Considérez, mon doux Rédempteur...

 

 

 

Mon adorable Jésus, qui êtes crucifié par moi, pour moi, en moi, depuis deux mille ans et qui attendez Vous-même votre délivrance, en saignant sur nous, du haut de cette Croix terrible qui est l’image et la ressemblance – infiniment mystérieuse de votre Esprit dévorant – je Vous supplie de regarder mon effroyable misère et d’avoir tout à fait pitié de moi. Considérez, mon doux Rédempteur, que j’ai eu pitié de Vous, moi aussi, que vos souffrances m’ont bien souvent déchiré le cœur et que j’ai pleuré nuit et jour des larmes sans nombre en me souvenant de votre agonie. Ne m’avez-Vous pas vu des années entières à vos pieds sacrés, pénétré d’amour et de compassion et me détournant avec horreur des joies de la vie pour sangloter avec votre Mère et la foule de vos chers martyrs qui ne rougissaient pas de m’accepter pour leur compagnon ? Vous ne pouvez avoir oublié, non plus, que par respect pour vos adorables plaies, j’ai rarement négligé de souffrir pour les malheureux et que j’en ai tiré quelques-uns du fond des gouffres pour les amener fraternellement en votre présence.

 

Néanmoins Vous avez beaucoup exigé de moi, Vous m’avez accablé d’un très lourd fardeau et Vous avez voulu que j’endurasse des peines si grandes que Vous seul, mon Dieu, pouvez les connaître. Lorsque j’ai voulu, dans ces derniers temps, ne plus espérer en Vous, m’éloigner de Vous à jamais, Vous m’avez envoyé, dans votre miséricorde, cette douce créature qui Vous aime, qui Vous cherche depuis tant de jours et que Vous avez enfin poussée dans mes bras. Mon divin Maître supplicié, Vous ne pouvez être le bourreau des pauvres âmes pour qui Vous agonisez. Je Vous supplie, par le nom sacré de Joseph, par le cœur percé de votre Mère, et par les ossements glorifiés de tous vos saints, ayez pitié de ma bien-aimée Jeanne et de moi. Comblez-nous de votre grâce et unissez-nous pour Vous servir à jamais.

 

 

Léon BLOY.

 

Extrait des Lettres à sa fiancée.

 

 

 

 

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