Le sommeil de bébé

 

 

Depuis l’aube du jour, comme un petit lutin,

Il a couru là-bas sur la pelouse verte,

Fier de vivre, et joyeux lorsque son doigt mutin

Trouvait pour l’effeuiller quelque rose entr’ouverte.

 

Maintenant il repose en son nid parfumé

Qu’entoure un long rideau de mousseline blanche,

Et sa mère qui veille auprès du bien-aimé

Pour le revoir encor discrètement se penche.

 

Dort-il ?... On le dirait... Non certe, il ne dort pas.

S’il demeure immobile et les paupières closes,

C’est pour mieux écouter son ange qui tout bas

Lui conte en souriant de merveilleuses choses.

 

Les choses que l’on voit là-haut dans le ciel bleu :

La lune au doux croissant, les nocturnes planètes,

Les chemins sablés d’or où, sur des chars de feu,

Volent les grands soleils et les pâles comètes !

 

Puis, aux lieux inconnus où l’espace prend fin,

Par-dessus le soleil, par-dessus les étoiles,

Ce divin paradis où l’ardent séraphin

Contemple Jéhovah sans ombres et sans voiles !

 

Voyez comme il sourit !... Il est heureux, Bébé,

Il est fier de parler avec l’ange son frère.

Du colloque divin qui le tient absorbé

Aucun bruit d’ici-bas ne pourrait le distraire.

 

Écoute bien ton ange, enfant ! et comme lui

Conserve ta candeur jusqu’à ta dernière heure !

Suis toujours le chemin qu’il te montre aujourd’hui

Si tu veux que le ciel soit aussi ta demeure !...

 

Il se fait tard !.... La nuit a remplacé le jour,

Sous son voile de deuil la nature sommeille,

Dix fois la vieille horloge a tinté dans sa tour :

Mère, il faut terminer votre amoureuse veille !

 

Vite, un dernier baiser, et puis endormez-vous

Sous l’œil de Dieu !... Qui sait ? peut-être qu’en échange

Quand il viendra s’asseoir demain sur vos genoux

Bébé vous contera ce qu’a dit son bon ange !

 

 

 

Abbé E. ARISON.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

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