Le dogme chrétien dans la religion juive

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

A.-F. SAUBIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRÉFACE

 

 

Ce nouvel opuscule que nous offrons à la bienveillance du public n’est, pas plus que ses prédécesseurs, la Synagogue moderne et le Talmud, un ouvrage de polémique. Il a pour but, comme eux, au moyen de documents puisés à des sources sûres, d’établir la parfaite conformité du dogme catholique avec l’antique croyance juive.

Quant aux sources, ou plutôt la source (car nous lui devons presque tout le contenu de cet ouvrage), elle a à notre avis une très grande valeur. Le chevalier Drach, qui se trouve par le fait le véritable auteur de cet opuscule, était, avant sa conversion dont il nous décrit les phases, un rabbin versé dans les plus grandes profondeurs de la science traditionnelle. En extrayant des pages écrites par lui ces nombreux passages qui forment toute la trame du Dogme chrétien dans la religion juive, nous nous estimons heureux de rendre hommage à sa mémoire et à la bonne foi avec laquelle il s’est laissé conduire à la lumière par ses propres études. Puisse cette même bonne foi en conduire d’autres au même but en lisant ces pages et ces documents recueillis par lui.

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

La première et principale vérité religieuse commune à l’Église catholique et à la synagogue est l’unité de Dieu. Ainsi que nous l’avons dit dans la Synagogue moderne, l’unité de Dieu est proclamée à chaque instant dans les prières juives, qui commencent toutes par le Schemang : « Écoute, Israël Jéhova, écoute, Jéhova, notre Dieu, Jéhova, est un. »

Pour quiconque connaît l’histoire sainte, il n’y a aucun doute à cet égard. L’unité de Dieu a fait la base de la constitution, non seulement religieuse, mais civile, du peuple hébreu.

Il est donc inutile de s’arrêter longuement sur ce sujet.

Ce qui est d’un intérêt primordial, c’est de voir comment les dogmes de la Sainte Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption se trouvent dans la religion juive ; nous ajouterons quelques documents sur l’éternité de Dieu et l’immortalité de l’âme, pour montrer, contrairement à ce qu’affirme le rationalisme, que ce dogme de l’immortalité était connu de l’antiquité juive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE DOGME CHRÉTIEN

DANS

LA RELIGION JUIVE

_________________________

 

 

 

I

 

 

LA SAINTE TRINITÉ

 

 

« La doctrine de la Trinité divine, dit Drach, c’est-à-dire, de trois personnes distinctes de la Divinité, et en même temps unies, de l’union la plus absolue, dans la seule et indivisible Essence éternelle, était reçue de tout temps dans l’ancienne synagogue. »

Une question intéressante consisterait à se demander pourquoi ce dogme ne se trouve pas exprimé nettement dans l’Ancien Testament, comme il l’est dans le Nouveau. C’est la question si importante de la nécessité de la tradition qui se pose par le fait même. D’après les rabbins juifs, comme aussi d’après la théologie catholique, la Tradition est nécessaire, plus nécessaire même que l’Écriture. Dieu a voulu surtout que sa loi et son enseignement fussent écrits sur les tables spirituelles de la volonté et du cœur, et c’est par l’enseignement légitime que se fait cette impression plus importante que l’impression du décalogue sur les tables de pierre au Sinaï.

Beaucoup de choses importantes ont été confiées à la Tradition et ne sont presque pas mentionnées dans la Sainte Écriture, ou du moins le sont d’une façon tellement obscure qu’il est de toute nécessité que la Tradition vienne affirmer que c’est bien telle ou telle chose qui est renfermée dans ces expressions obscures.

Quant à ce qui concerne le dogme de la Sainte Trinité, voici ce que dit M. Liebermann de Strasbourg, rabbin converti au catholicisme et très connu comme théologien : « Outre les témoignages de l’Ancienne Écriture, dit-il, il y en a beaucoup d’autres qui nous apprennent que la Trinité des personnes n’a pas été inconnue au temps du Christ, ni avant le Christ. La manière de parler du Christ et des apôtres est telle qu’il est clair que leur prédication n’a rien annoncé de complètement nouveau ou de complètement inouï. Bien plus, si l’on tient compte de ce qu’on trouve dans les écrits de Philon, du paraphrase chaldéen, des cabalistes et des anciens rabbins, tous gens de grande érudition et de profonde critique, il ne semble pas qu’il puisse rester un doute. Ceux-là font donc preuve de témérité ou d’ignorance, qui, se croyant peut-être plus savants et plus perspicaces que les autres, affirment que rien n’a été dit avant le Christ sur la Trinité. »

Nous allons demander au chevalier Drach l’explication de quelques-unes de ces traditions.

Tout d’abord, il n’est pas possible de donner toutes les explications talmudiques qui affirment l’existence de la Trinité divine. Nous nous bornerons à quelques-unes.

 

 

 

§ I. – Explication talmudique des premiers versets de la Bible.

 

 

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre... Et l’Esprit de Dieu reposait sur les eaux. »

D’après la tradition citée par M. Drach, le mot hébreu que l’on traduit par le mot : au commencement, doit être entendu par un principe personnel, et l’on devrait dire : Par le principe Dieu créa le ciel et la terre ; et cette tradition était tellement vivante sous l’ancienne loi, que les 70 interprètes auteurs de la version des 70, se précautionnèrent dans leur traduction pour ne pas laisser croire à l’existence de deux divinités, « afin, dit Salomon Yarhhi, que le roi ne crût pas que bereschît (in principio), soit le nom d’une divinité ». Il y avait donc là une préoccupation qui ne peut s’expliquer autrement qu’en admettant la connaissance de la pluralité des personnes. Saint Jérôme dit la même chose ; bien plus, il cite une opinion tenue par plusieurs autres Pères, selon laquelle le texte hébreu porte : Par le Fils, Dieu créa le ciel et la terre. « Ce n’est pas, ajoute-t-il, que le Christ soit ici expressément nommé ; mais le sens du premier mot de l’Écriture Sainte, aussi bien que le commencement de l’Évangile de saint Jean, l’annonce suffisamment. »

« Le Zohar dit que le terme reschît est un des noms de la divinité et qu’il désigne le Verbe, la sagesse éternelle ; que ce mot, au commencement de l’Écriture, a pour préfixe la lettre beth, dont la valeur numérique est deux ou deuxième, parce que le principe a deux natures, et parce que le même principe est le deuxième dans l’ordre du nombre divin ; enfin que reschît est au singulier, parce qu’il dénote une seule et même personne. »

Cette même explication se trouve reproduite dans un grand nombre d’autres passages talmudiques cités par Drach. Nous avons donc ici clairement établi l’existence d’une seconde personne.

Quant à la troisième, le Talmud la trouve avec non moins d’évidence dans ces paroles : « L’Esprit de Dieu planait sur les eaux. » « Le Trône de la gloire, dit Rabbi Salomon Yarhhi, c’est-à-dire la Divinité, se tenait en l’air, et planait sur la face des eaux, par l’Esprit de la bouche du Très-Saint, béni soit-il ! et par son Verbe, sous la forme d’une colombe qui plane légèrement sur son nid. »

« Le rabbin, dit Drach, signale ici non seulement le Saint-Esprit, mais aussi son indivisibilité d’avec les deux autres Personnes du Très-Saint, béni soit-il ! »

On peut donc conclure, à propos de l’explication de ces premiers versets de la Bible, par ce que dit le P. Liebermann : « Un Dieu seul dans son essence, voilà le principal dogme des Juifs proclamé par toute l’ancienne Écriture. Mais les Juifs modernes nient que la Trinité des personnes ait été révélée dans la loi. Les Sociniens sont de leur avis. Il n’est pas étonnant que des hommes qui ne sont pas impressionnés par les témoignages si clairs et si nombreux du Nouveau Testament, ne voient rien dans l’Ancien. L’opinion des anciens Pères et des plus grands théologiens est différente. Ceux-ci sont d’accord pour dire que le mystère de la Sainte Trinité a déjà été révélé dans l’Ancien Testament, et qu’on en trouve les traces dans beaucoup de passages de l’Écriture. Or, ce qui, par mesure de prudence, a été renfermé d’une manière souvent obscure dans les paroles de l’Écriture, a été, disent-ils, donné d’une façon plus claire par la tradition, et conservé avec soin par les hommes justes et religieux. »

 

 

 

§ II. – Explication talmudique des premiers mots du Schemang.

 

 

Le Schemang, comme nous l’avons montré dans la Synagogue moderne, est la principale formule de prière de l’Israélite fidèle ; elle est tirée du Deutéronome, chap. VI. Cette prière commence par ces mots : Écoute, Israël, Jéhova, notre Dieu, Jéhova est un.

Pour la tradition juive, cette triple répétition du mot Dieu indique l’existence de trois personnes en Dieu. « Le Dieu trois fois saint est nommé ici d’abord au singulier, Jéhova, ensuite au pluriel, Élohim, puis encore au singulier, Jéhova. N’est-ce pas pour apprendre que l’Unité est la source de la Trinité, et que la Trinité rentre dans cette Unité qui est l’unité la plus parfaite ? Cet Élohim, précédé et suivi de Jéhova, semble indiquer, chose admirable ! que la Trinité est comme enveloppée dans l’Unité, que toutes les trois adorables Personnes sont renfermées dans le Dieu que saint Bernard voudrait appeler Unissime, tout aussi bien que l’unité est dans la Trinité. Nous trouvons cette exposition si naturelle de notre verset dans le Nouveau Testament : “Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit Saint. Et ces trois sont un. Voilà précisément les paroles de Moïse : Jéhova, Elohenu, Jehova, unum.”

« Une chose digne de remarque, c’est que les deux voyelles du mot hébreu qui signifie “un” dans ce verset sont figurées la première par trois points ·.·, la seconde par les mêmes trois points intimement unis, tellement unis qu’ils ne forment qu’un seul corps τ.

« Une autre remarque que l’on peut regarder comme la confirmation de la première, c’est que dans les anciens manuscrits des paraphrases chaldaïques, le nom ineffable Jéhova est remplacé par trois points souscrits de cette même seconde voyelle :  Quelquefois cette figure déjà si significative est renfermée dans un cercle  pour mieux marquer l’unité des trois.

« Enfin l’ancienne synagogue indiquait la Divinité par la lettre schin, qui n’est autre chose que trois points unis par une ligature ש. Cet usage s’est conservé parmi les cabalistes. »

Voici maintenant quelques textes talmudiques indiquant bien que telle était la croyance dans les anciennes traditions juives.

« Behhaï (Espagne, XIIIe siècle) dit dans son commentaire, d’après la tradition, que Moïse commande dans ce texte (Écoute, Israël, etc.) de croire que les trois attributs généraux de la Divinité sont unis en un ; savoir, l’Éternité, la Sagesse, la Prudence. Voilà bien la Sainte Trinité, il est impossible de s’y méprendre. Le Père éternel, la Sagesse éternelle, l’Esprit de conseil et de prudence. »

« R. Aron, surnommé le Grand, et qualifié par les rabbins de grand cabaliste, chef de l’académie de Babylone, par conséquent antérieur au XIe siècle, dit dans son livre De la ponctuation : « Aucun homme, quelques efforts qu’il fasse, ne pourra se former une véritable idée du triple nombre qui subsiste dans la manière d’être, dans l’essence de Dieu ; à cet effet, ferme ta bouche et ne cherche pas à expliquer cette disposition naturelle de son être. C’est pour annoncer ce mystère sublime que dans le verset : Écoute, ô Israël, Jéhova, Elohenu, Jéhova est un, la dernière voyelle est un Kametz, T. Or, Kametz signifie clore, comme si le texte disait : Clos ta bouche et n’en parle pas. »

Le Zohar nous dit encore : « Il y a deux auxquels s’unit un, et ils sont trois, et étant trois, ils ne sont qu’un. Il nous dit : Ces deux sont les deux Jéhova du verset : Écoute, Israël. Elohenu vient s’y joindre. Et c’est là le cachet du sceau de Dieu : VÉRITÉ. Et comme ils sont joints ensemble, ils sont un dans l’unité unique. »

Dans le même livre se trouve encore ce passage significatif. « Le premier Jéhova, c’est le point suprême, principe de toutes choses. Elohenu mystère de l’avènement du Messie. Le second Jéhova joint ensemble la droite et la gauche, dans une jonction d’unité. »

On rapproche tout naturellement ces expressions de ces paroles de David : « Le Seigneur dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite. »

 

 

 

§ III – Explication du nom divin Jéhova.

 

 

Ce mot sacré a été l’objet de bien des discussions. On a écrit des volumes sur la manière de le prononcer, sur sa signification littérale, sur le mystère qui l’enveloppait, etc. Ces discussions n’entrent pas dans notre cadre. Nous suivrons seulement M. Drach dans l’interprétation traditionnelle de ce nom divin.

« Le nom ineffable tetragrammaton (nom de quatre lettres) ne contient, ainsi qu’on va le voir, que trois lettres différentes ; la quatrième est la même que la seconde répétée. Nous allons examiner la valeur de chacune de ces quatre lettres, d’après la doctrine de la plus haute théologie de la synagogue, appelée la tradition secrète, la Cabale. »

Tout le monde connaît, au moins de vue, ce mot particulier que l’Église catholique aime à graver souvent sur le fronton de ses temples, au-dessus des autels, et jusque sur ses vases sacrés. Le plus souvent il occupe l’intérieur d’un triangle, de cette manière .

Voici donc, d’après M. Drach, la signification traditionnelle des quatre caractères qui composent ce mot :

« 1° Yod. Cette lettre désigne le principe premier, et se rapporte au degré de la royauté de Dieu. Elle est en elle-même un simple point qui n’a point de figure déterminée, et rien ne peut lui ressembler, parce que nul ne peut concevoir ni scruter l’Essence éternelle qu’elle désigne. La dérivation de son nom est yodu, qui signifie qu’ils louent, car toutes nos louanges et nos bénédictions doivent aboutir à ce point divin...

« La même lettre est appelée encore point intellectuel et formel, incompréhensible pour toute créature, point qui se dérobe aux yeux de l’intelligence de tous les êtres vivants, de telle manière qu’il n’est pas permis à l’homme de le soumettre à sa méditation. Il est tenu de croire sans comprendre ; car la nature, l’essence du point principe reste insaisissable pour l’âme intelligente, tant que celle-ci n’est pas dans le ciel en présence de Dieu.

« Enfin cette lettre est appelée, dans le langage mystique, le mystère, ou plutôt l’occultation de la Sagesse, dont les Sages ont dit : N’approfondis pas ce qui est occulte pour toi, et ne cherche pas à pénétrer ce qui t’est caché. »

D’après le Zohar, « le point primitif du yod est la couronne suprême. Dans notre écriture il s’étend de manière à avoir au-dessous de lui un corps, qui est la Sagesse céleste ; ce corps se termine par un autre point, qui est la prudence céleste : cependant ces trois ne sont ensemble qu’une lettre unique, un point unique. »

« 2° Hé. Cette lettre est fondée sur la puissance divine aussi bien que sur la royale majesté de Dieu. C’est d’elle que procèdent les splendeurs qui sont au-dessous d’elle, comme elle-même procède des splendeurs qui sont au-dessus d’elle.

« La configuration de cette lettre offre une ouverture par le bas et une ouverture par le haut, plus étroite et sur le côté, pour indiquer que les hommes, entraînés en enfer par leurs péchés, peuvent, par la vertu de cette lettre, éviter la perdition qui les menace, et monter au séjour céleste de la gloire éternelle. Mais on descend facilement et l’on monte difficilement.

« Ceci n’a pas besoin d’explication. Qui ne reconnaîtra pas d’abord le Verbe éternel, la deuxième hypostase, engendré du Père, et de qui procèdent, en même temps que du Père, ces autres splendeurs que nous appelons l’Esprit Saint...

« Ce hé est appelé la mère, non seulement parce que dans la langue sainte cette lettre est la marque du féminin, de même que le yod, en tant que lettre servile indique souvent le masculin ; mais aussi, et plus particulièrement parce que la vertu divine qu’elle dénote produit, avec celle qui est au-dessus d’elle, une autre vertu divine. Les cabalistes l’appellent donc Mère, parce que la puissance de produire, comme ils s’expriment, lui est communiquée nécessairement par le Père, puisqu’elle en procède par voie de génération. En d’autres termes, et en empruntant les expressions théologiques : La deuxième personne divine est qualifiée Mère, en raison de sa double relation ad alterum ; de principium quod, à l’égard de la troisième personne, et de terminus, à l’égard de la première Personne.

« 3° Vav, troisième lettre du tetragrammaton ; son caractère est de lier par un lien d’amour, car il est la conjonction et ; par suite, il est le mystère d’union, union absolue des vertus célestes. Il a en soi la vie unitive et la communique aux autres. Ainsi que l’annonce sa configuration (un point se prolongeant par un trait descendant), il est l’arbre de vie, il est le fleuve des grâces qui coulent vers tous, la flamme allongée qui va éclairer et embraser les cœurs, tandis que le yod est un charbon ardent formant un point immuable et sans figure déterminée. Il regarde en haut, parce qu’il reçoit son influence de la suprême couronne éternelle, et il se prolonge en bas pour communiquer cette influence à ce qui est au-dessous. Il est la colonne du monde, parce que son essence même est la prudence. Enfin, il s’appelle Esprit et il est fils de yod et de hé.

« Malgré leur langage cabalistico-mystique, les anciens rabbins, dans ces diverses définitions, dessinaient assez nettement le Saint-Esprit.

« 4. Le hé, répété après la troisième lettre, est essentiellement le même que la deuxième lettre. Il est la Divinité terrestre. Il vient se placer à la suite du vav, parce qu’en cet état, il arrive après lui, avec cette différence toutefois, que les trois premières lettres se suivent dans l’ordre du nombre et non dans le temps, tandis que celle-ci est en partie postérieure dans l’ordre du temps aux lettres qui précèdent.

« Nous n’avons pas besoin d’avertir que ce second hé est le Verbe fait homme. La sainte humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ est seule sujette au temps, tandis qu’il ne peut y avoir ni antériorité ni postériorité temporelle entre les trois adorables personnes de Dieu un.

« Il y a deux hé, dit le Zohar, l’un céleste, l’autre terrestre, et c’est toujours la même personne. »

Quant à l’action attribuée à chaque personne, le Zohar dit : « Du Yod résulte la crainte du Seigneur des Seigneurs, je veux dire que l’homme doit le craindre. Du hé résulte la réconciliation de l’homme. Du vav, résulte pour l’homme la fidélité à la loi sainte. Du second hé résultent les œuvres méritoires et l’éloignement du péché. »

« Viens et considère, dit encore le Zohar, qu’il y a des splendeurs qui sont visibles et d’autres qui ne le sont pas. Et les unes et les autres sont un mystère sublime de la foi. Pour celles qui sont visibles, aucun homme n’est parvenu à les connaître avant nos pères ; tel est le sens de ces paroles du Seigneur : J’ai apparu à Abraham... Et quelles sont ces splendeurs visibles ? Ce sont celles du Dieu tout-puissant, celles de la vision céleste. Mais les splendeurs qui sont au-dessus sont cachées à la vue de l’intelligence. Nul homme hors Moïse n’est parvenu à connaître celles-ci. En effet, nous lisons que Moïse a été favorisé du miroir de la lumière. C’est pourquoi le Seigneur dit : Je ne me suis pas fait connaître à eux par mon nom Jéhova ; c’est-à-dire que je ne me suis pas révélé à eux par mes splendeurs d’au-dessus. Viens et considère que ces splendeurs sont au nombre de quatre ; trois restent invisibles et la quatrième s’est manifestée au monde. »

La quatrième qui s’est manifestée au monde est le Verbe ou parole de Dieu qui a été communiquée par la création et par la révélation, et qui devra se communiquer d’une façon plus complète par l’Incarnation.

 

 

 

§ IV. – Un système cabalistique.

 

 

Le système cabalistique du Sepher-Yetzira (livre de la création), que les rabbins attribuent au patriarche Abraham, est entièrement basé sur le dogme de la Trinité divine. Il distingue en Dieu trois numérations générales, lesquelles se confondent dans la numération suprême, et ne forment ensemble qu’une essence ; à savoir :

En-soph, l’infini, l’éternité, ou plutôt l’Être éternel, autrement appelé Kéter-Elion, la couronne suprême ; 2° Hhohhma, la sagesse ; 3° Bina, la prudence. Ces trois numérations suprêmes sont appelées quelquefois, dans les livres cabalistiques, les trois lumières d’en haut, et aussi les trois voies, les trois degrés, les trois branches supérieures, les trois colonnes, etc.

Il n’y a point de Dieu au-dessus de l’En-Soph, disent les cabalistes, parce que le Père est principe aux deux autres, et que nul n’est principe à lui.

1° Texte du Sepher-Yetzira : « La première voie s’appelle intelligence impénétrable, couronne suprême. Elle est la lumière primordiale, intellectuelle ; la gloire première, incompréhensible pour tous les hommes créés. »

« 2° La deuxième voie est l’intelligence illuminative. Elle est la couronne de la création, la splendeur de l’unité égale. Elle est élevée au-dessus de toutes choses. Les cabalistes l’appellent la gloire seconde. »

Rapprochons ces paroles de celles de saint Paul dans son Épître aux Romains. « En ces derniers temps Dieu nous a parlé par son Fils, par qui il a créé les siècles. Et comme il est la splendeur de la gloire, et l’image parfaite de la substance du Père, il est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux. Il est d’autant plus élevé au-dessus des anges qu’il a obtenu un nom plus excellent qu’eux. »

La dénomination voie, adoptée par les rabbins, est conforme au langage de l’Ancien et du Nouveau Testament. « Le prophète Isaïe au chap. XXXV, où il traite de l’avènement du Messie, annonce qu’à cette époque-là, il y aura un sentier et une voie, qui sera appelée la voie sainte. » D’autre part dans l’Évangile de saint Jean, nous lisons que saint Thomas demanda au Seigneur : Comment pouvons-nous connaître la voie ? Jésus lui répondit : C’est moi qui suis la voie, la vérité, la vie. »

3° Texte du Sepher-Yetzira. « La troisième voie s’appelle l’intelligence sainte. Elle est le fondement de la sagesse primordiale qui est appelée foi fidèle, inébranlable. Cette voie est la mère de la foi, car la foi émane de la vertu qui est en elle.

« L’Église est parfaitement d’accord avec les rabbins quand ils enseignent que la foi est un don de la troisième voie de Dieu, du Saint-Esprit, qu’il n’est pas possible de ne pas reconnaître dans ce dernier texte du livre Yetzira. »

Il est évident que nous ne prétendons pas, en recueillant ces explications et en les publiant, leur ajouter une valeur nouvelle. Grâce à la situation occupée par M. Drach dans le monde des hébraïsants, ses explications nous paraissent avoir une très grande autorité ; nous les acceptons telles qu’elles sont, en laissant à de plus habiles le soin de les contrôler. Mais il semble que ces témoignages en faveur du dogme catholique, recueillis par M. Drach parmi les ouvrages des adversaires irréductibles de ce dogme fondamental de la religion catholique, peuvent être d’une très grande utilité en ces temps de lutte apologétique, en montrant que la croyance catholique est vieille comme le monde, et fait partie, pour ainsi dire, du fond même de la nature humaine.

C’est dans le même esprit que nous poursuivons notre travail sur quelques autres points du dogme catholique.

 

 

 

 

 

II

 

 

L’INCARNATION.

 

 

La promesse de l’Incarnation fut occasionnée par le péché d’Adam, dont nous voyons les circonstances dans la Bible elle-même, et sur lequel nous n’avons pas à nous arrêter. Ce qui doit attirer notre attention, conformément à l’idée qui nous a poussé à écrire ce livre, ce sont les circonstances de l’Incarnation et l’idée que s’en fait la tradition juive. Les commentaires talmudiques à ce sujet se rattachent principalement à la prophétie d’Isaïe au roi Achaz, s’écriant à la vue de l’indifférence de ce roi vis-à-vis des encouragements du prophète : « Écoutez donc, vous, ô maison de David : Le Seigneur vous donnera de lui-même un signe qui vous sera un gage certain de la conservation de votre royale lignée. Voici que la Vierge se trouvera enceinte, et elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom de Dieu avec nous : Emmanuel. »

Nous avons, d’après cette prophétie, deux questions à examiner : l’enfantement de la Vierge, et la nature de son Fils.

 

 

 

§ I. – L’enfantement de la Vierge.

 

 

C’est à une curieuse particularité d’orthographe que se rattache la tradition juive sur l’intégrité virginale de la Mère du Messie. Citons toujours M. Drach, qui est notre guide autorisé.

« Pour l’intelligence du sujet que nous avons à traiter dans le présent paragraphe, nous devons prier ceux de nos lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec la langue sainte, de se donner la peine de jeter un regard sur l’alphabet hébreu. Ils y verront que la lettre mem מ, prend à la fin du mot la forme soit d’un carré parfait ם, soit d’un carré long. Le mem ainsi fermé, qui ne se place jamais qu’à la fin des mots, s’appelle, pour cette raison, mem final. La figure se place au commencement et au milieu des mots.

« Les rabbins donnent au mem initial le nom de mem ouvert, et ils désignent le mem final sous le nom de mem fermé, parce qu’il est clos par en bas tandis que le premier ne l’est pas.

« Le texte de la prophétie, où Isaïe annonce la naissance miraculeuse de l’enfant Sauveur, offre une irrégularité frappante dans l’orthographe du premier mot du verset six, lemarbé. Le substantif marbé, précédé de la particule préfixe le, commence par un mem final, ou fermé ; manière d’écrire insolite dont on ne trouve d’exemple nulle part ailleurs dans le code hébreu.

« La synagogue enseignait que ce mem fermé du terme lemarbé indique un grand mystère dans la « manifestation du Messie ; c’est-à-dire la pureté toujours intacte de la glorieuse Mère de Jésus-Christ notre adorable Sauveur.

« Pourquoi, dit le Talmud, traité Sanhédrin, le mem de lemarbé est-il fermé tandis qu’il est ouvert dans tout le reste de l’Écriture ? Parce que Dieu saint, béni soit-il ! n’ayant pas voulu se déterminer à faire d’Ézéchias le Messie... une voix du ciel fit entendre ces mots : j’ai mon secret à moi.

« Ce secret, le Zohar nous l’indique : Le mem fermé se maintient entier comme la mère céleste qui est elle-même ce mem fermé, ainsi que nous le savons par le mystère du mot lemarbé d’Isaïe.

« De même, dit le Talmud, dans un autre livre, que le mem final du nom Adam dénote le Messie..., de même aussi le Messie est indiqué par le mem fermé du mot lemarbé, ainsi que nos docteurs l’ont enseigné. »

Nous ne ferons pas remarquer que l’importance parfois stupéfiante que les traditions juives attribuent aux détails les plus insignifiants, en apparence, de l’Écriture sainte va entièrement contre l’opinion qui tend aujourd’hui à se répandre, que l’inspiration divine n’a pour objet que les vérités proprement religieuses contenues dans l’Écriture sainte ; les docteurs juifs n’étaient pas de cet avis, et s’ils ne voyaient pas clairement la virginité intégrale de la Mère du Messie, ils savaient au moins qu’il y avait là un mystère profond touchant le mode de la naissance du Messie.

D’ailleurs l’enfantement de la Vierge est clairement indiqué par les termes dont se sert le prophète Isaïe. Il ne nous appartient pas de faire une thèse pour démontrer que le terme Alma de l’hébreu désigne une vierge dans toute l’acception du mot : Vierge de corps et d’esprit. M. Drach le trouve d’une façon péremptoire, contre tous ceux qui, en ce siècle, ont voulu mettre en doute la signification absolue de ce mot. Après l’avoir démontré philologiquement, il montre, par de nombreuses citations, que telle a toujours été l’opinion des docteurs juifs et des hébraïsants les plus habiles. Nous allons lui emprunter quelques-unes de ses citations qui démontrent que le terme Alma du prophète désigne une jeune vierge dont l’innocence n’a jamais reçu la moindre atteinte, et n’a jamais eu aucune communication avec les individus de l’autre sexe.

« J’ai beau chercher dans ma mémoire, dit saint Jérôme, je ne trouve point que le texte hébreu emploie jamais le mot Alma pour dire une femme mariée, mais bien une vierge : une personne non seulement vierge, mais jeune et dans l’âge de l’adolescence... »

« Que les Juifs nous montrent donc un seul endroit des Écritures où Alma signifie simplement jeune personne, et non pas vierge, alors nous leur accorderons que le verset d’Isaïe ne doit pas se traduire comme nous l’interprétons : Voici que la Vierge concevra et enfantera, en l’expliquant d’une vierge retirée, mais qu’il faut rendre le terme de ce texte par une jeune femme déjà mariée. »

« Je sais, dit ailleurs le même Père, que les Juifs nous objectent souvent que le terme hébreu Alma ne signifie pas une vierge, mais une jeune femme en général. Et, effectivement, le terme propre en hébreu, pour dire vierge, c’est Bethula. Une adolescente, ou jeune fille, n’est pas ordinairement nommée Alma, mais Naara. Quelle est donc, demandera-t-on, la signification d’Alma ? La voici : Une vierge cachée, retirée, c’est-à-dire, non pas vierge simplement, mais vierge dans toute l’extension du mot. Car, toute vierge n’est pas cachée, n’est pas à l’abri de la rencontre fortuite des hommes.

« Enfin, dans la Genèse, Rébecca est qualifiée d’Alma et non de Bethula, à cause de sa grande chasteté et parce que dans son état de pureté virginale elle était la figure de la sainte Église.

« Oui, que les Juifs me montrent que des femmes mariées soient appelées de ce nom quelque part dans l’Écriture, et je confesserai mon ignorance. »

Le témoignage de saint Jérôme qui avait appris, des rabbins juifs eux-mêmes, la langue hébraïque doit avoir une grande autorité. Nous n’ignorons pas que cette autorité est contestée. Mais pourquoi est-elle contestée ? sinon parce que des Juifs postérieurs à saint Jérôme sont venus s’inscrire en faux contre lui et se sont servi dans leurs écrits d’affirmations qui n’existaient pas lorsque leurs ancêtres n’avaient aucun intérêt à dénaturer les antiques traditions. Si nous tenons compte de la mauvaise foi qu’ils ont montrée dans la rédaction des ouvrages traditionnels qui ont été écrits plus tard, nous serons d’accord avec Rosenmüller que l’on ne pourra pas accuser de parti pris en faveur du catholicisme et qui écrivait pourtant : « D’après la seule manière de parler, il est de l’évidence la plus absolue que le terme Alma ne s’est jamais employé pour désigner une femme mariée. »

De son côté, un hébraïsant célèbre, le fameux Luther, a écrit : « Si jamais un Juif ou un hébraïsant peut me montrer qu’Alma signifie quelque part une femme mariée, ou une femme quelconque, il recevra de moi cent florins, s’il plaît à Dieu, quelque part qu’il faille les trouver. »

Cette signification précise et arrêtée du terme Alma, dont s’est servi le prophète Isaïe, nous montre donc qu’il s’agit ici d’une Vierge dans la plus absolue signification du mot : Vierge de corps et d’esprit, gardée avec un soin jaloux et indéfectible contre tout contact avec les hommes et tout désir contraire à la plus pure innocence.

Qu’une vierge, dans ces conditions, ait dû enfanter, ce devait être un grand miracle, un grand signe : et les Juifs le comprenaient bien ainsi ; ils savaient donc ce mystère de la virginité de la Mère du Messie. Nous en trouvons une preuve dans leur attitude en face de la sagesse de Jésus, lorsque, voyant ses œuvres, entendant ses paroles, ils se disaient : N’est-ce pas là le fils de Joseph ? Il n’y a aucun doute que cette paternité apparente de Joseph n’ait été pour beaucoup dans leur refus de le reconnaître pour celui qui devait venir. C’était une précaution divine en vue du sacrifice nécessaire, sur laquelle nous n’avons pas à discuter. Il suffit de constater que les Juifs savaient parfaitement que le Messie attendu devait naître d’une Vierge véritable. Il nous reste à voir quelle nature devait avoir, d’après les Juifs, le Fils de la Vierge.

 

 

 

§ II. – Nature du Fils de la Vierge.

 

 

D’après le prophète Isaïe, ce fils devait s’appeler « Dieu avec nous, Emmanuel ».

Ici encore, comme on peut s’y attendre, il y a, entre les rabbins juifs, quelques divergences de vue sur l’application exacte de ce mot si clair en lui-même.

« L’Esprit-Saint inspirera la Vierge, dit le R. Salomon Jarhi, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel, pour signifier que notre Créateur sera avec nous. »

« Du jour qu’il naîtra, dit R. Kimhi de son côté, vous aurez la paix et Dieu sera avec vous. C’est pour cela qu’elle appellera son nom Emmanuel. »

On peut se poser cette question : Les docteurs juifs entendent-ils que ce Dieu avec nous est identique à celui qui reçoit le nom d’Emmanuel ?

On ne peut pas l’inférer avec évidence des paroles que nous venons de citer, car il est arrivé que des hommes ont reçu des noms signifiant des choses qu’ils ne devaient pas faire eux-mêmes.

Mais, d’autre part, le prophète Isaïe, dans le chapitre suivant ne permet aucun doute sur l’identité de l’enfant qui reçoit le nom d’Emmanuel et du Messie promis, quand il dit, en parlant de l’invasion du roi d’Assyrie : « De ses ailes étendues, il couvrira toute la surface de votre terre, ô Emmanuel. » À qui appartenait la terre d’Israël et de Juda, sinon à Dieu ! Cet Emmanuel est donc bien Dieu lui-même, le véritable roi du royaume d’Israël. Les Juifs le savaient bien, et malgré les efforts qu’ils ont faits par la suite pour expliquer autrement la prophétie en attribuant à un fils même d’Isaïe le nom d’Emmanuel, ils ne sont arrivés à rien de logique. D’ailleurs, le nom d’Emmanuel, en revenant sur les lèvres du prophète, lui a montré les triomphes prochains du peuple juif sous la protection de Dieu, et cet Emmanuel reçoit des noms qui ne laissent aucun doute : « Il sera appelé Admirable, Conseiller, Dieu fort, Père du Siècle futur, Prince de la paix. »

Écoutons plutôt la paraphrase chaldaïque : « Le prophète dit à la maison de David : un enfant nous est né, un fils nous a été donné, et il s’est soumis à la loi sainte. Et son nom a été dès avant les siècles : Admirable dans les conseils, Dieu, puissant, existant éternellement ; Messie dans les jours duquel la paix se multipliera, ou sera grande sur nous. »

« Le nom du Messie, dit le Talmud, a été créé avant la création du monde ; car il est écrit : Son nom est éternel, avant le soleil il avait nom le Fils, l’Engendré. »

« Cela veut dire, dit un rabbin, qu’avant la création du monde Dieu avait déjà décidé de former le Messie ; car le monde ne saurait exister sans lui. »

« Le sens est, dit encore le R. Samuel Edeh, que, du temps du Messie, le nom tétragrammaton, nom de Dieu saint, béni soit-il ! sera fréquent dans la bouche de tout le monde, car le Messie portera aussi ce nom, ainsi que cela est enseigné dans le chapitre haescephina : Le Messie, y est-il dit, sera appelé du nom du Dieu saint, béni soit-il ! car il est écrit : Et voici le nom dont on l’appellera : Jéhova notre justice..... Et l’on appellera son nom, l’Admirable, et le reste, dit ailleurs le même rabbin. Tous ces noms s’adaptent exactement au Messie. »

La double nature du Messie, nature divine et nature humaine, est donc reconnue et confessée par la tradition juive qui, lorsqu’elle est sincère avec elle-même, s’écrie (Talmud, traité Médrasch-Rabba) : « Et moi je chanterai votre puissance, ô mon Dieu. Ceci aura lieu dans les jours du Messie, car il est dit : Voici le Dieu mon Sauveur, je prends confiance et ne crains point. »

En commentant cette affirmation du prophète : Le Messie s’appellera Jéhova notre Juste, le Talmud ne nous laisse, par une foule de ses passages, aucun doute de la conformité de ses rédacteurs avec les chrétiens.

R. D. Kimhhi : « Israël appellera le Messie, notre Juste ; car, à commencer de ses jours, la justification de Jéhova demeurera avec nous et ne nous quittera plus. »

« Le même rabbin, dans son commentaire sur le ps. CXXXII, 17, répète que ce verset de Jérémie a trait au Messie, lequel, dit-il, portera le nom de Jéhova notre juste. »

Une foule d’autres rabbins parlant exactement dans le même sens sont cités par M. Drach. Par le fait qu’ils affirment que le Messie s’appellera Jéhova, qu’il portera, comme lui appartenant, ce nom incommunicable à tout autre qu’à Dieu, les rabbins avouent expressément la divinité du Messie attendu par eux.

« Moïse loue Israël en ces termes, dit R. Ammi : Quel peuple est comme toi, sauvé par Jéhova ? Quel est le prix de la rédemption d’Israël ? Dieu lui-même. Dieu leur dit : Dans ce siècle, avant la venue du Christ, vous n’avez été sauvés que par des hommes. En Égypte, par Moïse et Aaron ; aux jours de Sisara par Débora et Barac ; lors de l’oppression des Madianites, par les Juges. Mais comme ces sauveurs n’étaient que des hommes, vous retombiez en servitude. Il en sera autrement dans le siècle futur, lors de l’avènement du Christ ; je vous sauverai alors moi-même, et vous ne retomberez plus en servitude ; car il est écrit : Israël est sauvé éternellement par Jéhova. »

 

 

 

§ III. Nature du royaume Messianique.

 

 

La véritable nature du royaume messianique n’a pas échappé aux rédacteurs des vraies traditions. Au second livre des Rois, « Dieu fait dire à David par le prophète Nathan que ce ne sera pas lui qui bâtira le temple comme il en avait le dessein. Jéhova te promet, continue le prophète, qu’il réserve à ta famille de hautes destinées. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras avec tes pères, je susciterai ton fils qui viendra après toi, qui sortira de toi, et j’affermirai son règne. Ce sera lui qui bâtira un temple à mon nom, et j’affermirai le trône de son règne jusqu’à l’éternité ; je lui serai Père et il me sera Fils. Dans son état de péché, je le châtierai avec la verge des mortels et par les plaies des fils d’Adam. Mais mon affection ne le quittera jamais, comme je l’ai retirée à Saül que j’ai rejeté pour te mettre à sa place. Ta maison et ton règne seront stables devant ta face jusqu’à l’éternité ; ton trône sera affermi jusqu’à l’éternité. »

« Il n’est pas possible que celui qui lit avec bonne foi les paroles de cette prophétie ne voie tout d’abord qu’elle regarde le Salomon spirituel (Salomon signifie prince de la paix) fondant l’Église spirituelle, Église qui durera autant que les siècles, plutôt que le Salomon typique construisant le temple de Jérusalem, temple périssable et à jamais ruiné. Ce dernier, qui a commencé à régner du vivant de son père, ne peut pas être, dans l’exacte application, celui que Dieu a promis à David de lui susciter après qu’il aura accompli ses jours, et quand il reposera déjà avec ses pères ; il ne peut pas être celui dont le règne doit être affermi et durer jusqu’à l’éternité. »

Les docteurs juifs l’ont parfaitement compris ainsi.

R. Isaac Abarbanel : « Il y en a qui appliquent cette vision aux jours du Messie qui sera de la postérité de David. Et c’est lui qui bâtira le temple de Dieu, et qui aura cette royauté stable, qu’il ne perdra jamais. C’est pourquoi le texte dit : Nathan le prophète parla donc à David selon toute cette vision. Car c’était une vision grande. Et David aussi dit au Seigneur dans ses actions de grâces : Et tu as fait aussi des promesses à la maison de ton serviteur pour les temps éloignés. Allusion au Messie fils de David. »

R. Moïse Aloehehh : « Au vrai, il est connu qu’on ne peut appeler temple de la demeure du Seigneur que celui qui sera stable, qui subsistera éternellement, tel que le troisième temple que nous espérons voir bientôt et de nos jours. Et, pour cette raison, ce dernier ne sera pas un édifice de pierres, mais il sera façonné au ciel par Jéhova même. Car c’est une tradition entre les mains de nos docteurs d’heureuse mémoire que le troisième temple descendra spirituel des cieux. Ceci s’explique parmi nous par l’échelle posée à terre, figure du troisième temple, que Jacob a vue en songe. Cette échelle désigne le troisième temple, voilà pourquoi ce texte ne dit pas qu’elle était posée sur la terre, mais à terre, pour exprimer son mouvement vers la terre. En effet, cette échelle dressée, qui unit l’en-haut avec l’en-bas, descendra du ciel jusqu’à la terre. Car l’édifice digne de la demeure de Dieu n’est pas celui qu’on bâtirait maintenant, mais celui qui est spirituel. Dieu le fera descendre du ciel et le revêtira ici. Tel est le sens de ces paroles du Seigneur (II Rois. VII, 10) : Et je disposerai un lieu pour mon peuple d’Israël. C’est-à-dire, ce qui, maintenant, n’est pas un lieu (ne tombe pas sous les sens), car il est tout spirituel dans les cieux et n’a rien de matériel, j’en ferai un lieu sur la terre, en faveur des Israélites, mon peuple. Je le revêtirai de manière qu’il soit à leur portée, puisqu’ils sont matériels eux-mêmes. »

Ces documents suffisent pour montrer au lecteur combien l’idée catholique sur la personne de Jésus-Christ et sur son royaume messianique est conforme aux plus vénérables traditions.

 

 

 

§ IV. – Époque de la naissance du Messie.

 

 

À cette question se rattache naturellement celle du temps où, selon les anciennes traditions juives, le Messie devait venir. Voici in extenso la note de M. Drach.

« Le Talmud, traité Sanhédrin, fol. 97, recto et verso, rapporte une tradition qu’il fait remonter jusqu’à Élie, le prophète, et qui fixe l’époque de la venue du Messie précisément au temps où s’est incarné le Verbe éternel.

« Il a été enseigné à l’académie d’Élie que la durée du monde est de six mille ans (chaque prophète avait une école de disciples qui s’étaient attachés à ses pas. Il leur expliquait les mystères cachés, sous les figures de l’Ancien Testament).

« Deux mille ans d’anarchie, deux mille ans de la loi sainte, deux mille ans des jours du Messie.

« Glose de Rabbi Salomon Yarhhi.

« Deux mille ans d’anarchie, parce que la loi sainte n’ayant pas encore été donnée, le monde se trouvait dans une sorte d’anarchie.

« Et il est prouvé par le texte que depuis Adam, le premier homme, jusqu’à ce qu’Abraham atteignît l’âge de cinquante-deux ans, il y a deux mille ans. Après ces deux premiers mille ans, Abraham commença à observer la loi sainte ; car il est écrit : Et les âmes qu’ils avaient acquises à Haran (Genèse, XII, 5) : parole que la paraphrase chaldaïque rend ainsi : Les âmes qu’ils avaient assujetties à la loi sainte dans Haran. Et il est dit dans Aboda-Zara : Il est de tradition qu’à cette époque Abraham avait cinquante-deux ans.

« Et deux mille ans de la loi sainte. C’est-à-dire, depuis la conversion des âmes à Haran jusqu’au temps du Messie, quarante-huit ans jusqu’à la naissance d’Isaac ; soixante ans depuis la naissance d’Isaac jusqu’à celle de Jacob, font cent huit. Plus cent trente ans qu’avait Jacob lors de sa venue en Égypte, font deux cent trente-huit ans. Plus deux cent dix ans que les Israélites ont demeuré en Égypte, font quatre cent quarante-huit ans. Et depuis la sortie d’Égypte jusqu’à la construction du premier temple de Jérusalem, il y a quatre cent quatre-vingts ans ; car il est écrit : Or, l’an quatre cent quatre-vingts de la sortie des enfants d’Israël de l’Égypte, et le reste (I Rois, VI, 1). Voilà neuf cent vingt-huit. Plus quatre cent dix ans de la durée du premier temple, ainsi qu’il est prouvé par l’Écriture, d’après le calcul des règnes des rois de Juda. Plus soixante-dix de la captivité de Babylone, et quatre cent vingt ans pendant lesquels a existé le second temple. Ces différentes sommes forment un total de deux mille moins cent soixante-douze. Or, c’est précisément cent soixante-douze ans avant l’an quatre mille de la création que le temple fut ruiné ; et au bout de ces cent soixante-douze ans finit le règne de deux mille ans de la loi sainte.

« Nous ajouterons, dit M. Drach, à cette glose quelques observations.

« 1° La tradition d’Élie enseigne clairement que la loi de l’Ancien Testament, la loi de rigueur, la loi typique, ne devait être obligatoire que jusqu’au temps du Messie. En effet, ce Divin Personnage en a prononcé la clôture, si l’on peut s’exprimer ainsi, en disant Consommatum est.

« 2° Selon cette même tradition, le Messie devait venir après les seconds deux mille ans. Or, comme l’Incarnation et la naissance de Notre-Seigneur coïncident avec cette époque, les rabbins, pressés par la tradition, enlèvent infidèlement deux cent quarante ans de la chronologie universelle en fixant arbitrairement la fin des deux premiers mille ans à la cinquante-deuxième année de la naissance d’Abraham. Mais le mensonge ne se soutient pas ordinairement parce qu’il est difficile qu’il ne se contredise pas. Une indiscrétion des rabbins trahit le vol d’années qu’ils veulent nous faire, et qu’ils réduisent pour plus de commodité à un nombre rond. Nous avons vu que, d’après les anciennes traditions que les rabbins mêmes nous ont conservées dans leurs livres (Talmud, traité Yotna, fol. 39 ; traité Sanhédrin, fol. 41 ; traité Abada-Zara, fol. 8), quarante ans avant la ruine du second temple, la loi de Moïse avait cessé d’être exécutoire dans son entier. Le Sanhédrin n’avait plus toute son autorité ; les principales choses manquèrent dans le temple où même la séparation du Saint des Saints n’existait plus, par suite du déchirement miraculeux du voile. Or, Messieurs les rabbins, vous voyez vous-mêmes que le règne de la loi n’a pas fini cent soixante-douze ans après la ruine du temple, ainsi que vous l’affirmez, mais bien avant cet évènement.

« Restituez, s’il vous plaît ! ci – 172 ans.

« D’après la Tradition dont vous ne sauriez refuser l’autorité, quarante ans auparavant la loi ne s’exécutait plus dans toutes ses dispositions. Ne faites pas de façons et rendez, ci – 40 ans.

« Aux termes de la même Tradition, la fin du règne de la loi devait remonter à la naissance du Messie. Or, lors du déchirement du voile du temple, Jésus-Christ, le Sauveur attendu d’Israël, était venu sur la terre depuis trente-trois ans. »

Or, 172 + 40 + 33 = 245 ans : soit en négligeant les unités à l’exemple des rabbins, les 240 ans enlevés par eux à la chronologie universelle.

 

 

 

 

 

III

 

 

L’ÉTERNITÉ DE DIEU ET L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME

 

 

On entend dire assez couramment que le dogme de l’éternité et le dogme de l’immortalité de l’âme, qui en est pour ainsi dire la conséquence, n’étaient pas acceptés par les Juifs, et à l’appui de ce dire, on invoque l’Écriture, où, dit-on, il n’en est jamais fait mention d’une façon formelle.

Nous dirons d’abord que, s’il n’est jamais ordonné formellement dans l’Écriture de croire à l’immortalité de l’âme, il en est du moins parlé comme d’une chose acceptée et d’une connaissance certaine. Et la manière de parler de la Sainte Écriture à cet égard, comme à l’égard de plusieurs autres vérités, suppose un autre enseignement, l’enseignement traditionnel, qui, dans la Synagogue comme dans l’Église catholique, est réputé plus nécessaire et plus important que l’enseignement scripturaire.

Voici d’abord à cet égard les affirmations des traditions juives sur l’Éternité de Dieu.

M. S. Bloch, dans son traité de La foi d’Israël dit : « Le Très-Haut n’a ni commencement ni fin. Au-dessus de l’espace qu’il a créé, il est également au-dessus des temps dont il a réglé la marche pour la vie limitée de ses créatures. Voici ce que dit l’Éternel, le Roi d’Israël et son Sauveur, l’Éternel Zébaoth : « Je suis le premier et je suis le dernier (Is. XLIV, 6). » « Tu es, et tes années ne finissent point (Ps. CII, 28). » « Dieu ne vieillit ni ne faiblit point. Sa force et sa puissance sont éternellement les mêmes, et si elles ne sont pas toujours visibles, et ne se manifestent pas toujours avec le même éclat, c’est que notre regard, obscurci par la matière, ne les aperçoit point. »

D’après une tradition puisée aux sources de la Cabale juive, l’Éternité divine est figurée par un serpent replié sur lui-même en forme de cercle, prenant sa queue dans sa bouche, de telle sorte que lorsqu’il paraît finir il recommence.

En ce qui concerne l’immortalité de l’âme.

Léon de Modène, rabbin de Venise, dit dans son livre Des cérémonies et coutumes des Juifs : « Après avoir dit que les Juifs prient pour les âmes des morts, il faut en dire la raison. Ils croient donc qu’il y a un paradis qu’ils nomment Gan-hedem, où les bienheureux jouissent de la gloire dans la seule vision de Dieu. Pour l’enfer qu’ils appellent Gheinam, ils croient que là les âmes des méchants sont tourmentées par le feu et par d’autres supplices. Il y en a de damnés pour toujours à souffrir ces peines sans espérance d’en sortir jamais ; d’autres qui n’y sont seulement que pour un temps, et c’est ce qu’on nomme le purgatoire, qui n’est pas distingué de l’enfer par le lieu mais par le temps...

« Il y a des Juifs qui croient, comme Pythagore, que les âmes passent d’un corps à un autre, ce qu’ils nomment Ghilgul, et tâchent de s’appuyer de plusieurs passages de l’Écriture tirés la plupart de l’Ecclésiaste et de Job. Mais cette opinion n’est pas universelle, et soit que l’on en soit ou que l’on n’en soit pas, on n’est point tenu pour hérétique.

« Ils croient à la résurrection des morts, et c’est un de leurs treize articles de foi d’être persuadé que tous les morts ressusciteront à la fin du temps, et qu’ensuite Dieu fera un jugement universel de tous les hommes en corps et en âme, comme il est écrit au livre de Daniel (XII, 2) : Et la multitude de ceux qui dorment dans la poussière s’éveilleront, les uns à la vie éternelle, et les autres à la confusion et à l’ignominie éternelle. »

Voici le treizième article de foi, tel qu’il a été formulé par Maïmonide : « Je crois avec une conviction entière qu’il y aura une résurrection des morts, à l’époque décidée dans la volonté du Créateur, béni soit son nom et exaltée soit sa mémoire à tout jamais et de toute éternité ! »

« D’après le Talmud (traité Bab. Bathra), dit l’abbé Rohling, il n’y a que les justes, c’est-à-dire les juifs, qui sont admis au ciel : les impies sont jetés en enfer. Ici, il n’y a que fange et pourriture, pleurs et ténèbres ; en chaque demeure de l’enfer se trouvent 6000 caisses, et dans chaque caisse 6000 tonneaux remplis de fiel. L’enfer est soixante fois plus grand que le paradis ; car tous les incirconcis, en particulier les chrétiens, qui remuent les doigts (qui font le signe de la croix), ainsi que les mahométans qui lavent seulement les mains et les pieds, mais non le cœur, sont jetés en enfer, pour y rester éternellement. »

L’intelligent lecteur n’a pas besoin que l’on appelle son attention sur ce qu’il y a de ridicule dans ce passage : notre but en le citant est de montrer qu’au fond de ces absurdités il y a des traditions constantes qui sont absolument conformes, quant à la croyance et l’idée fondamentale, avec la croyance chrétienne.

L’éternité de Dieu et l’immortalité de l’âme, ainsi que les dogmes de la résurrection, du jugement, du ciel, du purgatoire et de l’enfer, font donc partie de l’antique tradition juive. En les conservant, les Juifs sont d’accord avec de nombreux textes de la Bible : « Je descendrai en pleurant rejoindre mon fils dans l’Enfer, disait Jacob » ; et quoique cette expression ait été interprétée dans le sens de tombeau par quelques hébraïsants avec Calvin, il est certain qu’il s’agit d’un séjour des âmes séparées, et cette traduction est conforme au texte hébreu et à la version des Septantes.

On a dit aussi que cette croyance à l’immortalité de l’âme a commencé à se faire jour dans les derniers siècles du royaume de Juda. Cependant Salomon avait dit déjà (Prov. XIV, 32), que « Le juste espère même dans la mort ».

Bien avant lui, Jacob en mourant disait : « J’attends de vous Seigneur, ma délivrance et mon salut. » Il est évident qu’il ne s’agissait pas de guérison.

Moïse défend d’interroger les âmes des morts. Malgré cette défense, Saül interroge l’âme de Samuel, qui lui répond : « Demain vous serez avec moi. »

Dans le Deutéronome, Moïse défendait encore de faire des offrandes aux morts. Il nous fait donc entendre aussi clairement que s’il l’affirmait en propres termes que de son temps on croyait à la survivance des âmes. Comment expliquer ces offrandes, ces interrogations si l’on ne croyait pas à leur survivance ?

Plus tard, Élie, en voulant ressusciter un enfant, fit à Dieu cette prière : « Seigneur, faite que l’âme de cet enfant revienne dans son corps. »

Par conséquent, nous pouvons conclure, par l’accord des livres les plus anciens de la Bible avec les traditions séculaires acceptées encore maintenant par la Synagogue, que toujours les Juifs ont cru à l’immortalité de l’âme.

 

 

 

CONCLUSION

 

 

Notre cadre se trouve rempli. Le lecteur sera convaincu que l’Église catholique n’a rien changé à la religion primitive et qu’elle reste conforme à la tradition juive de la manière la plus absolue : l’Unité de Dieu, la Trinité divine, sont deux dogmes acceptés et crus depuis le commencement du monde ; l’Incarnation, avec tous les mystères qui l’accompagnent, apparaissait aux Juifs dans l’avenir exactement comme nous la connaissons dans le passé ; le Royaume messianique spirituel comportant l’éternité de Dieu et l’immortalité de l’âme comme nécessaires à sa réalisation a toujours été une chose reconnue par les docteurs juifs sous les symboles matériels qui le figuraient.

Faut-il accuser de mauvaise foi les juifs qui renient leurs traditions et les rationalistes qui prétendent que l’humanité s’est formé une religion progressive se développant avec le temps ? Nous plaindrons seulement l’ignorance de ceux-ci et l’aveuglement de ceux-là.

Nous n’avons pas insisté pour montrer combien toutes les traditions juives ont trouvé leur accomplissement dans la personne de Jésus-Christ. Les yeux les moins clairvoyants le verront avec évidence. Nous laissons donc au lecteur le soin de tirer la conclusion, et nous nous estimerons heureux si ce modeste travail peut contribuer à faire vénérer nos dogmes et à faire donner dans quelques nouveaux cœurs un trône à Jésus-Christ le Roi-Messie.

 

 

 

A.-F. SAUBIN, Le dogme chrétien

dans la religion juive, 2e édition, 1900.

 

 

 

 

 

 

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