Anniversaire

 

 

Couché sur la dalle de ta tombe, je la vois encore, cette nuit, ô ma mère, où ta voix amoureuse m’a dit adieu pour toujours.

 

L’angélus du soir sonnait : c’était l’heure de la mort ! Et moi, je pleurais à ton chevet... Un tel souvenir ne s’efface point...

 

Quatre cierges blancs brûlaient autour du lit, tandis que la foule des étrangers priait à voix basse.

 

Je n’avais pas vu pleurer ton époux, mon pauvre père : son visage était aussi jaune que celui de notre Crucifix.

 

Le fossoyeur t’enferma dans une bière en deuil ; et puis, une fois qu’il t’eut descendue dans la fosse, le cruel te laissa.

 

Il y a vingt ans, mère, que tu es morte, mais il me semble qu’il y a à peine quelques instants ! Et cependant, ma peine est encore plus grande, et mes souvenirs plus vivants que jamais.

 

J’ai planté, dans l’enclos où tu dors, de beaux œillets ; une riante bordure de frais rosiers l’entoure.

 

Chaque jour, à la pointe de l’aube, je viens ainsi, toujours soucieux, et ma main, engourdie par la douleur, arrose leur pied touffu.

 

De son calice, la fleur laisse tomber, elle aussi, de petites larmes ; c’est pour toi seulement que les jeunes boutons entrouvrent leur cœur virginal.

 

Un rouge-gorge à toute heure répète son petit cri plaintif ; pendant mon absence, veille, toi, pauvre oiselet !

 

Sais-tu bien qu’endormie au fond du sépulcre, dans les ténèbres et la solitude, c’est ma mère chérie qui est là ? chante-lui ton chant sacré !

 

Adieu, mère... Repose en paix ! Attends-moi dans ta fosse. Je quitte ces lieux avec peine... Quand donc reviendrai-je pour toujours ?

 

 

Joseph BONAFONT.

 

Traduit du catalan par Jean Amade.

 

Recueilli dans Anthologie catalane (1re série : Les poètes roussillonnais),

avec Introduction, Bibliographie, Traduction française et Notes

par Jean Amade, agrégé de l’Université, professeur au Lycée

de Montpellier, 1908.

 

 

 

 

 

 

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