Que la lumière soit

 

 

Ô nuit ! salle d’attente où brûle un feu de lèpre

Vieille gare des pluies seule et désaffectée

Quel voyageur maudit saccage tes fenêtres

Qui baignent des prairies de panonceaux crevés ?

 

Serait-ce moi ? Serais-je un larron de moi-même

Bagnard d’un monde absous qui cherche à retrouver

Sous la pâle fumée des solitudes d’Ouest

La flamme et le parfum de sa demeure hantée ?

 

Nuit pareille à mon chant la vérité dispose

Du temps qui met un sexe à l’âme de l’enfant

Ce n’est pas pour les chiens que je métamorphose

En rose rouge l’étamine du couchant !

 

J’ai trop vécu sous le boisseau et dans l’attente

D’une nuit d’Idumée que de patients oiseaux

Feraient neiger sur les décombres de ma chambre

Comme un miroir promis à des soleils nouveaux.

 

Mais voici qu’aujourd’hui un homme entre les hommes

A choisi par-delà ses astres préférés

La planète déchue tombée comme une pomme

Sur la dernière marche de l’éternité.

 

 

 

René-Guy CADOU,

Que la lumière soit, 1949-1951.

 

 

 

 

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