoue ; il s’en est moqué néanmoins et a tourné le tout en un simple conte bleu. Antoine de la Sale préludait par là, je l’ai dit, à ces narrations qui devaient faire sa gloire ; celles-là n’ont plus rien de fantastique, et il y a porté à sa perfection le don d’observation fidèle et minutieuse qu’il manifestait déjà dans l’agréable récit de sa visite à la montagne sibylline.

 

 

Gaston PARIS, Légendes du Moyen Âge,

Hachette, 1904.

 

 

 

 

NOTES

1. M. Söderhjelm, professeur à Helsingfors, dont je citerai plus loin 1’intéressante publication, s’en occupe depuis longtemps déjà. Dans une note de cette publication, il cite les travaux antérieurs, entre lesquels les excellentes études de M. E. Gossart, de Bruxelles, tiennent le premier rang.

2. On y trouve cependant quelques souvenirs personnels assez intéressants, comme le récit de la visite de l’auteur, tout jeune encore, aux îles Lipari.

3. La Salade a été imprimée au XVIe siècle, mais avec bien des erreurs ; nous n’en possédons qu’un manuscrit, conservé à Bruxelles, et il se trouve malheureusement que l’imprimé et le manuscrit ont la même source, une copie déjà assez fautive, en sorte que le texte est par endroits altéré sans qu’on puisse le corriger avec certitude. M. Söderhjelm vient d’imprimer avec beaucoup de soin la leçon du manuscrit de Bruxelles ; je l’ai collationnée avec l’ancienne édition, mais cela ne m’a pas donné de grands résultats. – L’édition de M. Söderhjelm fait partie d’un mémoire intitulé Antoine de la Sale et la légende de Tannhäuser, qui vient de paraître dans le tome II des Mémoires de la Société néo-philologique à Helsingfors, et auquel j’ai dû plus d’une utile remarque.

4. Elle manque dans le manuscrit ; mais l’ancienne édition la donne, sans doute assez fidèlement. M. Söderhjelm l’a reproduite à son tour ; elle contient aussi le mont et le lac de Pilate.

5. Mon ami Pio Rajna, dont je signalerai pus loin la chaleureuse collaboration, a fait dans ce sens des recherches aussi acharnées qu'infructueuses. Je dois dire, toutefois, qu’une femme que j'ai fait causer, à Castelluccio m’a parlé d’une fleur dont on employait la poudre comme le dit La Sale, et a même paru connaître le nom de poliastro ; mais je l’avais interrogée sur le poliastro et son usage, et elle peut fort bien avoir acquiescé par complaisance.

6. La compagne du chevalier lui donna une « vergette » d’or, qui avait de grandes vertus. On voit plus loin qu’il la remit au pape, mais on ne sait quelles étaient ces vertus, et ce talisman ne sert à rien dans le récit. Vergette, dans la langue du XVe siècle, signifie « bague », et c’est ainsi qu’Antoine de la Sale l’emploie dans Jehan de Saintré quand il fait donner par son héros à chacune des dames de la cour « une vergette d’or toute esmaillée à fleurs de souviegne-vous de moi. » M. Kervyn de Lettenhove (voyez plus loin) a reconnu dans cette vergette où il a vu non une bague, mais une baguette, le « rameau d’or » de la Sibylle virgilienne. Ce qui est plus fâcheux, c’est qu’il a inventé, en ayant l’air de les avoir trouvées dans le récit de La Sale, des réflexions contradictoires qu’auraient faites sur ce rameau d'or, le bon roi René et l'astucieux dauphin Louis (devenu Louis XI).

7. « Je demandai à voir la lettre, seulement pour savoir leurs noms : mais on me répondit que les messagers l’avaient portée au pape et que le pape l’avait fait brûler. »

8. Le pape ordonna de rendre impraticable l’accès de la caverne et d’en combler l’entrée ; « mais, quoi qu’on en ait fait, on ne laisse pas d’y monter, bien que ce soit à très grand péril. »

9. C’est ainsi que porte l’imprimé ; le manuscrit a Wanbanbourg. Si wan est pour van, ce serait un nom néerlandais. Kervyn de Lettenhove donne von Bamberg et ajoute sur ce nom supposé des remarques qui ne sont nullement dans le texte et qu’il attribue encore à Antoine de la Sale.

10. La Sale s’entretint avec un « mout vieil homme », qu’il appelle Colle de la Mandelée, qui avait servi de guide à ce seigneur, nommé de Pacs ou de Pacques : « Je demandai d’où le chevalier était ; il me dit qu’il ne savait pas bien vraiment, car il ne fut que ce jour avec lui ; mais il devait être des parties de Gascogne ou de Languedoc ; car lui et ses gens disaient oc, la langue qu’on parle quand on va à Saint-Jacques. »

11. Je néglige le bizarre épisode de Macco, l’homme changé en serpent que Guerino foule aux pieds dans son chemin sous terre et qui lui donne quelques avis.

12. Si le latin sibylla avait passé par voie populaire en italien, il serait devenu sevotla ou sevella.

13. Virgile, à vrai dire, les distingue ; mais il était très naturel de les confondre.

14. L’Arétin, cependant, d’après Reumont (voyez plus loin), rapproche la Sibylle de Norcia et la fée Morgane, ce qui semble montrer qu’il connaissait la légende de la séductrice souterraine. Le Trissin, dans son Italie délivrée des Goths, fait figurer la Sibylle de Norcia comme prophétesse, ce qui nous ramène à la forme la plus ancienne de la légende ; mais, en même temps, il l’entoure de nymphes qui essaient de séduire les visiteurs et finissent par se révéler comme des démons. On ne peut distinguer ce qui est traditionnel et inventé dans ce récit, d’ailleurs d’une grande platitude.

15. On trouve ici un point d’attache avec un cycle légendaire bien connu, et qu’on a récemment beaucoup étudié, celui du « fier baiser », où une jeune fille changée en serpent reprend sa forme humaine si le héros a le courage de la baiser sur la bouche.

16. Alberti ajoute que Pietro Ranzano (mort en 1492) parle dans ses écrits (qui sont restés inédits) de plusieurs imposteurs qui prétendaient être entrés dans la caverne et en avoir vu les merveilles. Pour lui, il ne croit pas à la réalité de ces histoires, car les anciens ne mentionnent aucune Sibylle à cet endroit ; aussi désigne-t-il ainsi en manchette le récit qu’il donne dans le texte : « Voyez une belle fable à conter au coin du feu. »

17. Il faut seulement noter que le passage d’Alberti a été reproduit ou résumé par les géographes hollandais du XVIe siècle : A. Ortel (1570), A. van Roomen (1591), P. van Merle (1602). Ortel fait entre cette légende et la chanson populaire néerlandaise de « Danielken » un curieux rapprochement, dont je parlerai ailleurs.

18. Officiellement, on dit la Nera, mais le peuple a conservé le masculin de l'ancien Nar.

19. Dans un discours lu, le 25 mai 1871, à la Società Columbaria de Florence. Ce discours est inséré dans les Saggi di storia e letteratura de l’auteur (Florence, Barbera, 1880) sous le titre de : Un Monte di Venere in Italia. Reumont a connu le livre d’Antoine de la Sale par l’extrait qu’en avait donné en 1862, – ce qui m’avait également échappé, – le baron Kervyn de Lettenhove dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique. Cet extrait est malheureusement très incomplet (il ne dit rien du pape et de l’absolution refusée) et même peu fidèle : j’ai donné plus haut un ou deux spécimens des fantaisies que s’est permises le savant belge.

 

 

 

 

 

 

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