Songe heureux

 

 

Mon âme, transportée au céleste séjour,

Savourait l’ambroisie et le nectar d’amour.

Le cristal le plus pur contenait ce breuvage.

Ma Clémence, cet ange et si bon et si sage

Qui fît tout mon bonheur, était auprès de moi,

Me présentait la coupe, et de sa douce voix

M’engageait, m’excitait à boire ce liquide,

Philtre consolateur, théobrôme limpide,

Formé d’ingrédients dont l’efficacité

Transforme les chagrins en douce volupté...

Mais bientôt je la vis se métamorphosant,

Et deux petits amours sur son sein s’agitant.

Tous deux me souriaient, envoyaient à mon âme

De volages baisers d’une céleste flamme...

Ils étaient là tous deux, et Charles et Marie,

Mon Charles tant aimé, ma fille tant chérie...

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En un instant le ciel, protégeant mes pensées,

Fit passer devant moi, par trois fois dix années.

Et mon fils, devenu savant chirurgien,

Prodiguait les secours de son habile main,

Répandait en tous lieux, avec zèle et prudence,

Les heureux résultats de sa vaste science.

Par la philanthropie, son bon cœur emporté,

De son propre intérêt l’intérêt écarté,

Ne voyait sous la bure ou le dais de velours

Qu’un être humain, souffrant, implorer son secours.

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Songe, hélas ! trop heureux, et bonheur sans nuage,

En m’éveillant, j’ai vu s’envoler votre image.

 

 

 

Pierre-François-Henri BÉNARD,

Pensées et méditations poétiques de Van d’Ast,

1863.

 

 

 

 

 

 

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