Hymne à la Vierge, la veille de Noël

 

 

    ENTRE mes doigts guide ce lin docile ;

Pour mon enfant, tourne, léger fuseau ;

Seul, tu soutiens sa vie encor débile ;

Tourne, sans bruit, auprès de son berceau.

 

    Les entends-tu, chaste Reine des anges,

Ces tintements de l’airain solennel ?

Le peuple en foule, entourant ton autel,

Avec amour répète tes louanges.

Pour mon enfant, tourne, léger fuseau,

Tourne, sans bruit, auprès de son berceau.

 

    Si je ne puis unir d’humbles prières

Aux vœux offerts sur les sacrés parvis ;

Si le devoir me retient près d’un fils,

Prête l’oreille à mes chants solitaires.

Pour mon enfant, etc.

 

    Porte des cieux, vase élu, Vierge sainte,

Toi qui du monde enfantas le Sauveur,

J’essaie enfin d’exalter ta splendeur ;

L’hymne pieux devient un chant de plainte.

Pour mon enfant, etc.

 

    Paisible, il dort du sommeil de son âge,

Sans pressentir mes douloureux tourments ;

Reine du ciel, accorde-lui longtemps

Ce doux repos qui n’est plus mon partage.

Pour mon enfant, etc.

 

    Le monde entier m’oublie et me délaisse ;

Je n’ai connu que d’éternels soucis ;

Vierge sacrée, au moins donne à mon fils

Tout le bonheur qu’espérait ma jeunesse.

Pour mon enfant, etc.

 

    Tendre arbrisseau, menacé par l’orage,

Privé d’un père, où sera ton appui !

À ta faiblesse il ne reste aujourd’hui

Que mon amour, mes soins et mon courage.

Pour mon enfant, etc.

 

    Mère de Dieu que le chrétien révère,

Ma faible voix s’anime en t’implorant ;

Ton divin fils est né pauvre et souffrant ;

Ah ! prends pitié des larmes d’une mère !

Pour mon enfant, etc.

 

    Des pas nombreux font retentir la ville ;

Ce bruit confus, s’éloignant par degrés,

M’apprend la fin des cantiques sacrés :

J’écoute encor… Déjà tout est tranquille.

Pour mon enfant, etc.

 

    Tout, dort, hélas ! je travaille et je veille ;

La paix des nuits ne ferme plus mes yeux ;

Permets du moins, appui des malheureux,

Que ma douleur jusqu’au matin sommeille.

Pour mon enfant, etc.

 

    Mais non, rejette, ô divine espérance !

Ces lâches vœux, vains murmures du cœur ;

Je veux bénir cette longue souffrance,

Gage certain d’un immortel bonheur.

Entre mes doigts guide ce lin docile ;

Pour mon enfant, tourne, léger fuseau ;

Seul, tu soutiens sa vie encor débile ;

Tourne, sans bruit, auprès de son berceau.

 

 

 

J.-B.-D. ARNOUX, Poésies diverses, 1830.

 

 

 

 

 

 

 

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