Il pleuvait sur la ville morte

 

 

Il pleuvait sur la ville morte ;

Les cloches égrenaient leur glas,

Triste chanson que l’on emporte

Et qu’aux jours noirs on dit tout bas !

 

Il pleuvait ! Des belles journées,

Même les lys du souvenir

Comme des fleurs abandonnées

Gisaient. Tout aurait pu mourir !

 

Les sanglots lourds de la défaite,

Du haut des cloches dans leur vol,

Pleuraient et recouvraient le faîte

Des maisons et jonchaient le sol.

 

Il pleuvait ! Ombre torturante,

Pourquoi recouvrais-tu sans fin

Nos rêves morts, notre âme errante,

Ô toi, funèbre séraphin !

 

Pourquoi marquais-tu cette trace

Si fortement dans nos cerveaux ?

Il pleuvait à travers l’espace,

Les maisons semblaient des caveaux.

 

Il pleuvait, et la France en larmes

Se recueillait sur ses héros,

Tandis qu’au loin, forgeant leurs armes

Ou les tirant de leurs fourreaux,

 

Des hommes nouveaux, purs et graves,

Se groupaient pour les noirs combats,

Fiers de renverser les entraves

Qu’on tressait autour de nos pas.

 

Leur grande voix disait : « Quand même

Nous devrions toujours souffrir,

Il faut lutter pour ce qu’on aime,

La France ne peut pas mourir ! »

 

Mais toujours par la ville morte,

Le glas sonnait sur les maisons,

Et plus la douleur était forte,

Plus clairs étaient les horizons ;

 

Car au chevet de l’Espérance,

Comme une gerbe aux trois couleurs,

On pouvait voir briller la France,

Avec du sang, du ciel, des pleurs !

 

 

                                                       25 Juin 1942.

 

 

Jean AUBERT,

Espoir au dehors, 1946.

 

 

 

 

 

 

 

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