Angelus

 

 

Le pieux murmure monte vers le ciel…

Vers le ciel étoilé chacun envoie

Ses désirs ou ses rêves, selon ce qui l’occupe.

« L’atteindrai-je pourtant ? L’atteindrai-je jamais ?.… »

Les rêves, les désirs éclosent et s’enlèvent

       Et retombent à travers le céleste crible.

 

Du tumulte fiévreux de la grande cité

Se dégage là-bas une oraison fervente.

Des vœux inquiets, provoquants, impérieux

S’élancent vers le firmament

Qui boit tous ces cris révoltés

       Et les renvoie en étoiles filantes.

 

Égoïsme mesquin, rêves de vanité :

Tout se confond en un ton de prière.

« Exauce-moi, Père des cieux ! »

L’Éternel les entend ou ne les entend pas :

Les rêves, les désirs éclosent et s’enlèvent

       Et retombent à travers le céleste crible.

 

Mais au milieu de la vaste pousta

La vie est la prière et réel est le rêve.

Les voiles de la nuit descendent peu à peu :

En bas, le ciel gris ; en haut, les étoiles.

Dans une bleue opacité

Se noient les contours, les reflets et les nuances :

Seul un rayon du soleil disparu, —

Tel un songe qui se dissipe, —

Met sur l’horizon du couchant

Une pâleur discrète.

Un moment de silence absolu. Puis

S’éveille une vie mystérieuse :

Un oiseau attardé

Va rejoindre sa compagne.

 

La nuit s’anime :

Le chant des grillons monte en mille accents

Qui font vibrer l’immense plaine

Et, comme des soupirs sous un voile soyeux,

L’emplissent d’un doux bercement de vague :

L’air pur du soir est pénétré

Par les senteurs de la terre

Et les sons et les parfums

Volent vers les splendeurs sidérales.

 

Un homme, immobile,

Projette dans la nuit une silhouette sombre.

C’est un pâtre ; son troupeau dort :

Lui, muet, regarde…

Tout est calme autour de lui :

La voix de la vie se perd dans le silence ;

Désirs, espoirs se dissolvent ici

En une paix sublime

Où disparaît le souci du lendemain.

 

Le pâtre regarde ; dans ses grands yeux paisibles

On ne voit ni désir ni question, mais le rêve et l’espoir ;

Bien plus, on sent qu’il tient son rêve :

Le repos, le bonheur, – le sentiment, la vie.

Il songe à sa compagne. Lentement, il élève les yeux

Vers le ciel brillant d’étoiles.

Un mot lui vient aux lèvres : « Mon doux Dieu ! »

Fait-il avec une spontanée inconscience.

Ce mot s’enlève et se disperse dans la brume,

Dans le chant des grillons, dans les émanations du thym ;

Porté par les vagues embaumées et sonores,

Il vole de la terre au ciel.

La prière a pris ici une forme

Dans l’unique mot d’un être vivant

Qui ne se révolte pas, qui n’a ni désir ni plainte,

Mais qui s’adresse au ciel avec calme et confiance.

 

Chant et prière, envolés depuis longtemps,

Brillent au firmament en un rayon d’étoile.

 

 

 

Minka de CZÓBEL.

 

(Traduction du hongrois par M. Guillaume Vautier.)

 

Paru dans la Revue de Hongrie en 1908.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net