Centaine à Marie

 

FRAGMENT

 

 

Marie maternelle, élue entre toutes pour partager aux enfants des hommes le pain et le vin dans la Maison du Père,

 

Priez pour que nul ne se perde de ceux qui ont faim et soif par les chemins, et tout chemin est si difficile !

 

Marie bienheureuse, par qui la lumière a été manifestée dans la nuit entre les bergers et les anges,

 

Veillez pour qu’en toute nuit désirante l’étoile de Bethléem se lève comme la Promesse infaillible.

 

Faites s’il se peut que nul chant ne s’égare à cause de l’obscurité des cœurs, et aussi que nul chant ne s’épuise

 

À ramer entre ciel et terre comme un oiseau blessé, et la pire blessure est celle du désir : musique de ce monde, misère de ce monde

 

Trop aimé. Il est vrai que la création est belle, où nous avons nos tentes et nos amours ici-bas,

 

Et que le mal n’est pas dans la beauté du monde, car les cieux chantent la gloire de Dieu

 

Et la terre est toute pleine des bénédictions d’En-Haut, ainsi que le poète le proclame dans l’abondance de son cœur.

 

Mais peut-on aimer ce qui n’est point ? Et toutes ces choses qui appauvrissent de ce qui est, la voix du poète en sera-t-elle exaltée ?

 

Écoute, âme captive ! L’homme n’est pas fait pour se sinistrer dans le noir du désir quand il y a la lumière autour de lui qui éclate

 

Aux yeux, si seulement les yeux s’ouvrent à cette grâce qui est là comme le sourire de Marie, et qui n’attend que d’être regardée.

 

 

 

Mes yeux se sont ouverts. Sois bénie, Mère clémente, pour ce sourire innombrable qu’une petite sainte de miséricorde,

 

Amie de Jésus et par toi visitée dans la onzième année de son exil terrestre, chaque jour fait rayonner sur la pauvre détresse humaine,

 

Une claire petite sainte semeuse de roses, rose elle-même sur le mont Carmel de l’amour divin,

 

Notre sœur Thérèse, de qui je témoigne ici que j’ai par trois fois reçu un signe, indélébile, un signe avec sa signature même,

 

Thérèse de France mystérieusement suscitée comme Geneviève et Clotilde et Jeanne et tant de filles de Dieu dans ce vieux royaume arrosé du sang des martyrs,

 

Dans ce bel hexagone mystique où tu es tellement chez toi, ô Notre-Dame aux mille vocables, que toutes nos routes s’étoilent à partir de ton grand vaisseau lutécien.

 

Mes yeux depuis longtemps se sont ouverts, et tout a maintenant pris sa place et sa figure dans l’évidence de la dernière saison, vêpres avant complies,

 

Comme du haut de la Madeleine de Vézelay la vaste plaine qui se développe sous le ciel avec ses bois et ses labours dans le grand recueil de la lumière occidentale ;

 

Et je vois que la terre est belle, mais que le ciel est véritable, dont le chemin en nous passe par cet arbre douloureux proposé à notre adhésion totale.

 

Et Marie qui fut au pied de la Croix sait bien ce qu’il en coûte pour accepter toute croix dans son cœur, mais aussi qu’il n’est point d’autre passage

 

Vers la Joie, – et c’est pourquoi son sourire vers nous se fait tendre et fort comme l’amour d’une mère qui souffre dans la chair de sa chair,

 

Mais qui se raidit et refoule ses larmes, et qui lutte contre son enfant pour l’arracher à l’enlacement de la mort.

 

 

 

Sois bénie, ô Marie miraculeuse et pure, Virgo singularis, unique élue en qui tous sont appelés.

 

Marie réparatrice, Marie libératrice, Ève enfin véritable et vraie mère des vivants, Marie annoncée en Israël et par Gabriel certifiée,

 

Marie si nécessaire que la Grèce déjà te vénérait sous la figure de la Vierge sage (et dans Rome même un autel se préparait pour toi sous le titre de Minerve)

 

Marie servante du Seigneur (et sans toi le Verbe n’habitait point parmi nous), Marie unie aux trois Personnes dans le magnificat de l’éternel Avent,

 

Recours et secours ici-bas, Marie auxiliatrice, étoile du voyageur perdu dans la forêt des sorts,

 

Arche d’alliance dans la fureur des flots, promesse et qui sera tenue, eau vive déjà dans le désert pour les cœurs brûlés,

 

Prologue au ciel dans la procession éternelle de l’Amour et transfiguration finale après les combats de la terre,

 

Marie à Bethléem dans la tendre considération de Jésus, ô mystère de cet enfant qui est Dieu même, et puis Marie dans le saint labeur de Nazareth en Galilée,

 

Conférant avec l’or et l’encens le sens profond de la myrrhe dans son cœur promis au glaive, – et Marie en effet par le travail de la Croix toute rompue et transverbérée,

 

Marie à l’heure de Ténèbres comme une hostie surajoutée, – mais Marie aussi du soleil revêtue ainsi que Jean le prophétise (et déjà des prodiges ont éclaté parmi nous),

 

Sainte Marie des Anges au front couronné d’étoiles, douce Vierge au manteau, Mère aux bras ouverts, écoute mon humble voix sur la terre,

 

Pénitente et qui t’offre dans son défaut, comme un pauvre le peu qu’il a, ce qu’il reste d’enfance dans ce cœur durant qu’il bat.

 

 

 

Jacques DURON.

 

Inédit pubié dans Prier Dieu avec les poètes, Ecclesia.

 

 

 

 

 

 

 

 

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