Veille rustique

 

 

Dans la maison couleur de cendres qui s’allonge, baignée d’ombre,

Seule, ce soir, veille une vitre lumineuse au milieu de la nuit.

Couchée dessus le sol dans le jardin et la face levée vers ce grand ciel de velours sombre

Où les étoiles innombrables se suivent à l’infini,

J’écoute, je regarde, je rêve en silence,

Dépassée par cette création qui déborde l’humain,

Si petite sur mes deux mètres de terrain

Au milieu de cet univers immense !

Parfois un train roule dans les ténèbres, et son bruit s’en va en s’effaçant...

Parfois, preste flèche de bruit, une moto rase le petit mur,

Lente étoile filante, un feu vert a glissé soudain au firmament

Et l’avion qui gronde révèle des humains au sein du sombre azur...

Dans la campagne plus obscure

Lointaine une radio susurre,

Une bête a bougé dans la proche verdure,

Un chien aboie, un moustique me frôle en vrombissant,

Et voici que s’élève dans la fraîcheur subite le chuchotis des grands peupliers frémissants...

 

Plus nombreuses au ciel devenu plus opaque, que d’étoiles si bien rangées !

Combien de fois, depuis combien de siècles, des hommes les ont-ils interrogées ?

 

Père, Maître de cet univers dont l’ordre nous confond,

Tu l’écoutes, n’est-ce pas, ta petite créature de Fonts,

Si petite, si faible, qui vint au monde condamnée à mort, comme toute créature,

Pas plus durable en somme avec son corps qui se fane que ces quelques ramures

Et les hauts arbres, avant elle plantés, lui survivront, oui cela est certain,

Mais je te parle, Père, et je le sais tu me réponds, même si je ne t’entends point,

Et notre échange mystérieux me fait grande en ma petitesse.

 

Un oiseau nocturne a passé et sur ma couverture je me redresse,

Allons, fille d’un jour, la nuit s’avance, il faut rentrer à la maison !

 

Bonsoir, Père, bénis mon sommeil et reçois mon oraison.

 

 

 

Henriette CHARASSON,

Sur la plus haute branche.

 

Paru dans la revue Le Noël

en mai 1938.

 

 

 

 

 

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