René-Albert Fleury

(1877-1950)

 

Notice biographique extraite de :

Gérard WALCH, Poètes nouveaux, Delagrave, 1924.

 

 

 

 

Né en 1877 à Donzy (Nièvre), René-Albert Fleury habita jusqu’à l’âge de neuf ans Paris, Donzy et Nevers. En 1886, son père étant devenu fonctionnaire, il se trouva transporté en Champagne, où il commença ses études classiques, continuées à Dôle (Jura), à Dinan et à Saint-Malo (Bretagne). Il les acheva à Rennes et à Paris. Licencié ès lettres, admissible à Normale et non reçu, il prépara quelque temps l’agrégation en Sorbonne, mais c’était un travail excessif, et faire des vers, tout en gagnant l’indispensable pain et le nécessaire gîte, lui parut préférable. En 1900, il entra au ministère de l’Intérieur, qu’il ne quitta qu’en 1904 pour se rendre dans le Midi, où un préfet l’avait attaché à son cabinet. Il fut par la suite secrétaire général de la Préfecture, à Limoges (Haute-Vienne). Authentique porte-lyre, « songe-lune » comme il se plaisait à dire lui-même, il donnait à la poésie tous les loisirs que lui laissaient ses fonctions administratives.

René-Albert Fleury aimait passionnément les littératures grecque et latine, toute l’Antiquité païenne et le grand art gothique tel qu’il se manifeste dans les cathédrales de Paris, de Reims, Amiens, Chartres, etc., sur lesquelles il publia, en 1902, dans La Plume, un article remarquable. Le fantastique aussi a toujours attiré cet imaginatif, qui avouait adorer les contes arabes des Mille et une Nuits. Ses curiosités l’avaient, d’ailleurs, porté de bonne heure non seulement vers les études esthétiques et artistiques, mais encore vers la sociologie, la philosophie et, surtout, vers le psychisme. Il avait même alors donné des pages aux quelques revues où l’on traite du supranormal. « On m’en a raillé, nous écrivait-il naguère, mais j’ai laissé rire et dire. » Et jusque dans son dernier livre, nous trouvons des traces fréquentes de ses graves préoccupations de l’Au-delà, qui lui ont inspiré de beaux vers, tels ceux-ci empruntés à son poème Les Frontières de l’Amour :

            L’Âme au terme du sort ne sera plus soumise

            À cette dure loi de naître par le sang.

            Elle aura dépouillé la grossière chemise

            Pour vêtir le lin fin de l’éther frémissant.

 

            Or l’éther, c’est l’espace et la force vivante;

            C’est ta subtile trame, incorruptible corps,

            Corps astral, etc.

 

Le premier volume de vers de René-Albert Fleury, Les Ombres et les Ors, paru en 1908, contient des pièces délicatement ouvrées, bien rythmées, empreintes d’un sentiment vrai et profond, et qui disent l’éveil de l’âme du poète à la vie, ses premiers enchantements, ses rêves dorés et ses plus amères désillusions.

Dans ses Chansons de la Vie et de la Mort (1908), aux rythmes toujours harmonieux et divers, se trouve enclose une pensée approfondie par le doute et très heureusement influencée par le pur poète du Chariot d’Or. Ce livre, fait avec la chair et le sang du poète, jeune encore malgré son expérience de la vie, n’est autre chose, en somme, que les inquiétudes, les rares joies et les graves tourments de sa vie de sensitif mués en poésie. Par-ci, par-là, des rayons de soleil irisent de mille feux purs et joyeux de fraîches gouttelettes de rosée, mais la plupart de ses jours sont, comme il le dira plus tard lui-même, « des améthystes aux dures montures de fer ».

Le Cadavre et les Roses (1909) et un quatrième volume, au titre significatif : Des Joies et la Joie, paru quatre ans après, peu avant la guerre (1913), permettent de mesurer les progrès qu’a faits le romantisme dans l’âme du poète, dans ce coeur « de rêve et de désastres » qu’est le sien, mais aussi de suivre la marche ascendante d’une pensée constamment hantée du désir de s’élever vers les hauteurs sereines où l’âme est sûre de trouver enfin le suprême apaisement, vers les cimes de l’espoir intuitif et de la certitude. Comme cet autre romantique, Moréas, qui, d’ailleurs, mourut comme un sage de l’antiquité, le penseur spiritualiste qu’est René-Albert Fleury, s’affranchissant de plus en plus des terrestres entraves, se serait volontiers écrié : « Je ne te crains plus, ô Mort, je te connais trop bien… » La porte qui doit s’ouvrir à la fin de cette vie, ne s’ouvrira pas, nous disait-il, « sur le néant, mais sur la mort », qui, dès lors, était déjà pour lui « la reine de la vie » dont les regards sont pleins de promesses :

            Ô reine de la vie, ô Mort douce et très grande,

            Tu régis l’univers, tu changes, tu maintiens.

            Et sans qu’il soit besoin de prière ou d’offrande

            Je mire mes regards aux promesses des tiens.

 

            Tu me transporteras, différent et semblable,

            Très conscient d’être semblable et différent,

            Dans le pays qui n’est de cendre ni de sable,

            Dans le pays prodigieux et transparent.

 

            J’y retrouverai ceux qui t’auront blasphémée,

            Suffoqués par les flots inattendus d’éther,

            N’en croyant pas leurs sens, l’âme toute pâmée,

            Foudroyés d’un Bonheur formidablement clair.

 

            Je leur dirai : « La Mort est douce à ses athées,

            Elle n’exige pas que l’on ait eu la foi. »

            Et nous te chanterons des hymnes enchantées,

            Ô Salutaris Lux, ô Mort en qui je crois.

 

Dans Le Royaume Pressenti (1919), la pensée du poète a atteint sa pleine maturité. Elle aborde hardiment les grands sujets philosophiques. Si telles pièces de ce recueil, La Vie terrestre, Le Miroir, d’autres encore, nous font sentir la cruelle ironie de la vie et nous mettent en présence du redoutable problème du Mal, le poète nous en propose, dans son grand poème Psyché, une solution acceptable qu’il développe avec toute l’ampleur que commande le sujet.

Il faut approuver hautement René-Albert Fleury d’avoir osé ces grands coups de sonde dans le lac immense du Mystère.

René-Albert Fleury a collaboré à La Vogue, à La Plume, au Mercure de France, à L’Effort, à La Nouvelle Revue, à La Revue Hebdomadaire, au Mouvement Socialiste, à L’Aurore, etc.

 

 

 

 

 

 

 

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