L’océan

 

 

A. M. A. P.

 

 

Dresse, dresse, océan, ta superbe crinière ;

Coursier de Jéhovah, dévore ta carrière,

Nous proclamant celui qui dessina tes bords.

Déploie avec orgueil la masse de tes ondes ;

J’aime à vous contempler, sublimes vagabondes,

Quand vous venez briser follement sur vos bords.

 

Ô mer, quel bras jamais mesura ta distance ?

Quelle force égala ta forte résistance ?

Parmi les éléments, quel autre est comme toi ?

Jamais tu ne verras, sur tes vastes domaines,

Des pas d’hommes rester aux flots que tu promènes,

À qui tient à ses jours, tu dis : « Fuis loin de moi. »

 

Il s’avance pourtant, il vient le téméraire

Tenter sur ton abîme un rude itinéraire,

Et trouver dans tes flancs sans bornes un tombeau.

S’il atteint bien des fois le fortuné rivage

Où ses vœux l’out poussé, il essuya l’orage,

Et tu le soutenais comme une goutte d’eau.

 

Les escadres des rois, mouvantes citadelles,

Sur tes flots menaçants, Océan, que sont-elles ?

Qu’est-ce que leur terreur devant ta majesté ?

De ces vains appareils que ta plaine secoue,

Géant portant un nain, ta puissance se joue ;

Près de toi c’est un point devant l’immensité.

 

Les peuples vers la mer s’acheminent sans cesse.

Le temps a dévoré l’Assyrie et la Grèce ;

Le colosse romain à son tour s’est enfui.

Et toi, terrible mer, tu conserves tes vagues,

Tes flots suivent leurs cours tumultueux ou vagues ;

Océan autrefois, océan aujourd’hui.

 

Mais au-dessus de toi tu reconnais un maître,

Le principe premier et la source de l’être,

Dont la grandeur se peint dans ton immensité.

Que ta surface au loin paisible se déroule,

Que ta fureur éclate ou s’apaise ta houle,

Je vois en toi sa force et son éternité.

 

Je te salue, ô mer, toi que dès mon enfance

J’aimai dans ton repos, j’aimai dans ta démence :

C’était pour te revoir quand je t’ai dit adieu.

Ta voix m’arrive encore au fond de ma retraite,

Et me dit : « Suis toujours mon exemple, poète ;

Si tu courbes le front, que ce soit devant Dieu. »

 

 

 

Pascal DARBINS.

 

Paru dans La France littéraire,

artistique, scientifique en 1859.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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