D’un poète

 

 

Il a ancré ses mains aux continents immobiles.

Il a tiré de tous ses muscles,

Jusqu’aux craquements de ses os,

Jusqu’aux éclatements dans sa chair,

De toute la force de volcan grondant au creux de lui.

 

Les continents sont demeurés immobiles.

 

Il est une île dans la mer d’ombres,

La tête au sein des étoiles,

Les pieds emmêlés aux racines de la Terre.

Ses yeux sont comme les yeux des oiseaux de soleil,

Avec un regard oblique

Qui traverse et cerne les objets,

Pèse leur masse secrète,

Contemple leur noyau de miel et d’or mêlés,

Et les établit avec leur volume vrai

Dans l’univers interne où il est dieu,

Où il est celui qui voit en Dieu.

 

Il a des bras immenses,

Scellés étrangement à ses épaules étroites,

De longs bras de faucheur qui brassent les fleurs invisibles

Dans les rues brumeuses des villes.

 

On le voit comme une île, immobile

Quand les marées d’hommes obscurs

Déferlent contre ses flancs...

 

Et maintenant voyez-le qui s’avance :

Sa tête émerge parmi les étoiles,

Avec ses cheveux de chaume qui rayonnent,

Et ses longs yeux d’oiseau de nuit

Fermés de biais,

Afin de mieux filtrer le monde endormi,

 

Et son nez tel la proue d’un navire...

 

 

 

Jean AMROUCHE, Étoile secrète, « Journal de l’Absent », 1983.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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