Cantique de l’épouse

 

 

Que ne suis-je la Sulamite

Aux lèvres pourpres et inspirées,

pour dire, ô Bien-Aimé, la douceur des années

passées à ton ombre !...

    Il est si bon de n’être qu’à toi, pur et fort !

Mon cœur trop plein fait bégayer mes lèvres,

Et notre bonheur, comment le chanter ?

    L’épouse n’est qu’à son époux...

Elle a, pour les autres, l’accueil riant mais sans espoir

d’une porte au bord de la route,

d’une porte close et fleurie...

     Les branches tombent le long du mur

comme une aumône,

Elles disent les parfums et l’ombre

au passant fatigué, au promeneur distrait,

Mais la porte est close, bien close.

    L’époux a la clef du jardin :

Il entre et les fleurs le connaissent,

les parfums vont à sa rencontre,

il est le maître du jardin...

    L’épouse est, pour les autres,

le murmure discret et pudique d’une source cachée,

bien cachée sous la mousse et les ombelles folles...

 

    Étranger en sueur, tends le front à cette fraîcheur

qui va, de la source invisible jusqu’au sentier,

Et poursuis ton chemin...

Tu ne découvriras point l’onde

et nul n’en goûtera,

jusqu’à l’heure où, les saules gris devenant bleus,

le Bien-Aimé, lassé du jour, viendra s’y reposer,

s’y plonger et la boire toute...

 

    L’Épouse demeure aux autres la Vierge inaccessible,

la jeune fille étroitement voilée

qui se trouble sous un regard.

Mais pour son Époux, ce soir,

elle aura des baisers et des gestes d’amante...

    L’Épouse est à l’Époux,

et l’Époux n’est qu’à son Épouse,

Union sainte, unique fusion, merveille d’un amour béni

Qui fait à Dieu comme aux humains

ce don inestimable,

ce don sans prix,

Que ni l’or, ni la science, ni la sainteté même

ne leur peuvent offrir :

– l’Enfant ! –

    L’Épouse et l’Époux, un seul être à côté des autres...

Il fallait être Dieu pour inventer cela !

 

    Je ne sais pas, mon Bien-Aimé,

chanter comme il faudrait le bonheur tendre de notre union,

Ni cette douceur des années

passées à ton ombre...

 

    Mais de mon cœur trop plein de joie et trop gonflé

je lance à Dieu les fleurs de ce cantique,

Pour le jour, entre mes jours heureux et saint

Où je suis devenue ta source et ton jardin.

 

 

 

Louise ANDRÉ-DELASTRE, Cantiques de femmes.

 

Recueilli dans Les poèmes du foyer.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net