Le temps et la vie

 

 

Un fleuve immense, en sa course éternelle,

D’un pas égal roule ses flots puissants :

Là chaque monde a sa vaste nacelle,

Là glisse aussi chaque barque mortelle,

Conque fragile abandonnée aux vents.

 

Là notre vie, un moment balancée,

Suivant du temps les immortelles lois,

Naît et s’écoule, à mille soins passée,

Et là bientôt, sous la vague enfoncée,

Près des haillons meurt la pourpre des rois.

 

C’est le destin fatal de la matière ;

Tout a sa tombe auprès de son berceau :

Monts dans les cieux levant leur tête altière,

Et corps de l’homme, et globes de lumière ;

Tout !... L’esprit seul reste et plane sur l’eau.

 

Lui seul, partout, à sa source remonte ;

Lui seul a part au lot de l’Éternel ;

Lui seul du temps il sait faire le compte ;

Lui seul, faisant ou sa gloire ou sa honte,

Peut être grand même en un corps mortel.

 

Qu’il soit donc grand en nous ! qu’il s’enrichisse

De tous les biens que nous offre le sort !

Que la bonté, la vertu l’ennoblisse !

Que le savoir le guide et l’embellisse,

Et, par la foi, qu’il sourie à la mort !

 

 

 

Frédéric CAUMONT.

 

Recueilli dans

Recueil gradué de poésies françaises,

par Frédéric Caumont, 1847.

 

 

 

 

 

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