Deux novembre

 

 

Tu reviens, froid novembre, et ta deuxième aurore

Ramène après dix ans le plus triste des jours,

En vain dix ans ont fui ; notre deuil dure encore,

          Il durera toujours.

 

En vain dans un ciel pur, un pur soleil rayonne,

En vain, tardif trésor, on voit encor des fleurs

Languissamment sourire au languissant automne,

          Sous de pâles couleurs.

 

Le bois qui jette au vent sa couronne effeuillée,

Pour dernière parure, en vain retient encor

Sur son front demi-chauve, une aride feuillée,

          Mobile réseau d’or.

 

Rien ne parle à mon cœur en ce jour plein de larmes.

Rien que d’amers regrets, un vivant souvenir,

Penser tendre et pieux empreint de tristes charmes,

          Que tout vient rajeunir.

 

Et qui peut consoler ceux à qui manque un père ?

Le cœur de l’orphelin te pleure sans retour,

Providence qui fis notre enfance prospère,

          Saint et premier amour !

 

L’amitié, cependant, à me guider fidèle,

Ange aux regards divins, éclaire mon chemin,

Me soutient de son bras, me couvre de son aile,

          Presse ma faible main.

 

Et moi, je la bénis, mais sous un noir nuage,

Accablé de ses maux, mon front reste abaissé ;

Ainsi souffre penché longtemps après l’orage

          L’arbuste au cœur blessé.

 

Las ! le malheur sépare et le trépas décime

Ceux que les mêmes bras si souvent ont pressés,

Et dans ce jour de deuil le sort qui nous opprime

          Nous a tous dispersés.

 

Le plus jeune n’a pas achevé sa journée,

Au céleste repos, il nous précéda tous.

Son âme, sa belle âme aux cieux est retournée,

          Sa tombe est loin de nous.

 

Avant qu’il eût conquis sur les traces d’un père,

Les palmes du tribun et des grands citoyens,

Hélas ! Dieu le ravit aux larmes de sa mère,

          Aux vœux de tous les siens.

 

Oh ! qu’ils sont doux, ami, nos loisirs studieux ;

Souvent pour approcher du Dieu qui les inspire,

Nous suivons dans leur vol les anges de la lyre.

Aux arts, ce toit modeste est un temple pieux ;

Ah ! qu’ils méritent bien l’amour que tu leur voues !

Arrêtez-vous, du temps, silencieuses roues !

 

Ici, l’âme s’éveille à l’espoir retrouvé,

Comme à ce doux soleil s’ouvre une fleur tardive,

Comme du clair ruisseau l’onde longtemps captive,

Frémit au souffle pur du printemps arrivé.

Ô temps, serre des nœuds que souvent tu dénoues.

Arrêtez, arrêtez, ô trop rapides roues !

 

De chants à peine éclos quand tu berces mes jours,

Ami, quand près de moi ta muse s’est posée,

Je crois revivre : ainsi la céleste rosée

Reverdit l’humble lierre au front des hautes tours,

Ma main touche avec crainte au luth dont tu te joues.

Arrêtez-vous du temps silencieuses roues !

 

 

 

Pauline de FLAUGERGUES.

 

 

 

 

 

 

 

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