Mer latine

 

 

Je ne chanterai pas les froides mers du Nord ;

Les rivages figés et les hautes tempêtes,

D’autres diront la vie et la beauté des fjords

Et les septentrions dans des aubes de fête.

 

Non ! je ne dirai rien des neiges et des froids

Et des mers charriant les glaces en cortège,

Ni des ports pleins de brume où se rouillent des croix,

Car je suis prise au cœur par un bleu sortilège.

 

Seule la mer latine où glisse le soleil

Retiendra ma chanson qui redira sa gloire,

La mer bleue où s’accroche un grand rêve vermeil

Fait de sang et de rose et de soie et de moire.

 

Cette mer caressante à nos rivages bleus,

Où l’oranger s’abreuve à la brise saline,

Cette mer toujours prête aux travaux comme aux jeux

Et qui tient des vieux dieux cette grâce divine.

 

Oui ! je la chanterai cette nappe de ciel

Où l’orient lointain a déposé sa trace,

Cette mer de l’enfance où le couchant de miel

Mire les reflets d’or de la plus sainte face.

 

Ah ! comme elle sait bien cadencer la langueur,

Les soirs de volupté dans les étés de lune !

Comme elle sait griser avec l’âme le cœur

Sur le blond littoral et sur la blanche dune !

 

Dans les ports endormis à l’odeur de safran

Elle élève la nuit sa grande voix berceuse,

Elle a le charme étrange et ce charme nous prend

Et ne nous quitte plus loin de sa rive heureuse.

 

Qu’elle en a vu partir des cœurs désespérés

Sur de grands vaisseaux blancs caressés par la brise !

Qu’elle en a vu venir de grands rêves dorés !

Et son flot endormeur apaise, chante et grise.

 

J’ai gardé dans le cœur ce beau souvenir bleu

Et je songe, parfois, lorsque la vie est triste,

Que cette antique mer reçoit ses dons de Dieu

Qui sculpte chante et peint comme un très grand artiste.

 

 

Mireio DORYAN.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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