Lamentation de la Vierge

 

 

Pourquoi priver de vous, pourquoi abandonner

Votre mère, mon Fils, qui vous a enfanté ?

Ah ! que ne suis-je morte en même temps que vous !

Vous mort, quelle cité voudra me recueillir ?

Quel hôte à ma faiblesse acceptera d’offrir

Une demeure sûre, un refuge assez doux ?

Personne, je le sais. J’espère un peu de temps

Jusqu’au troisième jour, bientôt resplendissant,

Où vous viendrez revivre, annoncé par vous-même

L’espérance a rendu plus puissante ma foi,

Et moi qui vous vois mort et pendu sur la croix,

Plus que je ne vous plains, je pleure sur moi-même.

Car vous avez vaincu et non subi la mort.

Mais que ne suis-je morte en votre lieu, mon Fils !

Tout le charme est perdu pour mon cœur de la vie.

La ténèbre me couvre et déjà m’envahit,

Je ne désire plus que la maison des morts.

Privée de votre vue, je veux aller sous terre

Habiter dans la nuit qui règne sous la terre.

Ô douleur, quelle angoisse est désormais la mienne !

Je ne puis la porter, ni la dire, et je meurs.

Aucun apaisement désormais qui me vienne

Du Muet aux yeux clos, ô mère de douleurs !

C’est en vain, mon Enfant, que je vous ai nourri,

Ô vous qui nourrissez l’immense genre humain !

La peine et les tourments j’aurai soufferts en vain

Pour vous faire échapper aux meurtrières mains

Qui sur l’enfant divin s’étaient appesanties !

Je ne veux pas le croire et pourtant désespère.

Je suis votre origine et j’en sais le mystère.

C’est de là que jadis je rêvais, ô détresse,

Pour mettre en votre amour mon espoir le plus cher.

Je pensais que vos mains nourriraient ma vieillesse,

Que par vos soins mon corps serait enseveli :

De tels soins aux mortels ont toujours fait envie,

Mais vous mort, j’ai perdu mes douces espérances,

Ô voix douce venant m’apporter tant de grâce,

Ô visage très cher, honneur de notre race,

Ô désir, ô regret, ô fleur de l’existence,

Image dont les traits ne peuvent s’imiter,

Ô figure de Dieu sans forme et sans contours,

Ô chef-d’œuvre où l’artiste échouera pour toujours,

Ô vous défiguré, je ne puis regarder !

 

 

 

IVe siècle.

 

Traduit par Robert BRASILLACH,

dans Anthologie de la poésie grecque.

 

 

 

 

 

 

 

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