Notre pain quotidien

 

 

Il y a des chrétiens qui sont des escaladeurs de paradis. Il y a ceux qui sont des « terriens ». Ils attendent que le paradis descende en eux et les creuse à sa taille.

La taille du paradis en nous, c’est l’accomplissement minutieux et magnanime de notre devoir quotidien ; ce devoir qui est le contraire de ce qu’on pourrait appeler l’esprit de mouvement, de recherche.

C’est lui qui livre à la visitation de Dieu la petite parcelle d’humanité que nous sommes et qui nous établit dans une ordonnance d’amour.

Faire son devoir quotidien, c’est accepter de rester là où on est pour que le règne de Dieu vienne jusqu’à nous et s’étende sur cette terre que nous sommes ; c’est accepter comme une obédience large la matière dont nous sommes faits, la famille dont nous sommes membres, la profession où nous travaillons, le peuple qui est le nôtre, le continent qui nous entoure, le monde qui nous enserre, le temps où nous vivons.

Car le devoir d’état n’est pas cette obligation mesquine dont on parle quelquefois, c’est la dette de notre état d’êtres charnels d’enfants ou de pères, de fonctionnaires, de patrons, d’ouvriers, de commerçants, de Français, d’Européens, de « citoyens du monde », de vivants de 1941.

C’est le paiement de cette dette, versée intégralement dans le sou à sou de chaque seconde, qui ferait de nous des justes.

Ce serait un grand voyage que de faire le tour du devoir ainsi envisagé.

 

 

 

Madeleine DELBRÊL,

La joie de croire, Seuil, 1968.

 

 

 

 

 

 

 

 

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