LES

 

PREMIERS CHAPITRES

 

DE LA

 

GENÈSE

 

 

SIX CONFÉRENCES

 

 

 

par

 

 

 

Gustave RÉGAMEY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Clef hiéroglyphique des Écritures

 

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En entreprenant cette nouvelle série de conférences, j’obéis, Mesdames et Messieurs, au désir bien légitime d’opposer aux enseignements religieux de la lettre qui tue, suivant l’affirmation catégorique de l’apôtre Paul (II Cor. 3, 6), ceux de la religion de l’esprit qui vivifie.

Ce n’est certes pas sans raisons majeures que je désire attirer l’attention des chrétiens bien pensants sur une question dont on ne saurait envisager avec trop de sérieux toute l’importance, puisque la vie de l’Église chrétienne s’alimente en définitive des enseignements spirituels de la Parole de Dieu qu’il s’agit pour cela d’interpréter d’une manière aussi intelligente et rationnelle que possible.

Nous nous trouvons de nos jours en présence de deux conceptions de l’interprétation des Saintes Écritures. La première, la plus ancienne, est représentée par une catégorie de chrétiens qui préconisent un littéralisme biblique des plus intransigeants.

N’essayez pas de leur dire qu’il est impossible qu’à notre époque un homme d’un jugement sain puisse reconnaître comme naturellement exactes toutes les affirmations du texte biblique de la création. Ils vous répondront que la science s’harmonise de plus en plus avec les récits mosaïques et que la verdure, l’herbe portant semence, les arbres fruitiers donnant du fruit selon leurs espèces, peuvent très bien avoir été créés, comme le dit la Bible, avant le soleil et sans son influence.

Efforcez-vous de leur faire entendre que, sans cesser d’être la Parole de Dieu, les onze premiers chapitres de la Genèse, comme d’ailleurs tous les livres qui constituent cette Parole de vie, renferment, caché sous le voile de la lettre, un sens interne et spirituel dont la révélation réconcilie les Saintes Écritures avec la raison, ils prendront en pitié votre folle prétention de vouloir en savoir davantage que Dieu Lui-Même, et, prenant en mains le livre sacré, ils vous diront : « Dieu nous a dit dans sa Parole qu’Il a créé la femme d’une côte d’Adam, j’y crois. Je crois que le serpent était le plus rusé des animaux des champs et qu’il a tenu conversation avec Ève dans sa propre langue pour la séduire. Je crois que nos premiers parents ont été perdus pour avoir mangé du fruit défendu d’un arbre véritable appelé arbre de la connaissance du bien et du mal qui se trouvait au milieu du jardin dans lequel ils avaient été placés, et que, par eux, le genre humain tout entier a été maudit. Je crois littéralement partant à tous ces enseignements parce que c’est la Bible qui les donne. Je crois, puisque la Bible le dit aussi, que plus tard, l’humanité s’étant considérablement corrompue et détournée des commandements de Dieu, ce Dieu qui est amour a sacrifié son amour à sa justice en faisant périr, par les eaux d’un déluge qui s’est répandu sur toute la terre, cette humanité pécheresse. Je crois au déluge dont la science a d’ailleurs découvert des vestiges jusque sur les plus hautes montagnes. Je crois que Noé, qui n’a pourtant pas passé par un polytechnicien quelconque, n’en a pas moins été le plus grand architecte que la terre ait jamais vu, puisqu’il a pu construire une arche, un vaisseau protecteur d’un tonnage suffisamment grand pour contenir deux spécimens de chacun des animaux de la création qu’il s’est agi de sauver de la destruction.

Combien imprudents sont les chrétiens qui ne réfléchissent pas qu’en prêchant de la sorte ils exposent la Bible à la risée des hommes, parce qu’ils les encouragent, inconsciemment peut-être mais pas moins réellement, à douter de sa sainteté, à nier son inspiration divine et à la considérer comme un tissu de fables et d’erreurs offertes à la crédulité publique.

Le littéralisme biblique a détaché de la religion chrétienne la grosse majorité de l’élite intellectuelle et bien pensante de l’humanité. Ce littéralisme outrancier constitue à l’heure actuelle encore un des plus grands obstacles à l’acceptation de l’Évangile du Christ et par conséquent à l’instauration du Royaume de Dieu parmi les hommes. Ce littéralisme irréfléchi fournit des armes par trop faciles à manier contre la Parole de Dieu à tous les incrédules et les libres penseurs. Ce littéralisme a donné naissance à la grosse majorité des sectes qui divisent la chrétienté, et j’accuse d’inconséquence tous ceux qui le prêchent, car enfin il n’y a pas plus de raisons qui nous incitent à interpréter littéralement les onze premiers chapitres de la Genèse que beaucoup d’autres passages de la Parole.

Pourquoi ces chrétiens littéralistes ne sont-ils pas tous catholiques romains, puisque c’est en se fondant sur le sens littéral de cette parole du Seigneur à son apôtre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église (Math. 16, 18) » que le clergé catholique romain a établi l’autorité du pape dont il a fait le vicaire de Jésus-Christ ? Pourquoi le bon sens les empêche-t-il de s’arracher les yeux et les mains qui les font tomber dans le péché, suivant l’invitation de Jésus Lui-Même (Math. 5, 29-30), alors que ce même bon sens ne les empêche pas de croire qu’un serpent, au sens propre de ce mot, a pu causer avec Ève dans sa langue et la déterminer à désobéir aux ordres de son Créateur ? Pourquoi ne disent-ils pas du pain et du vin de la Cène qu’ils sont vraiment le corps et le sang du Seigneur ? Pourquoi ne haïssent-ils pas leur père, leur mère, leur femme, leurs enfants, leurs frères et leurs sœurs et même leur propre vie, comme littéralement parlant le Seigneur le leur demande (Luc 14, 26) ?

Un grand nombre de passages pris dans le sens de la lettre sont incompréhensibles. Je n’en citerai que quelques-uns. Dans la prophétie d’Israël (Gen. 49, 17), il est dit : « Dan sera un serpent sur le chemin, un serpent à élan sur le sentier, qui mord les talons du cheval et son cavalier tombera à la renverse. » Personne ne peut comprendre cette prophétie en n’en cherchant la signification que dans le sens littéral.

« En ce jour-là, dit Jéhovah, par la bouche du prophète Zacharie, je frapperai tout cheval de stupeur et son cavalier d’aveuglement et j’ouvrirai mon œil sur la maison de Juda, mais je frapperai d’égarement tout cheval des peuples. » J’avoue que si je n’avais que le sens littéral pour m’expliquer l’expression « tout cheval des peuples », je ne comprendrais pas grand chose à ce passage (Zac. 12, 4).

Lorsqu’Élisée vit Élie monter au ciel dans un tourbillon, il s’écria : « Mon père, mon père, char d’Israël et sa cavalerie » (II Rois 2, 12). Plus tard le roi Joas dit aussi à Élisée : « Mon père, mon père, char d’Israël et ses cavaliers » (II Rois 13, 14). Élie et Élisée sont donc appelés tous deux « Char d’Israël et ses cavaliers », expression qui, littéralement, n’a pas de sens.

Si l’on veut tout expliquer littéralement, comment se tirer d’affaire avec le premier verset du chapitre cinq d’Ésaïe où nous lisons d’après le texte original hébreu : « Une vigne appartenait à mon bien-aimé en la corne du fils de l’huile » ? Ce passage est tellement incompréhensible que la plupart des versions bibliques le traduisent comme suit : « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. » Cette traduction est plus explicite sans doute, mais, pour la justifier, il faut remarquer qu’il s’agit d’un hébraïcisme.

Voici encore un autre passage du prophète Ésaïe qui n’est pas non plus facile à comprendre. Il s’agit de Jérusalem restaurée à qui Jéhovah s’adresse en lui disant : « Tu suceras le lait des nations et tu suceras les mamelles des rois, afin que tu saches que moi, je suis Jéhovah, ton Sauveur et ton Rédempteur, le puissant de Jacob » (És. 60, 16). Que peut donc signifier cette expression : « Sucer les mamelles des rois » ?

Citons enfin cette parole de l’auteur du psaume 137 qui met dans la bouche des captifs de Babylone ces cris de vengeance : « Fille de Babylone qui vas être détruite, heureux qui te rendra ta pareille de ce que tu nous as fait ! Heureux qui saisira tes petits enfants et les écrasera contre le rocher ! » Il est difficile de s’édifier de paroles semblables. Elles se trouvent pourtant dans la Bible et je ne sache pas que nous puissions nous arroger le droit de les méconnaître ni de leur refuser a priori un degré quelconque d’inspiration pour la simple raison qu’elles n’ont pas de sens ou que leur sens littéral nous répugne.

D’ailleurs, indépendamment d’un grand nombre de passages semblables, la Bible renferme, comme nous le savons tous, des ordres dont la cruauté nous choque, des erreurs scientifiques qu’il serait absurde de méconnaître, des prophéties jamais réalisées et non réalisables littéralement parlant, des contradictions et des paradoxes nombreux. Les hommes de science ont montré que le récit biblique de la création était contredit par la création elle-même. Les moralistes se sont révoltés en présence des ordres cruels donnés par Jéhovah aux Israélites concernant le massacre des populations cananéennes. Ils protestent contre l’ordre que reçut le prophète Osée d’aimer et d’épouser une femme adultère. Les pacifistes s’élèvent contre le titre de « Dieu des batailles » attribué à Jéhovah, le chef des armées d’Israël. La critique s’est heurtée au fait que dans certains passages Dieu est amour, tandis que dans d’autres il nous est dit que nous avons à redouter sa colère et sa vengeance. Tantôt, il nous est représenté comme la personnification de la bonté et de la miséricorde, tantôt au contraire comme un Dieu jaloux qui punit l’iniquité des pères sur les enfants.

Le temps me paraît arrivé, Mesdames et Messieurs, de renoncer à la conception enfantine que nous nous sommes faite jusqu’à maintenant de la Parole de Dieu. Renonçons à considérer ce Livre sacré comme tout autre livre humain. Quand un homme écrit un livre, nous nous attendons à trouver dans son ouvrage des marques certaines de sa sagesse, de son intelligence et de ses connaissances acquises. Si donc nous croyons que le Seigneur est vraiment l’auteur de sa Parole écrite, s’il a vraiment pris corps en elle comme il s’est incarné au sein de l’Humanité dans la Parole vivante, ne devons-nous pas en inférer que tel Il est, tel doit être son Livre ? N’en conclurons-nous pas que ce Livre doit être divin et infini, comme son auteur ? N’avons-nous pas le droit de nous attendre à voir tôt ou tard, suivant le degré de notre visualité spirituelle, briller les rayons de la sagesse éternelle sur chacune de ses pages ? Si, comme nous le concevons sans peine et comme d’ailleurs la Bible elle-même nous le déclare, Dieu est Esprit, la Révélation divine qu’Il nous a faite de sa personne et de son amour ne doit-elle pas aussi se faire remarquer par son caractère spirituel ? Cela est tellement vrai que notre Seigneur Jésus-Christ, Celui que nous croyons être le Dieu trois fois saint incarné dans un corps d’homme, Celui qui nous a dit qu’Il était venu du Père pour nous parler de sa part, nous a dit aussi : « Mes paroles sont esprit et vie » (Jean 6, 63). Que signifie cette importante déclaration sinon que les paroles du Seigneur renferment, caché sous le voile de la lettre, un sens spirituel conforme à la nature de Celui qui les a prononcées.

À la conception de l’interprétation littérale des Écritures, nous opposons donc, Mesdames et Messieurs, une conception nouvelle d’interprétation, conception basée sur la nature de Dieu Lui-Même. Un Être dont la sagesse et l’intelligence sont infinies ne peut pas être l’auteur d’un livre imparfait. Ce livre doit être parfait comme Lui et son contenu doit pouvoir s’approprier à tous les besoins auxquels il est destiné. Il doit convenir à la plus haute intelligence comme à la plus humble. Il ne peut renfermer aucune expression qui n’ait une portée ou une signification spirituelle. Nous devons le considérer comme un code de lois divines destinées à régler notre foi et notre conduite et à servir de moyen de communication entre l’homme et Dieu.

Or, tout ce qui procède immédiatement de Dieu en ce qui concerne l’expression de sa volonté doit être spirituel et divin. Le seul but de la Parole écrite doit donc être le perfectionnement de l’homme dans la sagesse qui mène au salut. Il s’ensuit que des circonstances purement historiques et des données apparemment scientifiques ne sauraient avoir assez d’importance aux yeux d’un Être infini pour trouver place dans sa Parole, à moins qu’elles ne rappellent en même temps des choses d’une haute valeur spirituelle. Ainsi quand nous trouvons dans le Livre divin des passages qui semblent se rapporter uniquement â des affaires temporelles, nous devons être convaincus que des choses d’une importance supérieure et éternelles sont cachées sous ces récits historiques et conséquemment qu’il y a dans les Saintes Écritures un sens interne et spirituel qui traite de choses spirituelles et non de choses temporelles ou naturelles, de choses relatives à l’âme et à la vie éternelle et non à cette vie passagère seulement. Enfin les circonstances historiques détaillées dans la Bible, et qui commencent avec le chapitre onzième de la Genèse, sont substantiellement vraies en général. Si l’une ou l’autre est contradictoire sous certains rapports, ce ne peut être que le récit ne soit pas divinement inspiré en cet endroit, mais c’est que la lettre a été forcée de se plier aux exigences des matières spirituelles importantes qu’elle renferme intérieurement.

Nous disons donc que ces contradictions ou ces erreurs, apparentes au point de vue littéral, sont nécessaires à l’interprétation des vérités spirituelles qu’elles doivent exprimer. Il n’y a dans cette affirmation rien de déraisonnable, car toute composition soit divine soit humaine doit être jugée suivant qu’elle est appropriée au but de son auteur. Or une révélation divine doit moins avoir pour but de nous perfectionner dans les sciences historiques ou naturelles que dans la connaissance des choses célestes et spirituelles ; et si telle est  la fin ou le but de l’œuvre dans son ensemble, tout dans le détail doit concourir à cette fin. Nous considérons donc le sens littéral de la Parole comme n’étant destiné qu’à servir d’enveloppe au sens spirituel pour que celui-ci traite de la manière la plus parfaite du Seigneur et de son royaume, de l’âme et de sa régénération et de ses progrès dans la vie spirituelle. Jamais, si l’on avait constamment pensé de la sorte, il n’y aurait eu d’objections contre l’inspiration de la Parole ou, s’il y en avait eu, elles seraient bientôt tombées devant des réponses complètement satisfaisantes. Mais avant que d’aller plus loin, il me paraît nécessaire de prévenir une observation que d’aucuns pourraient nous faire.

Le sens littéral de la Bible, dira-t-on peut-être, se prêtant lui-même à quantité d’interprétations, qu’en sera-t-il si, indépendamment de ce sens, il y en a un autre caché à l’égard duquel chacun se sentira libre de formuler ses conjectures personnelles ? Cette objection est facile à réfuter. Le sens spirituel que nous préconisons n’est nullement arbitraire, car la Parole de Dieu a été écrite d’après les relations de correspondances qui existent entre le monde céleste et spirituel d’une part et le monde naturel de l’autre. La science de ces correspondances est la seule clef qui puisse nous ouvrir l’écrin du sens spirituel des Écritures. La grande diversité d’opinions concernant la lettre de la Parole provient en grande partie de l’absence d’une telle clef. Plus nous connaîtrons cette science, plus nous serons d’accord pour juger et comprendre le texte sacré.

Il est cependant une remarque que je dois faire avant de vous l’exposer.

Si je me suis élevé contre l’interprétation purement littérale du texte sacré, je tiens à dire que le sens de la lettre est nécessaire puisqu’il est le moyen par lequel nous apprenons à connaître les vérités de la religion. Il présente à lui seul d’importantes applications indépendamment de ce qu’il est le fondement et la base du sens interne. Si, comme nous venons de le voir, un grand nombre de passages de la Parole ne sont, dans leur sens littéral, d’aucun usage pour la vie spirituelle, cependant les vérités les plus importantes et les doctrines fondamentales de la religion sont tirées du sens littéral des Écritures. Ce sens contient toutes les vérités essentielles au salut. Il s’ensuit que le lecteur le plus ignorant peut y puiser les vérités nécessaires à sa régénération.

Mais, au fur et à mesure qu’il avance dans la vie chrétienne, l’enfant de Dieu éprouve le besoin de pénétrer les choses les plus intimes et les plus élevées de la sagesse et de l’amour divins. Le sens spirituel répond à ce besoin.

Le sens spirituel et le sens littéral se prêtent d’ailleurs un secours mutuel et se rehaussent l’un par l’autre. Car, quoique la divine Vérité resplendisse d’un éclat particulier dans le sens spirituel, elle n’acquiert la plénitude de sa puissance qu’autant qu’elle est complètement revêtue de la lettre, comme l’esprit humain développe toutes ses facultés au moyen du corps comme instrument d’action sans lequel elles resteraient cachées et inertes.

Il a fallu, pour que le Seigneur pût nous révéler la science des correspondances, science connue et appréciée des anciens, mais graduellement pervertie et tombée dans l’ignorance et dans l’oubli, que le Seigneur introduisît dans le monde spirituel, le monde des causes, un de ses serviteurs auquel il ouvrit les yeux de l’esprit. Swedenborg put ainsi constater les relations qui existent entre les causes spirituelles et les formes matérielles dans lesquelles elles prennent corps. Chaque effet correspond à sa cause et est l’image extérieure de l’essence active qui le pousse à l’existence. Tout le monde naturel correspond au monde spirituel et cela non pas seulement dans son ensemble, mais dans chacune de ses parties. Et tout ce qui existe et subsiste dans le naturel par le spirituel s’appelle correspondance.

Il existe ainsi une série ininterrompue de causes et d’effets par lesquels tous les objets créés se trouvent en rapport entre eux et avec la cause première. Nous disons par conséquent que le corps naturel de l’homme correspond à l’âme dans toutes ses parties et que le sens littéral de la Parole correspond à son sens interne ou spirituel. Dans la nature, le soleil et les étoiles sont des foyers de chaleur et de lumière par le moyen desquels la terre et l’homme sont réchauffés et éclairés également. Nous lisons dans le prophète Malachie (4, 2) : « Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le Soleil de Justice qui porte la santé dans ses rayons. » Jésus Christ est le Soleil de Justice, le divin Soleil de nos âmes qui déverse les chauds rayons de son amour dans les régions intimes de notre être et qui nous met au bénéfice de sa lumière et de sa sagesse. La terre qui est réchauffée et éclairée par les luminaires grands et petits est le type de l’homme qui est illuminé et réchauffé par le Seigneur. Dans la parabole du semeur (Matth. 13, 4-23), Jésus dit à ses disciples que la semence, c’est la Parole. La terre est donc le cœur de l’homme, c’est-à-dire l’homme lui-même qui reçoit cette semence. Parfois c’est une bonne, parfois c’est une mauvaise terre. Les rivières et les fleuves qui sillonnent la terre, qui l’arrosent et la fertilisent, sont les types de ces fleuves d’eau vive qui désaltèrent et rafraîchissent notre intelligence et notre volonté et qui leur font porter des fleurs et des fruits, nos bonnes actions. Le monde naturel, dit Swedenborg, est ainsi uni au monde spirituel par des correspondances. Tout dans l’univers que nous habitons correspond nécessairement à l’univers spirituel où réside l’énergie vitale qui donne à toute chose l’existence et la forme. Le monde moral subsiste par l’amour et la sagesse et le monde physique par deux propriétés correspondantes, la chaleur et la lumière. C’est ce qui nous fait dire dans le langage habituel que l’amour réchauffe et que la sagesse éclaire, que l’amour est un feu qui nous consume et que la sagesse ou la vérité qui en procède est un flambeau qui nous guide.

La science des correspondances est immense dans ses applications. Par elle s’établit un lien direct entre le ciel et l’homme. L’univers ayant été créé pour l’homme, tout y sert à ses besoins, et ce qui est nécessaire à la vie de son corps correspond à ce qui nourrit son esprit. L’eau qui sert à ses ablutions correspond à ce par quoi sa nature spirituelle se purifie, à savoir la vérité. Les anciens philosophes enseignaient déjà que l’homme est un microcosme, un petit univers. De quelque côté que l’homme fixe ses regards à l’extérieur, il saisit quelque chose qui se rapporte à son être intérieur, une manifestation concrète d’une pensée ou d’un état intérieur. Les agneaux bêlants, les brebis laineuses, les tigres cruels, les renards rusés, les loups ravisseurs, les serpents venimeux, dépeignent les affections actuelles ou possibles de sa nature. Dans les jardins remplis de mauvaises herbes ou de fleurs odoriférantes, de fruits savoureux ou de baies nuisibles, il retrouve l’image de son état de vie, de sa nature négligente ou maladive, de ses espérances, de sa croissance et de sa maturité spirituelle. « Rien n’existant sans un antécédent, toutes les choses qui frappent nos regards ont donc une origine. Elles n’existent sur la terre que parce qu’elles sont en principe dans l’immatériel. Si elles existaient sur la terre sans avoir existé auparavant dans le monde des causes, elles auraient tiré leur origine de la nature brute, ce qui est opposé aux lois de l’ordre. Quelques grains de poussière détrempés par la pluie ou séchés par les rayons du soleil ne produisent pas la pensée, l’intention ou le mouvement. Il y a quelque chose de moral au-delà de l’organe, et il y a de même dans les corps qui nous entourent quelque chose de significatif au-delà de la forme. Le peuple sent si bien cela qu’il découvre des emblèmes dans les couleurs et que pour lui le bleu marque la joie, le blanc l’innocence, et qu’il prête un langage aux fleurs. La cause est cachée dans tout effet, car il n’y a rien qui ne procède du monde invisible. Il n’y a rien par conséquent qui, correspondant à celui-ci, n’ait une signification et c’est par là que ce qui est divin communique avec ce qui est purement physique 1. »

J’ai dit que les hommes n’ont pas toujours été ignorants comme nous le sommes des relations de correspondance qui existent entre le monde spirituel et le monde matériel. Presque toutes les anciennes mythologies témoignent de ce fait en suggérant pleinement à chaque esprit qui réfléchit l’existence d’une signification symbolique contenue dans la lettre de leurs récits. Beaucoup de coutumes qui nous sont parvenues depuis un temps immémorial nous renvoient à une période de l’humanité où la signification profonde des actions extérieures de l’homme était connue. Personne ne peut plus expliquer par exemple à quelle utilité répond le fait que nous nous découvrons la tête en signe de respect, tandis que nous nous agenouillons pour la prière. Pourquoi nous saluons-nous en nous embrassant ou en nous serrant la main ? Pourquoi contractons-nous la cérémonie du mariage en nous mettant un anneau au doigt ? Il faut faire remonter l’origine de toutes ces coutumes à une époque où l’on avait la connaissance et la perception des relations qui existent entre le monde spirituel et le monde naturel. La science des correspondances nous remet peu à peu en mesure de comprendre ces relations. Comme toute autre science, elle doit être étudiée, car elle n’a rien d’arbitraire. Il en reste des traces dont les hiéroglyphes que l’on retrouve sur les monuments égyptiens ne sont pas un des moindres vestiges. Avant que cette science fût tombée dans l’oubli, avant que les hommes fussent accoutumés à regarder à tout ce qui les entoure par le côté matériel seulement, les mystères des anciennes théologies étaient fort simples et compréhensibles. Ils se transformèrent en mythologies et en fables quand on commença à perdre leur signification. Ce ne fut que lorsque les Grecs l’eurent perdue qu’ils en vinrent à regarder Minerve comme une personnalité sortie un jour telle que du cerveau de Jupiter. Nous comprenons sans peine leur erreur. Minerve personnifiant la sagesse de Jupiter le Dieu créateur, rien n’était plus naturel que de se représenter la sagesse comme provenant du cerveau du créateur. Mais la religion ne se transforma en mythologie que lorsque l’homme fut tombé dans un si profond matérialisme qu’il ne put plus concevoir le spirituel et l’invisible par le moyen des représentations matérielles qu’il en avait sous les yeux. Nous avons conservé dans notre langage un grand nombre d’expressions symboliques qui ne sont pas autre chose qu’un vestige de la connaissance des correspondances. Nous disons volontiers de quelqu’un qu’il est un agneau ou bien au contraire un loup rapace, un renard habile et rusé. Cela tient au fait que les animaux symbolisent nos affections. C’est pour cela d’ailleurs qu’on les voit jouer un rôle si considérable dans la Fable. Quand nous parlons du bras de l’Éternel, nous voulons parler de sa force. Nous disons d’un ami qu’il nous a témoigné une chaude affection et que nous avons un brûlant désir de lui faire sentir notre reconnaissance. Le mot cœur est souvent employé pour la volonté et les affections. Nous disons : de bon cœur, de tout cœur. Les mains désignent la puissance et, dans ce sens, nous disons d’un gouvernement qu’il est en de bonnes mains. Les propriétés physiques des objets elles-mêmes nous fournissent souvent aussi des analogies ; quoi de plus commun que de prononcer des paroles piquantes, de sentir des douleurs aigues, de manifester des sentiments amers, d’émettre des pensées élevées.

Mais revenons à la Parole de Dieu. C’est un livre divin. La différence qu’il y a entre les œuvres de Dieu et celles des hommes consiste dans l’organisation intérieure que possèdent les œuvres du Seigneur. Quand nous regardons un tableau, une statue, nous avons tout vu dès que nous en avons examiné la surface. Quand par contre nous contemplons les ouvrages du Créateur, nous sommes émerveillés des perfections intérieures qu’elles renferment indépendamment de la beauté de leur aspect extérieur. Supposer que le sens littéral de la Parole soit tout ce qu’elle contient est aussi déraisonnable que de prétendre que le corps humain ne se compose que d’épiderme parce que la simple vue ne découvre pas autre chose. Or nous savons que cet épiderme cache une foule de merveilles que la science a découvertes. Nous devons pareillement regarder la lettre de la Parole comme son épiderme, laquelle renferme au-dedans d’elle d’innombrables vérités spirituelles adaptées jusqu’à un certain point à l’intelligence des hommes éclairés, mais bien plus compréhensibles encore à celle des êtres purement spirituels.

Le sens profond de l’Écriture n’a jamais trait aux évènements cosmiques, aux empires, aux États, mais comme je l’ai déjà dit, au Seigneur, au ciel, à la Rédemption et par conséquent à l’Église considérée comme le corps de Christ. C’est en quelque sorte une suite de paraboles. Adam n’est pas un homme, c’est une première humanité, l’humanité de l’âge d’or, la première ou une très ancienne Église. Il en est de même de Noé qui typifie l’Église de l’âge d’argent, qui commença avec le noyau resté en conjonction avec le divin et le céleste de l’Église précédente, après l’évènement que la Bible nous présente comme un déluge d’eau, expression que nous devons prendre aussi dans son sens symbolique. Le déluge dans lequel prit fin la dispensation de l’âge d’or fut en réalité une inondation de perversités et de maléfices de tous genres. L’Église ou l’économie juive fut représentative. Israël selon la chair est le type de l’Israël spirituel qu’il y a en chacun de nous. Sa captivité en Égypte, sa délivrance, son voyage dans le désert avant son entrée dans le pays de Canaan sont l’image de la captivité, de l’asservissement au péché de l’homme spirituel que le Seigneur délivre pour le faire entrer graduellement au pays de la promesse, c’est-à-dire dans l’état de bonheur qui résulte de notre conjonction avec Lui. C’est l’histoire de toute âme que Dieu régénère. Envisagés à ce point de vite, les récits bibliques sont autrement plus intéressants et plus profitables qu’ils ne le sont dans leur sens purement littéral et historique. Les applications que nous pouvons en faire sont incomblables et toutes plus précieuses les unes que les autres. Nous n’en épuiserons jamais la matière, car le Livre de Dieu est le Livre de l’Infini. D’une manière générale l’étude du sens interne de la Parole est une des plus passionnantes que je connaisse. Elle a pour précieux résultat celui d’aider puissamment le chrétien à se régénérer, en lui permettant de se conjoindre plus intimement avec le Divin par sa Parole. Le sens interne réconcilie les passages apparemment contradictoires dans le sens littéral. Il explique ceux qui sont obscurs, ceux dont le sens purement naturel pourrait avoir pour effet fâcheux de troubler l’âme des fidèles.

Le récit de la chute, par exemple, s’explique, comme nous le verrons également dans une conférence subséquente, par le sens interne d’une manière bien plus compréhensible et édifiante que par le sens littéral. La chute n’est plus celle d’un couple d’individus, puisqu’Adam représente une première humanité. Le serpent n’est plus un animal, mais ce que cet animal représente, le principe inférieur de notre nature, le principe sensuel, le principe charnel, celui qui a des désirs contraires à ceux de l’esprit, principe qu’il ne faut pas condamner ni détruire, mais soumettre et contenir dans les justes limites d’un état de dépendance à l’égard des désirs de l’esprit. Le jardin d’Éden n’est plus un lieu, mais il est l’état d’âme dans lequel règnent l’harmonie, la paix et la joie spirituelles et célestes, état dans lequel se trouvaient les hommes de la Très Ancienne Église, à l’origine, c’est-à-dire au commencement de l’âge d’or. Cet état était celui chanté par les poètes. Le souvenir de l’âge d’or est resté gravé dans les mythologies et dans les documents des plus anciennes religions. Cette très ancienne humanité s’est graduellement privée de cet état de félicité parfaite au fur et à mesure qu’elle a cédé aux sollicitations du principe inférieur de sa nature, du serpent qu’il y a en chacun de nous, et sur lequel nous devons pouvoir marcher avec le secours de Celui dont il a été prédit (Gen. 3, 15) qu’il lui écraserait la tête.

Que de passages qui se trouvent ainsi éclairés par la lumière du sens interne ! Ce mode d’interprétation a ceci de pratique et de remarquable qu’il s’applique à tous les textes de la Parole de Dieu, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, qu’il les lie tous et qu’il les coordonne de manière à les soumettre tous à la même théorie.

Le temps ne me permet pas de vous exposer aujourd’hui, comme je le voudrais, les raisons qui justifient jusque dans le détail le système des correspondances tel qu’Emmanuel Swedenborg nous le présente dans ses ouvrages. J’espère pouvoir, dans une conférence spéciale, vous donner à entendre par exemple pourquoi les minéraux, les pierres, les rochers, sont les emblèmes des choses de la vérité et de la foi ou bien au contraire de la fausseté, du doute et de l’incrédulité ; pourquoi les animaux symbolisent les bonnes et les mauvaises affections de notre nature ; pourquoi les montagnes et les collines nous parlent de l’amour et de la charité, pourquoi les noms de personnes et ceux de pays dont il est fait mention dans la Parole ont eux aussi une signification spéciale. Encore une fois il est excessivement utile de savoir toutes ces choses. Mais ce serait un travail qui dépasserait le cadre de notre étude de ce jour. Je me limiterai donc, peur terminer, à l’explication ou à l’interprétation d’un ou deux des passages que nous avons déjà cités et qui, dans leur sens littéral, nous ont paru incompréhensibles.

Et puisque je viens de vous donner la signification ou la correspondance spirituelle de la pierre ou du rocher, voyons ensemble quelle lumière cette indication jettera sur ce passage du Psaume 137 : « Fille de Babylone qui vas être détruite, heureux qui te rendra la pareille de ce que tu nous as fait ! Heureux qui saisira tes petits enfants et les écrasera contre le rocher ! »

La Bible, qui est un livre divin, a été écrite de telle sorte qu’elle a pu satisfaire aux besoins religieux des générations passées, comme elle peut satisfaire â ceux des générations futures. Cette pensée de vengeance contre Babylone était sans doute douce au cœur des Juifs captifs des Babyloniens et la notion qu’ils avaient de Jéhovah leur faisait espérer qu’Il mettrait fin à leurs souffrances et que par un juste retour des choses ils seraient un jour en possibilité de faire subir à leurs oppresseurs des souffrances semblables à celles qu’ils avaient endurées de leur part. Mais pour nous, chrétiens du XXe siècle, qui sommes au bénéfice des enseignements du Christ, nous ne pouvons plus nous édifier de paroles semblables. De pareils sentiments de vengeance ne peuvent plus trouver d’écho dans nos cœurs. Comment dès lors pouvons-nous tirer un bénéfice spirituel d’un passage semblable ? En l’interprétant dans son sens spirituel. Babylone, c’est le moi. C’est l’orgueil, le besoin de domination. C’est un état qui enfante tout un cortège de méchancetés, de perversités, de faussetés dont nous devons désirer la destruction avec tout autant de force que l’Israélite captif de Babylone désirait la destruction des enfants de son ennemi. Fille de Babylone, heureux qui écrasera tes enfants contre le rocher. En nous parlant de Lui-Même, le Seigneur qui est la Divine Vérité nous dit qu’il est la pierre de l’angle 2. Il est le Rocher des siècles. Très souvent dans la Parole, Jéhovah nous est présenté comme le Rocher 3. Il y a entre la pierre ou le rocher et la Divine Vérité une relation de correspondance. C’est contre la Vérité que doivent venir successivement se briser et se détruire toutes nos erreurs, toutes les inclinations du mal que la Babylone de l’égoïsme enfante dans notre cœur. C’est Christ qui nous délivre de l’homme naturel et fait de chacun de nous un homme nouveau et spirituellement bon.

Le passage de Matth. 16, 18 sur lequel l’Église catholique se fonde pour affirmer que le pape est le vicaire de Jésus Christ par voie de succession apostolique depuis l’apôtre Pierre, auquel le Seigneur aurait confié les clefs du Royaume des Cieux et sur lequel il aurait fondé son Église, s’illumine d’un jour tout nouveau à la lumière du même enseignement. Tu es Pierre, dit Jésus Christ à son apôtre, tu es le représentant de la vérité et de la foi qui en procède et dont Moi je suis la source. C’est sur cette pierre, c’est-à-dire sur cette vérité de la foi que je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point centre elle. Nous comprenons, par la signification de cette correspondance, que ce n’est pas sur l’apôtre Pierre, mais sur ce dont Pierre était le représentant, la vérité de la foi, en définitive sur Lui-Même, parce qu’Il est la Divine Vérité, le Rocher des siècles, que le Seigneur a fondé son Église. Les noms propres ont eux aussi leurs significations dans la Parole de Dieu, et Simon a été surnommé Pierre justement parce que le Seigneur en avait fait le représentant de la vérité de la foi dans le sein de son collège apostolique. Partout dans les récits qui nous rappellent les principaux traits de la vie de Pierre, cet apôtre se montre le représentant de la foi, tantôt d’une foi assurée et solide, tantôt au contraire d’une foi faible et chancelante. Lorsque Jésus, après avoir interrogé ses disciples sur ce qu’on disait de Lui, leur adresse cette question – « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est immédiatement Pierre qui lui répond dans un élan de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » C’est alors que s’est passé l’entretien se rapportant aux clefs du Royaume des cieux : « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. Et Moi je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. Tu es un homme de foi, tu es le représentant de la foi qui repose sur la Divine Vérité. Cette foi est la foi salvifique. C’est elle qui introduit dans l’état céleste. C’est la clef qui ouvre la porte du ciel. Ce que cette fol lie sur la terre est lié dans le ciel et ce qu’elle délie, au contraire, c’est-à-dire tout ce dont elle nous détache sur la terre, les mauvais principes de notre nature, ne nous suit plus de l’autre côté du voile de la chair. La foi de Pierre n’a pas toujours été une foi forte. Elle fut quelquefois irréfléchie et primesautière. Elle l’a mis une fois en péril d’être submergé (Math. 14, 30), ce qui lui attira ce reproche du Seigneur : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Dans une autre circonstance dont l’apôtre avait gardé un souvenir douloureux, sa foi ne l’a pas empêché de renier son Maître. La foi peut être orgueilleuse et naturelle. Ce fut le cas pour Pierre quand, peu de temps avant de renier le Seigneur, il s’écria : « Quand bien même tu serais pour tous les autres un sujet de scandale, tu ne le seras pas pour moi. » Mais cette foi est incapable de quoi que ce soit et nous devons nous en méfier (Marc 14, 29).

C’est sur cette pensée que je termine, Mesdames et Messieurs. Prenons garde à la qualité de notre foi ! Pour qu’elle soit solide, pour qu’elle triomphe des doutes et des tentations de tous genres auxquelles nous sommes exposés, il ne faut pas que notre foi repose seulement sur les élans du cœur et de la volonté ; il faut qu’elle soit le résultat d’une compréhension aussi intelligente et parfaite que possible des enseignements spirituels de la Parole de Dieu. Nous ne croyons vraiment que ce que nous comprenons. C’est la raison pour laquelle j’ai pris la liberté de vous entretenir aujourd’hui d’une méthode d’interprétation des textes sacrés dont le Seigneur a dit Lui-Même qu’elle était la clef de la science. C’est la clef hiéroglyphique des Écritures, une clef que les docteurs de la loi avaient enlevée au peuple juif (Luc 11, 52), une clef dont l’Église chrétienne n’a pas su se servir jusqu’à nos jours, mais qui, si vous voulez bien en faire usage, vous ouvrira l’écrin des trésors spirituels de la Parole de vie.

 

 

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La Parabole de la Création

 

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Un jour qu’il s’adressait â ses disciples en un langage dont ils ne pouvaient pas facilement comprendre la signification littérale, Jésus-Christ leur dit : « Mes Paroles sont esprit et vie » (Jean 6, 63).

L’Église chrétienne n’a pas attaché suffisamment d’importance à cet avertissement, pas plus d’ailleurs qu’à l’enseignement à peu près analogue que le Seigneur fit entendre aux deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, le soir de sa résurrection : « Et commençant par Moïse et tes prophètes, Il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Luc 24, 27).

Pour avoir ignoré le sens spirituel de la Parole 4, pour avoir méconnu le fait capital que cette Parole ne traite en réalité que du Seigneur et de son œuvre rédemptrice et salvifique, beaucoup de chrétiens se sont laissés arrêter par les difficultés que soulève l’interprétation purement littérale d’un grand nombre de passages des Écritures, celui des premiers chapitres de la Genèse en particulier.

À la lumière de la lettre qui tue, le premier chapitre de la Bible semble traiter de la création de l’Univers matériel, mais à la lumière de l’esprit qui vivifie (Jean 6, 63), il traite en réalité de tout autre chose.

Chacun sait aujourd’hui que la terre n’est vas le centre de l’univers, mais qu’elle s’est au contraire révélée comme l’un des plus petits d’entre les nombreux astres qui gravitent autour du soleil. Personne n’ignore que Jupiter pourrait contenir quatorze cents terres comme la nôtre, que le soleil est plus d’un million de fois plus gros que notre planète, que les étoiles dont nous admirons la douce et tranquille lumière sont des mondes incandescents parmi lesquels il s’en trouve de bien plus grands que notre soleil 5.

Si les astronomes nous disent qu’un nombre infini d’étoiles sont si éloignées de notre terre qu’il faut des milliers d’années pour que leurs rayons lumineux nous parviennent, leur existence doit être considérablement plus ancienne que le texte de la Genèse le donne à entendre.

Une science sœur de l’astronomie, la géologie, n’hésite pas à attribuer à la terre l’âge respectable de millions d’années.

La question qui se pose donc à tout esprit impartial est la suivante : Comment devons-nous interpréter le récit biblique de la création ? Son interprétation littérale est en contradiction avec les principales découvertes de la science. Comment pouvons-nous échapper à ce désaccord ?

Nous répondrons que le premier chapitre de la Genèse n’a pas pour but de nous renseigner sur la création du monde. Nous n’avons pas en lui un chapitre d’histoire naturelle. Si Dieu avait voulu nous parler sciences, il l’eût fait d’une manière parfaite.

Dans un style divin, le texte du premier chapitre de la Genèse nous parle d’une création spirituelle. Il renferme un double enseignement parabolique.

Il est destiné tout d’abord à nous faire comprendre figurativement la régénération de l’humanité primitive qui s’est élevée du naturalisme au spiritualisme. La science nous apprend que les hommes – disons les préadamites – ont peuplé la terre dès l’époque quaternaire. Il a donc dû surgir à cette époque, au milieu de toutes les variétés du règne animal, une forme particulière de créatures, dotée de la faculté de s’élever à Dieu et de Lui être conjointe spirituellement par l’appropriation du Bien et du Vrai divins. Sous l’image figurative des différentes phases de la création, le texte biblique nous résume les différentes étapes de l’acheminement de cette première humanité jusqu’à la réalisation de son état de perfection spirituelle et céleste, l’état adamique, l’état de l’âge d’or. Adam n’est donc pas un homme, mais c’est le nom de l’humanité telle que Dieu l’a véritablement créée à son image et selon sa ressemblante.

Mais la Bible est un livre dont les enseignements divins répondent aux besoins spirituels de toutes les époques, aussi bien le texte parabolique de la création a-t-il été composé de telle sorte qu’il est à même de nous instruire des vérités qui sont indispensables à notre vie spirituelle individuelle.

En style divin, l’univers extérieur n’est que le symbole de cet univers intérieur qui s’appelle l’homme spirituel. On a souvent appelé l’homme un microcosme, c’est-à-dire un petit univers.

Les principaux états qui aboutissent à la perfection d’une âme sont exactement symbolisés par les différentes étapes de la création d’un monde. Création signifie spirituellement régénération. « Si quelqu’un est en Christ, dit Paul, il est une nouvelle créature » (II Cor. 5, 17).

Quand, au moyen du langage prophétique et symbolique, le Seigneur veut parler de la restauration de l’homme au point de vue spirituel, Il en parle comme de la création d’un nouvel univers ; la restauration de l’intelligence, le rétablissement de l’ordre, de la justice, de la sagesse, de la pureté et de la paix sont symbolisés par une nouvelle création 6.

Nous pouvons donc nous approcher de ce premier chapitre avec la pleine assurance de sa divine inspiration, à la condition toutefois de n’y pas chercher autre chose que le processus de la régénération de l’homme que Dieu, dès le commencement a créé ciel et terre, c’est-à-dire rendu participant de deux natures ou de deux états superposés, si l’on peut ainsi s’exprimer. Le premier de ces états, le plus élevé comme aussi le plus intérieur et le plus profond, l’état spirituel dans lequel il doit vivre l’éternité et par lequel il peut être conjoint au Seigneur, est décrit comme son ciel. L’autre état, celui par lequel l’homme appartient au monde naturel et qui comprend sa mémoire externe, sa pensée, son imagination naturelle, ses désirs corporels, tout ce qui le rattache au monde matériel par le moyen des sens naturels, s’appelle dans le récit de la Genèse la terre de l’homme.

Au commencement, c’est-à-dire avant la régénération, l’homme naturel, la terre, est vide et vague, parce qu’il ne renferme rien de vrai ni de bien. C’est l’état de l’obscurité, de la non-intelligence, de l’ignorance de tout ce qui concerne le Seigneur, la vie spirituelle et céleste. L’homme dans cet était est comme un abîme dans lequel il ne règne aucune lumière. C’est l’état de quiconque n’a pas encore passé par la régénération, un état de brouillard et d’ignorance que nous réalisons d’ailleurs dans tous les domaines. Pour en sortir il faut naître de nouveau et la nouvelle naissance, dont le processus nous est décrit par le récit parabolique des six jours de la création, ne s’effectue que d’une manière progressive.

Cette nouvelle naissance est l’œuvre de l’Esprit de Dieu en nous. Au début de sa régénération, l’homme ne s’aperçoit pas toujours que c’est en définitive le Seigneur qui besogne en lui pour transformer sa nature, pour l’amener des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie spirituelle. Ce n’est qu’au fur et à mesure que nous progressons dans la vie de l’esprit que nous réalisons vraiment que cette nouvelle vie est le résultat de l’œuvre miséricordieuse de l’Esprit de Dieu qui agit sur nos connaissances et qui les vivifie. C’est là ce que le récit biblique exprime par l’expression imagée : « Et l’Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux. »

Dans le langage divin, les eaux typifient les connaissances de la mémoire. Semblable à la mer profonde qui est un abîme dans lequel toutes les eaux se déversent et dont elles ne s’échappent que par l’évaporation qui les transforme en nuages, la mémoire sert aussi de réservoir à toutes les connaissances, à toutes les vérités comme à toutes les erreurs que l’homme acquiert et qu’il utilise en vue des buts qu’il poursuit. Il n’est pas d’homme, quelque mauvais qu’il soit, qui ne possède ne fussent que de petites parcelles de vérité et d’amour, avec, hélas, beaucoup d’erreurs et de maux. Ce sont les vestiges de notre état d’innocence enfantine, les souvenirs même inconscients d’influences angéliques subies dans le jeune âge. Le Seigneur veille sur ces vestiges comme une route veille sur ses poussins. Ce sont les eaux 7 sur lesquelles se meut l’Esprit de Dieu, les connaissances qui nous reviennent souvent à la mémoire dans les heures sombres de la vie et qui nous arrêtent parfois au moment où nous sommes sur le point de désespérer de nous-mêmes. Pour les uns c’est le souvenir d’une prière enfantine ou d’un passage de l’Écriture qui fait naître dans leur esprit des réflexions salutaires, pour d’autres c’est la mémoire d’un état antérieur de bonheur et de paix qui leur inspire le désir ardent d’une vie meilleure, plus sainte et plus pure et pour l’enrichissement de laquelle des connaissances nouvelles et supérieures leur sont nécessaires. C’est alors que pour eux se réalise le « Fiat lux ! », la première manifestation de la véritable lumière dans l’âme. « Que la lumière soit ! », dit le Seigneur, et celui en faveur de qui cette parole se fait entendre sait avec quel sentiment de joie profonde il commence à sortir des ténèbres qui l’enveloppaient. Le premier rayon de lumière spirituelle qui le pénètre est le point de départ de l’œuvre de sa régénération. Sous l’influence de cette lumière, il commence à discerner qu’il existe un Bien et un Vrai supérieurs au bien et au vrai naturels. Les rapports de correspondance entre la lumière spirituelle 8 et la lumière naturelle sont transcendants. La lumière du ciel est pour l’homme spirituel ou interne ce que la lumière du monde est pour l’homme naturel ou externe. Pour l’homme naturel la lumière spirituelle n’est que ténèbres. Il n’y est pas sensible. C’est un aveugle (Matth. 15, 14 ; Luc 6, 39). Son plus grand besoin est d’être rendu attentif aux enseignements de Celui dont il nous est dit qu’Il est la Lumière et qu’en Lui il n’y a point de ténèbres.

Nous avons dit que l’apparition du premier rayon de lumière divine marque chez l’homme le point de départ de son œuvre de régénération. Dieu sépare alors dans son âme la lumière qu’Il appelle « Jour » d’avec les ténèbres qu’Il dénomme « Nuit ». Le lecteur attentif du texte sacré ne manquera pas d’être frappé de trouver sous la plume de l’auteur du récit biblique de la création cette formule consacrée qui revient six fois de suite : « Ainsi il y eut un soir et il y eut un matin », ce fut le premier, le second... le sixième jour. Nous avons dans cette expression une preuve de plus à l’appui de notre thèse, à savoir que la Parole de Dieu dit être interprétée spirituellement. Chacune de nos journées commence par le matin et se finit par le soir. Mais dans le domaine spirituel l’état du soir précède toujours celui du matin. Nous partons toujours d’un état d’ignorance que symbolise l’ombre du soir, pour croître dans la connaissance que typifie la clarté du matin. Quand les vérités spirituelles commencent à éclairer notre âme, alors vient le matin d’un état nouveau pour l’esprit. Chaque jour ou chaque étape de la régénération constitue un état supérieur par rapport au précédent et chaque état antérieur se termine par ce qui, pour le jour suivant, n’est encore que le soir et la nuit.

Mais venons-en à l’œuvre du second jour. Elle est consacrée à la formation de l’étendue que nous appelons ciel ou firmament et qui doit servir, nous dit le texte biblique, à séparer les eaux qui sont au-dessus de celles qui sont au-dessous. Les eaux, le langage des correspondances nous y rend attentifs, typifient les connaissances vraies ou fausses, autrement dit les vérités ou les erreurs dont se nourrit notre entendement et que recèle notre mémoire. Ces vérités et ces erreurs sont de deux genres, les spirituelles et les naturelles. Elles appartiennent les unes au plan supérieur et les autres au plan inférieur de notre nature, car l’homme, nous l’avons établi dans notre série de conférences sur les problèmes d’Outre-Tombe, est une âme spirituelle revêtue temporairement d’un corps matériel. Avant que se soit réalisée pour lui l’efficacité de la parole créatrice : « Que la Lumière soit ! » l’homme, qui ne raisonne encore que d’après le plan naturel de son existence présente, ne peut pas discerner ces deux catégories de connaissances. Il ne se fie qu’au témoignage de ses sens naturels. Il vit, quelque bon et moral qu’il soit, dans l’ignorance et l’incompréhension de tout ce qui concerne l’existence et les besoins de l’âme. Mais quand une fois la lumière a commencé à percer les ténèbres de son mental, quand le degré spirituel de sa nature s’est ouvert aux clartés de la sagesse divine, l’homme est alors susceptible de réaliser qu’il y a en lui une région céleste, un homme interne. Cet homme interne est appelé « étendue » et les connaissances ou les vérités spirituelles qu’il s’approprie sont les eaux qui sont au-dessus, tandis que les connaissances ou les vérités scientifiques et naturelles sont les eaux qui sont au-dessous de l’étendue. Le fait qu’il s’agit ici d’une distinction à établir dans le domaine de nos connaissances spirituelles et naturelles nous fait envisager cette seconde étape dans l’œuvre de notre régénération comme devant se manifester dans notre entendement. C’est à partir de ce moment que l’homme a le privilège d’apprécier la supériorité des vérités spirituelles sur les vérités naturelles. Dans le domaine de l’univers matériel, il est de toute nécessité que les nuages s’élèvent au-dessus de l’atmosphère et que, du haut de l’étendue, ils redescendent en pluie rafraîchissante, capable de fructifier la terre et de la rendre habitable. Il en est de même des vérités spirituelles. Reçues dans l’interne ou le plan supérieur de l’homme, son ciel, elles manifestent leur influence régénératrice sur le plan externe et inférieur de sa nature, dans le terrain de laquelle elles peuvent dès lors fructifier. C’est l’œuvre du troisième jour à l’occasion duquel il nous est dit que Dieu sépara la terre d’avec les eaux pour que la terre produise de l’herbe tendre portant semence et des arbres donnant du fruit, chacun selon son espèce. L’œuvre du troisième jour, la troisième phase de la régénération, se manifeste par les premières possibilités de fructification de l’homme qui commence à bénéficier des vérités spirituelles et célestes. C’est sur le plan naturel de son existence qu’il peut le faire tout d’abord, mais encore faut-il pour cela qu’il réalise que ce plan naturel est une terre aride et sèche incapable par elle-même de faire le bien dans le sens véritable de ce terme. C’est là ce que signifie cette parole du Seigneur : « Que le sec paraisse ! » L’homme auquel sa sécheresse naturelle n’apparaît pas reste stérile au point de vue spirituel. Un arbre sec est mort. Un corps humain desséché est une momie. Dans le langage du symbolisme biblique, l’homme naturel est une terre sèche incapable de produire quoi que ce soit de vraiment bon. C’est une chose difficile à réaliser d’emblée, car nous nous croyons au contraire des terrains fertiles parce que nous sommes capables de faire valoir nos connaissances naturelles. Mais toutes les œuvres de l’homme purement naturel sont encore des œuvres mortes au point de vue divin, parce qu’elles ne peuvent revêtir qu’un caractère temporaire. Et, alors même qu’elles sont produites dans l’homme naturel par la fructification des vérités spirituelles, leurs résultats ne sont pas encore vraiment appréciables. La Parole les typifie sous l’image de l’herbe tendre et sous celle des arbres portant des fruits selon leur espèce. Les animaux vivants ne sont pas encore apparus. Ces œuvres sont encore entachées d’égoïsme. Il est cependant utile que nous les produisions, car elles nous sont un acheminement vers un état supérieur. Les plantes et les animaux représentent deux genres de facultés et d’activités de nos mentals 9. Les animaux sont les emblèmes de nos affections et les plantes ceux de nos capacités intellectuelles.

Nous avons vu jusqu’à maintenant que la terre signifie l’homme externe ou naturel et le firmament ou le ciel l’homme interne. Nous avons vu que l’herbe et les arbres fruitiers que produit la terre correspondent à la fructification de l’homme naturel. Occupons-nous maintenant de l’homme interne. Il nous est dit qu’au quatrième jour Dieu fit deux grands luminaires, le soleil pour présider au jour et la lune pour éclairer la nuit. Il nous est dit aussi qu’il fit les étoiles et qu’Il plaça ces astres dans l’étendue du ciel. Les littéralistes qui s’efforcent de trouver dans le récit des deux premiers chapitres de la Genèse la description biblique du processus de la création de l’univers se trouvent ici en présence d’une sérieuse difficulté ; car il n’est pas admissible que Dieu ait créé le soleil matériel après l’apparition des plantes, à l’existence desquelles l’astre du jour est indispensable. Cette difficulté n’existe pas pour nous qui nous refusons de voir dans ce récit autre chose qu’une description symbolique du processus de la régénération spirituelle de l’homme.

Que devons-nous entendre par le soleil, la lune et les étoiles qui doivent embellir le firmament, éclairer la terre ou l’homme naturel et lui servir de signes pour les saisons, les jours et les années ? D’après les lois du symbolisme biblique, le soleil naturel typifie le soleil de l’Amour divin, tel qu’il se manifeste dans notre âme, dont il réchauffe la volonté et dont il éclaire l’entendement. La lune qui reçoit et reflète la lumière du soleil symbolise la foi qui reçoit pendant le jour sa lumière du soleil de l’Amour divin et qui la fait briller dans les heures sombres qui sont les nuits de l’âme. L’amour et la foi sont, pour l’interne de l’homme, ce que la chaleur et la lumière sont pour l’homme externe et naturel 10. Quant aux étoiles, qui sont des soleils trop éloignés pour nous révéler leur forme et leur chaleur, elles ne représentent donc pas l’affection brûlante du soleil ni la foi intelligente de la lune, mais des rayons de connaissances des choses célestes. Grâce au télescope, le nombre des étoiles visibles dépasse soixante quinze millions, et plus on pénètre par le regard dans la voûte azurée, plus on en découvre encore. Il en est de même des vérités de la Parole de Dieu. Elles nous paraissaient autrefois assez restreintes. Mais grâce à la science des correspondances, qui agit à cet égard comme un télescope spirituel, le nombre de ces vérités va se multipliant à l’infini. Lorsque notre âme est en harmonie avec Dieu, elle bénéficie d’une multitude de petits foyers de lumière, et quand nous lisons la Parole de vie, elle nous devient une glorieuse voie lactée spirituelle où brillent des étoiles de tous degrés de splendeur et de vérité 11. L’homme ne prend vraiment conscience de sa vie spirituelle que lorsqu’il a atteint cette quatrième phase de l’œuvre de sa régénération. La vie véritable est la vie de l’esprit. Au point de vue de la Parole, l’homme non régénéré est un homme mort. L’homme vivant est celui qui ne vit plus pour lui et le monde, mais pour le Seigneur et le prochain. Il vit parce qu’il est conjoint au Seigneur, le Dieu vivant. C’est le soleil du divin Amour et de la divine Vérité qui anime son âme, qui réchauffe son cœur et qui éclaire son entendement. Ce n’est plus par obéissance qu’il fait le bien et qu’il croit aux vérités spirituelles. C’est parce qu’il aime le bien et comprend les vérités. Sa foi est la forme de la charité.

Aussi bien son activité n’est-elle plus symbolisée par de la verdure, des plantes et des arbres, qui sont des créations inanimées, en ce sens du moins qu’elles ne peuvent pas se mouvoir, c’est-à-dire se transporter d’un endroit à un autre. Son état supérieur est caractérisé par l’œuvre du cinquième jour, au cours duquel apparaissent des animaux vivants, les poissons de l’eau et les oiseaux de l’air. Nous avons dit des eaux qu’elles symbolisent les connaissances. Il s’agit ici de connaissances spirituelles, de vérités régénératrices, de celles qui nous enrichissent de la connaissance du Seigneur et qui nous instruisent sur la vie à venir. Ce sont les eaux dont le Christ a dit : « Celui qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jean 7, 38). « Que ces eaux produisent en abondance le reptile, âme vivante », nous dit le texte. Le reptile d’abord, car, dans la manifestation de la vie spirituelle, comme dans celle de la vie naturelle, l’homme s’élève graduellement d’un état inférieur à un état supérieur. Ce n’est pas d’emblée qu’il se tient debout pour marcher. Les reptiles ou les poissons de la mer sont les dispositions naturelles, intellectuelles et scientifiques qui rendent l’homme capable de travailler à l’œuvre du Seigneur. Il est intéressant de constater combien facilement et avantageusement un homme régénéré peut faire valoir pour la cause du Seigneur des capacités et des connaissances qu’avant sa régénération il n’aurait utilisées que pour sa satisfaction personnelle. Il travaille dans un esprit nouveau, car il agit désormais par amour avec sagesse. Et plus il progresse dans cette nouvelle direction, plus les eaux vivifiantes de la vérité l’enrichissent d’aptitudes nouvelles que typifient, dans le texte sacré, les grands poissons et puis aussi les oiseaux ailés, dont il nous est dit que Dieu les créa selon leurs espèces. Les oiseaux, qui se distinguent par l’acuité de leur vue et la rapidité de leur vol, symbolisent nos pensées, qui doivent elles aussi s’élever au-dessus du plan matériel de l’existence pour pénétrer dans les sphères supérieures du firmament spirituel. Plus les oiseaux s’élèvent dans les airs, plus s’élargit l’horizon de leur visualité. Plus nous élevons nos pensées au-dessus et au-delà des préoccupations purement terrestres de la vie, autrement dit plus nous gravissons les cimes de la spiritualité, plus aussi nous jouissons du privilège de mieux voir, c’est-à-dire de mieux comprendre le but grandiose de l’existence présente et les glorieux apanages de la vie à venir. Spirituellement parlant, notre acuité visuelle se développe, car, non seulement nous discernons les agissements de la Divine Providence dans tout ce qui nous concerne, ce que nous étions incapables de faire auparavant, mais encore nous acquérons une intelligence toujours plus rationnelle des lois de l’ordre et de la sagesse du Seigneur, et cela en raison même du fait que nos pensées se meuvent avec plus d’aisance et plus d’inclination dans le domaine des vérités spirituelles. C’est là ce qui caractérise le cinquième stage de notre régénération, au cours duquel la foi est encore l’élément primordial de notre vie religieuse. Nous sommes encore davantage sur le plan de l’intelligence spirituelle que sur celui de l’amour. Mais au sixième stage les choses changent encore. La foi intelligente n’est plus l’élément directeur de la vie pour le Seigneur, car les affections spirituelles ont pris naissance et ce sont elles qui nous gouvernent, autrement dit nous n’aimons plus le Seigneur parce que nous croyons, mais nous croyons parce que nous l’aimons.

Nous avons dit que les animaux symbolisent dans la Parole de Dieu les affections de l’homme 12. D’une manière assez générale, les animaux domestiques symbolisent nos bonnes affections, et les animaux sauvages, celles que nous devons combattre. Les ours, les tigres, les renards sont souvent désignés dans l’Écriture pour représenter la cruauté et la ruse de notre cœur naturel. Le serpent typifie le plan sensoriel de notre être. Le bœuf caractérise l’amour des usages, l’agneau l’innocence. Le Seigneur est nommé l’Agneau de Dieu, parce qu’Il est l’innocence même. Dans le récit parabolique de la création, l’homme qui est parvenu au sixième jour, c’est-à-dire à la sixième phase de sa régénération, se trouve dans un état spirituel tel que ses affections pour le Seigneur et pour le prochain dirigent sa vie d’enfant de Dieu. Sa volonté s’harmonise avec celle de son Père céleste. Il réalise l’image et la ressemblance de son Créateur. C’est en vue de ce résultat glorieux qu’il est d’ailleurs venu à l’existence. Alors, mais alors seulement, il est vraiment le roi de la création sur laquelle il est appelé à dominer. Tout ce qui nous arrive au cours de notre vie terrestre est admirablement utilisé par la Divine Providence pour nous amener à réaliser cet état spirituel et céleste. L’homme n’est vraiment homme que dans la mesure où il parvient à réaliser l’image et la ressemblance du Dieu Homme. Dans le sens le plus élevé de ce mot on peut dire que le Seigneur seul est « homme » parce qu’en Lui se trouvent incorporées les perfections humaines d’une manière absolue. Il est la parfaite sagesse, le parfait amour, la parfaite vérité et la parfaite bonté. Nous sommes à son image et selon sa ressemblance quand notre entendement et notre volonté sont devenus les réceptacles de sa sagesse et de son amour, c’est-à-dire des deux principes constitutifs de sa nature divine.

Et maintenant qu’il me soit permis d’ouvrir ici une petite parenthèse, nécessaire, semble-t-il, à la parfaite compréhension de notre récit. Le terme hébreu employé dans le premier chapitre de la Genèse est « Adam », lequel désigne aussi bien l’homme, c’est-à-dire l’être masculin, que la femme (Mensch, en allemand). Il ne s’agit donc pas, dans ce premier chapitre, de l’homme abstraction faite de la femme, comme on l’a cru quelquefois parce qu’au chapitre deuxième il est fait mention de la création de la femme. Cette erreur d’interprétation provient de ce que nous ne possédons pas en français de terme spécial pour désigner en un seul mot l’homme et la femme. L’expression biblique « Faisons l’homme à notre image et d’après notre ressemblance » désigne donc l’être humain sans distinction de sexe. Elle ne s’applique pas non plus à la formation de la race humaine, mais à sa nouvelle création, c’est-à-dire à sa régénération spirituelle. Nous ne sommes pas des hommes avant d’avoir passé par cette régénération, car nous sommes remplis de dispositions animales, qui, si nous ne les dominons pas, nous ravalent et nous maintiennent au niveau de la brute. Ce n’est que dans la mesure où nous nous approchons de Dieu et que, intérieurement, nous devenons comme Lui, à son image et selon sa ressemblance, que nous pouvons réfréner et dominer les instincts inférieurs de notre nature, ce que nous devons entendre par ces paroles : « Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. »

En manière de résumé nous disons donc que Dieu nous a donné, dans le premier chapitre de la Genèse, une charte qui peut nous guider à travers chacune des différentes étapes de notre régénération. Les six jours de la création sont des états graduellement supérieurs de la vie spirituelle et céleste. Que dans le sens interne de la Parole les jours soient des états, c’est bien ce que nous confirment d’ailleurs un grand nombre de passages des Écritures. « Vous êtes tous, dit Paul aux Thessaloniciens (I Thess. 5, 5), des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit. » « Le Jour de Christ », « le Jour du Seigneur », « le Jour du Salut » sont des termes bibliques communs pour désigner les états de l’Église et de l’homme spirituel. « En six jours, répétons-nous, quand nous lisons les paroles du décalogue, Jéhovah a créé les cieux et la terre et tout ce qui est en eux et Il s’est reposé le septième jour. » Le repos dont il est ici question est celui qui marque le but de notre régénération, l’état de paix qui résulte du fait que tout en nous est conforme à l’Esprit du Seigneur. C’est le sabbat de l’âme.

 

 

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L’allégorie du Jardin d’Éden

 

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Dans un langage symbolique dont nous pouvons comprendre la signification, pour peu que nous soyons rendus attentifs à la science des correspondances qui relient le monde spirituel au monde naturel, le texte biblique du premier chapitre de la Genèse renferme, avons-nous dit dans notre conférence précédente, un double enseignement parabolique. L’histoire de la création du monde en six jours figure tout d’abord celle de la régénération des Préadamites qui sont devenus Adamites en s’élevant d’un état inférieur de naturalisme à un état supérieur de volonté et de sagesse. Mais, avons-nous ajouté, la Bible est un livre dont les enseignements répondent aux besoins spirituels de toutes les époques, et, comme en style divin l’univers extérieur est le symbole de ce petit univers intérieur qui s’appelle l’âme humaine, le récit parabolique de la création a pour objet également de nous entretenir de la restauration spirituelle et céleste de l’intelligence et de la volonté de l’homme, autrement dit de sa régénération personnelle, de sa nouvelle naissance, de sa nouvelle création. Les hommes sont faits à l’image et à la ressemblance de Dieu lorsqu’ils deviennent par leur volonté et par leur entendement les réceptacles de l’amour et de la sagesse suprêmes. Ils ne sont vraiment hommes qu’à cette condition indispensable. Alors, mais alors seulement, leur conjonction avec le Seigneur s’exprime par un état de paix intérieure et de repos de l’âme, que, d’une manière imagée, le texte biblique appelle le sabbat du septième 13 jour. C’est là surtout ce que nous nous sommes efforcé de démontrer dans notre étude sur la Parabole de la Création. Cet enseignement est de nature à nous faciliter grandement la compréhension de l’allégorie du Jardin d’Éden dont nous avons à nous entretenir ensemble maintenant.

Le second chapitre de la Genèse est sans contredit l’un des plus importants de l’Écriture sainte, car, suivant la manière dont nous l’envisageons, nous sommes à même de nous faire une idée juste ou fausse de quelques-uns des principaux enseignements qui sont à la base de la doctrine chrétienne, entre autres ceux de l’origine du mal, de la gravité du péché et de la rédemption qu’il nécessite.

Bon nombre de chrétiens, voire des théologiens de valeur, incapables de concilier le tableau de l’état primitif de l’humanité, tel qu’il ressort de notre récit, avec les faits de l’histoire et les données de la science, n’ont vu dans la description biblique du Jardin d’Éden et dans les expériences douloureuses qu’y firent nos premiers parents, qu’une tentative toute humaine d’expliquer l’introduction du mal tant physique que moral dans le monde. Selon eux, le développement de l’humanité a suivi constamment une marche ascendante et ce que la Bible nous présente comme une chute ne peut avoir été en définitive qu’un incontestable progrès.

Nous examinerons ensemble si les faits confirment cette théorie et si l’état fétichiste et barbare des peuples sauvages, que l’on identifie avec l’état primitif de l’humanité, n’est pas au contraire, comme le fait comprendre l’Écriture sous le couvert d’un récit symbolique, le résultat d’une décadence et de la perte d’un état primitif de paix et de félicité découlant tout naturellement pour l’homme de sa conjonction avec Dieu.

Les difficultés qu’a soulevées l’interprétation littérale de ce second chapitre de la Genèse sont considérables. La situation du Jardin d’Éden a fait d’objet de beaucoup de recherches. La formation de la femme que Dieu tira d’une des côtes d’Adam pendant son sommeil, procédé si contraire aux lois et aux méthodes divines de création telles que la nature nous les a révélées, la description si particulièrement étrange des arbres de ce jardin et surtout le récit des évènements extraordinaires qui s’y sont déroulés, heurtent si fort le bon sens, lequel a pourtant son mot à dire en matière d’interprétation du texte sacré, que des lecteurs en grand nombre, et par ailleurs bien disposés, n’ont pas cru pouvoir s’édifier d’enseignements en apparence du moins aussi fantaisistes. Nous n’avons pas lieu de nous en étonner. Ce qui nous surprend, au contraire, c’est que, de nos jours encore, des chrétiens s’efforcent de nous donner de ce récit, comme d’ailleurs des onze premiers chapitres de la Genèse, une interprétation littéraliste.

Nous disons, pour ce qui nous concerne, que ce récit est symbolique et que, sous le couvert de l’allégorie, ce jardin de Dieu, fertilisé par des eaux abondantes et produisant des fruits de toute espèce, est l’emblème de la vie de félicité intérieure que Dieu a accordée à l’humanité dans son état d’innocence primitive. Mais telle n’est par l’opinion par exemple des auteurs de la Bible annotée, lesquels nous certifient que, dans ce cas, l’auteur biblique n’aurait pas indiqué, comme traversant ou contournant ce jardin, deux fleuves dont les noms étaient sans doute connus de ses lecteurs, l’Euphrate et le Tigre. D’ailleurs, ajoutent ces commentaires, « si nous admettons l’unité de la race humaine comme un fait constaté, il faut bien que le premier couple d’où l’humanité est provenue ait eu quelque part une habitation réelle, où il a joui de la protection divine et où il a trouvé facilement les moyens de satisfaire aux nécessités de son existence ». Il faut donc, nous dit-on, chercher l’emplacement du Jardin d’Éden dans la région du Tigre et de l’Euphrate. Plusieurs ont cru le trouver dans les environs de la source de ces deux fleuves, sur le plateau arménien, non loin de la ville actuelle d’Erzeroum. Les sources du Tigre et de l’Euphrate y sont situées à deux mille pas l’une de l’autre, et dans la même contrée naissent deux autres fleuves, le Kour et l’Arax, qui se réunissent avant de se jeter dans la mer Caspienne. Mais bien des objections s’élèvent contre cette hypothèse, car, malgré leur proximité, les sources de ces fleuves sont séparées par des montagnes assez élevées, tandis que d’après le texte biblique littéralement interprété, les quatre fleuves du Jardin d’Éden devaient provenir d’une seule source, c’est-à-dire d’un seul fleuve divisé en quatre bras.

Luther, qui croyait que le Jardin d’Éden était bien situé dans cette contrée, explique que le déluge en a changé la configuration. Mais l’auteur du récit biblique ne parle pas d’un passé qui n’existe plus ; il a la prétention au contraire de décrire ce qui existe encore.

D’aucuns ont essayé de situer le Jardin d’Éden près de l’embouchure des deux fleuves mésopotamiens, dans le golfe persique et non pas à leurs sources. Calvin et plusieurs autres savants après lui ont vu dans le fleuve unique le Schat-el-Arab et dans les quatre bras en question, l’Euphrate et le Tigre, qui se réunissent pour le former et deux embouchures par lesquelles il se déverse dans la mer.

Une autre hypothèse, beaucoup plus probable, toujours d’après la Bible annotée, a été présentée par Delitsch. Ce ne serait pas à la source, pas plus d’ailleurs qu’à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate, mais dans leur cours moyen qu’il faudrait fixer le Jardin d’Éden. Vers le milieu de la grande plaine, ces deux fleuves se rapprochent à tel point qu’il ne reste plus guère entre eux qu’un espace de sept à huit lieues. C’est là qu’est aujourd’hui la ville de Bagdad. Un peu au-dessous se trouvait Babylone. Les anciens nous ont laissé de cette contrée des descriptions ravissantes. Un fait digne de remarque, ajoute-t-on, c’est que le nom le plus ancien de Babylone, « Tintara », signifie « bosquet de la vie ». La fertilité du pays est due à tout un système d’irrigation provenant de l’Euphrate. La contrée aurait autrefois porté le nom d’« Edin » qui, en assyrien, signifie plaine. Les hébreux l’auraient modifié en « Éden », mot qui, dans leur langue, signifie « délices ». L’Euphrate serait donc le fleuve sortant du jardin. Quant aux quatre bras, il faudrait les envisager comme quatre branches de l’Euphrate, entre autres deux canaux dont on trouve des traces. Et quant au Tigre, à certains points de vue, il est bien un bras de l’Euphrate car il reçoit par des canaux une partie des eaux de ce fleuve. Il se pourrait même, suivant l’opinion d’un savant de Prague, que l’Euphrate et le Tigre aient été réunis autrefois pour ne former qu’un seul fleuve au-dessus de Bagdad et pour se séparer à nouveau un peu plus loin.

À vrai dire, ce ne sont là que des hypothèses qui ne méritent pas même qu’on les réfute. Le simple fait qu’elles se contredisent les unes les autres vient d’ailleurs à l’appui de notre manière de voir. Il ne faut pas chercher quelque part en Mésopotamie ou ailleurs le Jardin d’Éden, pour la raison bien simple que ce jardin ne doit pas être envisagé comme un endroit, mais comme un état d’âme de la première humanité, l’état d’amour céleste et d’intelligence spirituelle, l’état d’innocence et de paix sereine des hommes de l’époque de l’âge d’or.

Quels sont les arguments que nous pouvons faire valoir en faveur de notre thèse ? Disons tout d’abord qu’un grand nombre de documents préhistoriques nous parlent d’un jardin paradisiaque qui doit avoir été le berceau d’une première humanité. Les livres sacrés des Chinois prétendent qu’au sommet du mont Kouanlun, près de la porte du ciel, se trouvait un jardin avec une fontaine, la fontaine de l’immortalité, d’où partaient quatre fleuves. Les livres sacrés des Perses tiennent un langage semblable. Ce jardin, d’après eux, était un lieu de délices infiniment plus beau que quoi que ce soit d’autre sur la terre. Il renfermait l’arbre de la vie près de la fontaine de l’immortalité, mais il a été détruit par un serpent monstrueux. La littérature sacrée des Hindous parle également d’une montagne si élevée qu’elle touchait le ciel. Cette montagne, la Ste Méroo, importante masse de gloire, était inaccessible à l’homme impur. La mythologie grecque nous décrit l’arbre aux pommes d’or du jardin des Hespérides.

L’arbre de la vie, dont il est parlé dans la description biblique du Jardin d’Éden, semble avoir été très souvent représenté sur des cylindres et des tablettes d’Assyrie et de Babylonie. Par contre, l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne se retrouve nulle part dans les traditions des peuples anciens, sauf peut-être sur une figure babylonienne qui le représente avec un homme et une femme assis à ses pieds. Ces deux personnages tendent la main vers ses fruits et un serpent se tient debout sur sa queue, derrière la femme.

Toutes ces descriptions, puisées dans les documents sacrés des plus anciens peuples de la terre, sont allégoriques. Elles datent d’une époque ancienne, au cours de laquelle on s’exprimait d’une manière imagée et symbolique. Ce sont des réminiscences d’un âge plus ancien encore, âge de bien-être et de félicité résultant, pour l’humanité qui l’a vécu, de son état de conjonction avec Dieu, le ciel et le monde spirituel. La plupart des mythologies nous ont conservé le souvenir de cet âge heureux, l’âge d’or du genre humain. Emmanuel Swedenborg l’appelle l’âge de la Très Ancienne Église ou de l’Église Adamique. Nous en reparlerons d’une manière plus détaillée dans une conférence subséquente. Qu’il nous suffise, pour le présent, en comparant toutes ces descriptions d’un jardin paradisiaque, berceau d’une première humanité, avec les enseignements symboliques du second chapitre de la Genèse, de conclure à leur origine ou à leur source commune 14. Nous comprendrons alors que, sous le couvert de l’allégorie, avec des divergences qu’explique le fait que ces réminiscences datent d’une époque où l’écriture n’était pas encore connue et au cours de laquelle la déchéance de l’humanité avait déjà faussé l’intelligence et corrompu le cœur des habitants de la terre, elles font allusion non pas à un jardin au sens littéral de ce terme, mais à un état de félicité parfaite de l’âme. N’est-il pas d’ailleurs tout naturel de concevoir que Dieu a mis l’humanité primitive au bénéfice de toutes les vérités spirituelles alors nécessaires à son bonheur ? Et qu’est-ce qui pourrait nous empêcher de croire qu’elle a réalisé ce bonheur aussi longtemps qu’elle est restée affectionnée aux lois de l’amour et de la sagesse du Seigneur ? Les anciens ont conservé par tradition et sans doute aussi par révélation le souvenir de cet âge heureux. Ils l’ont ensuite décrit en un langage symbolique et imagé, le langage des anciens peuples de l’Orient, le langage des correspondances. Il suffit, pour s’en convaincre, de comprendre que la création extérieure n’est que l’incorporation matérielle, l’enveloppe de la création intérieure et spirituelle et que, par conséquent, chaque objet de la nature concrète symbolise un sentiment de l’âme ou une pensée de l’esprit. Les hommes de l’âge d’or possédaient, en raison de leur état primitif d’amour pour le Seigneur et pour le prochain, la perception intuitive des relations qui existent entre les objets naturels et les affections ou les idées spirituelles qu’ils symbolisent. Aussi bien se servaient-ils de termes et d’objets concrets pour désigner les enseignements divins. La Parole de Dieu, comme la plupart des documents sacrés des plus anciens peuples de l’Orient, a été écrite dans ce langage symbolique. Elle exprime de la sorte des vérités profondes qui doivent servir à notre édification spirituelle et céleste. En l’interprétant d’après ce principe elle s’illumine d’une clarté merveilleuse et nous y découvrons, cachés sous le voile de la lettre, des trésors de richesses spirituelles dont le lecteur superficiel ne peut se faire aucune idée.

Cela dit, voyons maintenant ensemble quelques-uns des enseignements qu’à la Lumière de la science des correspondances nous pouvons retirer de l’allégorie du Jardin d’Éden.

Nous nous sommes déjà prononcé sur la signification et la nature de ce Jardin dans lequel, avons-nous dit, il ne faut pas voir un site terrestre quelconque, mais un état d’âme, état de bonheur que nous pouvons, de nos jours encore, réaliser dans une mesure qui dépend de notre degré de conjonction avec le Seigneur, car, d’après le symbolisme biblique, l’Orient, c’est le Seigneur. Nous regardons vers l’Orient quand nous désirons vivre en conjonction avec le Divin. L’aspiration des Adamiques était concentrée sur le Seigneur. Leur sagesse fut plantée en Orient 15, c’est-à-dire dans un état d’amour pour Dieu.

Cette sagesse découlait pour eux comme d’un fleuve, image que nous retrouvons dans l’Apocalypse où il nous est parlé du fleuve d’eau vive qui sortait du trône de Dieu et de l’Agneau (22, 1). Le fleuve du Jardin d’Éden est le même que celui de la Nouvelle Jérusalem. C’est le fleuve de la sagesse Divine, de la Divine Vérité que l’influx du Seigneur génère dans le cœur ou la volonté de l’homme, c’est-à-dire dans l’intime de son être pour vivifier ensuite son intelligence spirituelle.

Il nous est dit de ce fleuve qu’il se partageait en quatre bras pour arroser quatre pays : Havilah, l’Éthiopie, l’Assyrie et le pays de l’Euphrate. Ces quatre pays symbolisent quatre régions spirituelles ou quatre facultés de l’esprit humain : la volonté ou l’amour, l’entendement ou l’intelligence, la rationalité et la mémoire. S’il nous est dit du premier bras de ce fleuve qu’il arrosait la contrée d’Havilah où se trouve de l’or qui est bon, c’est qu’Havilah est le pays de l’amour céleste dont l’or est le symbole dans la Parole de Dieu. Les Adamites étaient affectifs et célestes de nature. Le nom de ce fleuve, Pischon, signifie en langue hébraïque « qui coule en abondance », expression qui caractérise précisément la richesse de la sagesse dont bénéficiaient les hommes de l’âge d’or. Le bdellium ou la perle, l’onyx ou le rubis 16 qui se trouvaient sur le parcours de ce fleuve, figurent les saintes et précieuses vérités qui sont le partage de l’homme qui vit dans un état d’amour pour Dieu.

Pour comprendre le symbolisme des régions arrosées par les trois autres fleuves, il faut avoir été rendu attentif au fait que les noms de pays dont il nous est parlé dans la Parole ont tous, eux aussi, une signification spirituelle. Cusch ou l’Éthiopie qu’arrose le second fleuve nominé Guihon, ce qui signifie « vallée de grâce », correspond à l’intelligence c’est-à-dire à la connaissance de l’amour et de la foi. Aschur ou l’Assyrie figure les facultés rationnelles. Le pays qu’arrosait l’Euphrate représente la science de la mémoire (A. C. 120).

Le symbolisme des quatre fleuves nous étant maintenant connu, étudions encore brièvement celui des arbres de ce jardin. Si, comme nous le croyons, le Jardin d’Éden est un état d’âme, l’état d’âme des hommes de l’âge d’or, comme il doit être aussi celui des chrétiens régénérés par le Seigneur, les arbres en sont la description imagée. Remarquons tout d’abord, à propos de l’arbre de la Vie, que cette appellation n’est pas exacte, car le mot hébreux « hachayem » rendu par le mot vie est au duel, un cas qui n’existe pas en français et qui sert à marquer la dualité. Ce serait donc plus conforme au texte original de dire « l’arbre des deux vies ». Que représente cet arbre dont il nous est dit que Dieu le fit pousser au milieu du jardin ? Les arbres en général, nous l’avons vu à propos de l’œuvre du troisième jour de la création, symbolisent les perceptions et les connaissances d’où procède la sagesse. L’Arbre des deux Vies 17 n’est donc pas autre chose que le double influx qui vient du Seigneur, source unique de la vie, et qui permet à quiconque en bénéficie de percevoir 18 le bien et le vrai. Cette sainte influence, dans sa double manifestation d’amour et de vérité, est la source de toutes les joies du ciel. C’est celle d’où proviennent les doctrines de la Nouvelle Église du Seigneur, appelée l’Église de la Nouvelle Jérusalem et c’est la raison pour laquelle le livre de l’Apocalypse qui décrit cette Église sous l’image d’une ville nous dit : « Au milieu de la place de la ville, et sur les bords du fleuve était l’Arbre de Vie qui porte douze 19 sortes de fruits, rendent son fruit chaque mois, et les feuilles de cet arbre étaient pour la guérison des nations 20 » (Apoc. 22, 2).

L’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal 21 indique également un état spirituel. Ce n’est donc point un arbre naturel. « La connaissance du côté externe des choses, dit Humann, peut être appelée connaissance du bien et du mal ; en effet, l’amour de ce côté externe des choses, à l’exclusion des vérités internes et supérieures qui en constituent l’âme, est amour du monde qui, avec l’amour de soi-même, est l’origine du mal. L’esprit du bien n’exclut pas l’amour de s’instruire des vérités de fait, dites externes, naturelles ou scientifiques, ni, à plus forte raison, l’amour plus élevé des vérités internes qui donnent la vie à des choses externes. Il en résulte que la connaissance du côté externe des choses est utile, bien que pour elle-même elle ne porte pas sur la vérité réelle. Cette connaissance peut être figurée par un arbre qui a ses usages dans le jardin de la sagesse, mais son fruit ne doit pas servir de nourriture à notre corps spirituel parce que les vérités scientifiques et naturelles qu’il nous offre ne doivent servir qu’à confirmer les vérités supérieures et intérieures, figurées par l’Arbre des Vies, lesquelles sont les vérités du sens interne de la Parole. C’est pourquoi cet Arbre de la Science doit rester placé non pas au centre du jardin comme l’Arbre des Vies, mais sur sa circonférence ou sur ses côtés extérieurs. »

Il nous reste à étudier encore, avant de terminer, quelques particularités du second chapitre de la Genèse. Le lecteur attentif du texte biblique n’est pas sans remarquer que ce second chapitre semble nous donner une deuxième et nouvelle version de la création. La critique sacrée s’en est occupée et, par la plume autorisée de plusieurs théologiens érudits, elle affirme que ce second chapitre émane d’une autre source que le premier. Le Pentateuque tout entier, dit-elle, n’est qu’une compilation de plusieurs anciens documents sacrés de caractères différents, facilement reconnaissables par le style et par quelques expressions particulières. C’est ainsi que pour désigner Dieu, le premier chapitre de la Genèse emploie le mort « Élohim », tandis que le second se sert de l’expression Yahvé Élohim. Nous n’avons, pour ce qui nous concerne, aucune objection à reconnaître que les livres du Pentateuque sont formés de deux ou trois mémoires soudés ensemble, car à nos yeux cette constatation ne diminue en rien l’inspiration divine de la Parole de Dieu. Nous croyons au contraire que cette compilation de documents différents a été sagement dirigée par la Divine Providence du Seigneur, afin que le texte sacré puisse répondre à des buts dont le lecteur superficiel ne saisira peut-être que très difficilement la réalité, mais dont le chrétien, qui trouve son plaisir à sonder les Écritures, discernera progressivement la merveilleuse sagesse au fur et à mesure qu’il ouvrira les yeux de son entendement aux clartés spirituelles et célestes de la Parole. À ce point de vue, peu nous importe que le Pentateuque soit l’œuvre d’un ou de plusieurs auteurs, le travail d’un ou de plusieurs compilateurs. Nous savons que tel qu’il est, tel il devait être, et que c’est intentionnellement que l’Être divin est appelé Jéhovah Dieu (Yahvé Élohim) dans le second chapitre de la Genèse, tandis qu’Il est appelé simplement Dieu (Élohim) dans le premier récit de la Création. Ces deux noms ne sont jamais employés indifféremment l’un pour l’autre. Le nom de Yahvé, Jéhovah, que nos versions françaises de la Bible traduisent par le Seigneur et plus souvent encore per l’Éternel, exprime le principe le plus intérieur de l’Être divin, c’est-à-dire l’Amour. Le nom d’Élohim, Dieu, exprime son principe extérieur, celui qui se manifeste dans les lois et les œuvres de sa sagesse. Et ces deux noms juxtaposés désignent ensemble les deux principes essentiels et constitutifs de la Divinité, l’Amour et la Vérité, le Bien et le Vrai. Le premier chapitre de le Genèse nous parle de la régénération, c’est-à-dire de la création spirituelle de l’âme humaine, de l’âme qui a besoin du Dieu de Vérité, d’Élohim pour la conduire et la fortifier. Il va sans dire que le divin Amour habite toujours dans la divine Vérité qu’Il inspire, mais l’homme, dans le degré spirituel de sa régénération n’en a pas conscience ; la divine Vérité lui suffit. Par contre, dès qu’il parvient à l’état céleste, un grand changement s’effectue en lui ; c’est la bonté maintenant qui lui inspire ses pensées. Ce n’est pas que l’homme céleste apprécie moins la vérité que l’homme spirituel, mais il affectionne davantage encore la bonté, l’amour céleste. Il ne discute plus autant la vérité, car son grand soin est de la mettre en pratique. Les lois de la justice éternelle ne sont plus les sujets de son raisonnement, elles sont écrites dans son cœur ; il est maintenant en paix et n’a plus qu’à utiliser les vertus et les grâces que l’amour infini et la sagesse suprême ont implantées dans son âme ; il est entré dans le jardin d’Éden qu’il n’a plus qu’à cultiver et à garder. Dans toutes les œuvres de la Providence il voit maintenant le divin amour manifesté par la divine sagesse 22. Il aperçoit non seulement la logique de la Divinité en toutes choses, mais aussi sa miséricorde. Ce n’est plus Dieu seul, Élohim, c’est Jéhovah Dieu, Yahvé Élohim, qui le conduit, c’est Dieu comme son Père céleste qui lui parle 23. »

Pour terminer, disons encore quelques mots de la formation de la femme telle qu’elle nous est décrite au second chapitre de la Genèse. Si le Jardin d’Éden symbolise un état d’âme, si l’Arbre des Vies signifie la perception de l’influx vivifiant du Seigneur, si l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal représente la foi sensorielle dans la science des choses externes qui engendre l’amour de soi et du monde, la femme doit également revêtir un sens symbolique. Nous nous souvenons qu’Adam est un terme générique pour désigner une première humanité issue par voie de régénération progressive d’une race animale antérieure que nous avons appelée « préadamique 24 ». Et cette première humanité nous est déjà présentée comme ayant été formée d’hommes et de femmes au sixième jour de la création 25. Que symbolise la femme tirée d’une côte d’Adam, pendant son sommeil ?

Dans le sens interne de la Parole de Dieu, la femme représente toujours le côté affectif ou volontaire de la nature humaine. C’est sous l’image d’une femme que les mythologies, les anciennes traditions et les antiques poèmes incorporaient l’amour et les affections du cœur, les grâces de l’esprit et les sentiments religieux. Cela tient sans doute au fait que d’une manière assez générale le caractère féminin est plus sentimental et plus affectueux que celui de l’homme. La femme est plus dévotionnelle ; on le remarque dans les Églises, dans le sein desquelles l’élément féminin prédomine. C’est en vertu de cette disposition naturelle de la femme que l’Église, cette fraction de l’humanité qui manifeste le plus son amour pour le Seigneur, est appelée dans les Écritures : l’épouse de l’agneau 26. Dans le passage qui nous occupe, la femme est donc une affection que l’humanité adamique parvenue à l’état céleste, symbolisé par Éden, ne possédait pas encore. Mais, avant de caractériser cette affection, examinons ensemble le sens que nous devons attribuer à cette parole que le texte biblique met dans la bouche de Jéhovah Dieu : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Nous avons là le premier exemple biblique d’une affirmation ou d’une vérité que les doctrines de la Nouvelle Église qualifient d’apparente. Très souvent dans la Bible les hommes attribuent à Dieu leurs désirs et leurs pensées. Il nous est souvent dit de Dieu qu’Il se venge et qu’Il s’irrite et pourtant les sentiments de vengeance et de colère lui demeurent étrangers. Dans le récit du sacrifice d’Isaac, il nous est dit de Dieu qu’il commanda à Abraham de lui immoler son enfant, mais en réalité ce patriarche n’a fait que prendre les injonctions de sa conscience mal éclairée et partiellement idolâtre pour un commandement du Très Haut. Dans un commentaire qu’il a fait du passage qui nous occupe, M. Humann, autrefois pasteur de la Nouvelle Église de Paris, s’exprime comme suit : « Le mal que l’homme désire, lorsqu’il s’imagine que c’est un bien, ne lui est pas refusé, et même Dieu laisse quelquefois supposer à l’homme sensoriel que telle est bien la volonté divine. Mais le Seigneur s’efforce toujours, avant de l’abandonner à sa mauvaise pensée, d’éclairer l’homme et de l’éloigner du mal, autant que cela est compatible avec son libre arbitre. C’est ainsi qu’avant de satisfaire à son désir d’avoir une aide semblable à lui, Jéhovah va lui faire passer en revue une à une, sous la figure de bêtes et d’oiseaux, toutes les bonnes affections auxquelles il suffirait de s’attacher pour ne pas perdre son état d’intégrité d’homme céleste. Il nous est par conséquent dit : Jéhovah Dieu forma de l’humus toute bête du champ et tout oiseau des cieux et Il les amena vers l’homme pour voir comment il les nommerait, et chaque nom que l’homme donnait à une âme vivante était son nom (Gen. 2, 19). Nous apprenons par ce passage que Dieu fit germer dans l’homme toutes les affections spirituelles de l’entendement 27, pour les lui faire apprécier. Et cependant malgré la possession de touffes ces richesses célestes et spirituelles, dans toutes ces affections du bien et du vrai, l’homme ne trouva pas une aide semblable à lui. Son désir de ne plus se sentir seul en face de Dieu (c’est-à-dire de ne plus se conjoindre à Lui par le seul côté interne de sa nature) le poussa à s’abandonner de plus en plus à l’amour de soi et du monde, à l’amour des choses externes, disposition très fidèlement figurée par un assoupissement de la vie intérieure et élevée d’homme céleste. » Le sommeil que Dieu fit tomber sur Adam et pendant lequel Il prit une de ses côtes pour en former une femme marque donc un premier état de déchéance, d’assoupissement de la vie céleste de l’humanité adamique, un acheminement vers un état spirituel inférieur occasionné par le désir de ne plus vivre uniquement dans l’amour de Dieu, mais de satisfaire également à l’amour de soi. C’est là cette nouvelle affection que l’humanité adamique ne connaissait pas dans les premiers siècles de l’âge d’or. La femme figure donc ici l’affection de l’homme pour son propre. La côte dont elle a été tirée représente le propre de l’homme que le Soigneur vivifie. Les os du corps symbolisent la mort. La vision des ossements d’Ézéchiel (27, 6) nous l’enseigne. La chair, par contre, symbolise la vie spirituelle. Prendre la côte d’Adam, l’entourer de chair et en former une femme semblable à lui c’est, dans le sens interne, vivifier le propre de l’homme, c’est-à-dire son désir d’agir comme par lui-même, sans le priver pour cela des joies du Jardin de la Sagesse ou du Paradis terrestre. Ce fut néanmoins pour l’homme une déchéance, car, de céleste qu’il avait été à l’origine alors qu’il ne vivait que d’après les affections de son interne, il devint céleste-spirituel est se laissa guider davantage par les affections de son externe. Nous verrons dans notre prochaine conférence que ce fut pour l’humanité adamique un acheminement vers la chute dont il nous est parlé au chapitre troisième de la Genèse et par conséquent le déclin de la période foncièrement la plus heureuse qu’ait vécue le genre humain sur notre globe.

Spirituellement interprété, le récit du Jardin d’Éden n’offre rien en soi d’incompréhensible, de déraisonnable ou d’enfantin. Dans le langage de la sagesse antique il nous présente au contraire des enseignements d’une grande portée morale et religieuse, des leçons d’une profonde et bienfaisante philosophie. Il nous donne à comprendre que l’homme a commencé par vivre dans un état d’innocence et d’amour qui lui procurait sur la terre des jouissances célestes et spirituelles d’un prix inestimable. Ces jouissances résultaient en particulier de la perception qu’il possédait par intuition des enseignements divins, car il vivait en conjonction avec le Seigneur.

Il nous est précieux de savoir ces choses, car ce qui fut un temps peut être à nouveau et nous croyons que le retour à l’âge d’or pour l’humanité constitue certainement un des buts de l’œuvre grandiose de le rédemption du monde. Nous devons rentrer en possession du Jardin d’Éden.

 

 

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Le récit biblique de la chute

 

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Pour l’intelligence du récit biblique de la chute, il est bon de nous rappeler très brièvement ce que nous avons appris dans nos deux précédentes études sur la Parabole de la Création et sur l’Allégorie du Jardin d’Éden :

1. Adam n’est pas un être individuel, l’ancêtre de la race humaine. C’est un nom collectif, celui d’une première humanité douée de la faculté d’aimer et de comprendre le bien et le vrai divins. C’est l’homme et la femme (der Mensch) de cette première humanité.

2. Le récit biblique de la création n’a pas pour but celui de nous renseigner sur les origines et la formation de l’univers matériel. Le premier temps dont il nous parlé est celui de l’époque de l’enfance et de l’état d’innocence céleste de cette première humanité dont le souvenir est resté gravé dans les textes sacrés les plus anciens sous la dénomination de l’âge d’ or.

3. L’humanité primitive s’est élevée du naturalisme à la spiritualité. C’est là ce que signifie, dans le sens interne de la Parole, la création du ciel et de la terre. Créer, c’est régénérer. Le ciel est l’interne de l’homme, sa volonté, son entendement ; la terre est sa nature externe. Les six jours de la création et le septième consacré au repos de Dieu typifient les différentes étapes de la régénération de l’humanité primitive, jusqu’à la réalisation de son état adamique de félicité céleste, résultant de l’harmonie de sa volonté et de son entendement avec l’amour et la sagesse de Dieu.

4. Le Jardin d’Éden est un état d’âme, l’état de félicité céleste dont bénéficia la première humanité adamique, aussi longtemps qu’elle resta affectionnée aux lois de d’amour et de la sagesse du Créateur. Cet état est typifié surtout par des arbres du jardin parmi lesquels il en est deux qui doivent retenir notre attention : l’arbre de vie (ou plutôt des vies) et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Nous sommes maintenant en mesure d’aborder l’étude du récit biblique de la chute et de comprendre la véritable nature de ce que l’on a convenu d’appeler le péché originel.

Que devons-nous entendre par le phénomène de la chute ? Nous avons dit que l’homme avait été doué par création de deux facultés constitutives : la volonté et l’entendement. Sa volonté, d’où viennent ses affections, est le réceptacle de la chaleur spirituelle ou de l’amour divin, et son entendement d’où résultent ses pensées est le réceptacle de la lumière ou de la sagesse divine. Ainsi, comme son Créateur, l’homme est amour et intelligence, avec cette différence cependant que Dieu est en soi l’amour même et l’intelligence même, tandis que l’homme n’est qu’un simple récipient de l’amour et de la sagesse qui procèdent de Dieu. Mais, tel que nous le connaissons, l’homme présente un aspect bien peu conforme à son divin modèle ; aussi bien chacun s’accorde-t-il à reconnaître qu’il est déchu. Bernardin de St-Pierre s’est demandé pourquoi l’homme était le seul de tous les animaux qui souffrait d’autre maux que ceux de sa nature. Et il répond à cette question en disant : « La nature de nos maux en décèle l’origine. Si l’homme se rend lui-même malheureux, c’est qu’il a voulu lui-même être arbitre de son sort. L’homme est un Dieu exilé. Le règne de Saturne, le siècle de l’âge d’or, la boîte de Pandore d’où sortirent tous les maux et dans laquelle il ne resta que l’espérance, mille allégories semblables répandues dans les mythologies de toutes les nations attestent la félicité et la décadence des premiers hommes. » Marc Aurèle avait déjà exprimé cette pensée, car il appelait l’âme un Dieu exilé, expression que nous trouvons aussi dans ce vers demeuré fameux du poète Lamartine : « L’homme est un Dieu déchu, qui se souvient des cieux. »

Comment s’expliquer cette déchéance ? Par le mauvais usage que l’homme fit de son libre arbitre. À l’origine, les deux facultés constitutives de sa mature, la volonté et l’entendement étaient unies. Ses affections étaient approuvées par son intelligence et ses pensées étaient agréées par sa volonté. Pour connaître et aimer les vérités divines, il n’avait pas besoin de révélation écrite. Il recevait toutes les connaissances qui lui étaient nécessaires par un influx divin. Il en résultait que les vérités divines étaient en quelque sorte gravées dans son cœur. Il avait le pouvoir de se conjoindre à son Créateur et de le reconnaître comme la source unique de la vie. Mais il avait aussi, en raison même de son libre arbitre, la faculté de s’en détourner et de s’en détacher pour s’aimer lui-même exclusivement. C’est malheureusement ce qu’il fit et, simple récipient de la vie qui lui ventait de Dieu, l’homme finit par s’illusionner au point de croire qu’il la possédait en soi. En ce faisant il perdit la réalité de la vie divine pour laquelle il avait été créé. La chute a donc été la substitution de l’amour de soi à l’amour de Dieu et du bien général. Tout cela est décrit symboliquement dans la Genèse. Essayons de nous en rendre compte, mais pour procéder avec ordre, commençons par réfuter l’interprétation littérale de ce récit, car elle offre des difficultés insurmontables.

Les partisans du sens littéral des Écritures se représentent nos premiers parents comme ayant été placés par le Créateur dans un jardin au sein duquel ils furent séduits par un serpent qui leur persuada de manger du fruit d’un arbre extraordinaire dont le Seigneur leur avait dit : « Vous n’en mangerez pas. » Et, pour avoir obéi aux sollicitations de ce serpent, ils ont été l’objet d’une malédiction terrible, malédiction qui pèse et pèsera toujours sur leurs descendants ; ils ont été chassés du paradis, condamnés à traîner une vigie de misère, de souffrance et de labeur pénible, pour devoir ensuite mourir d’une mort qui leur répugne et dont la seule pensée empoisonne tout ce qu’il pourrait y avoir encore de bien-être dans leur triste existence. Car, dans la pensée de ceux qui interprètent à la lettre le récit de la chute, l’homme n’est pas destiné à passer par le phénomène de la mort. À supposer qu’il n’eût pas été dans la pensée du Seigneur de le faire jouir de l’immortalité sur cette terre où il est venu à l’existence, l’homme devait y vivre tout d’abord une vie exempte de travail et de difficultés pour en être ensuite enlevé à la manière d’Hénoc et d’Élie et transplanté dans le ciel sans passer par la vallée que le psalmiste appelle « la vallée de l’ombre de la mort ». Mais, ajoute-t-on, la désobéissance de l’homme a déterminé un changement de dispositions de la part du Père céleste à son égard et le Dieu trois fois saint et tout amour, dont on nous dit qu’Il est lent à la colère et abondant en grâces, lui a enlevé l’assurance de son immortalité pour le plonger dans l’incertitude de la vie à venir et dans les perpétuels conflits de l’existence présente. Et, pour qu’il soit contraint de travailler ici-bas à la sueur de son front, la terre elle-même a été maudite et frappée de stérilité ; le paradis terrestre a été changé en un désert aride dans lequel Dieu a planté des épines et des ronces.

Quelque incroyable que puisse nous paraître une pareille conception, elle est partagée de nos jours encore par un très grand nombre de croyants qui ne se rendent malheureusement pas compte de tout le ridicule dont ils entachent la Parole de Dieu. Car enfin n’est-il pas étrange de se représenter le Créateur comme ayant placé dans le paradis un arbre dont le fruit était défendu et qui n’avait pas d’autre raison d’être que celle d’exciter la tentation de nos premiers parents ? Est-ce ainsi que le Seigneur agit habituellement ? Ne nous est-il pas dit dans les Écritures que Dieu ne tente personne ? Pourquoi donc aurait-Il dérogé à ce principe en exposant Adam et Ève au danger d’une tentation à laquelle Il savait d’avance que ses créatures ne résisteraient pas ? En outre, comment comprendre que nos premiers parents aient été séduits par un animal, eux qui étaient sortis parfaits des mains de leur Créateur. Comment se représenter qu’une bête des champs, fût-elle la plus rusée, ait pu les éloigner de Dieu ? Cette conception erronée n’a pas résisté aux assauts de l’incrédulité des ennemis de l’Évangile. Aussi bien, tous ceux qui ont voulu prendre la défense du récit biblique de la chute tout en admettant l’interprétation littérale du texte sacré ont-ils senti le besoin de faire intervenir le diable dans cette histoire, lequel, disent-ils, s’est manifesté sous la forme d’un serpent à nos premiers parents. Le texte biblique n’en parle pourtant pas. Il dit simplement : « Or le serpent était plus fin que tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait créés. » Dans une étude qu’il a consacrée à ce sujet, M. le Dr. Bailey, qui a fait cette remarque, ajoute : « Et si le diable était le vrai coupable, comment se fait-il qu’il échappa sans un mot de blâme, tandis que son instrument passif, le malheureux serpent, est maudit ? D’après cette manière de comprendre le récit, il n’est point question du véritable coupable, mais le serpent est condamné à marcher sur le ventre tous les jours de la vie et à manger la poussière. Et, pour compléter le merveilleux de l’histoire, non seulement le diable échappa à toute punition, mais le serpent lui-même ne fait aucune attention à la nourriture qui lui est prescrite ; car, pas plus qu’un autre animal carnivore, le serpent ne mange de la poussière. » Seuls, en définitive, l’homme et la femme semblent avoir été punis dans leur postérité.

Telles sont quelques-unes des difficultés insurmontables que soulève l’interprétation littérale de ce récit. La chute de l’humanité ne saurait s’expliquer de cette manière. Ce n’est point par le récit de cette simple désobéissance qu’on peut interpréter le fait que l’amour de Dieu, qui devait prédominer dans le cœur de l’homme, lui est devenu un sentiment à peu près étranger, tandis qu’eau contraire l’amour de soi, celui qui devrait avoir le moins de prise dans son âme, est celui qui lui inspire jusqu’aux plus petits détails de sa conduite de chaque jour. D’où vient cette prédominance des plaisirs impurs et malsains auxquels s’adonne l’humanité, alors que toutes les considérations de santé, de bien-être, de véritables jouissances sociales devraient nous engager à ne rechercher que des distractions saines, pures et pacifiques ? Le désordre qui règne dans la société correspond à celui qui caractérise le mental des individus et l’unique désobéissance du Jardin d’Éden ne saurait en être la cause.

Mais il y a plus encore. Interprétée littéralement, la sentence de malédiction qui sort de la abouche du Créateur est en contradiction absolue avec tout ce que nous savons de l’amour infiniment miséricordieux de notre Père Céleste, de Celui dont il est dit que ses compassions sont par-dessus toutes ses œuvres. Le Seigneur ne châtie pas. Il est dit de Lui dans le livre du prophète Malachie (3, 6) : « Parce que je suis Jehova et que je ne change point, vous, enfants de Jacob, vous n’avez pas été consumés. » L’épître de Jacques nous le présente comme le « Père des lumières en qui il n’y a point de variation ni aucune ombre de changement. Dieu est amour ! » Et tout enseignement qui nous le présenterait sous un jour différent serait contraire à sa nature. Il importe que nous nous élevions avec énergie contre l’interprétation d’une théologie enfantine dans son raisonnement mais dangereuse pour la foi, qui nous représente Dieu comme l’un de nous, c’est-à-dire partagé dans son attitude à notre égard et cédant tantôt à des sentiments de justice et de rétribution, tantôt à des sentiments d’amour et de pardon.

On nous dit, pour expliquer la punition terrible – le mot n’est pas trop fort – qu’Il a infligée à toute l’humanité en la personne d’Adam et d’Ève, qu’il leur avait formellement prescrit de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et qu’Il les avait avertis qu’au jour où ils en mangeraient ils mourraient. Le Seigneur, ajoute-t-on, était lié par cette déclaration. Il devait, par conséquent, à la sainteté de sa justice d’exécuter sa menace. Mais cette interprétation littérale du texte ne fait qu’ajouter une difficulté nouvelle à toutes celles que nous avons déjà mentionnées, car la Bible nous renseigne positivement sur la durée de la vie d’Adam qui fut de 930 ans. Ce ne fut donc pas au jour où ils mangèrent soi-disant du fruit défendu que nos premiers parents moururent. La sentence de l’Éternel-Dieu ne s’est donc pas exécutée à la lettre. D’ailleurs, la mort dont il est question dans ce passage n’est pas la mort du corps, laquelle a toujours fait partie du plan divin. La mort dont il s’agit est la mort spirituelle et c’est spirituellement que nous devions interpréter tout ce récit comme la Parole de Dieu tout entière. « Dans le sens spirituel – nous- empruntons encore cette réflexion à l’ouvrage du Dr. Bailey – ces paroles : Au jour où tu en mangeras, tu mourras, sont un avertissement miséricordieux, prévenant l’homme que s’il rejette les leçons de la sagesse divine figurées par les autres arbres du Jardin d’Éden pour se guider uniquement par les apparences trompeuses de son propre savoir (figurées par l’arbre de la connaissance du bien et du mal), il viendrait à déchoir dans un état externe, bas et sensuel ; et l’apôtre Paul nous dit que l’affection de la chair donne la mort, mais que l’affection de l’esprit produit la vie et la Paix. Comprises ainsi, dans leur signification véritable, ces paroles, au lieu d’une menace, ne sont qu’un conseil paternel instruisant l’homme des conséquences de sa désobéissance aux lois de la sagesse divine, qui ne sont que bonté et vérité. Ces conséquences sont inévitables, car l’homme ne peut se détourner de la lumière de la vérité sans se trouver dans les ténèbres ; il ne peut se dérober à la chaleur vivifiante de l’amour divin sans être envahi par le froid mortel de l’égoïsme ; il ne peut persister à rester dans le degré inférieur de son être et refuser de s’élever dans les degrés supérieurs sans devenir un insensé, égoïste et sensuel. Or l’ignorance, l’égoïsme et la sensualité constituent la mort spirituelle et, au jour, à l’heure même où nous adoptons ces principes, nous mourrons spirituellement. »

Le récit biblique de la chute (Gen. 2, 18 à 3, 24) nous décrit brièvement et sous une forme allégorique toute une période de déchéance des temps très anciens. Cette déchéance, insignifiante à ses origines, s’est graduellement accrue dans le cours des âges. La pente du mal est insensible à ses débuts. Il n’y a pas de mal, c’est du moins l’opinion quasi générale, à boire un verre de vin. Et cependant, pour combien de pauvres buveurs leur premier verre de vin n’a-t-il pas été le premier coup de pioche dont s’est creusée leur tombe d’ivrogne ? La première querelle, sans importance, semble-t-il, d’un enfant avec ses camarades, n’a-t-elle pas été la première pierre dont s’est murée la prison dans laquelle on a dû plus tard l’enfermer comme un criminel ? Il nous est difficile, cela va sans dire, de concevoir exactement la nature de la première étape franchie par la très ancienne humanité dans la voie de la déchéance ; mais nous pouvons affirmer que, de bon qu’il était sorti des mains du Créateur, l’homme n’est pas devenu subitement mauvais. Ce n’est pas d’un instant à l’autre que l’innocence a fait place à l’égoïsme et à la cupidité. Tout s’accomplit progressivement dans la vie, le bien comme le mal. Les royaumes et les empires des temps anciens, l’Assyrie, l’Égypte, Rome, la Grèce et beaucoup d’autres dont l’histoire nous retrace l’apogée et la déchéance, n’ont pas décliné d’un jour à l’autre.

La première altération du bonheur dont jouissait la très ancienne humanité ou, comme Swedenborg l’appelle, l’a Très Ancienne Église, l’Église de l’Age d’Or, l’Économie Adamique, nous est décrite sous l’image du sommeil qui tomba sur Adam, sommeil au cours duquel, d’une de ses côtes, Dieu forma une femme, afin qu’il ait une aide semblable à lui. Le sommeil est toujours, dans les Écritures, le symbole de la prédominance du naturel sur le spirituel chez l’homme. L’alternance des états de veille et de sommeil, c’est-à-dire de poursuite des vérités spirituelles et des vérités scientifiques et naturelles est utile, dans les limites de leur importance. C’est dans ce sens que nous devons entendre cet encouragement du Ps. 127, 20 : « Dieu donne le repos à celui qu’il aime. » Mais nous devons prendre garde de ne pas nous laisser davantage influencer par la recherche des jouissances naturelles que par celle des vérités spirituelles. Notre prière doit être celle du psalmiste (13, 4) : « Éclaire mes yeux de peur que je dorme du sommeil de la mort. » Quand l’homme se laisse influencer par la trompeuse apparence des sens naturels qui l’inclinent à croire qu’il génère lui-même ses pensées et ses sentiments, quand il commence à se persuader qu’il possède en propre la vie de l’entendement et de la volonté, il se détourne alors graduellement de Dieu pour se considérer lui-même. Il se détache de l’amour de Dieu et du prochain pour s’aimer lui-même, pour aimer son propre.

C’est là ce que typifie l’apparition de la femme qui représente l’affection, le volontaire et le propre de l’homme. Car il ne s’agit pas ici d’une explication naturelle de la création de la femme puisque, dès les origines de l’humanité, les deux sexes avaient été créés (Gen. 1, 27) 28.

Nous avons ici une image de ce que peut devenir la nature humaine quand Dieu la réveille de son sommeil spirituel. L’Église Adamique avait déjà perdu conscience de la vraie vie. Elle était tombée du niveau céleste de son existence à un niveau de vie inférieure et naturelle. C’est alors que le Seigneur, dans un sentiment de profonde affection pour cette humanité qu’il avait créée à son image et qui déjà se séparait de Lui, vivifia sa volonté. La femme tirée d’une des côtes de l’homme est le symbole de ce que peut devenir sa volonté régénérée.

L’homme de cette époque, bien que vivant une vie naturelle, était encore innocent. Il n’avait pas encore goûté du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il ne s’était pas encore confirmé dans l’erreur. Ses plus hautes facultés spirituelles étaient seulement endormies, mais cet état lui faisait courir le danger de s’éloigner de l’Arbre de Vie, pour s’approcher de celui de la connaissance du bien et du mal.

Il lui fut donné une aide semblable à lui. Mais le tort de l’home fut de ne pas savoir reconnaître que cette faculté que Dieu lui accordait de vouloir agir comme par lui-même, lui venait en réalité du Seigneur. Dans l’aide qui lui fut donnée, il ne vit qu’une auxiliaire qui était os de ses os et chair de sa chair et il l’appela femme ou épouse, parce que, nous dit le texte, elle avait été prise de l’homme. Constatons en passant, qu’à ce point de vue, l’humanité n’a guère changé depuis ces temps préhistoriques, car, de nos jours encore, nous ne sommes malheureusement que trop portés à dire que tout ce que nous recevons du Seigneur n’est en réalité que le produit de notre intelligence et de nos facultés naturelles.

Cela dit, étudions ensemble, dans leur sens interne, les principaux passages du récit de la chute. Le chapitre trois de la Genèse commence par le compte-rendu d’un dialogue échangé entre la femme ou la volonté de l’homme, et le serpent que le texte naos dit être le plus rusé des animaux des champs. Il va sans dire que le serpent joue ici un rôle figuratif. Cet animal vit et se meut près de la terre. Il se glisse et rampe par des ondulations qui lui communiquent la configuration du terrain. Il y a des serpents inoffensifs et d’autres qui sont mortellement venimeux. De ces faits nous tirons facilement l’analogie du serpent avec ces affections de notre nature qui nous encouragent à placer tout notre bonheur dans les satisfactions sensorielles. Le serpent, c’est donc, dans la Parole de Dieu, l’attraction et le pouvoir des sens, le plaisir et la jouissance des yeux, du goût, de l’ouïe et de l’odorat. Les affections sensorielles ont sans doute leur utilité bien qu’elles appartiennent au degré inférieur de notre nature. Car s’il ne nous était pas agréable le contempler les beautés de la nature dans laquelle nous vivons, d’en écouter avec plaisir les harmonies, d’en respirer avec délices les parfums odoriférants et d’en savourer avec reconnaissance la nourriture que la Providence nous accorde pour nous soutenir, nos corps ne pourraient pas nous servir d’instruments pour développer les facultés de l’âme. Le serpent a donc sa place dans le microcosme qu’est notre nature humaine. Les très anciens le considéraient donc comme l’emblème de l’homme sensoriel, dans le bon et dans le mauvais sens ; dans le bon sens quand la satisfaction sensorielle et extérieure était dominée par celle des vérités intérieures de l’esprit et du cœur, et dans le mauvais sens quand, au contraire, l’homme était dominé par ses appétits inférieurs, ses désirs charnels qui l’incitaient à regarder en bas plutôt qu’en haut, au dehors plutôt qu’au dedans. Nous lisons dans le livre des Psaumes que les hommes méchants et violents ont aiguisé leurs langues comme des serpents et qu’ils ont du venin dans leur bouche (Ps. 140, 4). L’homme sensoriel que domine le serpent est celui qui ne croit qu’à ce qui tombe sous le coup de l’expérience des sens naturels, ce qui l’amène à nier l’existence de Dieu qu’il ne peut ni voir, ni toucher, ni entendre. Quand le sensoriel qui, nous le répétons, est une faculté indispensable à notre nature, puisque sans la sensibilité les avenues de la pensée nous seraient fermées, essaie de dominer et de mépriser nos aspirations supérieures, il sort des limites qui lui sont assignées et joue le rôle du serpent fascinateur. C’est une disposition du principe sensoriel que de donner une grande importance, souvent même la plus grande importance, au savoir humain. Nous devons reconnaître toute l’importance de la science des choses naturelles, cela va sans dire, mais ce n’est qu’en subordonnant l’affection que cette science nous inspire à celle que nous devons éprouver pour les vérités de la révélation de Dieu que, suivant le conseil de la sagesse du Seigneur, nous devenons prudents comme des serpents et simples comme des colombes (Matth. 10, 16). La faute que commirent tout d’abord nos premiers parents fut de commencer par désirer le fruit de l’arbre de la science, de préférence à celui de l’arbre de la vie. Le texte parabolique de la Genèse exprime cette préférence en situant, dans la réponse que la femme fit au serpent, l’arbre de la science au milieu du jardin, alors que cette place était celle attribuée par le Seigneur à l’arbre de la Vie. Il est très intéressant de comparer à ce point de vue les versets 9, 16 et 17 du chapitre second avec le verset 3 du chapitre suivant. Nous avons dit du Jardin d’Éden qu’il était un état d’âme, d’état d’innocence céleste réalisé par les très anciens et qui consistait pour eux à se laisser diriger par l’influx de la sagesse du Seigneur. Dans cet état, ils voyaient l’Arbre de la Vie au milieu du Jardin. Mais leurs descendants perdirent cet état d’innocence au fur et à mesure qu’ils voulurent se laisser guider dans la recherche de la vérité par la science résultant du témoignage des sens à l’exclusion de la sagesse divine. Cela revient à dire que pour eux ce fut l’arbre de la science du bien et du mal qui leur parut s’élever au milieu du Jardin. Dans son étude sur ce sujet, M. le pasteur Humann, que nous avons déjà cité, s’exprime comme suit : « Ils (nos premiers parents) auraient dû se borner à se servir de cette méthode d’investigation, encore peu développée chez eux, pour confirmer les vérités spirituelles qu’ils apprenaient par une révélation intérieure émanée directement de Dieu. Celle-ci était une lumière intérieure de la pensée qui était reconnue par eux comme provenant de l’influx général du soleil spirituel ; elle leur faisait voir les vérités spirituelles intérieurement, ainsi les causes dans leurs effets externes, tandis que la lumière du soleil naturel nous fait voir ces vérités externes et scientifiques extérieurement, ainsi par l’intermédiaire de nos sens physiques. L’esprit du bien unit donc la science à la sagesse, c’est-à-dire le côté externe des choses aux vérités intérieures qui en forment l’âme et la vie, mais l’esprit du mail cherche la science à l’exclusion de la sagesse, ou il subordonne celle-ci à celle-là. »

Nous possédons maintenant tous les éléments nécessaires à la parfaite compréhension du symbolisme du récit de la chute.

La tragédie du Jardin d’Éden s’est déroulée sur le terrain de l’âme humaine au cours des siècles anciens. Le rôle de chacun des personnages emblématiques, en scène dans cette tragédie, est parfaitement compréhensible. Les hommes des générations qui succédèrent à celles des origines, inspirés par cet amour de soi que Swedenborg appelle « le propre » et que le récit de la Genèse représente symboliquement par la femme, commencèrent par ne plus vouloir se laisser guider que par le témoignage des sens. La voix des sens est typifiée par le serpent, et la faculté rationnelle que la volonté, séduite par le sensoriel, séduisit à son tour, c’est le mari.

Nous ne pouvons pas méditer longuement, cela va sans dire, sur les propos que le texte biblique met dans la bouche de chacun des personnages en scène, car nous avons des réflexions plus importantes encore à faire pour conclure. Remarquons cependant combien cette disposition du principe sensoriel de notre nature, d’attacher une grande importance aux connaissances d’ordre scientifique et de douter des révélations divines, est exprimée avec justesse par ces paroles mises dans la bouche du serpent : « Quoi, Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du Jardin ? » C’est toujours de la même manière, c’est-à-dire par le doute, que commencent les tentations. Et, si nous ne sommes pas en mesure de résister fermement aux insinuations perfides du principe sensoriel de notre nature, le serpent, qui ne tarde pas à devenir plus hardi, nous persuade que manger du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal est le moyen le plus recommandable pour acquérir la véritable sagesse. Et quelque raffinés que puissent être nos sens à l’origine, il n’y a rien en eux, quand ils dominent dans notre nature, qui puisse nous garantir contre la tyrannie des plus bas instincts. Telle fut bien la triste expérience que firent nos premiers parents pour avoir acquiescé volontairement et rationnellement aux sollicitations dubitatives des sens extérieurs. Leurs yeux s’ouvrirent, c’est vrai, mais ce fut pour constater la perte de leurs privilèges spirituels. Ils reconnurent qu’ils étaient nus, c’est-à-dire qu’intérieurement ils n’étaient plus dans leur état d’innocence native. Tout est symbolique dans la description de cette douloureuse expérience. La honte de leur nudité, c’est-à-dire le sentiment de ne plus être protégés et préservés par le Seigneur, les contraignit à se protéger eux-mêmes, et c’est là ce que signifie la nécessité pour eux de se couvrir de vêtements.

L’homme est ce qu’il aime. Il nous est dit de Dieu qu’Il est Amour et qu’Il s’enveloppe de lumière, c’est-à-dire de sagesse, comme d’un vêtement (Ps. 104, 2). L’homme enveloppe également son amour d’un vêtement, et les pensées que génèrent ses affections, l’intelligence qu’il emploie à les manifester extérieurement, ou bien au contraire à les cacher comme aussi à les protéger contre ce qui lui est contraire, jouent ce rôle. Ses vêtements sont les différents aspects sous lesquels il apparaît à l’extérieur. S’il nous est dit d’Adam et d’Ève qu’ils cousirent des feuilles de figuier pour s’en faire des ceintures, c’est que le figuier représente le bien sur le plan naturel tandis que la vigne le représente sur le plan spirituel 29. Cette expression signifie donc que leur innocence primitive, c’est-à-dire leur disposition à se laisser guider par la sagesse du Seigneur, avait été remplacée par une bonté naturelle sous laquelle le mal était caché et que, comme nous le lisons dans les Arcanes célestes d’Emmanuel Swedenborg (216), ils éprouvèrent un sentiment de pudeur, parce qu’ils n’étaient plus que dans le bien naturel.

Mais nous avons hâte d’en arriver à l’interprétation de la fin du chapitre trois qui traite des funestes conséquences de la chute. L’Éternel Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. » Ces paroles, mises dans la bouche de Dieu, ne signifient pas qu’Il ait vraiment maudit le serpent, c’est-à-dire le principe sensuel ou sensoriel de notre nature. Tu seras maudit, ne veut pas dire d’ailleurs je te maudis. La punition est la conséquence naturelle de la désobéissance dans le domaine spirituel, comme dans le domaine matériel. Le Seigneur ne maudit jamais personne. C’est un sentiment contraire à sa nature qui est amour. Son cœur déborde d’infinie miséricorde envers tout le genre humain. Maudire l’homme parce qu’il s’est égaré et qu’il lui a désobéi n’est point en harmonie avec ses attributs divins. Mais d’avertir qu’il subira les conséquences de sa désobéissance s’il se départit du chemin de la sagesse, est un acte de charité divine. Que de conjectures n’a-t-on pas faites sur la rature de cette malédiction ? D’aucuns ont supposé que le serpent était autrefois un d’entre les plus beaux animaux et qu’il a perdu l’apanage de sa beauté et de son élégance, parce qu’il a été privé de ses pieds, condamné à ramper sur son ventre et contraint de manger de la poussière. Cette supposition ne répond pas à la réalité. Si, comme nous l’avons vu, il faut entendre par le serpent le principe sensoriel de la nature humaine, nous chercherons chez l’homme lui-même le changement préjudiciable qui s’est produit de par le fait qu’il s’est laissé séduire par ce principe. Créé pour dominer sur la nature et pour s’en servir afin de croître et de se développer dans le sens du bien et du vrai divins, l’homme, dominé de plus en plus par ses instincts inférieurs, en vint à s’aimer lui-même à tel point qu’il n’apprécia plus les biens que la vie lui procura, sauf dans la mesure où ils pouvaient servir à satisfaire ses appétits naturels, sa vanité, son amour de domination et de gloire. Il perdit conscience du fait qu’il était une créature spirituelle. Il limita ses horizons, ses aspirations, ses expériences à la vie de cette terre. Serpent qui marche sur son ventre et qui rampe à la surface dit sol ! Tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie, a dit Jehova. Le serpent ne mange pas de la poussière. Cette affirmation se retrouve pourtant dans Ésaïe 65, 25, où il est dit : « La poussière sera la nourriture du serpent » et dans Michée, 7, 17, où nous lisons « Les nations mangeront de la poussière comme le serpent. » Le Seigneur a recommandé à ses disciples de secouer la poussière de leurs pieds sur les villes qui ne voulaient pas le recevoir. On se prosternait jusque dans la poussière en signe de grande affliction. La poussière typifie donc un état spirituel. Elle représente, en tant que nourriture du serpent, les pensées et les plaisirs dont se nourrit l’homme sensuel, l’homme externe et superficiel, le degré sensoriel de l’esprit quand l’homme s’est détourné de Dieu pour s’attacher à la terre sur laquelle il ne fait que ramper. La poussière, ce sont les particules inorganiques et séparées les unes des autres. de la pierre, de la terre, des végétaux et des animaux qui la forment. Elle est nuisible partout où elle se trouve. Elle empoisonne l’air que nous devons respirer, elle affecte les poumons, elle vole sur les ailes du vent et pénètre dans nos maisons, s’étend sur notre mobilier, salit nos vêtements et, de toutes manières, on peut dire d’elle qu’elle est une malédiction. Elle est le frappant symbole de ce qui fait les délices de l’homme externe et sensoriel, mais aussi de ce qui souille l’âme.

Il nous est facile de comprendre maintenant pourquoi le texte biblique ajoute, pour définir d’une manière plus complète encore la malédiction du serpent, que Jéhovah mettrait l’inimitié entre la femme et lui, entre sa postérité et la sienne, car si, comme nous l’avons dit, la femme désigne la volonté ou le propre de l’homme, cette volonté, quand elle est régénérée et qu’elle est devenue l’incorporation du bien, c’est-à-dire de l’amour pour Dieu et le prochain, c’est l’Église du Seigneur. Un très grand nombre de passages bibliques militent en faveur de cette interprétation. Mais rien n’est aussi hostile à la croissance et à la vie de l’Église que la prépondérance dans son sein de l’élément sensuel. La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit. La semence du serpent, ou ce qui chez l’homme est né de la prédominance de l’affection des sens naturels, c’est en dernière analyse le doute, l’athéisme et l’incrédulité. La semence de la femme ou de l’Église, c’est la foi agissante dans et par le Seigneur. Entre ces deux postérités règne et régnera toujours la plus grande inimitié jusqu’à ce que, comme le prophétise le texte biblique, la postérité de la femme qui est le Seigneur incarné, blessé au talon, c’est-à-dire crucifié quant à sa nature humaine corporelle, détruise la puissance prédominante du serpent par l’œuvre infiniment glorieuse de la rédemption du monde.

Quant à la malédiction prononcée sur la femme : « Tu enfanteras avec douleur », il s’agit de l’interpréter également non pas selon la lettre, mais selon l’esprit. Nous connaissons des chrétiens qui ne voudraient pour rien au monde faire appel aux découvertes de la science médicale pour atténuer les souffrances de l’enfantement, pour la raison qu’ils contreviendraient à la volonté de Dieu qui a dit : « Tu enfanteras avec douleur. » Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, les doctrines de la Nouvelle Église nous apparaissent beaucoup plus rationnelles et conformes à la nature que nous pouvons nous faire du Dieu Amour que nous adorons. Par création l’homme avait été formé de telle sorte qu’il pouvait acquérir toutes les connaissances nécessaires à ses besoins tout comme les abeilles qui savent comment bâtir leurs cellules et extraire le miel des fleurs. Ce que nous appelons instinct, chez les animaux, n’est qu’une contrefaçon grossière de la perception que l’homme possédait par nature. Le Seigneur a donné à la plante la capacité de choisir dans la terre les sucs nourriciers qui conviennent à sa croissance, à sa force et à son parfum. Il a enseigné au poisson à traverser les eaux de l’Océan et à remonter le cours de la rivière qui l’a vu naître. Pourquoi donc aurait-il traité plus défavorablement l’homme, son enfant, l’être qu’il a créé à son image et selon sa ressemblance ? Car il est à remarquer qu’à beaucoup de points de vue nous sommes moins privilégiés, semble-t-il, que bien des animaux, et nous inclinons à penser qu’une pareille anomalie a pour cause un désordre quelconque survenu dans la nature spirituelle de l’homme, désordre qui n’est que le résultat d’une contravention de sa part aux lois harmonieuses de la création.

En matière de résumé nous disons donc :

Avant la chute l’homme ne pensait que le bien et le vrai d’après un influx du Seigneur. Ses affections se traduisaient en des pensés de sagesse et de vérité tout aussi naturellement que nos yeux nous font voir la lumière et nos oreilles entendre les sons qui les frappent, quand nos organes sont en bonne santé. Il n’en est plus ainsi maintenant. Nous devons faire de continuels efforts pour acquérir des idées vraies et justes sur tout ce qui se rapporte aux choses du monde matériel, et l’effort que nous devons faire est encore plus grand pour obtenir une compréhension véritable des lois de la vie spirituelle. L’intelligence a beaucoup de peine à concevoir les choses de l’esprit.

Avant la chute, les affections de l’homme affinaient son entendement à tel point qu’il acquérait sans difficulté la connaissance des lois du monde supersensible. L’homme se regardait vraiment comme un être spirituel, un citoyen du ciel, aussi bien ne se souciait-il guère que de ce qui se rapportait à son bien-être spirituel. Il ignorait l’art d’écrire, mais la nature tout entière lui parlait comme l’écriture de nos jours. Les arbres, les plantes, les fleurs lui étaient des livres ouverts qui parlaient à ses facultés spirituelles ; les oiseaux et les animaux incorporaient ses pensées et ses affections. Il n’avait pas plus de difficultés à acquérir les connaissances les plus élevées qu’il y en a à respirer le parfum d’une fleur, ou à comprendre la beauté d’un paysage. Chaque objet matériel lui était comme la description d’une parcelle quelconque de l’amour et de la sagesse du Seigneur. Partout il voyait dans la nature le sourire de Dieu, l’œuvre de la Providence. La lumière lui apparaissait comme la gloire de la vérité et de la sagesse divines illuminant son entendement. La vie lui était belle, paisible, joyeuse, chaude d’affections et riche d’encouragements. Le voile de la chair était si transparent pour lui qui était en communion ouverte avec le ciel, les anges et le Seigneur lui-même. Quel terrible changement la déchéance de nos facultés affectives et intellectuelles n’a-t-elle pas occasionné ? Nous le réalisons quand nous constatons l’effort qu’il nous faut faire pour nous assimiler les enseignements de la Parole de Dieu.

En consommant le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, pour employer le langage parabolique de la Genèse, les affections de l’homme se sont viciées, dépravées et perverties, de telle sorte qu’elles sont devenues hostiles aux enseignements de la religion. C’est là ce qu’il faut entendre par le bannissement du Jardin d’Éden. Nos désirs naturels sont contraires à ceux de l’esprit et ce n’est qu’au prix de luttes personnelles parfois très douloureuses que nous nous régénérons. La Bible ne fait du commencement à la fin que de nous parler du conflit terrible qui se livre dans le cœur de l’homme entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux. C’est bien avec douleur que nous enfantons les bonnes œuvres que les vérités spirituelles de la Parole de Dieu nous suggèrent et notre vie n’est certes pas, comme elle devrait l’être, riche en fruits utiles à l’avancement du règne de Dieu.

 

 

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Le Déluge et l’Arche de Noé

 

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L’interprétation spirituelle du récit du déluge nous impressionne plus ou moins fortement, suivant le degré d’importance que nous attachons à la suprématie de l’esprit sur la matière, de l’âme sur le corps.

Les personnes qui n’ont pas réfléchi aux difficultés inextricables que présente l’interprétation littérale de ce récit, celles qui n’ont pas été rendues attentives au fait que la Parole ne traite en réalité dans toutes ses parties que du Seigneur et de son œuvre salvifique, des relations de l’âme avec son Dieu, son Père et son Sauveur, et nullement de questions cosmiques et naturelles, s’effrayent et reculent parfois à l’ouïe de cette affirmation de la Nouvelle Église, à savoir que le déluge n’a pas été un déluge d’eau, mais un débordement de perversités et de cupidités dans lesquelles a fini l’Économie Adamique 30.

La fin d’une Économie ou d’une Église, d’une Ère religieuse, est souvent décrite dans la Bible sous l’image d’un déluge ou d’une inondation.

Dans le sens interne de la Parole, ainsi que nous l’avons déjà vu dans une précédente étude, la vérité qui vient de Dieu seul est considérée comme une source d’eau vive, autrement dit, l’eau typifie le vrai selon le Seigneur. Mais nous avons appris également que les correspondances du sens interne sont généralement doubles et qu’elles peuvent tout aussi bien signifier le mal que le bien, le faux que le vrai 31. C’est le contexte qui nous renseigne et qui nous fait comprendre quelle signification bonne ou mauvaise, vraie ou fausse, nous devons donner aux expressions bibliques. Aussi l’eau, qui d’une manière générale représente le vrai selon le Seigneur, peut aussi représenter dans certains passages le faux qui lui est opposé. Les eaux d’un torrent, d’un fleuve, d’un déluge sont donc des expressions bibliques qui, selon le contexte, signifient les fausses doctrines gui prévalent et submergent tout le bien et tout le vrai qu’il peut y avoir dans notre âme. C’est une expérience que chacun de nous s’est trouvé à même de réaliser. Ce fut déjà l’expérience du psalmiste qui s’est écrié : « Délivre-moi, mon Dieu, car les eaux sont entrées jusque dans mon âme, je suis au plus profond des eaux, et les eaux débordées m’entraînent » (Ps. 69, 2). Ce cri est bien celui d’une âme angoissée parce qu’elle se sent près de succomber à une redoutable tentation. Noves trouvons la contrepartie de ce récit dans Ésaïe (43, 2) où nous lisons (c’est Jéhovah qui parle par la bouche de son prophète, en s’adressant à Israël) : « Si tu traverses les eaux, je serai avec toi », ce qui signifie : Si tu passes par des conflits spirituels qui sont de nature à te submerger, je te protégerai.

En comparant les textes bibliques, on constate que les prophètes Ésaïe (28, 2) et Daniel (9, 26) ont prédit la fin de l’Église Juive en la décrivant aussi sous l’image d’un déluge ou d’une inondation d’eau accompagnée de circonstances effrayantes. Or, l’histoire ne nous donne pas à connaître qu’un déluge d’eau naturelle ait marqué la fin de l’Économie juive. Elle nous apprend, par contre, dans quel état de dégradation et de dévergondage moral et religieux l’humanité était plongée à l’époque du premier avènement du Seigneur, et nous savons que l’Église judaïque elle-même se trouvait alors dans les ténèbres spirituelles les plus complètes.

C’est donc bien cet état d’égarement, de perversité et de profanation des vérités spirituelles que les textes bibliques comparent à un déluge destructeur, à l’inondation d’un fleuve ou d’un torrent dévastateur 32.

Nous ne pouvons donc accepter l’histoire du déluge de Noé que dans son sens symbolique, et notre étude nous fournira en faveur de ce point de vue des arguments nombreux et irréfutables.

Qu’il y ait eu, vers la fin de la Très Ancienne Église, des inondations d’eau sur un territoire habité à cette époque, nous le croyons sans peine ; mais la géologie nous enseigne qu’il n’y a aucune trace d’un déluge universel sur la terre 33. Il faut donc nous rendre à l’évidence que le déluge ne nous est décrit comme ayant été universel et comme ayant couvert les plus hautes montagnes que parce que c’était l’usage des hommes primitifs de se servir d’un langage figuré. Nous avons déjà eu l’occasion d’affirmer que les onze premiers chapitres de la Genèse ont été composés d’après ce langage imagé qui était celui des correspondances des temps très anciens. Aux preuves que nous en avons données, nous pourrions ajouter les considérations suivantes. Pas plus qu’Adam, les patriarches dont il nous est parlé au chapitre cinq de la Genèse ne doivent être envisagés comme des individus. Leurs noms désignent les différentes phases religieuses, les différents états et qualités par lesquels a passé l’Église Très Ancienne jusqu’à l’époque de sa fin, symbolisée par un déluge d’eau.

La Très Ancienne Église, comme celles qui lui ont succédé, l’Église Ancienne, l’Église Juive et l’Église Chrétienne, a eu ses modifications, ses dénominations variées qui, les unes après les autres, ont joué leur rôle. Chacune de ces Églises est représentée par le nom d’un patriarche qui, pour cette raison, est dit avoir vécu plusieurs centaines d’années. Les fils et les filles de ces patriarches personnifient les modifications que l’Église principale a successivement subies dans le cours des âges, jusqu’à sa fin. La langueur de la vie de ces patriarches a forcément rendu perplexes ceux qui considèrent comme historiques ces récits écrits dans un style mythique 34.

C’était la coutume, dans les temps anciens, de grouper sous un même nom tous ceux qui, en matière de religion, étaient d’un même sentiment et de les envisager comme un seul être. Cette coutume est d’ailleurs restée longtemps en usage dans les milieux religieux, puisqu’elle subsiste dans une certaine mesure de nos jours encore.

L’Église de Noé, dont le nom en hébreu signifie consolation, ce qui indique bien son caractère représentatif, est donc une Église meilleure que celle qui est précédée immédiatement et dont la fin a été signifiée par le déluge. C’est une Ère Nouvelle, une Nouvelle Dispensation des vérités de la religion à l’humanité d’alors. Ce n’est, par conséquent, pas à Noé, en tant que personnage historique, que nous devons attribuer ce qui nous est dit de lui dans la Parole, mais bien à l’Église qui porte ce nom. Quand donc nous lisons que Noé avait cinq cents ans lorsqu’il engendra Sem, Cham et Japhet (Gen. 5, 32), cela ne nous semble pas étrange, puisqu’il ne s’agit pas en réalité d’enfants au sens propre de ce terme, mais, comme nous le croyons, de dénominations religieuses subséquentes, d’états spirituels successifs de l’Église Noétique. Nous ne sommes pas non plus étonnés de la longue durée de vie de Noé dont il nous est dit qu’il mourût âgé de neuf cent cinquante ans, c’est-à-dire trois cent cinquante ans après le déluge, si nous savons que Noé est le nom générique de l’Église Ancienne. Nous le serions grandement, au contraire, si, par Noé, nous devions entendre un individu, le seul qui, avec sa famille, aurait été sauvé du déluge, car d’après les indications du chapitre onze de la Genèse, Noé aurait encore vécu cent vingt-huit ans après la naissance de Térach, le père d’Abraham. Nous concevrions difficilement que Térach eût été un idolâtre, comme les textes bibliques le donnent à entendre. Abraham, l’ancêtre du peuple juif, ne semble pas avoir eu connaissance du déluge, et pourtant, toujours d’après le chapitre onze de la Genèse, Sem, le fils de Noé, aurait été contemporain d’Abraham lui-même pendant cent cinquante ans au moins.

Nous disons donc que chacun des personnages des onze premiers chapitres de la Genèse, personnages que nous appelons communément les patriarches, représentent des modifications successives de la Très Ancienne Église, l’Église Adamique, et de l’Église Ancienne qui lui succéda, l’Église Noétique, et cela au cours sans doute de siècles très nombreux pendant lesquels l’humanité avait eu le temps de se multiplier sur la terre 35.

D’autre part, comme nous l’avons déjà vu dans notre étude sur l’Allégorie du Jardin d’Éden, les nombres de la Parole ont, eux aussi, une signification spirituelle 36. Ils n’ont rien à voir dans nos idées d’espace et de temps ; ce ne sont pas des adjectifs quantitatifs, mais bien qualificatifs, et leurs multiples ne font que souligner d’une manière plus intensive leur signification. Six cents a la même signification que six, nombre qui nous rappelle les six phases de travail régénérateur par lesquelles doit passer l’âme humaine avant de pouvoir réaliser le sabbat ou le repos céleste du septième jour 37. Les premiers six cents ans de la vie de Noé, avant le déluge, signifient donc une période complète de régénération dans le sein d’une société humaine d’alors, ce qui lui permit non seulement d’échapper au terrible désastre moral et spirituel qui mit fin à l’Église Adamique, mais encore et surtout de devenir le noyau d’une Nouvelle Église, l’organe de transmission de la part du Seigneur d’une nouvelle dispensation des vérités de la religion.

Mais, revenons au récit du déluge 38 et, tout en réfutant son interprétation littérale, qui ne nous est d’ailleurs d’aucune utilité spirituelle, essayons de découvrir quelques-uns des précieux enseignements que l’interprétation du sens interne de ce récit nous révèle. Car, si nous ne croyons pas à un déluge d’eau au sens naturel de ce terme, nous croyons que ce texte sacré, comme celui de toute la Parole, renferme, cachées sous le voile de l’allégorie, des vérités qui sont de nature à fournir matière à notre édification. Preuve en soit la description des trois sources du déluge mentionnées par notre texte. Qu’avons-nous à retirer comme enseignements du fait de savoir que les fontaines du grand abîme jaillirent, que des bouches du ciel s’ouvrirent et que la pluie tomba pendant quarante jours ? Ce sont là des expressions poétiques sans doute, mais qui, au point de vue de leur sens naturel, n’ont rien à faire avec les expériences de notre âme immortelle. Interprétons ces expressions dans leur sens interne et nous ne tarderons pas à constater qu’elles revêtent une haute portée spirituelle. Le chiffre quarante, dans la Parole de Dieu, est celui des tentations, des épreuves pénibles. Les multiples de ce nombre ne changent rien à sa signification ; ils ne font que l’intensifier. Le peuple d’Israël vécut quatre cents ans dans la servitude, en Égypte. Moïse avait quarante ans quand il reçut vocation. Il se cacha pendant quarante ans au pays de Madian. Il passa quarante jours sur la montagne avec Dieu. Le peuple d’Israël erra quarante ans dans le désert. Jonas reçut l’ordre de prêcher que dans quarante jours Ninive serait détruite. Jésus jeûna quarante jours dans le désert où il fut tenté par lie diable. Les quarante jours pendant lesquels la pluie du déluge tomba, jusqu’à ce que tout ce qui mouvait sur la terre, oiseaux, bétail, animaux, reptiles et hommes, eut péri, s’appliquent donc à la période indéterminée de tentations terribles, et d’influences infernales que traversèrent les dernières générations de la plus ancienne Église.

Voici ce que nous en dit Emmanuel Swedenborg dans ses Arcanes Célestes : « Il m’est permis, avant d’aller plus loin, de rapporter ce qui se passa dans l’Église antérieure au déluge. En général, il en a été de cette Église comme de celles qui s’établirent dans la suite... les connaissances de la vraie foi furent falsifiées et corrompues...  l’homme de l’Église antédiluvienne conçut, par la suite des temps, d’horribles persuasions et plongea les biens et les vérités de la foi dans d’infâmes cupidités. Ils avaient de tels penchants qu’ils s’étaient imbus de persuasions horribles et abominables au sujet de tout ce qui tombait dans leurs pensées, en sorte qu’ils ne voulaient en rien s’en départir, croyant même, tant était poussé loin chez eux l’amour de soi, qu’ils étaient presque des dieux et que tout ce qu’ils pensaient était divin... Les caractères d’une semblable persuasion n’ont jamais existé avant et depuis cette époque chez aucune nation ; car ils portent en eux la suffocation et la mort... Lorsqu’ils furent parvenus au comble d’une telle persuasion, ils se détruisirent eux-mêmes et furent suffoqués comme par une inondation qui ressemblait à un déluge. C’est pour cela que leur destruction est comparée à un déluge et décrite par le déluge selon la manière de s’exprimer des Très Anciens » (A. C. 560-563).

« Quand une Église touche à sa fin, elle pervertit la vérité pour enseigner des traditions humaines ; ainsi des superstitions puériles et qui révoltent la raison y abondent, tandis que des prêtres indignes de leur nom et de leur ministère inventent des systèmes qu’ils appellent religion, mais qui ne servent qu’à obscurcir la lumière divine de la vérité. C’est alors que des torrents d’iniquité se répandent, que des livres pernicieux abondent, que le clergé est sans croyance. Et c’est au moment où une Église corrompue touche à la ruine que la fausse philosophie essaie de prouver que l’univers n’est qu’une machine agissant d’elle-même. Il en a été ainsi vers le milieu du dix-huitième siècle. L’iniquité abondait alors ; la charité et la foi avaient presque disparu ; les plaisirs étaient vicieux. Les philosophes niaient l’immortalité de l’âme. La grande révolution française vint alors comme un déluge fondre sur la société corrompue, engloutissant tout l’ancien ordre de choses, et préparant un ordre nouveau et meilleur 39. »

Le déluge de Noé a été un déluge d’iniquités semblables. Il nous est avantageux de le savoir car nous profiterons des enseignements spirituels de cette allégorie pour nous aider à traverser victorieusement les heures sombres des tentations, de quelque nature qu’elles soient.

On a beaucoup discuté pour savoir quels pouvaient bien être ces Néphilim dont il nous est parlé au chapitre 6, v. 4, de notre récit, où nous lisons : « Il y avait en ce temps-là des Néphilim (des géants), et surtout après que les fils de Dieu furent entrés vers les filles des hommes et eurent engendré avec elles. » La science des correspondances nous enseigne que les fils de Dieu personnifient les vérités célestes, les doctrines de la foi, et les filles des hommes les affections cupides de l’amour de soi. Vers la fin de l’Église Adamique, les antédiluviens dégénérèrent au point de conjoindre leurs connaissances des vérités divines à leurs cupidités malsaines, autrement dit, sous le couvert de la religion, ils s’abandonnèrent à la satisfaction de leur égoïsme naturel. Quand l’homme se permet de justifier ses cupidités par des enseignements religieux, il en résulte des pratiques orgueilleuses, insensées, infernales, et ceux qui agissent de la sorte sont appelés dans la Parole de Dieu des Néphilim, des géants d’iniquités. Cette figure biblique se retrouve dans le récit mythologique des géants, dont quelques-uns avaient cinquante têtes et cent bras et d’autres d’énormes serpents au lieu de jambes 40. Ces hommes tentèrent, paraît-il, d’escalader le ciel en entassant montagnes sur montagnes. Mais ils furent vaincus par Jupiter à l’aide d’Hercule. Leurs cinquante têtes et leurs cent bras symbolisent l’orgueil de la propre intelligence et la puissance. Le serpent, nous l’avons vu d’ans notre étude sur l’Allégorie du Jardin d’Éden, représente le Principe sensoriel et par conséquent inférieur de notre nature. Les serpents qui servent de jambes à ces géants dénotent qu’ils s’appuyaient sur le témoignage des sens dont ils affectionnaient les jouissances.

Nous avons dit que la géologie affirme qu’il n’existe pas de trace d’un déluge universel sur la terre. Il s’ensuit qu’un certain nombre de théologiens, dans l’incapacité où ils sont de renoncer à leur idée préconçue d’un déluge d’eau, admettent l’hypothèse d’un déluge partiel, lequel aurait suffi pleinement au but que Dieu se posait par ce châtiment. Ils limitent aussi le théâtre de la catastrophe aux territoires de la Mésopotamie et ses pays avoisinants, c’est-à-dire à la portion de la terre alors occupée, croient-ils, par l’humanité. Qu’il y ait eu, nous le répétons, des inondations partielles vers la fin de la Très Ancienne Église, c’est une hypothèse fort plausible, mais ce n’est pas de cette manière que le récit du déluge doit être interprété. Le texte biblique s’y oppose. Car enfin, s’il ne s’était agi que d’un déluge partiel, « pourquoi Noé aurait-il employé cent ans à construire une arche pour s’en préserver ? Pourquoi n’a-t-il pas plutôt quitté la région menacée ? Pourquoi assembler les animaux et surtout les oiseaux pour les préserver dans l’arche ? Un déluge partiel ne pouvait pas nécessairement les détruire. Ils eussent pu se sauver ailleurs 41. » En outre, et c’est là ce qui nous inspire la plus grande répugnance à l’endroit de l’interprétation littérale de ce récit, quel profit spirituel retirerions-nous du fait que nous aurions appris que Dieu, se repentant d’avoir créé l’homme, résolut de le détruire ? La Bible ne nous dit-elle pas que Dieu n’est pas fils des hommes pour se repentir ? Il est la Sagesse même. Il ne se met point en colère. Il est Amour. Dieu n’extermine pas le méchant. C’est toujours le méchant qui se punit lui-même en enfreignant les lois de l’Ordre Divin. Mais le méchant qui transgresse les commandements du Seigneur et qui souffre de sa transgression attribue à Dieu le châtiment que lui attire sa désobéissance. C’est l’homme pécheur qui s’éloigne de Dieu et qui croit que Dieu l’abandonne. Le moment est venu de renoncer à prêcher aux âmes un Dieu qui punit et se venge. Ce n’est plus par la crainte que nous gagnerons l’humanité aux vérités de la religion. Nous ne sommes plus à l’époque de Moïse. Les vérités doivent être présentées de façon à satisfaire aux exigences de notre développement rationnel et spirituel. Nous sommes à même de comprendre que la Bible renferme des vérités apparentes ou relatives et des vérités réelles ou absolues. Elle nous présente une vérité apparente quand elle met dans la bouche de Jéhovah cette parole contraire à la nature divine : « Je détruirai, j’exterminerai l’homme de dessus la terre ; je me repens d’avoir créé l’homme. » Elle nous présente une vérité réelle quand elle nous dit de Dieu qu’Il est Amour, qu’Il ne change pas, qu’Il est le même hier, aujourd’hui est éternellement et qu’Il n’est pas fils des hommes pour se repentir.

Pour nous, un déluge d’iniquités, un débordement de méchancetés, une inondation de faussetés résultant de la transgression des lois divines au bénéfice desquelles l’Église Adamique avait été placée, fut pour cette Église un châtiment qu’elle s’est elle-même attiré, mais un châtiment plus terrible qu’un déluge d’eau, parce qu’il atteignait l’âme.

On a beaucoup argumenté sur la réalité du déluge, du fait que la tradition d’une calamité semblable se retrouve chez un assez grand nombre de nations de l’antiquité : les Chaldéens, les Phéniciens, les Assyriens, les Babyloniens, les Égyptiens, les Mythologies grecques, romaines et scandinaves, les Perses, les Druides, les Hindous, les Chinois, les Mexicains et les Indiens d’Amérique nous en parlent. Mais les récits du déluge, tels que nous les retrouvons dans les textes sacrés et dans les mythologies de l’antiquité, proviennent tous d’une source commune, l’Ancienne Parole, écrite d’après les Correspondances et que possédait à ses débuts l’Église Noétique. L’Ancienne Parole, comme d’ailleurs la Science des Correspondances, s’est perdue ; mais il en est resté des traces profondes dans le domaine des traditions religieuses de tous les anciens peuples de l’Orient. Cette Parole s’est perdue parce que la Science des Correspondances a dégénéré en mythologie et en paganisme, comme nous l’avons dit dans la brochure que nous avons publiée sur ce sujet 42.

Mais il est temps que nous abordions d’autres considérations. Examinons, si vous le voulez Bien, ce que la Bible nous dit de l’Arche que Noé reçut l’ordre de construire. C’est rendre justice à Dieu que de prétendre qu’Il a dû faire construire cette arche en tenant compte de toutes les exigences de l’hygiène est de toutes les conditions nécessaires au bon entretien de la vie des êtres nombreux qu’elle devait contenir. Or, que constatons-nous ? D’abord, bien que divisée en trois étages, cette arche n’a qu’une seule fenêtre placée sur le toit. L’étage supérieur seul pouvait donc être éclairé, tandis que les deux autres étaient privés de lumière. C’est dire que, si nous acceptons l’interprétation littérale de ce récit, des milliers de créatures, y compris Noé et sa famille, auraient dû y vivre sans air et dans l’obscurité pendant toute une année. En outre, les dimensions de ce navire ne dépassaient pas 150 m. de longueur sur 25 m. de largeur et 15 m. de hauteur. En tenant compte du fait qu’il fallait pour l’arrimage des aliments un volume au minimum égal à celui du volume des animaux, la place qui restait à la disposition de toutes ces créatures était inférieure à celle d’un navire de dimension moyenne faisant le parcours d’Europe en Amérique. Il suffit de signaler ces difficultés pour reconnaître que le sens littéral de notre texte est inacceptable. On nous objectera peut-être que Dieu étant assez puissant pour faire entrer dans l’arche un nombre d’animaux plus grand que ne le comportait celui de son tonnage, et cela avec la quantité de nourriture qui leur était nécessaire. Mais il devient alors impossible de démontrer la nécessité de l’arche, car les animaux auraient tout aussi bien pu être conservés sains et saufs, par la puissance de Dieu, au fond de la mer que dans une arche qui ne pouvait les contenir. D’aucuns pensent qu’on peut se moquer de la pauvre et misérable raison humaine, quand on interprète la Parole de Dieu. Mais, agir ainsi, c’est faire des incrédules. La religion n’est pas seulement la meilleure chose du monde, elle est encore la chose la plus raisonnable. Elle ne saurait être contraire à la raison sans être en même temps contraire à la sagesse de Dieu. Relevons encore, tandis que nous en sommes à parler des animaux dans l’arche, la grosse difficulté que soulève la question de l’entretien des carnassiers qui doivent avoir vécu, eux aussi, pendant toute une année. Le texte ne nous dit pas quel genre de nourriture Noé a pu leur donner.

Essayons de nous imaginer enfin la multitude de miracles inutiles qu’il a fallu accomplir pour qu’en sept jours des animaux de toutes les régions de la terre aient pu être rassemblés dans l’arche (Gen. 7, 2 et 4). Car enfin, comme le dit si bien M. le Dr J. Bailey, dans son ouvrage sur ce sujet, « les ours arctiques, les renards des zones glacées devaient commencer leur voyage en traversant la mer au détroit de Behring, continuer leur chemin par les steppes de la haute Asie, tout ceci en opposition directe avec toutes les lois de leur nature, et franchir ainsi des milliers de kilomètres dans une semaine. Le lama du Pérou, le tigre noir de Java, l’éléphant de l’Inde, le singe des îles de la mer indienne, le kangourou de l’Australie, le grand ours brun de la Russie devaient également trouver leur chemin et quelques-uns parmi eux franchir des mers immenses ; tous devaient voyager avec une rapidité beaucoup plus grande que celle de nos trains express, afin d’arriver à temps pour se réfugier dans l’arche du salut. Et le nigault, comment a-t-il pu faire, lui qui ne peut avancer que de quelques mètres par jour ? Puis les alligators de l’Afrique et les tortues, il leur aurait bien fallu changer leurs allures. On conviendra que le sens littéral donne à réfléchir, car il y a non seulement la distance à parcourir, les obstacles à vaincre, mais encore le peu de temps accordé pour effectuer le voyage et les difficultés climatériques pour un grand nombre de ces animaux qui arrivaient de leurs froides et lointaines demeures pour être tous ensemble enfermés dans un vaisseau sans air et sans lumière, placé dans une région très chaude de la terre, dans un district situé entre le Tigre et l’Euphrate. »

Ne pas tenir compte de ces difficultés et accepter le sens littéral du récit du déluge serait faire violence à notre raison spirituelle. Nous préférerions douter de l’inspiration de ce passage des Écritures. Car la grande loi qui prédomine dans toutes les œuvres de Dieu, c’est celle de la grande simplicité avec laquelle elles s’accomplissent. Dieu agit toujours de la manière la plus simple avec la moindre dépense de moyens. Or, dans le récit littéral du déluge, c’est le contraire qui se produit. Pourquoi Dieu aurait-il employé de si grands moyens pour accomplir ce qu’il eut pu réaliser beaucoup plus simplement au moyen de quelque gaz délétère : la destruction du genre humain ? En outre, les annaux n’avaient point fait de mal. Dès lors, pourquoi les détruire ? À quoi répond enfin la nécessité de maintenir une si grande masse d’eau sur la terre pendant plus d’une année, alors qu’en moins d’une heure d’immersion, toute vie aurait été détruite ? Qu’aurait été la condition du monde végétal s’il était resté douze mois sous l’eau ?

Nous avons démoli, reconstruisons.

Noé symbolise l’Église Ancienne, celle qu’on désigne comme l’Économie spirituelle de l’Âge d’Argent, celle qui succéda à l’Église Très Ancienne, l’Église Adamique, l’Économie céleste de l’Âge d’Or. Elle représente une deuxième civilisation de la Société humaine qui eut, à l’origine tout au moins, pour lien social, l’amour du vrai pour le vrai.

« Les chapitres six à dix de la Genèse décrivent les différentes phases par lesquelles les hommes de cette Église durent passer pour se régénérer, c’est-à-dire pour s’élever, à l’aide d’une nouvelle dispensation, de l’état de naturalisme dans lequel l’humanité était tombée, à l’état spirituel 43. »

Il nous est dit de cette Église (Gen. 6, 9) qu’elle était intègre et juste dans son temps, c’est-à-dire au milieu de la corruption générale d’alors, et qu’elle marchait avec Dieu. Voyons ensemble comment le Seigneur lui en facilita le moyen.

Il est plusieurs fois fait mention d’une arche dans la Parole. Nous savons que Moïse fut placé par sa mère dans une arche de jonc sur les eaux du Nil. Les enfants d’Israël reçurent l’ordre de construire une arche d’or et de la placer dans leur tabernacle. L’apôtre Jean vit, dans sa vision sublime à Patmos, une arche dans le temple de Dieu, dans le ciel (Apoc. 11, 19). L’arche est un type symbolique de l’Église en tant que cette dernière nous est un refuge contre ce que nous avons convenu d’appeler nos déluges spirituels. Nous sommes, chacun de nous en particulier, appelés à nous construire notre arche. Les hommes de l’Église Noétique reçurent l’ordre de se construire une arche en bois de gopher. Ce bois est une espèce de sapin résineux, bitumineux et de pas grande valeur. Il typifie le degré intérieur de religion de ceux qui sont maintenus dans l’ordre, par la crainte et l’espérance, mais non pas nécessairement par l’amour du bien, l’amour pour Dieu. C’est la religion de ceux qui craignent les punitions et espèrent les récompenses, de ceux qui ne fuient le pêché que parce qu`ils ne veulent pas en subir les conséquences. C’est une arche qui a surtout pour objet de sauver de la destruction (ici du déluge) ceux qui la construisent. Beaucoup de gens se construisent de nos gours une arche semblable. Leur religion s’inspire encore et surtout des désirs égoïstes. Ils sont religieux parce qu’ils redoutent les tourments de l’enfer et parce qu’ils espèrent jouir de la félicité du ciel. Aussi bien leur arche n’est-elle pas édifiée avec l’or céleste comme celle d’Aaron. L’arche de bois de gopher symbolise donc une phase encore externe et inférieure de la régénération de l’Église Noétique. Noé reçut l’ordre de la faire par loges et de lui donner trois cents coudées de longueur, trente de hauteur et cinquante de largeur. Ces mesures sont symboliques.

La bonté, la vérité et la sainteté que possédait cette Église à ses origines sont signifiées par la longueur, la largeur et la hauteur de l’arche, qui devait avoir trois étages, trois degrés de hauteur, comme plus tard 1e temple de Jérusalem. Ces trois degrés correspondent aux trois degrés de l’esprit de l’homme, qui sont le céleste, le spirituel et le naturel. Ils correspondent aussi aux trois cieux dans lesquels la religion doit pouvoir nous introduire, ainsi qu’aux trois degrés de vérités qui se trouvent dans l’Église : les vérités supérieures de la foi qui stimulent et affermissent notre confiance, les vérités rationnelles qui justifient notre désir de vivre selon les commandements de Dieu et les vérités scientifiques qui donnent sa satisfaction à notre besoin de comprendre que le plan naturel de la création est en harmonie avec la vraie religion.

La fenêtre de l’arche, dont l’insuffisance nous est incompréhensible si l’on envisage l’arche comme une construction matérielle, devient au contraire admirablement impressive quand on l’envisage comme représentant la faculté intellectuelle de l’esprit ouverte à la clarté céleste qui vient d’en haut.

La porte sur le côté représente la voie d’accès dans l’Église. Elle symbolise la volonté d’écouter, l’obéissance éclairée qui nous guide dans tout ce que nous acceptons ou refusons de faire, c’est-à-dire dans la pratique des enseignements de la vraie charité.

Tout est symbolique dans ce récit dont le sens interne historique s’applique aux expériences religieuses de l’Église Noétique à ses débuts, mais dont le sens spirituel nous fournit de précieux enseignements pour la conduite de notre vie d’enfants de Dieu.

Que représentent les animaux que Noé reçut l’ordre de faire entrer avec lui dans l’arche ? Nous avons déjà vu dans notre étude sur la Parabole de la Création 44 qu’ils représentent nos affections. Ces affections, nous pouvons grosso modo les classer en deux grandes catégories : les bonnes qui sont ici représentées par les animaux purs et les mauvaises qui le sont par les animaux impurs. Ne nous étonnons pas d’apprendre que Noé reçut l’ordre de faire entrer dans l’arche également des animaux impurs. La conversion n’est pas la régénération. Nous entrons dans l’Église du Seigneur – l’Arche – avec, encore, bien des passions mauvaises que l’œuvre de notre régénération doit voir disparaître graduellement. Mais l’Arche nous met à l’abri du déchaînement de la puissance du mal susceptible de troubler et de violenter notre vie spirituelle. C’est là ce que signifie l’image de la submersion des plus hautes montagnes par les eaux du déluge.

 Quant au Mont Ararat sur lequel le récit biblique nous dit que l’arche s’arrêta, son nom hébreu signifie lumière. Il typifie cette lumière intérieure, la Vérité divine, qui inonde de clarté l’âme vivifiée par l’amour divin. L’âme qui réalise cet état peut faire comme Noé, ouvrir la fenêtre de l’Arche sur le monde extérieur, c’est-à-dire chercher à se rendre comme des possibilités qu’elle peut avoir, dès après sa conversion, d’affronter la vie de l’action extérieure dans le monde. L’envol du corbeau et celui de la colombe figure deux états successifs de régénération. Les oiseaux correspondent aux pensées de l’homme. Le corbeau croassant et vorace typifie les sombres pensées, les fâcheux raisonnements, les faussetés dont l’Église Noétique dut commencer par se débarrasser pour éviter de succomber, elle aussi, aux terribles tentations dont le paroxysme avait amis fin à l’Église Adamique. Individuellement, prenons garde de ne pas laisser le corbeau croasser et même dévorer les éléments de notre paix intérieure. Toutes les pensées de doute, de méfiance, de crainte, d’erreurs ou de découragement sont comme des coups de bec de cet oiseau de malheur. Renvoyons le corbeau comme Noé, dès que nous le pouvons. La colombe, elle, représente les pensées de paix et de douceur, les pensées de l’esprit qui règne dans le ciel. L’envoi de cet oiseau signifie l’effort que l’âme fait pour réaliser son état de paix intérieure dans le domaine de la vie active extérieure. Le retour de la colombe, qui n’a pas pu trouver où poser la plante de son pied, nous enseigne l’incapacité dans laquelle nous sommes tout d’abord de traduire d’emblée au dehors les sentiments dont notre âme en voie de régénération se délecte dans son état de communion avec le Seigneur. Force nous est d’attendre pour cela sept jours encore, c’est-à-dire d’atteindre un état de sanctification plus avancé. C’est là ce que signifient les sept jours après lesquels la colombe, lâchée de nouveau, revint vers le soir avec une feuille d’olivier. Si nous ne réussissons pas dans nos premiers efforts à vivre au dehors la vie du ciel telle que nous la réalisons dans notre for intérieur, nous réussirons dans la suite au fur et à mesure que nous réaliserons un état plus saint et plus parfait. L’image de la colombe qui ne revint pas après avoir été lâchée une troisième fois nous le donne à comprendre.

Il vaudrait la peine d’étudier dans le détail tout 1e symbolisme de ce récit. Nous en retirerions des enseignements spirituels d’une richesse précieuse et nous regrettons de ne pas pouvoir le faire maintenant. Les expériences de Noé sont bien celles de l’âme humaine qui finit par réaliser l’état de liberté chrétienne résultant de la connaissance de la vérité qui affranchit. Cette âme offre alors au Seigneur un sacrifice prolongé de reconnaissance et, sur l’autel de son cœur, elle consacre à son Libérateur toutes les bonnes affections de sa volonté et toutes les saines pensées de son entendement.

 

 

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Le symbole de la Tour de Babel

 

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L’histoire de la Tour de Babel est une de celles qui ont le plus captivé notre imagination enfantine. Avec quel intérêt n’avons-nous pas lu ou entendu raconter ce récit. Des hommes, à une époque où tous les habitants de la terre parlaient un même langage, partirent de l’Orient et vinrent s’établir dans la vallée de Schinear. Là, ils fabriquèrent des briques qu’ils firent cuire au four et dont ils résolurent de se servir pour bâtir une Tour dont le sommet devait toucher au ciel. Leur intention était, par ce moyen, de se faire un nom et de ne pas être dispersés sur les faces de la terre. Mais leur orgueil et leur arrogance déterminèrent le Seigneur à descendre du ciel au milieu d’eux et à confondre leur langage de telle sorte que, ne pouvant plus se comprendre, ils finirent par se séparer les uns des autres et par abandonner leur édifice en construction. En raison même de cette circonstance, cette Tour inachevée porta dès lors le nom de Babel, ce qui signifie confusion, parce que, nous dit le texte biblique, le Seigneur confondit le langage de ceux qui l’avaient commencée, et Il les dispersa sur toutes les faces de la terre.

Inadmissible dans son sens littéral, cette histoire est d’une grande richesse d’enseignements spirituels. C’est une parabole comme le sont les récits des onze premiers chapitres de la Genèse. Pendant de très nombreux siècles, l’Église chrétienne a cru à l’historicité de ce récit, et les commentateurs bibliques se sont préoccupés de chercher l’emplacement de la Tour de Babel quelque part dans la région de l’Euphrate, comme ils ont cherché d’ailleurs celui du Jardin d’Éden.

D’après la Bible annotée, « on voit fort souvent représentées, sur les bas-reliefs babyloniens, des tours à trois, cinq ou sept étages superposés de telle sorte que chaque étage est plus étroit que l’étage inférieur. On a retrouvé, dit-elle, les ruines d’une tour de ce genre construite au moyen de briques et de bitume sur la rive occidentale de l’Euphrate, à l’endroit nommé par les inscriptions Borsippa, au sud de Babylone. Cette ruine qui porte le nom de Birs Nemroud doit être identique avec un temple de Bel, que décrit Hérodote, et avec un temple dédié à Bel-Nebo, dont parle une inscription de Nebucadnetsar. Dans cette inscription, ce roi raconte qu’il fit restaurer le temple des sept luminaires du ciel et de la terre, la tour de Borsippa, qu’un roi ancien avait fait élever sans l’achever et qui, dès longtemps, était tombée en ruines. La légende arabe et le Talmud identifient cet édifice avec la Tour de Babel. Mais comme il était en dehors de Babylone, d’autres préfèrent rattacher la tradition biblique à l’édifice dont les ruines immenses, sur la rive orientale de l’Euphrate, portent aujourd’hui le nom de Babel, car cet édifice était situé dans la ville même. Il est cependant plus naturel d’en rester à la première manière de voir ».

Monsieur Jean Bost, dans son dictionnaire de la Bible, adopte également l’historicité de notre récit. Sous le titre Babel (Confusion), Gen. 11., voici ce qu’il écrit : « Quelques siècles après le déluge, au temps de Peleg, les hommes qui composaient la famille humaine 45 s’étant insensiblement éloignés du Mont Ararat 46 arrivèrent dans les plaines de Sinhar. Plusieurs des descendants de Cam voulant, à ce qu’il paraît, échapper aux menaces divines 47 dirigées surtout contre Canaan, cherchèrent à se procurer un ascendant sur les autres membres de la famille. Abandonnant, en conséquence, la droite voie, et refusant de se conformer aux pieux conseils de leur aïeul 48 qui leur avait recommandé un attachement sincère au vrai Dieu, ils entreprirent de construire une ville avec une tour énorme. Leur vrai motif était l’orgueil, l’ambition, le désir de régner ; le moyen par lequel ils espéraient parvenir à ce résultat était la concentration de l’humanité en un même système politique et hiérarchique, moyen infaillible pour éteindre à jamais la lumière divine et pour étouffer tout développement de l’Église du Seigneur. En général, on peut dire que c’est dans la famille de Cam que le gouvernement patriarcal a, le premier et le plus anciennement, été remplacé par une organisation politique sociale et monarchique ; voyez les Égyptiens, les Hindous, les Chinois.

« On suppose que c’est Nemrod 49 qui conçut le premier l’idée de cette entreprise. Comme ils ne connaissaient pas de carrière dans le sol fertile où ils étaient établis, ils cuisirent des briques 50 et se servirent de bitume en guise de mortier.

« La tradition porte que, pendant trois ans, ils ne firent que préparer leurs matériaux ; et déjà depuis vingt-deux ans, ils s’occupaient de l’œuvre de leur construction lorsque l’Éternel, qui ne voulait pas cette agglomération du genre humain sur un seul point de terre 51 et qui voyait les sentiments d’orgueil, d’impiété, de stupidité qui présidaient à l’érection de cette tour gigantesque 52 interrompit brusquement les travaux et, par sa toute-puissance, fit échouer le premier essai d’une monarchie universelle 53 qui ne réussira jamais que sous l’économie spirituelle du Sauveur du monde. La dispersion des peuples et la confusion des langues fut le moyen dont Dieu se servit pour dissiper le conseil des méchants. On peut se demander si cette confusion des langues fut la conséquence naturelle de la dispersion des chefs, ou si, miraculeuse et subite, ce fut elle qui obligea les travailleurs à se séparer. La plupart des savants (?) et des théologiens, même orthodoxes, ont admis la première hypothèse, bien que le texte biblique semble favoriser davantage la seconde. »

Cette interprétation littéraliste d’un texte exprimant, dans le langage imagé des anciens peuples de l’Orient, des vérités d’ordre spirituel est, pour le moins, bien enfantine. Elle soulève, comme l’interprétation littérale du récit du Déluge, des difficultés insurmontables. Elle prête le flanc aux plaisanteries acerbes des incrédules. Comme le dit fort bien M. le pasteur Dr Bailey dans une étude sur ce sujet « c’est une idée extravagante de supposer qu’à cause de cette construction, Dieu descendît du ciel pour voir ce que faisaient les hommes et qu’Il arrêta l’achèvement de leur tour par un miracle. Qui pourrait expliquer pourquoi cet édifice causait tant d’alarmes, tandis que les pyramides, bien autrement immenses (puisque cette tour n’avait que trente-sept pieds d’élévation), devaient s’achever sans empêchement. Si les Écritures ne nous avaient présenté cet ancien peuple que comme voulant construire une tour pour atteindre le ciel, déjà le récit eût été d’une croyance fort difficile pour notre raison ; mais lorsqu’elles continuent à nous dire que Dieu descendit voir et qu’Il jugea nécessaire d’arrêter l’achèvement de cette tour en confondant le langage de ceux qui la construisaient, assurément, tout homme réfléchi doit se dire : ceci ne peut être littéralement vrai ; conséquemment, il doit y avoir une autre signification. Comment, l’Éternel descend voir, parce que les hommes d’alors élevaient une tour qui avait à peine la moitié de la hauteur de nos cheminées modernes, et Il fait un miracle pour les empêcher d’atteindre ainsi le ciel !

« De plus, ajoute M. Bailey, si cette histoire était littéralement vraie, qu’aurait-elle à nous enseigner ? Quelle serait sa morale ? Serait-ce que les hommes ne devaient pas élever de grands édifices ? Mais des milliers d’édifices bien plus grands que la Tour de Babel ont été construits depuis, sans que jamais la Providence soit intervenue pour empêcher leur achèvement. Serait-ce que les hommes ne devaient pas bâtir pour se faire un nom ? Il est sans doute mal de chercher en quoi que ce soit une vaine gloire ; toutefois, nous ne voyons aucune opposition de la part de Dieu à cette folle vanité. Serait-ce que les hommes ne devaient pas chercher à escalader le ciel au moyen de constructions matérielles ? Dans ce cas, mieux valait les laisser continuer leur tour, leur folie insensée se serait guérie d’elle-même ; aussi, par rapport au récit de la Tour de Babel (comme à ceux des premiers chapitres de la Genèse), nous dirons toujours au lecteur sérieux de la Parole de Dieu : Ami, monte plus haut 54. »

Monter plus haut, c’est apprécier dans ce récit un enseignement bien plus précieux que celui de son sens littéral, l’enseignement qui nous révèle son sens interne ou spirituel.

Nous avons déjà dit au cours de nos conférences précédentes que les personnages mentionnés dans les onze premiers chapitres de la Bible typifient des états spirituels divers des Très Anciens et des Anciens, des hommes de l’âge d’or et de l’âge d’argent de l’humanité préhistorique. Le chapitre onze de la Genèse nous offre tout d’abord une description de l’unité originelle de l’Ancienne Église, de l’Église Noétique, en matière de doctrine et de foi. « Toute la terre, nous est-il dit, avait une seule langue et les mêmes mots, ce que nous traduisons par n’avait qu’une seule foi et une seule doctrine 55. » Ce chapitre nous décrit ensuite, symboliquement, la décadence de cette Église par l’allégorie de la Tour de Babel.

À l’origine de cette seconde dispensation divine des vérités spirituelles, les hommes étaient unis entre eux par les liens d’un amour mutuel et d’une bonté réciproque. Bien qu’il y eût déjà à cette époque diverses formes de culte, la doctrine était la même. On différait sans doute déjà quant au langage, quant aux mœurs et coutumes, mais les nations vivaient dans des relations fraternelles. On vivait dans la paix, sous l’égide du Seigneur.

L’image des débuts de l’Ancienne Église dans le sein de laquelle régnait l’unité de la doctrine dans la diversité des cultes se retrouve, nous dit Emmanuel Swedenborg, dans le ciel où sont assemblées des sociétés innombrables différant toutes entre elles, mais ne faisant qu’un, car toutes y sont conduites par le Seigneur. Swedenborg compare encore l’état de cette Église à son début, à celui du corps de l’homme dans lequel on constate tant de viscères et tant de parties viscérales dans ces viscères, tant d’organes et de membres dont l’un agit de manière différente de l’autre, alors qu’ils forment un tout, une unité dans leur ensemble par une seule âme. Car les forces et les activités du corps, quoique différentes entre elles, sont néanmoins dirigées par le seul mouvement du cœur et des poumons. Si dans le ciel ces sociétés peuvent agir ainsi en unité, cela vient de ce qu’il y a un influx unique, que chacun reçoit selon son génie. C’est un influx d’affection qui procède du Seigneur.

Il en a donc été ainsi de l’Église Noétique à ses origines, quoiqu’il y eût sans doute déjà autant de cultes qu’il y avait de genres de nations, qu’il y avait de familles composant ces nations et qu’il y avait d’hommes de l’Église. Néanmoins ils avaient tous une même doctrine, une même Parole, ils vivaient tous dans l’amour naturel et la charité. Ce leur était un lien suffisant d’union. Lorsque la charité domine, la variété, loin de désunir, fait ressortir et apprécier l’unité. On s’efforce de le comprendre à notre époque. Il est de fait que dans le sein même d’une Église les idées peuvent varier à l’infini, mais l’esprit doit rester le même, et dans ce cas, malgré la variété des formes, il n’y a qu’un seul langage, celui de l’amour céleste. « L’amour céleste est la ceinture d’or autour de laquelle toutes les pensées pures et vraies, comme autant de perles précieuses, viennent s’enchâsser ; cet amour est le feu qui dégage tout alliage, qui éloigne tout ce qui est impur, et qui fond en un seul tous les métaux différents qui autrement se repousseraient. C’est cet amour qui harmonise tout. C’est cet amour qui accomplit la loi 56. »

Mais, lisons-nous dans le récit biblique de la Tour de Babel, il arriva que quand ceux-ci partirent de l’Orient, ils trouvèrent une vallée dans la terre de Schinear et ils y habitèrent.

L’Orient 57 dans le sens profond des Écritures, c’est le Seigneur et par dérivation l’état d’amour céleste procédant du Seigneur, de Celui que la Parole (Mal. 4, 2) nous dit être le divin Soleil qui porte la santé dans ses rayons d’amour et de sagesse, de chaleur et de lumière spirituelles. Partir de l’Orient est une figure de langage destinée à nous faire comprendre que les hommes de l’Ancienne Église s’éloignèrent peu à peu de la charité inspirée par le Seigneur, qu’ils relâchèrent graduellement les liens de fraternité qui les unissaient. Le divin Soleil de Justice ne brilla plus longtemps dans leur âme. Leurs relations d’amitié et de bon voisinage ne subsistèrent que pour autant qu’elles étaient inspirées par des intérêts égoïstes, généraux ou particuliers.

La vallée de la terre de Schinear, dont il est ici question, symbolise un état de vie d’un degré inférieur. Comme, d’après les correspondances bibliques telles que nous les enseigne Emmanuel Swedenborg, les montagnes signifient l’amour et les collines la charité, parce qu’elles représentent les choses les plus élevées ou, ce qui revient au même, les choses les plus intimes du culte, les vallées qui sont aux pieds des montagnes signifient des états inférieurs, des affections naturelles et plus grossières. Partir de l’Orient pour aboutir dans la vallée de Schinear, c’est donc abandonner l’état d’amour céleste et descendre dans les régions inférieures de la nature humaine. Les vérités des enseignements spirituels et religieux, n’étant plus fécondées par l’amour pour le Seigneur et la charité envers le prochain, dégénérèrent en faussetés. Le fait qu’il nous est dit des hommes de cette époque qu’ils habitèrent dans la terre de Schinear nous donne à entendre qu’ils demeurèrent dans cet état jusqu’à ce que le Seigneur vînt les visiter. Ils s’y forgèrent des doctrines erronées, ce qui nous est signifié par les briques qu’ils fabriquèrent en lieu et place de pierres pour construire leur cité.

« Allons, se dirent-ils les uns aux autres, faisons des briques et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre 58. » Dans la Parole, la pierre signifie le vrai. En raison même de sa solidité, de sa durée et de toutes ses qualités naturelles, c’est une matière qui convient tout particulièrement aux fondements et aux murailles des édifices. Mais la brique qui est une pierre fabriquée artificiellement, signifie le faux, les opinions qui proviennent de l’imagination fantaisiste des hommes déchus.

Ils prirent de même du bitume au lieu d’argile, c’est-à-dire qu’ils se laissèrent diriger par leur cupidité au lieu d’être unis par l’amour du bien. Le bitume, à cause de sa nature inflammable, figure le mal de la cupidité.

C’est avec de pareils matériaux qu’ils se bâtirent une ville avec une tour, c’est-à-dire qu’ils se formèrent une doctrine dont le principe directeur était l’amour de soi.

La vraie Église du Seigneur est « la cité qui descend du ciel », la cité du Dieu vivant, la cité de vérité, la cité de refuge pour l’âme, la Jérusalem céleste (Apoc. 21), et bienheureux ceux qui marchent à sa sainte lumière et se préparent ainsi à pouvoir habiter un jour les demeures paradisiaques de cette cité d’or et de perles. Mais lorsque les hommes se disent : « Bâtissons-nous une ville dont le sommet soit jusqu’aux cieux 59 », c’est l’indice de leur décision d’avoir un système à eux ; ils ne se contentent plus de la grandeur simple et vraie de la loi divine qui leur dit d’agir justement, d’aimer la miséricorde et de marcher dans l’humilité avec leur Dieu... Le pauvre savoir humain, si orgueilleux et si vain, s’agite et cherche à inventer des doctrines qui permettent aux hommes de garder le péché, tout en leur garantissant le salut. L’Église est telle que quand la charité envers le prochain se retire et que l’amour de soi prend sa place, la doctrine de la foi n’est rien qu’autant qu’elle peut être échangée en un culte de soi-même. « Tout homme, lisons-nous dans les Arcanes Célestes de Swedenborg, qui s’anime par-dessus les autres, non seulement en vient à haïr tous ceux qui ne le servent pas et à ne leur être favorable que quand ils sont devenus ses serviteurs, mais encore il s’élance autant que les liens qui le retiennent se relâchent, et il va même jusqu’à s’élever au-dessus de Dieu. »

Les villes ou les cités représentent des doctrines ou des systèmes religieux. Il s’agit ici de fausses doctrines, car, pour la construction de la ville dont il est question, la brique tient lieu de pierre.

Tous les enseignements qui, sous le couvert de la religion, tendent à exalter l’orgueil de l’homme et à encourager par exemple l’ambition dominatrice du clergé dans l’Église, sont des briques d’invention humaine. L’édifice spirituel à l’érection duquel on les fait servir n’est pas la véritable Église du Seigneur, la cité protectrice des âmes que viennent assaillir les tentations. C’est une Église dont la doctrine est pervertie et la tour qui la domine représente la prétention arrogante de l’amour de soi. « La vraie Église est représentée dans l’Évangile par le Seigneur (Matth. 21, 33), qui planta une vigne, l’entoura d’une haie et y bâtit une tour. » Dans ce passage, la tour signifie la pensée élevée des hommes spirituels qui représentent cette Église. Lorsque les hommes prostituent la religion pour satisfaire à un orgueil insensé, rien ne leur coûte pour arriver à leur but. Ils s’arrogent la puissance de Dieu, et ils se mettent en son lieu et place. Les offenser, c’est offenser Dieu ; les contredire dans leurs dogmes, c’est s’attirer la plus forte excommunication. Ils prétendent que leur pouvoir touche au ciel, et ils en refusent l’entrée à ceux qui ne veulent pas se dire leurs très humbles serviteurs. Telle a été la prétention merveilleuse de Rome, la Babylone de l’Apocalypse, et telle a été la Babel de la plaine de Schinear. Leur langage est toujours : Faisons-nous une Église (une ville) à part, dans laquelle nous n’admettrons que les amis de notre autorité personnelle.

Mais les ministres de la vraie religion imitent Celui qui était le serviteur de tous et qui disait : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Matth. 11, 29).

Ce bel enseignement n’empêche pas, cependant, les sectaires du pouvoir sacerdotal et les autoritaires de s’écrier toujours : « Faisons-nous un nom, de peur que nous soyons dispersés sur les faces de la terre 60. »

S’il nous est dit du Seigneur qu’il descendit pour voir cette ville et cette tour et qu’il prit et accomplit la décision de confondre le langage des fils des hommes d’alors, cela ne signifie pas qu’il faille interpréter ces paroles dans leur sens littéral. Le Seigneur n’a pas besoin de descendre sur la terre pour savoir ce que les hommes y font. Il n’habite pas quelque part dans l’espace, plus ou moins loin de chacun de nous. Il est partout et Il voit tout. « Où irai-je, dit le Psalmiste, loin de ton Esprit ? Où fuirai-je, loin de ta face ? Si je monte aux cieux, tu y es. Si je me cache au sépulcre, t’y voilà. Si je prenais les ailes de l’aube du jour et si j’allais demeurer à l’extrémité de la mer, là-même, ta main me conduirait et ta droite me saisirait » (Ps. 139). Mais quand bien même le Seigneur est partout présent, quand bien même il connaît ce qui se passe dans le secret des cœurs, c’est une loi de sa divine Providence que les hommes ne réalisent pas constamment, ni pleinement cette présence et cette connaissance. S’ils les sentaient et les réalisaient, ils souffriraient dans leur libre arbitre. C’est la raison pour laquelle nous ne connaissons les attributs divins que par la Révélation qui nous en est donnée dans la Parole. La Providence ne nous rend manifestes les intentions et les influences du Seigneur qu’après qu’elles se sont produites. Il nous est donc permis de penser, de parler et d’agir en toute liberté, de faire le mal par conséquent, mais non pas cependant au delà de certaines limites. Quand nous nous laissons aller à mesurer l’étendue du mal qui se commet sur la terre, nous sommes parfois enclins à croire qu’il n’y a pas de limite à la méchanceté des hommes. Il y en a une cependant et, quand elle est atteinte, le mal retombe sur celui qui le commet. Il semble alors que Dieu descend pour juger et pour punir.

C’est là ce qui se passa pour les dernières générations d’hommes de l’Église Ancienne, de l’économie Noétique quand ils eurent entrepris de reporter à soi le culte qu’ils devaient au Seigneur. Leur culte fut appelé Babel. Il dégénéra en idolâtrie et il s’égara jusqu’à élever au rang de divinités que l’on adorait des hommes mortels et pécheurs comme tous les autres.

Nous avons vu qu’à l’origine de l’Économie Noétique ou de l’Ancienne Église, bien qu’il y eut déjà diverses formes de cultes, les hommes, spirituels de nature, étaient unis entre eux par les liens d’un amour mutuel et d’une bonté réciproque. Ils différaient cependant des hommes de l’Église Adamique, qui étaient célestes de nature et qui percevaient naturellement les correspondances qui existent entre le monde matériel et le monde spirituel. Chez les Noétiques, la perception fut bien remplacée par la conscience du vrai et la connaissance des correspondances fut érigée en science parce qu’elle devint une préoccupation de l’esprit.  « Dans ces nouvelles conditions du génie humain, dit M. Ch. Humann, que nous avons déjà cité, la pensée devait faire un effort pour voir la vérité spirituelle à travers le voile de la vérité naturelle. C’est pourquoi les postdiluviens eurent la foi, chose nouvelle et inconnue jusqu’alors ; elle enveloppait l’amour ou la charité qui, antérieurement, suffisait seule.

« Cette connaissance des correspondances ainsi transformée en science fut non seulement connue, nous dit Swedenborg, mais cultivée dans un grand nombre de royaumes ; elle était la principale science, la science de la sagesse antique ; mais elle se perdit depuis le commencement des temps historiques. Elle était bien connue en Asie, dans la terre de Canaan, dans l’Égypte, l’Assyrie, la Chaldée, la Syrie, l’Arabie, à Tyr, à Sidon ; des côtes maritimes, elle fut transportée en Grèce ; mais là elle fut changée en récits fabuleux tels qu’en renferme la mythologie que l’on doit aux plus anciens écrivains de cette contrée. »

Comme nous l’avons dit dans notre conférence sur l’Ancienne Parole 61, les hommes de l’Économie Noétique furent mis au bénéfice d’une première Bible écrite d’après les Correspondances. Mais cette Ancienne Parole se perdit en même temps que la science des correspondances, le sens littéral de son texte ayant été torturé parce qu’on voulait y trouver des arguments pour édifier la caste sacerdotale destinée à dominer sur les cœurs et sur les consciences.

Le culte interne de l’Église Noétique se perdit par conséquent aussi. Seul le culte externe subsista. On perdit la connaissance du seul vrai Dieu au sein de presque toutes les populations de l’histoire ancienne. Le peuple juif la conserva sans que pour cela son culte fût interne. Dieu se servit de l’Église juive afin que, par elle, la connaissance de son nom fût maintenue sur la terre, mais le peuple juif n’adora le Seigneur que des lèvres seulement. Cette Église fut uniquement représentative et ne peut pas même s’élever à la compréhension des représentatifs de son culte. Le reste de l’humanité tomba graduellement dans l’idolâtrie et la superstition. Il y eut pour elle, suivant le langage biblique, une véritable confusion des langues. Elle ne comprit plus la religion dans son sens élevé et ne s’attacha plus guère qu’au merveilleux et au miracle.

La confusion des lèvres représentent les différentes doctrines qui surgirent dans le sein de l’humanité, phénomène qui s’est produit et accentué graduellement et qui s’est, à maintes reprises, répété dans le cours de l’histoire religieuse de l’humanité. Car la Babel de l’Ancienne Église ressemble étrangement à la Babel de l’Église chrétienne. Et si son histoire paraît enfantine dans le sens de la lettre, elle est d’une grande richesse d’enseignements quand on l’envisage dans son sens interne et spirituel. Voici ce qu’a écrit à ce sujet M. le Dr J. Bailey, que nous avons déjà cité : « Nous ne pouvons avoir une image plus fidèle de la Tour de Babel que celle qui nous est offerte par l’histoire de la Papauté. Depuis le concile de Nicée, alors que les hommes rejetèrent la vraie pierre de fondation de l’Église qui est “que toute la plénitude de la divinité habite corporellement en notre Seigneur Jésus-Christ”, les chefs de l’Église commencèrent à bâtir avec des briques de leur fabrication l’édifice de l’Église chrétienne ; ils inventèrent trois personnes divines distinctes, puis une semi-divine personne comme reine du ciel ; toutes sortes d’impostures furent produites et activement propagées. La propagation de toutes ces pieuses fraudes et de toutes ces abominables profanations de la vérité augmentèrent de siècle en siècle, car toute opposition était qualifiée de sacrilège et souvent étouffée dans le sang.

« La convoitise de la domination, du lucre, et de la sensualité fut le bitume qui lia ces briques d’imposture et la tour d’orgueil s’éleva de plus en plus haut. Les papes s’arrogeaient tout pouvoir spirituel et temporel... et un système en opposition directe avec la simplicité, la pureté et la sainteté du vrai christianisme se répandait sur la face de la terre. Les hommes ignoraient si complètement la nature infernale du péché qu’ils se persuadaient pouvoir obtenir le ciel sans la pratique de la vertu et au moyen d’une donation faite à l’Église. Mais l’heure du jugement arriva et, lorsqu’on s’y attendait le moins, la vérité divine resplendit. La lumière se fit dans les intelligences préparées pour sa réception. La Parole de Dieu est retrouvée et retirée de la cachette où elle gisait dans l’oubli. La Sagesse divine avait dit : « Descendons voir la ville et la tour que bâtissent les fils des hommes », et la foudre de la vérité éclate, tout l’édifice s’écroule en ruines, et ruines il reste. On le croit capable d’offrir encore quelque secours au despotisme, et c’est pour ce triste service qu’il trouve appui auprès des puissances séculières. »

La tyrannie sacerdotale a été brisée, mais des sectes innombrables se sont formées, saisissant des dogmes divers et fondant des Églises séparées qui, pendant de très longs siècles, se sont excommuniées les unes les mitres. Tout cela est contraire à l’esprit de la vraie religion chrétienne et il est fort heureux qu’on y ait été plus particulièrement rendu attentifs au cours de ces dernières années.

La journée de Pentecôte n’a-t-elle pas été voulue du Seigneur pour marquer la fin du règne de la confusion et le prélude du grand jour de la fraternité des peuples réunis dans l’unité de la doctrine bien que dans la diversité des cultes pour ne former plus qu’un seul troupeau sous la houlette d’un seul Berger. N’a-t-elle pas également marqué les débuts de l’entreprise victorieuse du détrônement de la sagesse humaine et de l’intronisation du seul Dieu Sauveur dans le cœur des hommes par l’opération du Saint Esprit ? Que signifie le passage du livre des Actes (2, 1-12). qui nous fournit le récit de l’effusion du Saint-Esprit en cette remarquable journée, sinon que la vieille histoire du feu des passions malsaines dans lequel, pendant de si longs siècles, les briques des fausses croyances, des traditions funestes, des superstitions idolâtres, de l’orgueil de dominer les âmes, du zèle de l’amour de soi, ont été chauffées et durcies pour édifier sans cesse à nouveau la vieille cité de la Confusion, cette vieille histoire, disons-nous, a trouvé son antithèse bénie dans celle du baptême du feu du Saint-Esprit dont les disciples du seul Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ont été l’objet.

Le Saint-Esprit est descendu sur eux sous la forme de langues de feu, symboles du zèle ardent avec lequel ils allaient se mettre à l’ouvrage pour travailler à l’édification de la cité de l’Amour qui rapproche et rapprochera toujours davantage en un seul peuple de frères, les hommes de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue, dans des sentiments d’adoration pour le Seigneur.

Cette histoire nous enseigne qu’à l’esprit impur et infernal de Babel allait succéder l’influence paisible et céleste du Seigneur Jésus-Christ, le seul Dieu des cieux et de la terre.

Le Saint-Esprit, c’est la respiration de Dieu, l’émanation de sa vie et de ses pensées d’amour et de sagesse. Il doit faire disparaître la nuit païenne de l’idolâtrie jusque dans le sein de nos populations dites chrétiennes. Il fera venir le jour radieux de la connaissance du Seigneur, laquelle remplira la terre comme les eaux recouvrent le fond de la mer. Il édifiera parmi les hommes la ville sainte, la Nouvelle Jérusalem (Apoc. 21) dont les matériaux célestes seront fournis directement par le Seigneur : les pierres de la vérité et le ciment de l’amour fraternel. Tous les bourgeois de la sainte cité, où qu’ils se trouvent, pourront l’habiter et jouir de la sphère bienfaisante qui s’en dégagera, sans être contraints, pour cela, de renoncer à leur individualité, à la forme de leur culte, à la distinction de race et nationalité. Ils formeront ensemble sur toute la terre un seul corps, le corps de Christ, un seul grand homme mû par une seule force, l’amour pour Dieu et pour le prochain, un seul organisme dont l’ensemble harmonieux de toutes les facultés se manifestera dans la réalisation du Royaume de la paix et de la bonne volonté parmi les hommes.

 

 

Gustave RÉGAMEY, Les premiers chapitres de la Genèse,

Agence des publications de la Nouvelle Église.

 

 

 

 

 



1 Ed. Richer, Nouvelle Jérusalem, tome I, p. 355.

2 Math. 21, 42.

3 Deut. 32, 4 ; 32, 15 ; II Sam. 23, 3 ; Ps. 18, 3 ; 18, 32 ; 19, 15 ; 73, 26 ; Es. 26, 4. etc., etc., cf. I Cor. 10, 4.

4 Si la Parole a un sens interne, il nous faut une clef pour l’ouvrir, c’est-à-dire un système d’interprétation basé sur un principe uniforme et déterminé, ne laissant pas plus de place à l’imagination que ne le ferait un problème de mathématiques. Cette clef que Jésus-Christ a appelée la « Clef de la Connaissance » (Luc 11, 52) et qui pour nous est la Science des Correspondances, fut la principale science des anciennes civilisations. Mais elle s’est perdue peu à peu à partir des temps historiques.

Un des traits caractéristiques de la mission spéciale de Swedenborg a été de nous initier à nouveau dans la connaissance de cette science. L’Univers visible correspond à un Univers invisible auquel nous appartenons déjà par notre esprit. Non seulement les choses naturelles correspondent aux spirituelles, mais elles les représentent par la raison même qu’elles en sont le produit. Cette correspondance est par conséquent le rapport qui subsiste entre l’essence d’une chose et sa forme, ou entre la cause et son effet. Tout ce qui existe est d’abord en esprit et en pensée avant de prendre un corps et une forme. Le langage des correspondances est le langage de Dieu Lui-même. La Sagesse divine, pour descendre au niveau de notre intelligence finie, a dû être écrite dans un langage humain. Un exemple nous permettra de nous rendre mieux compte de cette science. Dans le livre du prophète Osée, ch. 2, v. 18, nous lisons : « En ce jour-là, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre. » Comment le Seigneur peut-Il traiter une alliance avec des créatures irresponsables ? Mais quand la Science des Correspondances nous enseigne que ces bêtes, ces oiseaux et ces reptiles représentent les affections et les facultés intellectuelles de l’homme, que tous les animaux, tous les végétaux et les minéraux même représentent ses facultés mentales et spirituelles, toute obscurité s’évanouit et la Parole de Dieu devient intéressante et contribue à notre plus grande édification.

Une pareille méthode d’interprétation, cohérente, lumineuse, rationnelle et déterminée, étant basée sur la nature de tous les objets et de tous les phénomènes de la vie, la clef s’adapte merveilleusement à la serrure du coffret sacré où sont tous les joyaux et tous les trésors de la sagesse, qu’ils soient dans la Genèse ou dans Ésaïe, dans l’Évangile de Jean ou dans l’Apocalypse. Quand cette clef est appliquée à des passages obscurs, le sens en devient lumineux.

5 Sirius, la plus belle étoile de notre ciel, égale, d’après les observations les plus récentes, 5000 soleils comme le nôtre. Mais qu’est-elle en comparaison du rouge Arcturus que l’astronome Elwin évalue à 550,000 fois notre soleil. Et celui-ci est encore bien dépassé par Canope que des observations récentes portent à cinq millions de fois notre astre central. (F. Bettex, La Création, p. 121.)

6 Les prophéties bibliques qui parlent de la fin du monde doivent toujours être entendues comme signifiant la fin d’une Église et l’avènement d’une ère nouvelle. Swedenborg nous donne à connaître que l’humanité a été mise au bénéfice de cinq dispensations successives des vérités de la religion. Chacune de ces dispensations ou de ces révélations a donné naissance à une Église. La première révélation de Dieu à l’homme fut sans doute immédiate, parce que l’homme avait été doué par création de la faculté d’aimer le bien et le vrai, faculté par le moyen de laquelle il pouvait communier avec le divin et s’entretenir avec les habitants du monde spirituel. Ce fut l’époque de l’Église adamique, l’âge d’or de l’humanité, dont le souvenir est resté gravé dans les légendes de la mythologie et dans les chefs-d’œuvre de la poésie antique. Adam n’est pas le nom d’un homme, mais celui d’une première Église. L’Église Noétique qui succéda à l’Église Adamique que et eut une grande extension, avec le pays de Canaan pour centre. Cette Église bénéficia d’une ancienne Parole écrite d’après les Correspondances, Parole qui disparut â son déclin. C’est cette Église qui, vers la fin, transforma en magie la Science des Correspondances. Elle donna naissance à la mythologie et au paganisme. L’Église juive commença avec Abraham. Elle reçut graduellement la Parole écrite de l’Ancien Testament. L’Église chrétienne prit naissance avec l’incarnation du Verbe divin. Elle s’édifia au moyen de l’Ancien Testament, de l’Évangile et de l’Apocalypse. La Nouvelle Église chrétienne, enfin, a commencé vers le milieu du XVIIIe siècle, à l’époque du second avènement du Seigneur, lequel n’est pas autre chose que l’ouverture du sens interne de la Parole écrite et les révélations complémentaires au bénéfice desquelles a été mise l’humanité par le moyen des ouvrages théologiques d’Emmanuel Swedenborg.

7 Que les eaux, dans la Parole de Dieu, représentent les connaissances vraies ou fausses, les vérités ou les erreurs dont se nourrit notre entendement, les raisonnements justes ou fallacieux par le moyen desquels nous nous laissons influencer et par conséquent conduire sur un chemin de vie ou de mort, nous en avons des preuves nombreuses.

Dans cette parole de Jésus à la Samaritaine : « Quiconque boit de cette eau que Je lui donnerai n’aura plus jamais soif, mais l’eau que le lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jean 4, 14), l’eau symbolise la divine Vérité qui rend l’homme sage à salut. Le fleuve d’eau vive, dont il est fait mention dans l’Apocalypse 22, 1, a la même signification. Le parallélisme entre l’eau et la connaissance de la vérité est manifeste dans ce passage d’Ésaïe 11, 9 : « La terre sera remplie de la connaissance de Jéhovah comme le fond de la mer par les eaux qui te couvrent. » Donner, en tant que disciple du Seigneur, un verre d’eau froide à un enfant (Matth. 10, 42), c’est lui donner une instruction qui rafraîchisse son âme et cela au nom du Seigneur. Nous pouvons citer aussi cette parole d’Ésaïe : « Vous avez soif, venez aux eaux », parole que Jésus a reprise pour en faire le thème de son invitation (Jean 1, 37) à venir se désaltérer de la vérité de ses enseignements. Le Psaume premier nous dit de l’homme qui prend son plaisir dans la loi de Jéhovah et qui la médite jour et nuit qu’il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en sa saison et dont le feuillage ne se flétrit pas. Tout ce qu’il fait lui réussit.

Mais d’après Swedenborg, les expressions de l’Écriture ont ordinairement une double correspondance, c’est-à-dire qu’elles peuvent s’appliquer – et c’est le contexte qui nous renseigne à ce sujet – soit au bien et au vrai, soit au mal et au faux. Nous avons relevé quelques passages – il y en aurait des centaines encore à citer – dans lesquels l’eau typifie la connaissance du vrai, autrement dit la vérité. En voici maintenant quelques-uns dans lesquels l’eau correspond à l’erreur, aux faux raisonnements, au doute, à l’incrédulité. « Si tu traverses les eaux, je serai avec toi, et les fleuves ne te submergeront point » (Ésaïe 43, 2). C’est la même image qui se retrouve sous la plume du psalmiste : « Sans Jéhovah qui nous protégea quand les hommes s’élevèrent contre nous... les eaux nous auraient submergés, les torrents auraient passé sur notre âme » (Ps. 124, 2-5). Mais l’analogie est plus frappante encore dans le passage du sermon sur la montagne où le Seigneur invite ses auditeurs à bâtir leur maison sur le roc, c’est-à-dire sur les enseignements de Celui qui s’appelle Lui-Même le « Rocher des siècles » : « Quiconque entend les paroles que je dis et ne les met pas en pratique sera semblable à un insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison. Elle est tombée et sa ruine a été grande. » Les eaux du déluge ne sont pas autre chose qu’une inondation de maux et de faux dans laquelle périt la première Église, l’Église adamique.

8 Lumière et ténèbres sont deux termes que nous employons chaque jour en les détournant de leur sens propre sans même nous en douter. Nous disons : jeter de la lumière sur une question obscure, nous parlons d’un siècle de lumières, des ténèbres du Moyen Âge, en désignant par ces expressions un état mental. Il est évident que la lumière symbolise la science, l’intelligence, la vérité et que l’obscurité ou les ténèbres représentent l’ignorance, la superstition, la fausseté. Nous lisons dans la Bible : Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit briller une grande lumière et la lumière resplendit sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort. Je changerai les ténèbres en lumière. Si ton œil est sain, tout ton corps sera dans la lumière, mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera dans les ténèbres. Celui qui vous a appelé des ténèbres à sa merveilleuse lumière, Jésus, se donne pour la lumière du monde ; ses disciples sont des enfants de lumière, délivrés de la puissance des ténèbres et, dans la Nouvelle Jérusalem, il n’y aura plus de nuit. (Ch. Byse, Swedenborg, Tome IV, p. 214).

9 Le règne minéral, dans lequel tout est fixe, solide, dur, et qui sert de base au règne végétal et animal, typifie les vérités fondamentales et immuables de l’esprit, les faits acquis, les lois de la vie.

Le règne végétal, supérieur au précédent en ce que la vie y est plus sensible du fait que les plantes et les arbres croissent et se développent, sans avoir toutefois la faculté de se mouvoir, symbolise les perceptions et les connaissances d’où procèdent l’intelligence et la sagesse.

Le règne animal, que caractérisent la vie et la sensibilité d’une manière supérieure, représente les affections de l’homme, les biens qui dépendent du cœur et de la volonté. En général dans les Écritures les animaux domestiques figurent les bonnes et utiles affections et les animaux sauvages les passions coupables et les mauvaises affections.

10 Le soleil, dans la Parole, est toujours le symbole de l’Amour divin. « Notre Dieu, lisons-nous au Psaume 84, est un soleil. » Il est « le Soleil de Justice qui porte la santé dans ses ailes » Mal. 4, 2. Si le soleil naturel fait verdir la terre, germer les semences, gonfler les bourgeons et croître les fruits, le soleil du monde spirituel fait fleurir et fructifier notre âme. Il l’anime de toutes sortes d’affections. Il développe et fortifie chacune de nos facultés. S’il nous était donné de pénétrer par les yeux de l’esprit dans le monde de l’Au-delà, nous le verrions illuminé et réchauffé par le soleil divin qui le gouverne. Swedenborg nous dit que le Seigneur apparaît aux anges comme un divin soleil. Voir à ce sujet notre brochure sur « Le soleil du monde spirituel ». La lune symbolise aussi le Seigneur dans la Parole, en tant qu’Il est l’objet de notre foi.

11 Au fur et à mesure qu’ils descendent dans l’échelle des êtres, les animaux représentent, dans le langage hiéroglyphique de la Parole, des qualités moins parfaites, des principes moins élevés de la nature humaine. Le crabe a toujours figuré les faux principes de l’homme naturel ; la grenouille a toujours été l’emblème des raisonnements fallacieux. Ces reptiles et les poissons représentent, en raison même de l’infériorité de leur genre de vie, les qualités et les principes de l’homme externe, ses dispositions et ses capacités naturelles et scientifiques. Mais ces connaissances et ces aptitudes n’en sont pas moins précieuses et cela d’autant plus que l’homme régénéré les fait servir à des fins spirituelles et célestes.

12 Il serait facile d’en donner de nombreuses preuves. À plusieurs reprises le Seigneur appelle ceux qui le suivent les brebis de son pâturage. Jésus-Christ est le bon Berger qui les mène paître près des courants d’eau. Quand le psalmiste s’écrie (Ps. 148, 10) : « Louez le Seigneur, vous, bêtes des champs », nous sommes bien obligés de reconnaître que cette invitation ne s’adresse pas à des animaux au sens littéral du terme, mais aux affections de notre cœur que ces animaux symbolisent. Tout le monde nous comprend quand nous disons de quelqu’un qu’il est un lion, un tigre ou un renard. Jésus-Christ, en parlant d’Hérode, l’a surnommé un renard (Luc 13, 32), voulant faire allusion de cette manière au caractère perfide et rusé de ce prince des Juifs. Dans le langage de la fable, nous avons conservé cette manière symbolique de dépeindre les affections bonnes ou mauvaises du genre humain. Le poète La Fontaine a excellé dans ce domaine.

13 Les nombres, dans le sens interne de la Parole, n’expriment pas des quantités, mais des qualités ou des états spirituels, et, à ce point de vue, leur signification est fort intéressante à connaître. Envisagée quantitativement ils paraissent quelquefois arbitraires. Pourquoi, pour ne citer que quelques exemples, l’œuvre de la création nous est-elle présentée comme ayant été effectuée en six jours ? Pourquoi nous est-il recommandé de travailler six jours et de nous reposer le septième ? Pourquoi Josué reçut-il l’ordre de faire six fois le tour de Jéricho avec son armée avant que les murailles de la ville s’écroulent ? Pourquoi le nombre sept est-il si fréquemment employé dans les Écritures ? Pour le savoir, il suffit de connaître la signification spirituelle de ces chiffres. Le nombre six exprime le travail, l’effort, la lutte. C’est la raison pour laquelle il caractérise l’œuvre de la régénération, c’est-à-dire de la nouvelle création. Le nombre sept, par contre, marque un état de sanctification. Le septième jour signifie donc un état de sainteté. Il signifie aussi la plénitude et la perfection soit dans le sens divin, soit dans le sens opposé. Les sept Églises d’Asie signifient l’Église chrétienne tout entière. Il est facile de comprendre, à la lumière de ce point de vue, la signification des sept esprits de l’Apocalypse, des sept chandeliers d’or, des sept étoiles, des sept lampes, des sept sceaux, des sept couronnes, des sept anges, des sept fléaux, des sept tonnerres, des sept montagnes et des sept rois. On comprend également pourquoi le Seigneur se choisit soixante-dix disciples qu’Il envoya deux à deux prêcher l’Évangile dans les lieux où Il devait passer (Luc 10, 1). On comprend aussi pourquoi le chrétien est appelé par le Seigneur à pardonner à son frère septante fois sept fois, c’est-à-dire d’une manière absolument parfaite.

14 Voir notre conférence sur l’Ancienne Parole qui a précédé la Parole de l’Ancien Testament. En vente dans nos Agences de Publications.

15 Les quatre points cardinaux ont une signification spirituelle. Les peuples de l’antiquité en tenaient compte pour leurs cérémonies, et l’Orient était à leurs yeux le point le plus sacré. Ils se tournaient de ce côté-là pour leur culte... Nous avons conservé la coutume de bâtir les Églises de manière à ce que les auditeurs soient tournés vers l’Orient. Chez les Hébreux, au contraire, la porte du sanctuaire était à l’Orient comme pour laisser entrer les rayons du soleil levant. Dans le ciel, dit Swedenborg, les anges ont toujours devant eux le Seigneur revêtu de la gloire du Soleil spirituel... là où ils le voient se trouve pour eux l’Orient. Il nous est dit du Seigneur : « Le Soleil levant nous a visités d’en-haut. » Des mages d’Orient vinrent adorer l’enfant Jésus. L’Apocalypse mentionne un ange qui montait du côté du soleil levant et qui tenait le sceau du Dieu vivant. Ch. Byse : Swedenborg, tome IV, p. 245. Dans tous ces passages il faut interpréter le mot « orient » dans son sens symbolique.

16 Ces correspondances ne sont point arbitraires, nous l’avons maintes fois fait remarquer. Partout, dans l’Écriture, la pierre est l’emblème des faits solides et, par suite, des vérités sur lesquelles nous pouvons édifier notre foi. Les pierres précieuses sont les symboles des vérités spirituelles. Elles ont toutes une signification particulière, aussi bien celles du pectoral du souverain sacrificateur (Ex. 28, 15-20) que celles qui dans l’Apocalypse ornent les fondements de la Nouvelle Jérusalem (21, 19-20).

Il en est de même des noms de pays et de villes. Quand nous pensons de nos jours à certains pays, ce n’est pas tant leur configuration que nous avons dans l’esprit, mais bien plutôt le caractère spécial de ses habitants. Canaan, la Terre Sainte, typifie la vie céleste de la véritable spiritualité. L’Égypte représente la science, le savoir de l’homme naturel. L’esclavage des Israélites en Égypte symbolise la domination de l’homme naturel dont on doit s’affranchir en passant par le désert des tentations et en traversant le Jourdain de la régénération qui nous met en possession du pays de la promesse, de la Canaan céleste, c’est-à-dire de l’état d’amour et de sagesse spirituelle.

17 « L’Arbre de Vie planté au milieu du jardin d’Éden, signifie l’amour avec la foi qui en provient, et aussi la miséricorde du Seigneur de qui procède tout amour et toute foi, par conséquent toute vie. » Ch. Byse, Swedenborg, tome IV, p. 259.

18 On ignore aujourd’hui ce qu’est la perception, dit Swedenborg, et il explique en quoi elle consiste. – C’est une sensation interne, qui, venant du Seigneur uniquement, indique si telle chose est conforme au vrai et au bien ; elle état habituelle dans la Très Ancienne Église, chez les hommes célestes. Chez les anges elle se manifeste à un très haut degré ; car ils connaissent par elle ce qui est bien et ce qui est vrai, ce qui vient du Seigneur et ce qui vient d’eux-mêmes, et, si quelqu’un s’approche d’eux, ils savent ce qu’il est à sa seule vue et à l’inspection d’une seule de ses idées. L’homme spirituel n’a aucune perception mais seulement la conscience ; l’homme naturel n’a pas même la conscience. » La perception ressemble donc à ce qu’on appelle à présent l’intuition, mais elle me paraît la dépasser en profondeur et en certitude. Ch. Byse, Idem, p. 261.

19 Douze signifie la plénitude. Voir sur les nombres page 33, note 1.

20 Les grâces célestes que l’Arbre de Vie nous communique pour les états divers de notre régénération sont « les douze sortes de fruits qu’il porte ». Sur ses saintes branches croissent les marques de patience dans les moments d’affliction, de reconnaissance dans les saisons de prospérité, de confiance et de courage dans tous les orages de la vie, de charité, de justice, de bienveillance dans la vie journalière, d’espérance d’un monde meilleur, qui, toutes semblables à des joyaux inestimables, scintillent dans chaque fruit d’or de cet arbre divin, dont les feuilles sont les vérités pour la guérison des nations. Bailey, Doctrine de Swedenborg, Trad. par Mme Ellen Wolff, p. 36.

21 L’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal signifie la foi sensorielle, la foi qui reste affaire de science ou de mémoire. Par conséquent l’interdiction de manger de son fruit, sous peine de mort, donnait à entendre que les hommes ne devaient pas essayer de pénétrer par la raison naturelle les choses spirituelles et célestes, et que, s’ils entraient dans cette voie, ils perdraient la vie supérieure dont ils avaient joui jusqu’alors. Ils n’ont malheureusement pas tenu compte de cette défense et la menace divine s’est réalisée. C’est cette déviation morale de l’humanité que nous appelons la chute. Le nom même donné à cet arbre nous fait comprendre qu’il ne s’agit pas d’un arbre matériel. Un arbre de la connaissance doit porter du fruit spirituel ou mental. Ce n’est ni un pommier, ni un oranger, ni un figuier, mais évidemment un arbre idéal, ce qu’un arbre réel ne peut que symboliser.

Pourtant Diderot, considérant comme considérable l’interprétation littéraliste du récit de la chute, a tourné en ridicule cette belle page de la Genèse, en disant : « Pour une pomme, le Dieu des chrétiens a puni toute la race humaine et fait mourir son propre fils. Cela prouve que Dieu est un père qui s’occupe beaucoup de ses pommes et s’inquiète fort peu de ses enfants. » Est-il possible d’être plus superficiel ? On attendrait une objection plus sérieuse de la part d’un Encyclopédiste ! Ch. Byse, Op. cit., p. 260.

22 Il est excessivement intéressant de comparer et d’étudier à la lumière de ce point de vue les différents passages de la Parole, ceux des Psaumes et des Prophètes en particulier, qui font appel à la délivrance de Dieu ou qui proclament son amour ou sa miséricorde. Les termes que le texte original hébreu emploie sont toujours intentionnellement choisis. Il est des chapitres entiers où l’on ne trouve qu’un seul de ces termes. Quand c’est Élohim qui est employé pour désigner la Divinité, on peut être sûr que c’est parce que c’est le principe spirituel, l’œuvre de la divine Vérité, l’influence de la divine Sagesse, qu’il s’agit de mettre en évidence. Quand l’Être divin est appelé Yahvé, c’est qu’il s’agit au contraire de l’œuvre miséricordieuse de l’Amour divin. Et quand, comme c’est souvent le cas, ces deux termes sont successivement employés dans un même chapitre et parfois dans un même verset, ils le sont toujours en raison des mêmes considérations. Nous lisons par exemple au chap. 3, vers. 18, d’Habakkuk : « Toutefois je me réjouirai en Jéhovah et me réjouirai dans le Dieu de ma délivrance », ce qui signifie que les deux principes constitutifs de la Divinité, l’Amour et la Sagesse, le Divin Bien et le Divin Vrai sont les sources de toute joie véritable. « En observant la juste convenance de ces deux noms et en nous rappelant leur signification, nous reconnaissons dans les Saintes Écritures une beauté et une force que nous n’avions peut-être pas soupçonnées. » Dr. Bailey, Op. cit., page 46.

23 Doctrine de Swedenborg, par Dr Bailey, page 47.

24 Voir notre conférence sur la Parabole de la Création, page 3.

25 Il y aurait bien des arguments à faire valoir pour établir l’existence d’autres habitants de la terre à l’époque adamique et pour montrer que le récit de la Genèse n’est pas l’histoire particulière d’une première famille humaine. Nous lisons par exemple que lorsque Caïn eut tué son frère Abel et qu’il eut été repoussé par le Seigneur, il se plaignit en disant : « Quiconque me trouvera me tuera. » Et Jéhovah-Dieu mit une marque sur Caïn afin que quiconque le trouverait ne le tuât point. Or, de qui pouvait-il avoir peur, s’il n’y avait sur la terre que son père ou sa mère ? Au verset 17 il nous est dit que Caïn bâtit une ville. La construction d’une ville implique l’existence de plus d’une famille.

26 L’Église de la Nouvelle Jérusalem est également typifiée dans l’Apocalypse par une femme auréolée du soleil, ayant la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête (Apoc. 12, 1).

27 Nous avons déjà dit que les animaux typifient les bonnes et les mauvaises affections de l’homme, suivant qu’ils sont utiles ou nuisibles.

28 Voir notre brochure sur le jardin d’Éden p. 14.

29 Voir pour s’assurer de l’exactitude de ces symboles les ouvrages de la Nouvelle Église qui traitent de la science des correspondances.

30 Adam n’est pas un homme, mais une première humanité, une première Église, celle de l’Age d’Or. Voir notre brochure sur le Ciel hiéroglyphique des Écritures.

31 Voir notre conférence sur la Parabole de la Création, page 22.

32 « C’est de cette manière qu’il faut interpréter ce passage de l’Apocalypse de Jean (12, 15) : « Et le serpent jeta de sa gueule de l’eau comme un fleuve après la femme, afin qu’elle fût entraînée par le fleuve. » Un fleuve sortant de la gueule d’un serpent ne peut certes être compris que comme un fleuve de faussetés, de calomnies, destiné à submerger la Nouvelle Église du Seigneur, représentée ici par une glorieuse femme revêtue du soleil, qui avait la lune sous ses pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Il est donc indubitablement du style des Écritures saintes de symboliser sous la figure d’un déluge ces torrents d’iniquité et de funestes erreurs qui surgissent à la fin d’une Église corrompue, comme ils surgissent à une période déterminée dans la carrière de chacun, pour éprouver la sincérité de notre foi. » A. J. Bailey. The Divine Word Opened. Page 621.

33 « Un déluge assez grand pour couvrir les plus hautes montagnes supposerait une bien plus grande quantité d’eaux que toutes celles qui existent sur notre globe ; il y a donc une impossibilité à admettre le texte dans son sens littéral. » Ch. Humann : L’Évangile social. Page 327.

34 On trouve la même similarité quant aux années de vie des ancêtres de l’humanité dans les récits mythologiques de l’Égypte, de la Chine et de l’Inde. Les premiers rois d’Égypte, d’après la tradition, ont régné chacun plus de douze cents ans. Les livres chinois attribuent aux premiers hommes une durée de vie de dix-huit cents années. Quant aux livres sacrés des hindous, ils affirment qu’à l’époque de l’âge d’or la vie humaine était de quatre vingt à cent mille ans. Un roi hindou doit même avoir vécu deux millions d’années avant de monter sur le trône, avoir ensuite régné pendant un autre million d’années, après quoi il abdiqua et vécut encore plus de cent mille ans. J. Bailey : The Divine Word Opened, p. 600.

35 Nous avons dit qu’en hébreu le nom de Noé signifiait consolation. Voici ce que M. J. Bailey a écrit dans son ouvrage « The Divine Word Opened » au sujet des noms des patriarches, p. 602 : « Le nom de Noé, consolation, indique le caractère représentatif de ce patriarche et cela surtout lorsqu’on le met en parallèle avec ceux de la postérité d’Adam (Gen. 5). Seth signifie mettre, placer ; il indique sans doute une restauration de la Très Ancienne Église, après la chute. Énosh, malade (mortel), s’applique à une Église dont le déclin s’accentue ; Kenau, lamentation, manifeste un triste résultat. Viennent ensuite Mahalaleel, illumination de Dieu, Jéred, celui qui a de l’autorité, et Hénoc, consacré. Ces trois noms indiquent un réveil dans l’Église, un arrêt dans sa période de déchéance, par l’efficace de la vérité.

36 Voir notre conférence sur l’Allégorie du Jardin d’Éden, p. 33.

37 Voir notre conférence sur la Parabole de la Création, p. 19.

38 D’après la chronologie biblique, le déluge doit s’être produit vers l’an deux mille trois cent cinquante avant J.-C. ; il y aurait donc approximativement quatre mille trois cents ans. Or, les recherches archéologiques ont permis de constater que certains monuments d’Égypte datent de plus de six mille ans.

39 Dr. J. Bailey. Ouvrage cité.

40 Rien n’est plus intéressant que d’étudier la mythologie à l’aide de la science des correspondances, car elle fournit matière à des enseignements d’une grande valeur spirituelle. Nous publierons prochainement une brochure sur ce sujet.

41 J. Bailey. Ouvrage cité.

42 L’Ancienne Parole. Agence des Publications de la Nouvelle Église.

43 Ch. Humann. L’Évangile Social, p. 338.

44 En vente à notre Agence des Publications.

45 Nous ne croyons pas à cette unique famille humaine. Comme nous l’avons démontré dans notre conférence sur le Déluge, Noé est le nom d’une Église, d’une seconde dispensation des vérités de la religion dans le sein de l’humanité.

46 Voir notre brochure sur le Déluge et l’Arche de Noé.

47 Le récit de l’ivresse de Noé et de la malédiction de Cam est symbolique. Cette ivresse décrit simplement l’état de décadence de l’Église de Noé chez ceux qui sont représentés par Cam. La malédiction dont il est ici question est contraire au caractère miséricordieux de l’Être divin. Il s’agit là, comme dans un grand nombre de passages bibliques où Dieu est représenté comme ayant des sentiments et des pensées de colère, de vengeance et de malédiction, d’une vérité apparente.

48 Lesquels ?

49 Genèse 10, 10.

50 Ce n’est pas l’unique raison. Au point de vue du symbolisme, la Tour ne pouvait être construite en pierres, car la pierre est le symbole de la vérité ; la Brique est celui de l’erreur.

Nous nous expliquerons sur cette question quand nous interpréterons notre récit d’après son sens spirituel.

51 Très bien renseigné. M. Bost.

52 On a calculé que la hauteur maximum d’une tour de calcaire ne supportant que son propre poids ne pourrait pas dépasser 125 mètres ; à une hauteur supérieure, le calcaire se trouvant à la hase serait écrasé et la tour s’effondrerait.

53 Il ne s’agissait pas d’une hiérarchie universelle, car la famille de Cam n’avait pas pu s’asservir celle de Sem et de Japhet.

54 J. Bailey : The Divine Word Opened, p. 52.

55 La terre est le sol dans lequel la Parole de Dieu est semée. Cf. Math. 13. 19. C’est le cœur de l’homme. La langue et les mots, c’est la Parole quant à sa doctrine.

56 J. Bailey. Ouvrage cité.

57 Voir, pour le sens symbolique de ce terme, notre étude sur l’Allégorie du Jardin d’Éden, p. 39.

58 Le roc est d’abord l’emblème du fait solide, inébranlable, sur lequel on peut s’appuyer, puis de la vérité révélée sur laquelle nous devons élever l’édifice de notre salut. Dans l’Ancien Testament, Jéhovah est fréquemment nommé le rocher, mon rocher, le rocher de mon refuge, le rocher d’Israël. « Il n’y a point d’autre rocher que notre Dieu. » Nous chantons encore : « Du rocher de Jacob, toute l’œuvre est parfaite. » Dans leur long voyage d’Égypte en Canaan, les Israélites, dit Paul, « buvaient du rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ ». Le disciple qui le premier confessa Jésus comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant » fut en récompense appelé Céphas ou Pierre, et son Maître lui dit : « Tu es Pierre (ou plutôt de pierre), et, sur cette pierre, je bâtirai mon Église. »

Ce roc est la doctrine fondamentale de l’Évangile, la Divine humanité du Sauveur. Sans doute, le bouillant apôtre ne se croyait pas lui-même la « principale pierre de l’angle », la « pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu », la « pierre angulaire » sur laquelle tout homme sage bâtit sa maison pour qu’elle ne soit pas démolie par les eaux en furie et renversée par les ouragans : mais il personnifiait mieux qu’un autre la foi évangélique, capable de braver toutes les attaques, et il représenta cette vertu. Aussi joua-t-il ce rôle capital à l’origine de l’Église chrétienne. Ch. Byse : Swedenborg. Tome IV. Avantages du sens spirituel, page 250.

59 Dr J. Bailey. Ouv. cité., p. 109.

60 C. Humann : L’Évangile Social, page 381.

61 Voir l’étude que nous avons publiée sous ce titre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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