Le mystère des âmes

 

 

 

Ô les jolies heures de rêveries douces et de méditations sérieuses par les sentiers couverts d’herbes fines si délicieusement molles au marcher ! Et pendant que, penchée sur notre âme, nous écoutons ce qu’il s’y dit, les arbres se chuchotent leurs confidences et toutes les fleurs des bois se balancent mollement au rythme de la berceuse que leur chante le vent léger. Et l’on va seule, seule avec soi, et seule avec les doux fantômes que l’on évoque. On cause avec eux sans réticences, sans détours, d’âme à âme, comme nous pouvons le faire si rarement, hélas ! quand des yeux rencontrent nos yeux, et que des mots répondent à nos mots.

Nous nous ignorons tellement de ce côté-ci du ciel, que les meilleures causeries que nous puissions avoir avec ceux que nous aimons sont souvent celles d’où ils sont absents, et où leur âme seule est tout près de nous.

N’avez-vous pas été saisis de cette incompréhension pénible des cœurs qui paraissent unis, en entendant les phrases qu’ils se jettent avec insouciance et qui sont comme des lueurs fugitives sur l’abîme qui les sépare ?

Mais quand on s’aime ? m’objectez-vous... Mon Dieu, on peut s’aimer ardemment et ne pas toujours se comprendre.

Rappelez-vous les silences forcés où vous n’osiez pas crier ce qui vous montait du cœur parce que vous n’étiez pas sûre d’être comprise. Rappelez-vous les paroles dites presque contre votre pensée afin d’éviter un froissement ; rappelez-vous vos chagrins pour un mot qui vous faisait mal et dont l’autre ignorera toujours qu’il vous a déchirée...

Tout cela parce que les âmes se frôlent, s’aperçoivent par éclairs, se rejoignent pendant quelques rares et précieux instants, mais qu’elles restent en général inconnues et presque étrangères les unes aux autres. C’est peut-être dans l’amitié que l’entente peut devenir plus grande et plus durable, parce que l’amitié vit dans le calme, et que la confiance s’est formée peu à peu, en dehors et au-dessus de la passion qui bouleverse les âmes et aveugle les esprits. Mais, même quand vous arrivez à cette entente relative, combien de coins secrets de votre cœur vous mettez à l’abri des yeux de l’amitié la plus sincère ; et elle, de son côté, garde ses secrets aussi jalousement que vous !

L’épreuve de la terre, c’est ce mystère que nous sommes les uns pour les autres, et à mon avis, le ciel ce sera de tout comprendre dans ceux que nous aimons, de ne plus pouvoir être pour eux l’occasion d’un chagrin et de ne jamais souffrir par eux. Le ciel ce sera donc l’amour dans sa perfection... Cela me suffirait à moi !

Voilà les petites histoires que je raconte à mes fantômes quand je me promène avec eux dans les chemins verts ou sur les grèves de velours que les vagues caressent. Ils me répondent avec les mots que je dirais moi-même ; je n’ai jamais besoin de rien leur expliquer et nous nous entendons si bien, si bien, que nous nous croyons déjà au ciel !

 

 

FADETTE, Lettres.

 

 

 

 

 

 

 

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