En haut les cœurs

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Eddy BOUDREAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Du seuil de l’école primaire jusqu’aux tribunes imposantes de l’université, l’enseignement se donne sur une élévation. Pour déployer sa verve, pour insinuer dans les intelligences la charte de ses idées, l’orateur cherche un relief qui domine l’auditoire. Pour communiquer aux âmes la lumière ou l’étoile qui les guident vers un céleste promontoire, le prêtre monte les degrés de la chaire pour donner à ses paroles un retentissement plus sonore ; une extension plus profonde atteignant les courages, traversant le silence et la foi.

 

Dieu nous a donné le premier exemple : comme Il aimait la montagne ! L’Évangile a été inspiré dans le recueillement des hauteurs. Thabor et Béatitudes, on dirait que ces deux mots résument la décision de celui qui aspire aux sommets... Au point de vue psychologique, l’homme est fait pour monter. Pour monter au-dessus du créé en passant par le sacrifice, l’amour et les nobles aspirations.

 

« Pour oublier la terre, cherchons dans l’infini la direction d’un plus vaste royaume. » Certes, l’ascension ne va pas sans l’effort ! Au mépris de ses périssables beautés, l’être physique sera contraint, accablé sous le cilice et le fardeau... Cependant, l’ivresse qui réchauffe de ses rayons nos élans vers la lumière et la pureté, est une bien digne récompense.

 

« Le disciple n’est pas au-dessus du Maître ! » L’Ascension du Christ n’eut lieu qu’après le Calvaire et la Passion. On ne monte pas sans souffrir et lutter ; surtout lutter contre une époque qui nous laisse entrevoir non sans peine la moralité des choses. Pour mieux comprendre la suprématie des rôles, il nous faut des cœurs d’aumônes, des âmes éprises de merveilles et d’abnégation pour entraîner dans les voies saines, pour convaincre l’humanité que la terre n’est point un lieu de permanence... On a déjà comparé la vie terrestre à l’échafaudage de fortune devant servir à l’érection d’un édifice spirituel... En réalité, il semble que nous ne sommes guère autre chose ! Les jours se succèdent, les années déguerpissent brutalement et, peu à peu, le monument de l’âme se précise d’autant plus solide et durable que la construction a été longue et périlleuse.

 

Dieu créa l’homme pour dégager l’ange : l’immortelle Psyché. Serions-nous autre chose ?

 

Le culte de la vie, si ardent soit-il, ne doit jamais servir à l’entraînement d’une faillite personnelle ! Selon Dorgelès, « l’homme a perdu l’intelligence de sa vie et de sa mort ». Est-il assez déplorable de constater la carence des jours qui s’écoulent, des cœurs qui devraient s’émouvoir pour ne pas dire l’échec du grand mystère qu’est notre passage ici-bas ! Comment se libérer des faux-dieux qui traversent nos sentiers de lumière ? Il y a l’amour, les traditions, la famille, les préjugés de race et que sais-je.... Parmi les passions qui sont des fauves, sous le contrôle des forces charnelles, se trouve en germe l’épanouissement de nos facultés cérébrales... Curieux mélange où la plupart des hommes consentent à l’imperfection plutôt que de « préférer le divertissement dans l’absolu ».

 

Vercors, dans les « Silences de la mer », nous a dit de l’époque : « Le respect de la vie s’est évanoui. L’universalité ne sait plus s’émouvoir devant la mort des hommes. »

 

Malheureusement, la roue du progrès a tourné jusqu’à l’ornière de l’obscène individualité, et nous, nous avons perdu la décence qui confère à l’amour un Caractère divin. Les personnalités susceptibles de déblayer la voie aux cœurs généreux qui souhaitent une ascension, cheminent dans le vulgaire, le sensualisme, ou se plaisent dans une lente progression. Certes, la vie est bien plus importante ! Je n’hésite pas à déclarer qu’elle est un pèlerinage, le plus beau qui se puisse effectuer ; c’est encore une course enivrante vers l’amour et la stabilité.

 

Devenons des apôtres pour susciter l’enthousiasme et l’idéal. C’est tellement triste un monde qui perd la foi ! La nature, les éléments qui nous entourent contiennent des leçons qui visent à rendre les hommes meilleurs... Hélas ! nos œuvres, presque toutes, contribuent à la croissance du mal, favorisent l’extension des mœurs contemporaines nocives, purulentes. On pratique ouvertement cette erreur d’un libertin trop lu : « Toute volupté est bonne et a besoin d’être goûtée. » Pourquoi concevoir de tels mots si imprudemment ? « Je déplore l’existence de ces jeunes égarés, disait Mauriac, ces âmes excessives qui se dépensent à perdre la force infinie dont ils eussent pu se servir pour se contraindre. » Il n’y a pas à dire, l’indifférence de Voltaire a pénétré dans nos coutumes ! Conclusion : nos chefs s’inclinent devant les idoles.

 

« Il faut déchirer le voile tissé de nos peurs. » Il faut remonter le courant de nos lâchetés. Si nous sommes les pierres qui façonnent les murs du grand chef-d’œuvre social, il nous incombe de voir à la diffusion du vrai et du beau, de repousser les vagues du matérialisme qui montent jusqu’à l’arche des consciences. Pour se rendre aux véritables destinées, la collaboration de tous est éminemment nécessaire. Pour contempler des horizons de soleil, il faut regarder bien loin par-dessus l’épreuve... La souffrance qui peut nous atteindre et nous consumer n’est qu’une flamme qui épure et qui monte jusqu’à Dieu...

 

L’homme est fait pour monter !

 

De plus en plus, on s’entraîne à faire l’exécution des réformes sociales qui permettent de maintenir les distances entre l’infériorité de l’éducation et la grandeur du catholicisme trop souvent méconnue.

 

La tâche est encore immense cependant car le monde entier souffre, d’un bloc, l’humanité penche vers l’égoïsme et la chair... Au moins, pourrons-nous prévenir l’effondrement ? Fasse le ciel qu’il surgisse du néant une armée de vainqueurs pour opposer au spectacle des démolitions une ère de triomphe et de survivance. Pénétrons sous la bannière de nos traditions canadiennes, pratiquons avec plus d’amour ce cri sacerdotal, ce beau chant de Préface qui résonne dans la piété de nos temples : SURSUM CORDA !

 

 

Eddy BOUDREAU, Vers le triomphe, 1950.

 

 

 

 

 

 

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