Paraphrase du psaume

Super flumina babylonis

 

 

Aux arbres d’alentour nos harpes suspendîmes,

Leur imposant silence en cet éloignement,

Et, de nos luths muets, les nerfs nous détendîmes,

Repaissant nos esprits de douleur seulement.

 

« Récitez, disaient-ils, dessus vos luths d’ivoire

Les hymnes qu’autrefois vous avez récités,

Cependant que Sion jouissait de sa gloire

Et s’allait élevant sur les autres cités.

 

« Non, que plutôt ma main languisse de paresse,

Oubliant de son luth le doux ravissement,

Que seule tu ne sois ma joie et ma tristesse

Et que rien me console en ce bannissement.

 

« Plutôt dans mon palais ma voix soit étouffée,

Et ma langue se sente à mes dents attacher,

Que le cruel vainqueur remporte ce trophée

Et que jamais sans toi rien me puisse toucher.

 

« Mais, ô Seigneur, aussi, ne mets en oubliance

La famille d’Édom qui triomphait de nous,

Quand tu foulais aux pieds ta sacrée alliance

Et versais sur les tiens le fiel de ton courroux.

 

« Fille de Babylon, race ingrate et maudite,

Heureux qui te rendra le mal que tu nous fais,

Balançant le salaire à l’égal du mérite,

Et mesurant ta peine à tes propres effets.

 

« Heureux qui, de douleur sentant son âme atteinte,

Ira d’entre tes bras tes enfants arracher,

Et, de leur sang pollu rendra la terre teinte

Froissant leurs tendres corps encontre le rocher. »

 

 

 

Jean BERTAUT.

 

Recueilli dans Anthologie religieuse des poètes français,

t. I, 1500-1650, choix, présentation et notes d’Ivan Gobry,

Le Fennec éditeur, 1994.

 

 

 

 

 

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