La lutte

 

 

Ami, cette fournaise ardente

Où tu mets ton âme et ton sang,

C’est à la fois enfer du Dante

Et paradis éblouissant.

Le dévoûment, divin mystère,

À ton oreille dit tout bas :

« Pilote, aperçois-tu la terre ?

« Regarde bien, elle est là-bas ! »

 

Le progrès, c’est le vol de l’aigle

Dans le ciel pur de l’idéal ;

C’est la loi sainte, c’est la règle

Qui fait le bien avec du mal.

C’est lui qui, comblant le cratère

Sans cesse béant sous tes pas,

Te dit : « Aperçois-tu la terre ?

« Regarde bien, elle est là-bas ! »

 

Ceux qui se donnent à leur cause,

Le destin ne les lâche plus ;

La lutte est une apothéose

Et les lutteurs sont des élus.

Voix de la conscience, austère,

Qu’on écoute et n’étouffe pas,

Le devoir leur dit : « Terre, terre !

« Regardez bien, elle est là-bas ! »

 

Marche donc, ami, dans tes voies,

Confiant, le front inspiré !

L’avenir réserve ses joies

À qui n’a pas désespéré.

Le sacrifice est salutaire ;

Pas de victoires sans combats,

« Pilote, aperçois-tu la terre ?

« Regarde bien, elle est là-bas ! »

 

 

 

Élie DUCOMMUN.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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