La maisonnette

 

 

Très loin, très loin sur l’horizon,

Dans le bleu vif du grand espace,

J’ai vu jaillir une maison...

 

Si petite !... Un nuage passe,

Dans le bleu vif du grand espace,

Et tout se voile à mon regard.

 

Dis-moi, très lointaine chaumière,

Comment te vis-je, par hasard,

Perle, blancheur dans la clairière ?

 

Le jour naissait de toute part ;

Comment te vis-je, par hasard,

Gentil fantôme, en quelque rêve ?

 

L’astre joyeux semait de l’or

Sur le sable nu de la grève ;

Il en jetait encore, encor !

 

Un étincellement sans trêve

Sur le sable nu de la grève

Où la chute s’en venait choir.

 

La vague déferlait, rieuse,

Du sein des nuits, comme un espoir,

À l’aurore silencieuse.

 

Dans ce décor, sur un fond noir,

Du sein des nuits, comme un espoir,

Tu parus, Maisonnette blanche !

 

L’air tiède berçait ton sommeil ;

L’orme étendait sur toi sa branche,

Parmi les rayons du soleil.

 

Sourire d’arbre qui se penche,

L’orme étendait sur toi sa branche,

Le grand ami de chaque jour.

 

Frêle panache, ta fumée

Montait, spirale de velours,

Et dans l’éther s’est consumée.

 

Était-ce ton hymne d’amour,

Montant, spirale de velours,

Dans l’infini des solitudes ?

 

Alors j’ai vu s’ouvrir soudain,

Réveil des douces lassitudes,

Tes volets verts, au grand lointain.

 

Le vent m’apportait ses préludes,

Réveil des douces lassitudes,

Le frais concert éclos aux nids.

 

Tout chantait : le bois et la plaine.

Dans la maison, rayons bénis,

Éclairiez-vous bonheur ou peine ?

 

Secret des matins rajeunis,

Dans la maison, rayons bénis,

Oh ! glissiez-vous une espérance ?

 

Reprenant mon sentier, rêveur,

J’ai réfléchi, dans le silence,

Et j’ai prié le bon Sauveur.

 

Là-bas, était-ce la souffrance ?

J’ai réfléchi, dans le silence,

Aux grands mystères d’ici-bas.

 

Pour ceux, jeunes ou vieux, là-bas,

Dans la petite maison blanche,

Pour eux tous j’ai prié tout bas.

 

Me retournant, pliant la branche,

Vers la petite maison blanche,

Je n’aperçus plus rien, plus rien.

 

Firmament bleu, forêt muette,

Et tout l’espace, seul gardien

De la chaumière d’épinette...

 

Mon âme aussi, la voit-il bien,

De son beau ciel, l’ange gardien ?

Mon âme est une maisonnette...

 

Qu’elle est petite, la pauvrette !

 

 

 

Benoît DESFORÊTS, Poèmes de solitude,

Mistassini, s. d.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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