L’Évangile et la critique

 

CRITIQUES CONTRE CRITIQUES

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

F. PRAT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nul titre n’est plus envié de nos jours que celui de critique et la plupart de nos écrivains, philosophes, historiens, érudits, littérateurs, romanciers mêmes, s’en affublent à qui mieux mieux. Critique veut dire juge : or rien de plus flatteur pour l’amour-propre que de s’ériger soi-même en cour souveraine, et de citer à sa barre les hommes et leurs œuvres, les vivants et les morts.

Il y a cent sortes de critiques : critique philosophique, historique, scientifique, critique littéraire, critique d’art, critique des sources, critique des textes, haute critique et basse critique ; que sais-je encore. Un point de vue restreint du criticisme biblique – la critique des Évangiles – est le seul qui nous occupe en ce moment.

S’il est une mauvaise critique, il en est une bonne aussi : mais la mauvaise, parlant plus haut, fait souvent taire la bonne ; elle prétend s’arroger exclusivement ce nom de critique et l’autre le lui abandonne par lassitude ou par condescendance. Ne chicanons pas sur les termes, et acceptons l’usage pour abréger le discours. Continuons à qualifier la Chine de céleste empire, son souverain de fils du ciel, et l’école rationaliste de Tubingue d’école critique : nous nous entendons, et l’antiphrase remet tout au point.

Nous allons tâcher d’esquisser les transformations de la critique rationaliste en face des Évangiles ; nous verrons ses audaces, ses tâtonnements, ses va-et-vient, ses revirements, ses cris de victoire et ses palinodies ; tour à tour chenille, chrysalide et papillon, jusqu’au jour où M. Harnack, chef de l’école actuellement en vogue, non moins rationaliste et tout aussi critique, vient l’avertir charitablement qu’elle a manqué sa voie et qu’il lui faut recommencer son évolution.

 

 

I

 

C’est l’horreur du miracle, de la prophétie, d’un Dieu sortant parfois de son oisive indifférence, du surnaturel en un mot, qui enfanta la critique. Comme l’essence du protestantisme est de protester, sans qu’on puisse discerner aucun autre lien entre ses adeptes, l’essence de la critique rationaliste est de nier – elle s’appelle à bon droit critique négative –, mais ses négations ne s’accordent pas. Le seul dogme absolu, nécessaire, accepté de tous les individus, commun à toutes les écoles est celui-ci : Le miracle n’existe pas, le miracle ne saurait exister. Ainsi cette science orgueilleuse jusqu’à la fatuité, arrogante jusqu’à l’outrecuidance, qui se pose pour indépendante et ne cesse d’accabler ses adversaires des accusations de parti-pris, d’aveuglement, d’hypocrisie et de sottise, est en réalité asservie à un postulatum qu’elle n’a pas essayé de prouver, qu’elle ne prouvera jamais.

Le public français ne le croit qu’à demi. Il a été dupe des affirmations de Renan cent fois répétées : « Nous ne disons pas : Le miracle est impossible ; nous disons : Il n’y a pas eu jusqu’ici de miracle constaté 1. » La crainte de heurter trop violemment le simple bon sens retient l’esprit français et le jette dans l’inconséquence ; l’Allemand, lui, est plus sincère et plus brutal dans son radicalisme : s’il pose un faux principe, il en tire sans sourciller les conséquences les plus extrêmes et ne recule pas devant l’absurde.

 

Écoutons les coryphées du rationalisme allemand : « La possibilité générale du miracle, dit Strauss, ne serait autre chose que la négation même de l’histoire. » Le premier devoir d’un historien sérieux est donc de nier le miracle, non pas seulement le fait, remarquez-le bien, mais la possibilité abstraite. « Tous les systèmes vraiment philosophiques s’accordent sur ce point. Le théisme seul, avec son Dieu personnel et distinct du monde, semblerait à première vue, pouvoir supporter le miracle ; mais toutes les fois qu’il s’élève à la hauteur d’une vraie philosophie, il en sent l’impossibilité 2. » Et ces aphorismes de Strauss ne sont pas l’opinion isolée d’un homme ou d’une école, c’est un dogme arrêté, absolu, immuable que l’école de Tubingue a formulé ainsi : La science et le miracle s’excluent 3.

Du reste, le renégat français, dont nous venons d’écrire le nom, oublie quelquefois lui-même sa propre théorie et fait chorus avec les Allemands : « Que les Évangiles soient en partie légendaires, dit-il, c’est ce qui est évident, puisqu’ils sont pleins de miracles et de surnaturel 4. » En histoire il n’y a d’évidemment faux que l’impossible.

Aussi lorsqu’il propose, quelques pages plus loin, de nommer « une commission composée de physiologistes, de physiciens, de chimistes, de personnes exercées à la critique historique », pour vérifier le miracle annoncé d’avance par le thaumaturge, il se moque de ses lecteurs. Si le miracle était possible, quelque rare qu’il fût, on l’établirait par des preuves d’ordre historique, par celles qu’on invoque pour démontrer les faits exceptionnels, comme l’existence des tyrans, des monstres et des parricides, d’un Néron, d’un Domitien, d’un Caligula. Mais l’impossible ne se prouve pas, ne se discute pas. Devant un miracle opéré suivant la formule de Renan, en présence des cinq classes de l’Institut, « avec tout le système de précautions nécessaires pour ne laisser prise à aucun doute », un rationaliste allemand, un vrai rationaliste, resterait incrédule, comme les Pharisiens devant le tombeau vide de Lazare ; il croirait plutôt à une illusion d’optique, à une mystification, ou à sa propre folie ; il aimerait mieux penser et dire que tout l’Institut est halluciné. Pas de bon cheval qui ne bronche, dit le proverbe ; toute une écurie à la fois, c’est plus rare, mais cela peut se voir : ce qui ne s’est pas vu encore et ne se verra jamais, c’est le miracle.

 

Pour les évènements passés, où le témoignage est le seul argument valable, la preuve du miracle est bien plus impossible. C’est encore Strauss qui va nous l’apprendre : « Le vrai critique se demande lequel des deux est le plus plausible, ou de rejeter un témoignage qui paraît très digne de foi, ou de croire à la réalité d’un fait contraire à tout ce que l’expérience enseigne. Si le fait, quoique extraordinaire, ne sortait pas des limites du naturel, il pourrait y avoir équilibre et notre esprit resterait en suspens. Il n’en va pas de même quand le fait allégué est un miracle. » Un témoignage comme celui des évangélistes, « mis dans le plateau pour contrebalancer la charge énorme de l’invraisemblance du fait, pèse comme une plume contre le poids d’un quintal. Mais supposons des témoignages de première qualité : il demeure impossible d’imaginer un cas, un seul cas, où l’historien philosophe ne proférât point, sans nulle hésitation, l’hypothèse d’un faux renseignement à celle d’un fait miraculeux. »

L’apostat de Tréguier est moins absurde mais aussi moins logique ; et lorsque j’entends ses confrères d’outre-Rhin le taxer de pusillanimité, de crédulité et d’inconséquence, je soupçonne ces fortes têtes de viser surtout la question du miracle.

 

Il n’est point logique, d’accord ; mais ses confrères allemands le sont-ils davantage ? En effet, si le miracle est possible, il faudra croire ceux qui l’attestent ; si au contraire il ne l’est pas, nul témoignage n’est recevable. Quelqu’un m’affirme que deux et deux font cinq, ou que Rome n’existe pas : je passe sans l’écouter ; c’est un fou ou un mauvais plaisant. Si donc la critique était bien convaincue de son principe, bien sûre de l’avoir établi, elle se donnerait moins de peine pour écarter ou infirmer le témoignage des Évangélistes, et c’est là néanmoins la tâche à laquelle, depuis un siècle, elle consacre son érudition et ses veilles.

 

 

II

 

On n’a trouvé jusqu’ici que trois moyens d’écarter un témoin incommode : 1o mettre en doute sa bonne foi et probité ; 2o montrer que sa déposition, bien que véridique, ne prouve rien en l’espèce ; 3o enfin – et c’est le plus simple quand il s’agit des morts – déclarer le témoignage apocryphe. Les morts ne réclament pas et un témoin anonyme, inconnu, crédule peut-être ou mal informé, n’est guère embarrassant. La critique rationaliste est passée par ces trois phases, et aujourd’hui qu’après tant de détours elle se trouve presque ramenée au point de départ, il n’est pas sans intérêt de retracer le chemin parcouru, pour s’initier à la logique de l’erreur et chercher à prévoir la tactique de l’avenir.

 

Comme il arrive souvent dans toutes les révolutions, le premier système en faveur fut le plus radical. Les livres des deux Testaments étaient le fruit de l’imposture : tel était le résumé du factum énorme et indigeste composé par Reimarus et servi par Lessing, à petites doses, avec un art infernal, à des lecteurs gâtés par le déisme et mûrs pour le blasphème.

Imposteurs les apôtres, ces intrépides semeurs d’une parole qu’ils n’avaient pas mission de répandre et ces martyrs d’une foi à laquelle ils ne croyaient pas ; imposteur Jean-Baptiste, l’associé de Jésus dans la conception d’un plan qui, devant aboutir au rétablissement du royaume d’Israël, échoua au Calvaire ; imposteur Jésus lui-même, l’auteur principal de cette ténébreuse intrigue d’où le christianisme est sorti ! Car on en vint à ce comble de délire de regarder l’origine de la religion chrétienne comme une immense conspiration contre la vérité. Ces blasphèmes devaient plaire à la philosophie impie qui s’était donné pour devise : « Écrasons l’infâme » ; ils étaient à la hauteur de gens dont tout le décalogue se réduisait à ce précepte : Mentez, mentez toujours. Mais un système aussi puéril qu’extravagant ne devait pas survivre au siècle superficiel qui l’avait vu naître. Ce fut précisément en 1800 que Paulus vint supplanter Lessing.

 

Le problème était ardu ; car il fallait satisfaire à la fois la conscience publique, révoltée par les blasphèmes des philosophes, et l’incrédulité toujours grandissante : Paulus se flatta de le résoudre.

Pour lui les miracles de l’Évangile ne sont pas de vrais miracles – il n’en est point de tels – et pourtant les évangiles sont authentiques et leurs auteurs de bonne foi ; mais ils sont si simples, si naïfs, si inhabiles à manier la plume, que parfois, sans le vouloir, ils donnent à leurs récits une tournure surnaturelle. Le lecteur qui s’y trompe ne doit s’en prendre qu’à lui-même, les évangélistes n’en peuvent mais.

Quelquefois, il est vrai, ils ont cru eux-mêmes au miracle. Ils étaient dupes de leur imagination, de leur crédulité, des préjugés de leur époque, si prompte à attribuer directement à Dieu tout phénomène surprenant ; ils n’étaient pas imposteurs. Les miracles de cette catégorie sont historiques – par opposition aux autres qui ne le sont point – mais ils n’en sont pas plus vrais pour cela : le tout est de les expliquer.

Rien d’ailleurs de plus aisé. Les morts ressuscités par Jésus n’étaient morts qu’à demi ; la fille de Jaïre n’avait qu’un éblouissement, l’adolescent de Naïm qu’une syncope ; par une heureuse coïncidence, Lazare secouait sa léthargie de quatre jours juste au moment où le Sauveur l’appelait hors du tombeau ; Jésus-Christ lui-même, cru mort par ses bourreaux, enseveli par ses disciples, n’était qu’évanoui. L’âcre parfum des aromates, la fraîcheur du tombeau, le temps surtout, ce grand faiseur de miracles, lui rendirent le sentiment. Il traîna quarante jours encore une pénible existence et se fit voir à ses amis, ivres d’enthousiasme et d’amour.

 

Si le rappel des morts à la vie coûtait si peu au naturalisme, les autres miracles n’étaient qu’un jeu. Mais le principal défaut de ces explications, aussi variées qu’ingénieuses, c’était d’être absurdes.

Dès qu’on s’en aperçut, la théorie de Paulus fut condamnée. Strauss, successeur de Paulus dans les faveurs du public, se chargea de l’exécuter : il le fit à l’allemande, d’une main pesante et rude. « Nous pouvons nous dispenser, disait-il, de montrer par le menu la violence que l’interprétation rationaliste – on appelle ainsi en Allemagne l’explication naturelle du miracle – fait subir aux textes. Quand un narrateur dit à deux reprises et dans les mêmes termes : Jésus entra et se tint au milieu d’eux, les portes étant fermées, il ne va pas de soi qu’on avait commencé par les ouvrir. Ce qui va de soi, c’est que Jésus n’avait plus un corps naturel, c’est que les prétendus progrès de sa guérison sont imaginaires, c’est que rien n’est plus contraire au sens des textes que l’idée d’un corps souffrant, valétudinaire, ou soumis aux nécessités humaines. Que penser de ce Messie demi-mort qui sort péniblement du tombeau, qui traîne un corps malade, qui a besoin des secours de la médecine, de bandages et de fortifiants et qui finit bientôt par succomber ? Est-ce lui que ces disciples auraient pris pour le vainqueur de la mort, pour le prince de la vie ? Non, une pareille résurrection n’eût pu qu’affaiblir l’impression que sa vie et sa mort avaient faite sur eux, et l’éteindre dans les brouillards du souvenir élégiaque. Jamais elle n’eût transformé leur deuil en enthousiasme, leur respect en adoration 5. »

Rien n’égale le zèle avec lequel Strauss démolit pièce à pièce le laborieux échafaudage de son prédécesseur ; et les apologistes auraient pu se dispenser de reprendre ce travail en sous-œuvre. Tant qu’il daube sur son confrère, le docteur Strauss est éloquent ; mais ce n’est pas tout de détruire, il faut bâtir à son tour ; or, pour expliquer le miracle, Strauss ne trouve rien de mieux que le mythe.

Que faut-il entendre par mythe ? 1o Une œuvre de poésie et non d’histoire, 2o la création non d’un individu, mais d’une foule, un produit involontaire et inconscient de l’imagination populaire, 3o enfin une légende servant d’expression à une pensée déterminée, à certaines idées pratiques ou dogmatiques, à des intérêts religieux. « Ces intérêts, dans le cas présent, sont au nombre de deux : le désir qu’avait la première communauté chrétienne de glorifier son fondateur, puis le besoin qu’elle éprouvait de voir, dans sa personne, les prophéties de l’Ancien Testament accomplies et l’idée juive du Messie réalisée 6. »

 

Pendant une dizaine d’années, la fortune du mythe fut prodigieuse. Pourtant, le premier engouement passé, tout ce carillon de mythes finit par déplaire : on s’aperçut qu’il sonnait faux.

Qu’un évènement extraordinaire, mais réel, produise avec le temps une floraison de légendes, à la rigueur on le conçoit ; mais que le mythe élabore le dogme fondamental de la religion, le fait de la résurrection de Notre-Seigneur ; qu’il pousse au martyre les apôtres et des milliers de témoins oculaires, amène la conversion de Paul avant même de subsister, qu’enfin il crée de rien le christianisme sans lequel il ne peut se former : voilà une série de prodiges plus difficiles à croire que les miracles les plus incroyables.

Le mythisme allait donc rejoindre, au musée des vieilles défroques rationalistes, le naturalisme usé de Paulus et les chimériques impostures de Lessing. Pour quinze ou vingt ans, la vogue fut à Baur et à ses tendances.

 

Au dire du fameux professeur de Tubingue, le christianisme à sa naissance n’avait rien eu d’original. Ce n’était qu’un mélange à doses inégales et variables suivant les temps et les lieux, du judaïsme étroit et de l’hellénisme libéral. Ces éléments disparates, jetés dans un même creuset, avaient bouillonné longtemps ensemble sans arriver à s’unir. Enfin après plus d’un siècle de luttes stridentes, les deux composants rejettent les scories, les parties hétérogènes, et la combinaison commence.

Les quatre premières épîtres de saint Paul, les seuls écrits authentiques du Nouveau Testament avec l’Apocalypse, nous initient à ces discordes. Dans les autres, la peinture, toute gazée qu’elle soit, n’en est pas moins reconnaissable pour un œil exercé. Les livres les plus anciens sont ceux qui reflètent le mieux l’opposition radicale entre les idées juives et la philosophie grecque, entre le pétrinisme et le paulinisme, mots barbares mis à la mode par la critique de Tubingue. Au contraire, là où l’antagonisme est dissimulé, nous sommes en présence d’une œuvre suspecte et récente.

Le mythe, même favorisé par des circonstances heureuses, a besoin de longues années pour éclore et s’élaborer, mais combien plus lente devait être l’action des tendances ! Baur se croyait modéré en n’exigeant qu’un siècle et demi pour la composition du Nouveau Testament. Le premier évangile, le plus naïf, le plus grossier de tous, pouvait bien dater de l’an 130, mais le second et le troisième n’étaient pas antérieurs à l’an 150, et le quatrième était reculé jusqu’en 170. De la sorte, s’il fallait en croire la critique de Tubingue, il n’était pas encore écrit quand Tatien l’insérait dans son Diatessaron, et quand l’auteur du fragment dit de Muratori l’inscrivait dans sa liste des livres canoniques.

 

Il semblait difficile de renchérir sur ces énormités. Cependant, un public familiarisé avec les résultats de l’école de Tubingue devait être accessible à tous les paradoxes et l’on pouvait compter sur sa crédulité. On y compta si bien qu’un certain Louis Noack, honteux d’être plus sage que ses confrères, inventa, pour expliquer l’histoire évangélique, deux sources primitives, l’évangile paulinien de Marcion et celui de Judas, le disciple bien-aimé ! Peu auparavant, Bruno Bauer déclarait apocryphes les quatre épîtres respectées jusque-là par la critique négative. Quand on se jette dans l’arbitraire, pourquoi s’arrêter en si beau chemin ? Les quatre épîtres en question ne sont pas plus authentiques que les autres ; si Baur et son école les maintenaient, c’était pour donner une base à leurs hypothèses, et ne pas construire en l’air, comme les oiseaux d’Aristophane, leur cité fantastique.

 

 

III

 

Ces excès de la critique appelaient la réaction. : elle fut rapide et violente. En critique, comme en toutes choses, la réaction commence au moment précis où l’absurde saute aux yeux des plus prévenus. Tant qu’il reste un appui, si fragile soit-il, le préjugé s’y accroche ; mais notre esprit, même égaré, a ses exigences, et tôt ou tard, il faut compter avec le bon sens. Ainsi lorsque M. Havet, sans être hébraïsant ni exégète, et, chose plus remarquable, sans être pressé par la faim ni stimulé par le besoin d’un diplôme, vient soutenir que tous les prophètes écrivaient du temps des Macchabées, il outrepasse ouvertement le droit, maintenant reconnu à la critique interne, de déraisonner un peu et divertit jusqu’à ses amis les plus disposés à le prendre au sérieux. Et pourtant, il ne fait qu’appliquer rigoureusement le dogme fondamental de la critique interne : « Le principe rationaliste, qui s’impose maintenant à toute critique et qui exclut tout surnaturel, ne permet pas de croire qu’un prophète ait annoncé un évènement à deux cents ans de distance 7. » Par conséquent les livres prophétiques, renfermant des allusions claires à des faits contemporains des Macchabées, ne sauraient être plus anciens. En voyant Isaïe parler de Cyrus, dans la dernière partie de son ouvrage, force a été d’admettre un second Isaïe, plus jeune que l’autre d’environ deux cents ans : « Mais, demande M. Havet, si on le fait descendre de deux siècles, pourquoi pas de six ? » Et pourquoi, demanderons-nous à notre tour, ne pas faire descendre tous les prophètes plus bas encore, au-dessous de l’ère chrétienne, puisqu’ils contiennent des prédictions clairement vérifiées en Jésus-Christ ? C’est absurde, mais c’est logique.

 

Cependant, M. Havet a reçu de ses confrères un accueil froid et sévère. Ces hardiesses, lui disait-on, pouvaient être utiles quand il s’agissait d’établir la liberté de la science en face de l’intolérance religieuse, mais maintenant à quoi servaient-elles ? Elles servent beaucoup la cause du bon sens et de la raison, en nécessitant un retour en arrière et en épargnant à la critique une infinité de faux pas.

Pour la critique des évangiles, le mouvement rétrograde commença dès la mort de Baur, et partit du sein même de son école. Ainsi le quatrième évangile, dont la composition était fixée à l’an 170 par le professeur de Tubingue, remontait l’échelle des temps, en parcourant tous les numéros de la série, jusqu’à l’an 70, époque de la destruction de Jérusalem. En vertu de la vitesse acquise, le mouvement de recul avait dépassé le point initial 8.

Dans la question synoptique, personne n’acceptait plus les dates fantaisistes fournies par lui, et son principe de classement, le principe des tendances, était battu en brèche ; mais aucun nouveau système n’avait réussi à rallier les suffrages et la confusion était au comble.

 

C’est M. Harnack, le chef reconnu et respecté de la nouvelle école de Berlin, qui s’est chargé de dénoncer au monde la banqueroute de la critique et la nécessité absolue de revenir en arrière. Cet acte de sincérité courageuse, dont on ne saurait trop le féliciter, il vient de l’accomplir dans un grand ouvrage, en cours de publication, sur les trois premiers siècles de la littérature chrétienne, ouvrage qui restera comme un monument de l’érudition de notre âge, même quand il sera vieilli et dépassé 9.

« Il fut une époque – et le grand public n’en est pas sorti – où toute l’ancienne littérature chrétienne, sans en excepter le Nouveau Testament, était regardée comme un vaste réseau de falsifications et de fraudes. Ce temps n’est plus. Ce fut pour la science un épisode pendant lequel elle a beaucoup appris et après lequel elle doit beaucoup oublier. Les études qui vont suivre réagissent contre cette tendance, car la vieille littérature chrétienne, dans son ensemble et la plupart de ses détails, est authentique et digne de foi. » M. Harnack a trouvé le mot juste et il n’a pas craint de le prononcer : pour l’honneur de la critique, une réaction s’imposait : « Oui, ajoute-t-il, c’est bien réaction que je veux dire, car il faut appeler les choses par leur nom : or, dans la critique des sources de l’antiquité chrétienne, nous suivons en ce moment une direction rétrograde, qui nous ramène à la tradition. » Tous les hommes compétents finiront par reconnaître que « le cadre chronologique suivant lequel la tradition a disposé les anciens monuments du christianisme est exact dans toutes ses lignes principales, et, par suite, force l’historien à rejeter toute hypothèse en opposition avec ce cadre 10. »

Voilà de sages paroles pour un rationaliste : M. Harnack (malgré les fonctions ecclésiastiques dont il est investi) ne sera ni étonné, ni offensé de ce titre ; ses professions de foi sont assez explicites et assez connues 11. Il prodigue à Baur les éloges, mais il ne peut guère s’en dispenser, et je soupçonne son admiration de n’être qu’un enthousiasme de commande, car, en épargnant le maître, il n’a que dédain et mépris pour ses disciples les plus intrépides.

Baur lui-même, au jugement de M. Harnack, a eu de grands torts, et le plus grave de tous a été de faire fi de la tradition : « Les hypothèses de Baur et de son école sont maintenant, on peut le dire, généralement abandonnées ; mais il en est résulté, dans la critique des anciens monuments du christianisme, une défiance mal définie, des procédés tracassiers et ombrageux, ou du moins une méthode mesquine qui s’attache à des minuties et s’en sert pour combattre des données claires et plausibles. On flaire partout des tendances, des interpolations ; à la manière des sceptiques, on met sur le même plan le vraisemblable et l’impossible. »

 

La théorie bruyante de Baur est donc bien morte, et sa tentative avortée ne laissera, dans l’histoire religieuse de notre temps, que le souvenir d’une aberration passagère.

On dit que ses principes ont survécu à son système, et sa méthode aux résultats évanouis. De quelle méthode parle-t-on, et quels sont les principes de Tubingue qui restent debout ?

Est-ce l’antagonisme ardent, irréconciliable des deux fractions de l’Église primitive, ce grand cheval de bataille de la critique de Baur ? Mais cet antagonisme, s’il a existé, n’a pu être observé qu’au microscope ; il échappe maintenant aux yeux les plus perspicaces ; M. Harnack, par exemple, ne le voit pas, car il fait descendre jusqu’à l’issue du second siècle l’ère des grandes luttes dogmatiques et déclare que les écrits de tendance sont l’œuvre, non des deux premiers siècles, mais du troisième. Beaucoup d’autres savants partagent son avis, et les seuls noms de pétrinisme et de paulinisme, au moins entendus comme à Tubingue, excitent chez les spécialistes une hilarité toujours croissante.

Est-ce le chronomètre sur lequel on prétendait régler l’âge relatif des livres inspirés ? Mais cet instrument de précision ne fonctionne plus guère, ou s’il fonctionne, c’est à contre-sens ; car l’évangile de saint Marc, le plus neutre des synoptiques, classé le dernier par l’école de Tubingue, est maintenant regardé comme le plus ancien par presque tous les critiques contemporains.

Serait-ce le postulatum qui exigeait un siècle, au minimum, pour laisser les tendances se développer, se combattre et s’éteindre ? L’école de Berlin demande la preuve de ces longs délais. Pourquoi, dit M. Harnack, trente ou quarante ans ne suffiraient-ils pas ? « Un temps viendra et il est proche, où l’on s’occupera peu de déchiffrer les dates des antiques monuments du christianisme, parce qu’on reconnaîtra partout – à peu d’exception près – les droits imprescriptibles de la tradition. »

Aux résultats démodés, surannés, archaïques de l’école de Tubingue, que substitue, provisoirement, l’école de Berlin ? M. Harnack va nous l’apprendre en se flattant, en s’excusant presque, de dépasser la moyenne dans le sens réactionnaire. La prétention est mal fondée et l’excuse est inutile, car, au lieu de dépasser la moyenne, M. Harnack ne l’atteint pas même aujourd’hui, et demain il en sera loin 12.

 

D’après l’école de Berlin, les deux premiers évangiles seraient à peu près contemporains de la ruine de Jérusalem, mais Marc aurait précédé et Matthieu suivi ce grand évènement. Celui-ci aurait donc pour date l’an 75 et l’autre l’an 65 de notre ère. Saint Luc serait plus récent ; il a dû écrire aux environs de l’an 80, peut-être un peu plus tôt, probablement un peu plus tard. Enfin le quatrième évangile est bien de la fin du premier siècle ; il a pour auteur Jean, non pas l’apôtre, mais le prêtre, signalé par Eusèbe à la suite de Papias, ami et contemporain de son glorieux homonyme et parfaitement inconnu d’ailleurs.

 

On le voit, la critique de Berlin a ses écarts et ses lubies ; elle a deux poids et deux mesures et son éclectisme est arbitraire. M. Harnack lui-même, qui se défend avec vigueur de suivre les errements de la critique interne, se laisse trop souvent conduire par des raisons subjectives, par l’impression et le sentiment. En réalité, il n’en invoque pas d’autres quand il s’agit de déterminer la date des évangiles. Pourquoi saint Luc, contrairement à toute la tradition, doit-il avoir écrit assez longtemps après la prise de Jérusalem ? Parce qu’il prédit, c’est-à-dire raconte, le siège et la destruction de la cité sainte, avec l’impassibilité d’un témoin déjà éloigné de la terrible catastrophe. On saisit toute la force de l’argument : Si saint Luc écrivait avant l’an 70, il faudrait lui attribuer l’esprit prophétique ; mais on ne saurait le faire sans renoncer à la critique et à la philosophie. Tout se réduit donc au fameux postulatum : Pas de prophétie, pas de miracle.

Devinez pourquoi l’apôtre saint Jean n’a pu écrire l’évangile qui porte son nom ? À tout lecteur peu au fait des procédés mesquins de la critique interne la démonstration paraîtra bien futile. La voici en résumé. Le chapitre XXI, v. 20-23, suppose évidemment la mort du fils de Zébédée, or l’auteur du dernier chapitre est l’auteur de l’évangile entier ; l’identité de style en fait foi. D’un autre côté, la tradition est unanime à reconnaître un certain Jean comme l’auteur de l’évangile ; puisque ce n’est point l’apôtre, c’est donc son homonyme et son disciple, le prêtre Jean d’Éphèse. La formule du quatrième évangile serait donc : Évangile de Jean le prêtre, selon l’apôtre Jean. « Je ne comprends pas, remarque M. Harnack, ce qu’on peut opposer à ce raisonnement. »

Ce que M. Harnack se refuse à comprendre paraît tout naturel à d’autres, aussi versés que lui dans la critique des évangiles, et l’authenticité de saint Jean gagne tous les jours du terrain. Tandis que l’ouvrage de M. Harnack était sous presse, M. Resch publiait le quatrième fascicule de son remarquable travail sur les textes parallèles extracanoniques. M. Resch, dont les vues étranges sur la date et la composition du premier évangile sont si connues et si contestées, se prononce, sans hésitation, pour l’authenticité du quatrième. « Ce résultat, dit-il, est dû à la confrontation minutieuse des plus anciens monuments du christianisme, en particulier de la vieille liturgie eucharistique, laquelle remonte au premier siècle 13. »

 

Qui a raison de M. Harnack ou de M. Resch ? Chacun d’eux invoque l’évidence, quelle est l’évidence qui doit prévaloir ? Nous n’avons pas à le décider et nous ne chercherons pas davantage à mettre M. Blass et M. Harnack d’accord, au sujet du troisième évangile.

M. Blass est un philologue de très grand mérite, qui écrit en latin, – en un latin dont le secret semblait perdu depuis plusieurs siècles, – assez libéral d’ailleurs et qui ne craint pas de reconnaître dans les auteurs sacrés de légères erreurs et même de petits mensonges (mendaciola). Mais c’est plaisir de voir les traits acérés qu’il décoche aux théologiens – il parle des théologiens rationalistes – et les sanglantes corrections qu’il inflige aux pseudo-critiques. Pour être attique comme sa langue, son sel n’en est pas moins mordant.

Il faut lire tout le passage où Blass examine et détruit par avance toute l’argumentation de M. Harnack. On peut dire qu’il n’en reste rien et on souscrit de grand cœur à la conclusion de l’illustre professeur de Halle : « Rien ne s’oppose donc à ce qu’on place la composition des Actes et du troisième évangile avant la ruine de Jérusalem 14. »

 

En résumé, durant ce dernier quart de siècle, la critique protestante et rationaliste a beaucoup appris ; il lui reste encore beaucoup à apprendre, mais il convient d’être indulgent en faveur du progrès accompli et des efforts réalisés.

Quelle ne serait pas la stupeur d’un critique d’antan s’il revenait s’asseoir devant une chaire de théologie rationaliste ! En n’entendant plus nommer qu’avec le sourire de l’ironie les impostures et les faux de Lessing, les miracles naturels de Paulus, les mythes plus ou moins spontanés de Strauss, les tendances et les fictions réfléchies de Baur ; en voyant une critique presque sobre succéder à une orgie de paradoxes, il se demanderait avec effroi si notre planète rétrograde et si le monde savant retourne à l’hypothèse inadmissible d’une révélation surnaturelle.

« Parmi les théologiens qui comptent dans la science, écrivait encore Strauss en 1872 15, il n’y en a plus un seul qui tienne l’un des quatre évangiles, quel qu’il soit, pour l’œuvre d’un apôtre ou d’un disciple immédiat des apôtres. » Aujourd’hui Strauss serait obligé de renverser sa phrase et ne trouverait pas un seul critique sérieux disposé à le soutenir, à l’exception peut-être de quelques vétérans de l’érudition scripturaire, champions fanatiques d’une cause perdue, pour lesquels il est trop dur de chanter la palinodie.

Des évangiles publiés trente ou quarante ans après la mort du Sauveur, quand plusieurs de ses disciples et des témoins de sa résurrection vivaient encore, sont évidemment dignes de créance. Ils sont de l’histoire, non de la légende. Cela suffit au théologien : l’historien, lui, demande davantage et soutient jusqu’au bout les droits de la tradition ; mais, réduite à ces termes, la discussion perd beaucoup de son importance et l’avantage fait à l’apologiste, par les aveux de la critique actuelle, saute aux yeux de tous 16.

 

 

IV

 

En voyant tomber les uns sur les autres, sous les coups dont ils s’accablent, les athlètes du rationalisme ; en voyant défiler ces systèmes éphémères qui tous se vantaient d’en finir avec l’Écriture ; en assistant à ces démentis, à ces contradictions, à ces doutes tardifs, à ces aveux d’impuissance, certains catholiques applaudissent et triomphent. Je ne puis les blâmer. Que les ennemis jurés de la révélation s’entre-tuent et s’entre-dévorent, c’est raison et c’est justice ; c’est l’éternelle tactique de Dieu. La note comique ne manque pas non plus au spectacle. Les médecins de Molière traitaient-ils leurs confrères avec un pédantisme plus dédaigneux que les modernes critiques n’en mettent à se délivrer mutuellement des brevets d’ignorance ?

 

À un point de vue plus élevé, ces variations continuelles sont lamentables. Dans une bataille, le canon, même s’il n’atteint pas, énerve et démoralise. Les vanteries et les sophismes de la critique rationaliste produisent un effet analogue. Quelle raison est assez ferme pour se défendre du scepticisme en présence de ces systèmes aussi mouvants que les sables du désert ? Les anciens édifices, si laborieusement élevés, croulent autour de nous ; les nouvelles constructions, qu’on dit plus solides, tiendront-elles davantage ? Où est le chemin de la vérité, quand les pionniers de l’érudition, qui se flattent tous de le suivre, aboutissent aux antipodes ?

Dès lors, faut-il s’étonner de trouver chez les catholiques un sentiment de défiance et même de répulsion pour une science qui renverse sans édifier et dont les inextricables labyrinthes ne semblent mener qu’au doute universel ? Et pourtant, plus que jamais, l’esprit critique est indispensable aux exégètes, aux théologiens, aux apologistes, et même – à des degrés divers – à tous les membres du clergé. Il est des arguments, autrefois classiques, qui ne tiennent plus, des textes abandonnés, des autorités vénérées hier, aujourd’hui suspectes. Que dirait-on d’un exégète qui citerait encore sous le nom de saint Jérôme le commentaire de Pélage, ou d’un théologien qui verrait dans la Hiérarchie ecclésiastique une œuvre du premier siècle ? Si les excès des rationalistes déshonorent la critique, l’ignorance des résultats acquis discrédite la théologie.

 

La défiance, exagérée peut-être mais assez explicable, jette dans un autre péril : celui de la polémique à outrance.

On combat les excès par d’autres excès. On ne sait pas faire, dans une thèse haineuse et perfide, la part de la vérité et de la vraisemblance ; on enveloppe le bien et le mal, le vrai et le faux, dans une même réprobation : les esprits modérés, jaloux de recueillir le bon grain au milieu de l’ivraie, sont soupçonnés de libéralisme ; des faits certains sont niés contre toute raison ; des arguments ruineux maintenus sous prétexte qu’ils favorisent une doctrine ·orthodoxe. Tôt ou tard, ces positions avancées, choisies à la légère et défendues opiniâtrement, deviennent intenables, il faut les évacuer et cette retraite est naturellement prise pour ce qu’elle est, pour une défaite de l’apologie catholique.

Si la bonne volonté suffisait, les apologistes seraient légion ; mais il y faut joindre un jugement sûr, une intelligence ouverte, une vaste érudition, une connaissance profonde du sujet, un immense amour de la vérité et une éducation de l’esprit qui ne s’improvise pas. Trompés par leur zèle et emportés par leur ardeur, certains catholiques semblent l’oublier. Ils se jettent dans la mêlée avec plus de fougue que de prudence, avec plus de bravoure que de tactique. S’ils savaient patienter, le temps viendrait à leur aide et ils auraient la joie de vaincre sans la fatigue de lutter.

Que de talents et d’efforts dépensés à combattre des théories bruyantes déjà vieillies et oubliées, quand la réfutation qu’on leur oppose voit la lumière ! Ces efforts, ces talents mieux dirigés, consacrés à des travaux moins hâtifs et moins transitoires, pouvaient servir la double cause de la science et de la religion ; car la science et la religion sont solidaires et ce n’est pas dans notre siècle qu’il est permis de les séparer.

 

Espérez-vous convertir la critique ? La critique négative est inconvertissable. En cessant de nier elle cesserait d’être. Il faut la renvoyer à l’école, à la preuve de l’existence de Dieu, à la démonstration du miracle, de l’objectivité de nos connaissances ; il faut surtout prier Dieu de lui ouvrir les yeux et les oreilles.

Non, la critique peut évoluer, elle ne se convertira pas. Elle tournera toujours autour de ce postulatum qu’elle voudrait donner pour un axiome : Le miracle est la négation de la science. Elle est condamnée à osciller sans cesse entre les points extrêmes ; à cette heure elle tend vers un minimum d’erreur, elle s’en rapprochera encore, selon toute apparence, pour rétrograder de nouveau et exécuter indéfiniment son éternel va-et-vient. Demain, peut-être, cessera la réaction commencée aujourd’hui et nous redescendrons aux blasphèmes grossiers, aux froides plaisanteries des encyclopédistes.

Or, tandis que la science évolue, la révélation est immuable. Depuis des milliers d’années, les vagues de l’Océan battent en vain les rochers de nos rivages ; à la fin, cependant, le flot succédant au flot rongera les dures falaises ; mais la critique se brisera éternellement contre le roc de l’Évangile, sans le détruire ni l’entamer, car les cieux et la terre passent, mais la parole de Dieu ne passera pas.

 

 

F. PRAT, S. J., L’Évangile et la critique.

 

Paru dans Études en 1897.

 

 

 

 

 



1  Vie de Jésus. Introduction, LI.

2  Strauss, Nouvelle vie de Jésus, trad. franç., t. I, p. 193.

3  Zeller, Baur et l’École de Tubingue. Paris 1883, p. 104.

4  Renan, Vie de Jésus. Introd., XV.

5  Strauss, Nouvelle Vie de Jésus, trad. franç., t. I, p. 394.

6  Zeller, Baur et l’École de Tubingue. Paris, 1883, p. 97.

7  Ernest Havet : La modernité des Prophètes, 1891 (ouvrage posthume), p. 30.

8  Voici la série ascendante des dates assignées successivement à l’apparition du quatrième évangile : 170 (Baur), 160 (Volkmar), 150 (Zeller), 140 (Hilgenfeld), 130 (Keim), 115 (Renan), 100 (Aubé), 90 (Ewald), 80 (Meyer), 70 (Wegscheider). Pour les trois synoptiques l’écart n’est pas moindre. Baur adoptait l’ordre suivant : Matthieu, Luc, Marc avec les dates respectives, 130, 150, 160 ; Volkmar lui substitue l’ordre inverse : Marc, Luc, Matthieu avec les dates 73, 100, 110 ; Hilgenfeld préfère l’ordre : Matthieu, Marc, Luc et les dates 70-80, 69-96, 100 ; B. Weiss au contraire place Marc en 67, Matthieu après 70 et Luc vers 80. Les autres flottent incertains entre ces limites extrêmes. Toutes les combinaisons semblent épuisées.

9  Le titre général de l’ouvrage est : Geschichte der altchristlichen Litteratur. Il comprendra trois parties. La première, intitulée : Übersicht über die Überlieferung und den Bestaud der altchriltlichen Litteratur (Aperçu de la transmission et de l’état de l’ancienne littérature chrétienne), a paru en 1893 : la seconde : Die Chronologie der Altchristlichen Litteratur bis Eusebius (La chronologie de l’ancienne littérature chrétienne jusqu’à Eusèbe), aura deux volumes dont l’un, traitant des origines jusqu’à saint Irénée, vient d’être livré au public. La troisième partie, à un point de vue la plus importante, aura pour titre : Die Charakteristik und die innere Entroiclelungsgeschichte der Litteratur (Caractéristique et histoire du développement interne de la littérature chrétienne).

10  Harnack, Die Chronologie der altchristliclien Litteratur. Préface, p. X.

11  La foi en un Dieu créateur, en Jésus-Christ son fils, au salut par Jésus-Christ : voilà tout le credo de M. Harnack, ou plutôt le seul qu’il exige d’un ministre de l’Église réformée.

12  M. Harnack, tout en parlant beaucoup de réaction et de recul, s’en tient à l’opinion des critiques protestants-rationalistes les plus en renom. Il regarde comme définitifs les points sur lesquels Weiss et Jülicher s’accordent. À plus forte raison considère-t-il le trio Holtzmann-Jülicher-Weiss comme infaillible. Son manifeste est courageux, mais sa critique est plutôt timide. Rien n’empêche donc de le prendre pour terme de comparaison entre la critique extrême d’autrefois et la critique plus modérée d’aujourd’hui.

13  A. Resch. Aussercanonische Paralleltexte zu Johannes, 4e livraison, p. 221. Leipzig, 1896. – (Dans les Texte und Untersuchangen zur Geschichte der altchristlichen Litteratur publiés par O. de Gebhardt et A. Harnack, t. X.)

14  F. Blass, Acta apostolorum, editio philologica. Göttingen, 1895, p. 5.

15  L’ancienne et la nouvelle foi, trad. Narval. Paris, 1876.

16  Le P. Boese en a bien tiré parti dans sa brochure Die Glaubwürdigkeit unserer Evangelien (Le crédit dû à nos Évangiles). Fribourg-en-Brisgau, 1895. 3e section, chap. 2e : Que des évangiles, écrits en l’an 80, sont dignes de foi.

 

 

 

 

 

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