La Bonne Mère

 

 

Vous sur qui veille ma tendresse,

Ô mes trésors, enfants chéris !

Autour de moi jouez sans cesse,

Votre âge est la saison des ris.

 

Les doux moments de votre enfance

S’écouleront trop vite, hélas !

Que longtemps votre insouciance

Se livre à de joyeux ébats !

 

Votre sort est digne d’envie.

Vos jours filés de soie et d’or ;

Les chagrins qui troublent la vie,

Ne vous assiègent pas encor.

 

La candeur couvre de son voile

Vos fronts charmants et radieux ;

Brillante et pure est votre étoile,

Dans sa route à travers les cieux.

 

Pourquoi cette époque riante

Ne peut-elle toujours durer ?

Votre gaîté, parfois bruyante,

Devra plus tard se modérer.

 

À des jouets, l’heureuse enfance

Borne ses vœux et ses désirs ;

C’est sous l’abri de l’innocence

Qu’il faut chercher les vrais plaisirs.

 

Pour voler de vos propres ailes,

Quelque jour vous nous quitterez :

L’espoir, les craintes maternelles

Vous suivront, anges adorés !

 

Jusques là, partage avec nous

Tous nos plaisirs, toutes nos peines,

Et l’air que nos chaudes haleines,

Ont rendu si tiède et si doux.

 

Ici, tu n’es point le profane

Qu’un jour notre code exila ;

Étends ton aile diaphane

Sur les vingt têtes que voilà !

 

Nous aurons pour toi l’ambroisie,

Les bosquets, les vallons charmants :

Il est vrai, tous ces agréments

Ne sont que fleurs de poésie !

 

Nous aurons l’ombrage du bois

Et le hêtre où le vent soupire ;

Mais, hélas ! tu tiens peu, je crois,

À ces bocages de Tityre.

 

Parmi les fleurs de l’oranger

Tu veux frôler ton aile agile,

Et nous n’avons que dans Virgile

Les parfums, les fleurs du verger.

 

Vois-tu la nymphe gracieuse,

À l’ombre fraîche de l’ormeau,

Écoutant la chanson joyeuse

Et les doux sons du chalumeau ?

 

Vois-tu la plaine jaunissante ?

L’abeille qui cherche son miel,

L’astre du soir qui brille au ciel ?

Mais c’est Virgile encor qui chante !

 

Ah ! si nos fleurs sont sans appas

Et nos ruisseaux sans onde fraîche,

L’autan, du moins, ne pourra pas

Te rouler comme la fleur sèche

 

Mais, de l’enfant vif et rieur

Tu dois éviter la malice ;

Ton aile semble un pur calice,

Il te prendrait pour une fleur.

 

Vole, vole jusqu’à la voûte,

Va y cacher ton beau vermeil,

Suis ce blanc rayon de soleil,

Qui vient pour te montrer la route.

 

Eh ! veux-tu connaître le lieu

Qui jusqu’en avril te réclame ?

C’est l’étude de Notre-Dame 1,

Petit papillon du bon Dieu.

 

 

 

Paul DUBOIS.

 

Paru dans La Muse des familles en 1857.

 

 

 

1. Dénomination du Séminaire.

 

 

 

 

 

 

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