Sur un trépas

 

 

Qui meurt jeune meurt bien. Qui est aimé de Dieu

Est couché dans sa fleur au sein frais de la terre.

La mort est équitable, et qui meurt centenaire

Se dissout aussi tôt que celui qui meurt jeune

Et celui-ci meurt mieux. Comme il est moins âgé,

Il a bien moins souvent et moins diversement

Offensé Dieu. Voilà ce qui, à l’ordinaire,

Rend dure notre fin. C’est la conviction

De n’avoir pas les mains pures et de savoir

Que l’adolescent, lui, n’est que foi et droiture.

Il meurt calme, ignorant crainte et tourments du cœur

Qui, plus cruellement qu’un cancer, rongent l’âme

Et nous tuent bien avant que la mort ne nous fauche,

Portant ses coups puissants sur notre chair débile.

C’est lorsqu’on meurt qu’on voit comment on a vécu.

Faible vie, faible mort. Un cœur craintif frémit

D’éternelle terreur. Mais être ami de Dieu,

Nul effroi n’a de glace et nul souci de feu.

Ainsi meurt l’homme jeune. À quoi bon donc narrer

Ce qui d’un noir tourment remplit nos cœurs séniles,

Nous rend blêmes le jour et frémissants la nuit ?

Chacun sait bien comment, où, en quoi il fauta,

Ce que le jour terrible et que plus d’un redoute

Viendra mettre en lumière. Et ces choses, ces craintes,

L’enfant en est exempt. Donc songez, pâle mère,

Si le destin cruel est pour vous aussi dur

Que vous l’imaginez. Perdre un enfant pieux,

C’est savoir ce qu’on lègue au siècle comme au ciel :

La terre est maternelle et prend certes le corps,

Mais le ciel sur l’esprit a des droits paternels.

 

 

 

Paul FLEMING.

 

Recueilli dans Anthologie bilingue

de la poésie allemande,

Gallimard, 1993.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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