Sagesse

 

 

                         À Madame M. R.

 

 

Si je vous aime ? À quoi servirait vous l’écrire ?

J’ai passé l’âge des amours bien à regret.

Ce n’est pas quand mon être à son repos aspire

Qu’il convient de livrer à vos yeux mon secret.

 

Si je vous aime ? En vain ma plume l’avouerait ;

Bientôt sonnera l’heure où toute flamme expire,

Et notre passion avec elle mourrait.

Gardons notre amitié que rien ne peut proscrire.

 

Gardons notre amitié que même le trépas,

Qui de tout a raison, dans nos cœurs n’atteint pas ;

Et quand viendra la mort du paradis suivie,

 

Nos âmes passeront de l’une à l’autre vie

Comme nos émigrants qui, sous leurs nouveaux cieux

Ont bien soin d’emporter leurs trésors et leurs dieux.

 

 

 

Georges-A. BOUCHER,

Chants du Nouveau Monde, 1946.

 

 

 

 

 

 

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