Acte de foi

 

 

                                           À Michel Bréchet.

 

 

Je suis devant vous, Hostie

Sainte, qui m’éblouissez

Comme une flèche partie

Du Soleil d’amour : percez

Les ténèbres de mon âme

Des mille traits d’une flamme

Qui va me laisser ravi

Par mort intime blessure,

Et fier de la meurtrissure

Dont ma chair aura gémi.

 

Et vous êtes là, divine

Ardeur ! Je vous vois, Seigneur,

Lys éclatant des collines

Du matin ! Ô noble fleur

Plus belle que la lumière

Qui revêt d’azur la terre,

Ne vous cachez pas, quand, moi,

Je m’avance vers la cime

Où s’épanouit, sublime,

Votre grâce, Éternel Roi !

 

Je vous salue, ô réelle,

Glorieuse chair du Christ

Ressuscité ! Et j’appelle

De la ferveur de mes cris

Le Pain que les plus beaux Anges

Ne réclament ni ne mangent :

Il faut que mon triste corps

Lentement se divinise,

Si, terrestre, il agonise,

Qu’il triomphe de la Mort !

 

Oui, je crois que je m’élance

Vers les oasis sans fin

De l’immortelle Espérance

Et de l’Amour sans déclin !

Est-ce moi qui vais connaître

Les Perfections de l’Être ?

Un instant, je me perdrai

Dans les forêts de la Grâce,

Et ni le temps ni l’espace

Ne raviront mon secret !

 

À Dieu je serai semblable ;

Ce sera lui qui vivra

En mon vieux cœur misérable,

Car son Pain très pur fondra

Dans ma chair renouvelée

Et de gloire constellée !

Qui saura si l’infini

Amour a brûlé mon âme

Ou si le feu de ma flamme

Au feu divin s’est uni ?

 

Surgissez, ô mes pensées,

Et des cages de la nuit,

Sortez ! Vos ailes blessées

Gémissaient, mais aujourd’hui

Envolez-vous vers l’église,

Colombes, l’heure est exquise !

Puis, montez vers le ciel bleu

Dans l’extase des prières

Et soyez les prisonnières

Et les esclaves de Dieu !

 

 

 

René FERNANDAT.

 

Paru dans La Muse française en 1924.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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