Si l’Amour est éternel

 

 

Ayant enseveli son Nouveau-né,

Le sol humide, et hier encore en pleurs,

Fut parsemé de fleurs pour le retour

De l’Époux désiré de notre terre.

 

Les oiseaux chantèrent, mariant leurs voix,

Leurs hymnes pour la plaisante saison,

Et d’un concert mélodieux et doux

Dirent la bienvenue au gai printemps.

 

À ce chœur, les susurrements du vent,

Le gazouillis murmurant d’un ruisseau,

Les sons variés des feuilles mouvantes,

Harmonieusement prenaient leur part.

 

Alors, avec un amour indicible,

Ce couple heureux d’un bonheur mutuel,

Mélandre et la charmante Célinda,

Firent de leur amour hommage à l’heure.

 

Longtemps, les yeux attachés sur le ciel,

Ils demeurèrent sans un mouvement,

Comme si nul miroir ne pouvait mieux

Refléter un amour si grand et pur.

 

Lors, d’un visage tendre mais ému,

Elle parla. « Ami très cher », dit-elle,

« Oh si notre amour ne finissait pas,

Ou s’il pouvait n’avoir point commencé !… »

 

… Alors, d’un air qui niait, semblait-il,

Tout pouvoir de la terre, sauf le sien,

Mais comme s’il ne devait qu’à son souffle

Une vie empruntée, il répondit :

 

« Non, bien-aimée, j’ai complète assurance

Que les vertus en nous enracinées

Et qui imprègnent l’âme tout entière

Doivent durer avec elle à jamais.

 

Vains, autrement, seraient les choix des âmes,

Et plus vaines seraient les lois du Ciel,

Si a une cause toujours active

Elles donnaient un effet périssable.

 

Ni sur la terre donc, ni au delà,

Notre pur sentiment ne peut s’éteindre,

Car là où Dieu laisse entrer la Beauté,

Pensez-vous qu’il n’admette pas l’amour ?

 

Ces yeux encore verront tes regards,

Ces mains étreindront à nouveau ta main,

Et toutes les joies chastes qu’on peut dire

Seront pour nous de durée éternelle.

 

Car si les sens perdaient tout leur usage

Dès que les corps quittent la vie présente,

Ou s’ils ne pouvaient plus goûter de joie,

Pourquoi jamais ressusciteraient-ils ?

 

Et, si tous les esprits, bien qu’imparfaits,

Voient dans l’amour la fin de tout savoir,

Que parfait sera notre amour, là où

Toute imperfection est corrigée !

 

Que donc, Célinda, nul doute n'effleure,

Ne gagne, surtout, votre noble esprit ;

Si l'âme n'avait son immortalité,

Notre amour égal la lui donnerait.

 

Ainsi quand nous aurons quitté la terre,

Et que nous ne serons plus vous ni moi,

Par le mystère de notre union,

Chacun sera tous deux, tous deux un seul. »

 

 

 

Lord Herbert de CHERBURY.

 

Traduit par Louis Cazamian.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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