Pierre Nothomb

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Gaston PULINGS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Poète, poète nous t’avons surpris au carrefour des bonnes et des mauvaises intentions et nous t’avons dit : « Oublie le romancier, l’essayiste, l’historien, le politique et reste le poète. » Tu ne trahiras aucun devoir puisque ta fonction essentielle c’est la poésie et que tout le reste tu te l’es donné par surcroît.

Le romancier certes publia des livres comme Le Lion ailé, La rédemption de Mars, Vie d’Adam que nous ne pouvons oublier. Mais justement le souvenir que nous en gardons provient de l’enchantement que ces romans nous ont procuré.

Poésie encore et toujours parce qu’un poète ne peut se trahir à tel point qu’en relisant le dernier recueil des poèmes de Pierre Nothomb, paru dans la série des Cahiers du Journal des Poètes, Délivrance du Poème, nous assistons directement à la délivrance du héros de Lion Ailé. Double fiction d’un drame sentimental que l’élévation de l’esprit pouvait libérer.

Nothomb est venu à la poésie par une voie personnelle et dès son début. Un chant de candeur et d’innocence, celui d’une âme qui naît dans un monde d’anges et qui naturellement chante. L’Arc en ciel paraît à Durendal en 1909 ; c’est le poème du jeune homme qui dessine sa première aquarelle et aperçoit les ailes des séraphins coloriées des mille feux du soleil. Il y a aussi la terre qui renaît, les couleurs opalines, les ocres des labours, la rosée dans l’herbe, les bleus pâles du firmament, des chants d’oiseaux, un lever de prières et de glorification.

Mais l’homme est né. Un nouveau pèlerinage le tente, c’est vers Notre Dame du Matin qu’il s’achemine. Chants à la Vierge, à la nature qui font penser aux belles peintures naïves de Maurice Denis imprégnées de lumière et du sentiment des choses irréelles. Avec l’Âme du Purgatoire nous sommes entre bonheur et souffrances, entre les plaisirs et les devoirs. Aussi les doutes, les inquiétudes, les présages, avancent leurs serres. Il manquait l’enfant, le voici, l’ange a pris la chair de l’homme et les époux lui ont donné leurs sangs. La poésie de Nothomb devient plus tragique, son vers conquiert une forme plus pleine, la plainte murmure, l’âme prie. Mais il faut connaître les désastres pour s’élever plus avant dans la perfection. Marisabelle, doux nom d’enfant chérie, est partie pour le royaume des anges. Ah ! que le poète se fait tendre lorsque la douleur et la séparation l’accablent. Il n’est plus un tragique, il n’est pas non plus un désespéré : il a en lui trop de foi et de confiance pour s’entourer de voiles funèbres. Cet ange envolé, il le sait plus proche de sa pensée ; il y a entre eux un lien subtil qui les lie à jamais. C’est un jeu de cache-cache qu’ils se jouent, un jeu ou l’immensité prend sa part pour séparer les partenaires mais où l’infini les laisse se parler et se comprendre. Jamais non plus la poésie de Pierre Nothomb n’a été plus simple, plus claire, plus émouvante en dehors de tout artifice. Un grand rêve qui enferme une vie telle qu’elle aurait dû être alors qu’elle n’est déjà plus.

Depuis lors, le poète s’est tu ; il y a presque 20 ans que Marisabelle a été écrit au front, à l’Yser, mais le poète ne faisait que sommeiller.

Sa poétique si précise, si nette, empreinte des plus belles règles classiques, subissait une crise pendant ces époques indécises où un monde nouveau se cherchait une voie. L’art particulièrement bouleversé allait d’un extrême à l’autre, maladie de renouvellement et de rajeunissement. Son style si ferme, aux lignes précises, se présentait sans prise aux essais de dissociation. Au contraire, c’est de lui que devait venir naturellement le raccord entre la première et la future. Nous ne savons pas à quelles épreuves Nothomb a soumis son talent et comment sa forte personnalité a pu réussir un ensemble aussi parfait et aussi complet que Délivrance du Poème.

Ses poèmes semblent jaillis d’un jet, mais l’on sent qu’ils sont le résultat d’un bouleversement de conceptions et de moyens, une délivrance dont la réussite ne paraît que meilleure.

Le dépouillement est devenu complet, jamais pauvre, mais scintillant d’images pures, d’ellipses ramassées pour réunir deux éclairs. Une poésie qui est d’hier et d’aujourd’hui, le cri d’amour et d’appel qui règle la grandeur de l’homme.

 

 

Gaston PULINGS.

Paru dans Courrier des poètes en 1937.

 

 

 

 

 

 

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