Auguste-Pierre Garnier

(1885-...)

 

Notice biographique extraite de :

Gérard WALCH, Poètes nouveaux, Delagrave, 1924.

 

 

 

 

Né à Quettreville, dans la Manche, le 12 octobre 1885, de famille normande, Auguste-Pierre Garnier fit ses études au lycée de Coutances (Manche) et au Collège Rollin, à Paris. Il fut ensuite éditeur et propriétaire de la librairie Garnier Frères.

Épris, dès sa jeunesse, d’art et de littérature, A.-P. Garnier a de bonne heure, et tout naturellement, adopté devant la vie, tantôt gaie et joyeuse, tantôt tumultueuse et assombrie, trop souvent mesquine et quotidienne, la sympathique attitude de l’homme de lettres désintéressé qui cherche dans la poésie « soulas et réconfort », qui fait d’elle la confidente élue de ses plaisirs et de ses peines. Dans son désir de nous faire partager ses poétiques émois, il a voulu nous donner d’abord des poèmes simples aux couleurs douces et atténuées, et, loin du bruit de la foule, il nous a présenté, avec la piété naïve et charmante des vieux poètes des Mystères, dans le beau triptyque dont La Geste de Jehanne d’Arc (1914), Le Mystère de sainte Geneviève (1916) et Le Dit de sainte Odile (1919) forment les panneaux harmonieux, d’exquises suites de visions, de rêveries et de symboles. Chacun de ces poèmes, précédés tous trois d’une ode dédicatoire, puis d’un rondeau et d’un sonnet « au lecteur », se compose de trois dizains de sonnets finement ciselés, d’une belle et solide facture, où revivent, pour notre ravissement, les trois vierges adorables, simples bergères de France ou candides jouvencelles, qui furent des héroïnes et des saintes.

Dans Les Gloires de la Terre (1911), d’une grande simplicité encore, le poète chante l’appel intense de la terre, le retour émouvant à la bonne terre natale de l’exilé volontaire, après une absence de dix ans. On sent dans ces pages, d’une inspiration heureuse et sincère, un noble souci de l’avenir de la France, souci qui n’est jamais absent de l’œuvre de Garnier et qui va s’exacerbant jusqu’à la souffrance dans le recueil suivant, Les Angoisses (1918), plein de patriotiques inquiétudes, publié à un moment où le choc brutal des armes dominait la voix des poètes. Nous y trouvons des pièces telles que Pressentiments et Angélus, qui traduisent fidèlement des frissons que bien peu de Français ont ignorés.

Avec Les Corneilles de la Tour (1920), Garnier nous ramène à la petite ville de province, au bourg, au village. Il nous convie à écouter ce que lui rapportèrent, en leur langage, les fidèles hôtesses du vieux clocher :

            Hôtesses de l’ancienne Tour,

            Les franches corneilles du Bourg,

            Malignes d’esprit, mais sincères,

            Trois soirs d’automne me parlèrent…

 

Le premier soir, perchées sur la tour, elles ont dit, de leurs voix railleuses, « ce qui prête à la moquerie », elles ont ressassé tous les ragots, toutes les clabauderies du bourg, et cette partie du poème où les oiseaux frondeurs, « aux ailes lustrées et noires », « aux yeux de vif-argent », dont « les becs fins ont pris le ton des vieux ivoires », daubent sans merci sur la cité burlesque, s’intitule proprement : Au Ras du Sol; le second soir, et c’est la deuxième partie du livre : À Vol d’oiseau, elles eurent, en revenant à tire-d’aile vers le vieux clocher, des mots sérieux et sincères pour « peindre les tâches humaines », « les travaux, les soucis, les peines »; puis enfin, le dernier jour, prenant définitivement leur essor vers les Cimes, elles se sont souvenues, au haut des cieux, de leur très ancienne noblesse, – avant le déluge, selon la Légende, les corneilles furent blanches comme les colombes, – et redescendues, le soir, sur la tour, elles ont dit gravement, dans l’ombre, des paroles profondes et dignes pour célébrer les joies calmes, le bonheur, caché bien souvent, et la beauté de la vie simple des bonnes gens du village.

Comme tous les livres d’Auguste-Pierre Garnier, Les Corneilles de la Tour sont dans la bonne tradition française et d’une belle unité de pensée et de composition. De toute cette saine poésie de la province robuste et narquoise dont le poète évoque, avec un art à la fois probe et raffiné, les aspects divers, de tous ces raccourcis sobres et nets, aux contours bien arrêtés, qui résument les données d’une observation patiente toujours en éveil et où se concentre un pur esprit gaulois agrémenté de fine culture latine, il se dégage comme un parfum champêtre, et comme la nostalgie de la bonne vie au grand air, – avec, combien suggestif malgré tels travers de la petite ville ou du village marqués d’un trait vif et net, le vague désir de revenir à la simplicité ancestrale et d’aller bâtir sa maison, non loin du petit bourg aimé, sur l’humble bord du bleu ruisseau qui fait tourner la roue du moulin jaseur toute empanachée d’écume blanche.

C’est l’amour du pays natal, de la terre natale, qui a incité Garnier à composer encore ses Saisons normandes (1921). Ce sentiment primordial, toujours vivace en son cœur, lui a inspiré des vers qui sentent bon la menthe et la lavande, les prés herbeux et fleuris, des strophes harmonieuses toutes résonnantes du gai bourdonnement des abeilles, du joyeux chant des oiseaux dans les branches; des pages aussi d’une tonalité plus grave et attendrie, où se reflète la douce mélancolie des derniers rayons du soleil mourant, où passe, dans un décor de brume et de givre, la blanche procession des heures d’hiver.

Ce vaste poème, d’une belle et heureuse ordonnance, est, en même temps qu’un chant à la louange de la terre de Normandie, un hymne à la beauté de vivre.

 

Auguste-Pierre Garnier a collaboré à la Revue Hebdomadaire, aux Annales Politiques et Littéraires, au Correspondant, aux Essais Nouveaux, à la Minerve Française, etc. Il a fondé, en juin 1919, la revue de littérature et de critique La Minerve Française (1919-1920).

 

 

 

 

 

 

 

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