Noël

 

 

Douce étable de la terre

Pas plus grande qu’appentis

On y met pelles et pioches

On y rentre les brebis

 

Dans l’auberge haute et large

À l’enseigne des rieurs

On dispute on se goberge

De volailles et de liqueurs

 

« Des draps blancs de quoi en somme

« T’en payer toute la nuit

« Tu rigoles mon bonhomme

« Pourquoi pas poulet au riz »

 

Le Joseph le malhabile

Sa casquette entre ses doigts

« – Donnez-nous ce soir asile

« Ma femme ne va pas bien »

 

Cependant la neige tombe

Et par l’huis entrebâillé

Des étoiles d’argent nimbent

Le front blanc de sa moitié

 

« Pour la nuit ou bien pour l’heure

« Nous n’avons place pour toi

« Couchez-vous si ça vous chante

« Dans l’étable qui est là »

 

Et du doigt désignant l’ombre

Il referme à double tour

Le battant de son auberge

Et la porte de son cœur

 

Mais la nuit malgré les rires

On entend bien les clameurs

Nom de Dieu ! dit l’aubergiste

Y a le feu dans ma demeure

 

Il bouscule la servante

Et s’acharne sur la clef

Dans la nuit la neige bouge

Comme feuilles de lauriers

 

Rassuré il se rapproche

De l’étable des rôdeurs

Il voit double il se raccroche

Aux piquets de la clôture

 

Un enfant sur de la paille

Tout autour illuminé

Et les gens du voisinage

Debout près du monde entier

 

 

 

René Guy CADOU, Le diable et son train (1949),

Hélène ou le règne végétal (1952),

Œuvres poétiques complètes,

Paris, Seghers, 1973.

 

Recueilli dans La vie de Jésus racontée par les poètes,

par Jacques Charpentreau, DDB, 1982.

 

 

 

 

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