La vieillesse

 

FRAGMENTS

 

 

Voici le crépuscule et la froide saison.

            De la vie atteignant les cimes,

            Nous n’avons plus d’autre horizon

            Qu’un ciel sans fin ou les abîmes.

 

La terre, pour nous seuls sans amour et sans fleur,

            Par d’autres mains ensemencée,

            N’offre plus à notre pensée

            Que le vide ou que la douleur.

 

Les champs de nos aïeux ont fait place à des rues.

Les sillons d’aujourd’hui ne sont plus nos sillons,

La machine en travail et le bœuf des charrues

N’ont point vu nos efforts, senti nos aiguillons.

 

            Perdus au milieu des décombres,

            À chaque étape décimés,

            Nous n’embrassons plus que les ombres

            De ceux que nous avons aimés...

            

            Heureux qui, triomphant du doute,

            À l’espoir n’a pas dit adieu,

            Et n’a pas laissé sur sa route

            L’amour qui fait revivre en Dieu !

Il voit, dans l’homme éteint ou dans l’épi qui tombe,

Une moisson nouvelle, un être plus parfait,

            Il voit sur le bord de sa tombe

            Germer tout le bien qu’il a fait ;

            Sachant nos âmes immortelles,

            Il voit, dans ce monde attristé,

            Le nid, rempli d’obscurité,

            Où l’aiglon n’attend que des ailes

            Pour parcourir l’immensité.

 

 

Gustave CHATENET.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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