Un crépuscule au bord de la mer

 

 

Le soleil au couchant allume un incendie,

Et tout l’occident brûle en des lueurs de sang,

Et chaque nue autour du globe incandescent

Semble une torche immense au fond du ciel brandie.

 

– « Soleil générateur des moments radieux,

Pourquoi jeter l’effroi dans cette heure paisible ?

– De l’aube jusqu’au soir, dit le soleil terrible,

Mon orbe fut témoin de crimes odieux. »

 

Et l’astre ceint du nimbe ardent de la fournaise,

Laissant les cœurs humains frémir désespérés,

Descend du ciel muet les éclatants degrés,

Rouge effroyablement ainsi qu’un bloc de braise.

 

Il sombre ; et l’Océan le contient dans son cœur,

Et la vive rougeur s’étend de lame en lame ;

Alors subitement toute la mer s’enflamme.

– « Est-ce le dernier soir de l’univers, Seigneur ?

 

« Est-ce qu’il va bientôt dévorer notre terre

Avec l’humanité maudite par son Dieu,

Dans le déferlement de ses houles de feu,

Tout ce gouffre marin igné comme un cratère ?

 

« Astre, image du Dieu puissant qui nous a faits,

Penses-tu de son bras la rigueur affaiblie ?

Tu nous accuses ! – Non, dit le soleil, j’oublie ;

Et je jette au néant des flammes vos forfaits. »

 

Et l’astre éblouissant de qui naît toute chose,

Avant que l’ombre au loin ne monte au firmament,

En gage de pardon projette infiniment

Une immense lueur qui teint la terre en rose.

 

 

 

F. FLEURIOT-KÉRINOU.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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