Comme un Christ de Gauguin

 

 

Mon Dieu tu es quelque part sur une petite plage bretonne

Dans une crique à l’abri du vent

Tu as la bouche comme empêtrée de consonnes

Et tu as soif de limonade éperdument

Qui me rendra la palme fraîche du village

Mes figuiers et la voix des maréchaux-ferrants

Un soleil d’huile rance est l’unique breuvage

Et les gouttes de feu qui perlent à mon flanc

La fièvre le poignant il s’évanouit encore

Ses bras en se fermant semblaient un sémaphore

Lors on vit sur la mer mille et mille vaisseaux

S’approcher du rivage et lancer des canots

Du premier sur le bord il en sortit un ange

Porteur de vin doré d’olives et d’oranges

Mon Dieu éveille-toi je suis ton serviteur

J’ai parcouru les mers comme un pauvre pêcheur

Défiant nuits et marées corsaires et cyclones

Pour atteindre à jamais cette plage bretonne

 

Merci de tes présents dit tout bas le Seigneur

Mais laisse-moi puiser à deux mains dans ton cœur.

 

 

 

René-Guy CADOU,

L’aventure n’attend pas le destin, 1947-1948.

 

 

 

 

 

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