Le Christ

 

 

                                DIALOGUE

 

 

                                                         SOUVENIR DE GUSTAVE MOREAU.

 

 

                                  I

 

– JÉSUS-NAZARÉEN, prophète et fils de Dieu

A voulu transférer sa vie à son idée

      Et nous gagner le Royaume des Cieux

      Par les sursauts de sa chair lapidée.

 

Donc, il est descendu vers nous, prêchant la Loi,

      Offrant à tous la Science des Mages,

      Prêchant l’amour et rendant témoignage...

A été pris, jugé, condamné, par les Sages,

Et cloué, mains et pieds, en hostie, à la Croix.

 

 

                                 II

 

      Au Golgotha, les trois croix sont dressées,

      Christ au milieu, sur la plus haut placée.

Bientôt, ayant souffert ce qu’il fallait souffrir

            Pour le rachat de notre dette,

                  Semailles faites,

                  Il va mourir.

 

 

                                  I

 

Du geste de ses bras étendus sur la terre,

Il protège, attirant à lui tout le malheur

            Et toute l’humaine misère

Et pour que s’accomplisse enfin le grand Mystère

Comme s’il résumait toute notre misère

            Et toute l’humaine prière

Les yeux vers l’avenir, il offre ses douleurs,

Sachant que c’est ainsi qu’il rejoindra son père.

 

 

                                  II

 

      – Il va mourir ; les temps sont révolus,

            Le sang déjà ne coule plus

            Dans sa barbe et sur sa poitrine...

            Flanc troué, couronné d’épines,

Il va mourir selon le don qu’il a voulu ;

            Il souffre de façon divine.

 

 

                                  I

 

– ... Et comme il regardait à droite, il a souri.

 

 

                                  II

 

Maintenant oubliant l’étape douloureuse,

            Les clous, le fiel, le front meurtri,

Il défaille, exaucé, baignant sa face heureuse

Aux rayons glorieux du soleil qui décroît.

Alors comme un immense et splendide mirage

Au-delà des toits blancs de la vallée, il voit

      Au-delà des lieux, à travers les âges,

Le monde tout entier renaître par sa mort

Et l’Homme, esclave en pleurs et souffrant de l’attente,

            Plier les bagages, les tentes,

            Lever le camp, prendre l’essor

Et, secouant enfin son long espoir inerte,

S’en aller vers les temps par les portes ouvertes.

 

 

                                  I

 

Et comme il regardait à droite, il a souri :

Et son miracle, et son triomphe, il l’a compris

Car pour fruit du sublime offertoire, tandis

Que le peuple ayant vu s’en retourne à ses coffres

                  De gros sous et d’argent fin,

                              Voici qu’enfin

            Se tend vers lui, brûlante, et s’offre

 

La bonne Humanité des larrons convertis.

 

 

 

Fernand DIVOIRE, 15 novembre 1906.

 

Paru dans Les Entretiens idéalistes en 1906.

 

 

 

 

 

 

 

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